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Après avoir enchaîné le vol Ascension-Brize Norton puis le trajet de Londres à Minneapolis, Sarah et Christopher avaient l’impression d’avoir la tête prise dans un étau et les poumons encombrés de poussière d’avoir trop longtemps respiré l’air de la cabine pressurisée.

Engourdis, ils passèrent les contrôles d’identité et foncèrent vers le loueur de voitures où leur 4 × 4 réservé les attendait, prêt à démarrer.

Sans perdre une seconde, ils avaient programmé le GPS pour rejoindre la petite ville de Soudan par le chemin le plus rapide et avaient traversé les étendues immenses et boisées de l’État, à l’extrême limite de l’excès de vitesse.

Près de trois heures trente après leur départ de la capitale, ils quittèrent la 53 vers l’est et, après avoir foncé sur une route limitée à 15 miles à l’heure, ils aperçurent enfin le panneau indiquant « Soudan Mine State Park ». Le chemin bordé par les bois grimpait vers les hauteurs d’une butte, et ils distinguèrent soudain le vieux puits d’extraction de la mine perché au sommet d’une colline. Sa structure métallique couleur rouille dépassait des frondaisons verdoyantes s’étendant tout autour à perte de vue.

Pratiquement tous les emplacements du parking étaient libres et ils se garèrent près du drapeau américain flottant au vent, non loin de l’entrée.

Le moteur coupé, Christopher consulta une nouvelle fois sa montre, comme il l’avait fait il y a moins de cinq minutes. Il était presque 10 h 30. Il leur restait deux heures pour entrer dans la mine, trouver les documents, ressortir et foncer vers l’aéroport pour reprendre leur vol.

Juste avant de sortir, Sarah regarda Christopher. Le contour de ses yeux s’était un peu plus creusé, et son regard semblait luire seulement par intermittence, comme une lampe arrivée en fin de vie. Elle-même se sentait à bout de forces.

Ils quittèrent le véhicule et se rapprochèrent en courant du cabanon surmonté de l’inscription « Tickets ». La préposée au guichet d’entrée, une étudiante blonde d’une vingtaine d’années aux cheveux gaufrés, leur offrit un accueil souriant avant de leur préciser que la prochaine descente aurait lieu douze minutes plus tard.

Elle leur indiqua du doigt une file d’attente d’environ cinq personnes qui patientaient déjà au pied du puits d’extraction.

Christopher ramassait leurs tickets et venait de demander s’il y avait bien un laboratoire de recherche souterrain dans la mine quand il remarqua que l’expression si souriante de la jeune femme se muait brutalement en une attitude nerveuse. Non pas à cause de la question de Christopher, mais parce qu’elle avait vu quelque chose dans leur dos.

Christopher et Sarah se retournèrent pour voir arriver une berline noire aux vitres teintées, qui se gara elle aussi au plus près du baraquement de l’entrée.

— Euh… finalement, la descente va avoir lieu maintenant, précisa la jeune femme de l’accueil. Si vous voulez bien vous rendre immédiatement à l’ascenseur. Eh oui, il y a bien le laboratoire, mais il n’est pas ouvert au public. Bonne descente !

De la voiture noire sortit un homme assez jeune, en costume. De petites lunettes cerclées d’or sur le nez, il avait les yeux rivés sur son smartphone. Sans lever la tête, il marcha vers l’ascenseur, longea la file d’attente, salua le guide qui attendait à l’entrée et prit place dans la cabine.

Le guide secoua une cloche et pressa les visiteurs d’entrer à leur tour en distribuant à chacun un casque de sécurité bleu.

À peine Christopher et Sarah s’étaient-ils fait une place dans la cage de métal que le guide referma la grille, souhaita la bienvenue aux visiteurs et déclama fièrement qu’ils allaient désormais faire un voyage de plus de sept cents mètres en ligne droite vers le centre de la Terre. Quelques exclamations impressionnées vinrent couvrir le bruit de l’ébranlement de la ferraille annonçant le début de la descente.

Alors que le froid pénétrait lentement à travers les vêtements et que l’ampoule accrochée au plafond s’éteignait par intermittence, Christopher et Sarah tentèrent de voir de plus près l’homme en costume qui était sorti de la berline noire. Mais ce dernier s’était collé au fond de l’ascenseur, dans leur dos, et, dans un si petit espace, il eût paru trop suspect de se retourner. Ils pouvaient cependant être à peu près certains que ce type n’était pas un touriste et qu’il travaillait probablement ici. Soit pour la mine elle-même, soit pour le laboratoire.

Et compte tenu de la diligence avec laquelle le guide avait accéléré le départ, il existait de très fortes probabilités pour qu’il occupe un poste à responsabilités.

Après une poignée de minutes de descente, l’ascenseur ralentit et s’arrêta dans un bruyant soubresaut.

Le rideau de métal coulissa et s’ouvrit sur une galerie souterraine dont la pente rocheuse descendait vers une dizaine de wagonnets à deux places accrochés à une locomotive jaune. Des spots lumineux placés au sol balisaient le chemin jusqu’aux rails.

Christopher et Sarah voulurent s’asseoir dans le dernier wagon pour avoir une vue d’ensemble, mais l’homme en costume les dépassa et s’y plaça le premier. Ils durent prendre place dans le wagonnet juste devant lui.

— Attention au départ ! lança le guide, debout sur la rame locomotrice de tête.

Le petit train s’ébranla et passa devant trois scènes reconstituées avec des mannequins de mineurs de l’époque au travail. Face à chaque tableau, un panneau rappelait en quelques chiffres la dangerosité du métier, mais aussi la fierté de ceux qui y travaillaient.

Au terme de cette introduction, le guide demanda à tout le monde de bien rester assis pendant la suite du trajet, car les conduits par lesquels ils allaient passer étaient bas de plafond.

Le petit train accéléra son rythme et entama un périple tortueux dans une zone éclairée seulement par les phares avant de la locomotive. Si bien que tous les wagonnets de l’arrière étaient plongés dans l’obscurité.

Finalement, le train freina et s’arrêta.

— Personne ne descend ! lança le guide dans un hygiaphone. Cet arrêt est uniquement technique. Nous attendons le positionnement d’un aiguillage. Nous allons repartir dans quelques secondes. Merci ! Et faites attention aux fantômes !

Le temps que quelques personnes gloussent, et le train se remit en marche.

— Merci d’avoir patienté ! Nous voilà repartis !

Au même moment, Christopher perçut du coin de l’œil une forme passer juste à côté de lui. Par instinct, il se retourna. L’homme en costume n’était plus derrière eux.

— Sarah… chuchota-t-il.

— Je sais, murmura-t-elle. Mais attends, pas maintenant…

Christopher vit s’éloigner l’homme en costume qui éclairait son chemin avec une lampe de poche.

— On va le perdre, s’agaça Christopher.

— On y va, lança Sarah.

Sauter du train ne semblait pas impossible, mais restait un exercice périlleux. On n’y voyait rien et l’espace entre les wagons et les parois de la grotte était variable.

Sarah n’attendit pas. Elle se leva, posa un pied à terre dans le sens de la marche et courut tout en s’accrochant à la rambarde du wagon de sa main valide. Puis elle lâcha prise et parvint à freiner sa course sans perdre l’équilibre.

Christopher mit à son tour un pied à terre et, voulant imiter Sarah, il agit avec diligence. Mais surpris par la vitesse, il trébucha et fut rattrapé de justesse par Sarah. À une seconde près, sa tête percutait la paroi rocheuse.

— Merci, souffla-t-il.

Puis il serra la main de Sarah et, suivant chacun la roche du tunnel de l’autre main, ils empruntèrent la même direction que l’homme en costume dont la lueur venait de disparaître vers la droite.

Ils s’approchèrent sans faire de bruit et découvrirent un boyau creusé qui quittait la galerie centrale vers la droite.

L’homme en costume se tenait au bout du conduit rocheux, devant une porte. Il était penché sur un petit haut-parleur enchâssé près du battant, visiblement agacé.

— C’est quoi, ce foutoir ? Ça fait plus de deux minutes que j’attends ici ! Vous étiez où ?

Une voix essoufflée surgit du petit amplificateur vocal.

— Pardon, monsieur Kenston, mais la mise en marche du nouveau module est imminente et… et… excusez-moi, j’ai couru, j’ai du mal à parler, et les ingénieurs avaient besoin de tout le personnel pour fixer les derniers éléments dans les plus brefs délais. C’est M. Davisburry qui l’a demandé. Il est impatient, comme vous le savez. J’ai donc dû m’absenter quelques instants. Je confirme votre identité tout de suite. Allez-y.

Jonas Kenston plaqua la paume de sa main sur l’écran biométrique et on entendit un son électrique qui commandait l’ouverture de la porte blindée.

Sans prévenir, Sarah surgit de leur cachette..

 

L’assistant de Davisburry tourna la tête en entendant le martèlement des pas derrière lui et se précipita pour franchir la porte. Sarah le rattrapa et le poussa, tant et si bien que l’homme bascula en arrière. Une fois au sol, Sarah le retourna face contre terre, un bras coincé dans le dos.

Christopher déboula derrière et se faufila juste avant que la porte ne se referme.

Ils étaient dans une espèce de sas aux murs et au sol gris, au sommet d’un escalier en métal descendant encore plus bas dans les profondeurs. Un homme en tenue de gardien leur faisait face, l’air paniqué. Il tourna la tête vers un bouton d’alarme fiché dans le mur.

Sans réfléchir, Christopher se jeta dans sa direction. Plus rapide et entraîné qu’il en avait l’air, le garde détourna l’offensive maladroite de Christopher qui chuta sur les marches de l’escalier.

Et alors que le garde s’apprêtait une nouvelle fois à enfoncer le bouton d’alarme, il fut surpris par Sarah qui se ruait sur lui. Elle évita le coup que le gardien tenta de lui porter avant de lui écraser son poing dans le flanc. L’homme se plia en deux et Sarah l’assomma.

Elle releva la tête juste à temps pour apercevoir la silhouette de Jonas dévaler les escaliers.

Christopher, qui venait de reprendre ses esprits, se releva et sauta les marches trois par trois. Sarah s’empressa de le rejoindre, mais dut avouer que Christopher faisait cette fois preuve d’une célérité étonnante.

Malheureusement pour eux, Jonas avait pris de l’avance.

Christopher pencha rapidement la tête au-dessus de la rambarde et aperçut l’assistant de Davisburry qui dévalait les dernières marches. Le type allait leur échapper et prévenir la sécurité.

Sans réfléchir au danger, Christopher enjamba la balustrade et sauta dans le vide. Ses pieds dérapèrent sur l’une des épaules de Jonas, projetant celui-ci si violemment vers l’avant qu’il percuta le sol de face. Christopher roula sur le côté, mais, à son tour, il rata sa réception et une cinglante douleur irradia ses côtes en lui coupant le souffle.

Sarah déboula en bas de l’escalier. L’homme qu’ils poursuivaient avait perdu connaissance. Près de lui, Christopher se tenait le côté, grimaçant, cherchant désespérément à respirer. Sarah le positionna sur le dos en lui relevant légèrement la tête.

Christopher semblait à l’agonie.

Elle plaça une main sur son ventre et colla sa bouche à la sienne avant de souffler. En projetant de l’air dans ses poumons, elle débloqua la contraction musculaire de son diaphragme et Christopher respira l’air à pleine goulée.

Il avait à peine avalé une gorgée d’air qu’il fit signe à Sarah de s’occuper de l’homme qu’ils avaient réussi à arrêter.

Elle retourna ce dernier, s’assura qu’il n’avait que le nez cassé et qu’il respirait encore. Puis elle le fouilla pour lui retirer son téléphone et, enfin, elle le secoua pour le réveiller. À peine avait-il ouvert les yeux qu’elle le saisit à la gorge d’une poigne glaciale.

— Qu’est-ce que vous cherchez ici ? lui siffla-t-elle à l’oreille.

— Lâchez-moi ! éructa l’homme.

— Tais-toi ou tu meurs.

Jonas Kenston ne répondit pas.

— Qu’est-ce que vous cherchez dans ce laboratoire ? répéta-t-elle.

— Vous ne saurez rien, et n’allez pas vous imaginer une seule seconde que j’ai peur de mourir.

Sarah vit alors Christopher arriver derrière elle.

— Tiens-le bien et fais en sorte qu’on ne l’entende pas crier.

Sarah s’exécuta sans comprendre ce que Christopher comptait faire.

— On n’a plus le temps pour la compassion, murmura-t-il, et il écrasa lentement le nez brisé de Jonas.

Ce dernier écarquilla les yeux de douleur en essayant de se débattre dans tous les sens, mais Sarah le maintenait muet et immobile avec force.

— Tu n’as pas peur de mourir, mais tu es comme tout le monde, tu as peur de souffrir. Parce que ça se passe ici et maintenant et que ça s’arrêtera seulement si tu réponds à nos questions.

Le corps de Jonas se soulevait au rythme d’une respiration saccadée déclenchée par la souffrance qui venait d’irradier dans tout son corps.

— Je répète donc : qu’est-ce que vous…

Jonas montra d’un mouvement des sourcils qu’il voulait parler. Sarah décolla lentement sa main, sans trop l’éloigner de sa bouche au cas où il lui viendrait l’envie d’appeler à l’aide.

— Comment… comment avez-vous fait pour arriver jusqu’ici… vivants ? bégaya Jonas.

— Bon, je vois que tu ne comprends pas, s’agaça Christopher.

Il allait lui écraser le nez de la paume de sa main.

— Attendez, souffla Jonas. Attendez, dit-il en tremblant. Arrêtez.

Son front perlait de sueur, la peur transpirait dans son regard et il guettait la main de Christopher comme le chien battu guette le coup qui peut s’abattre à n’importe quel moment.

— À… quoi… sert… ce… laboratoire ? siffla Christopher entre ses dents.

Jonas tourna la tête et baissa les yeux.

— C’est un centre d’étude et d’analyse du rayonnement cosmique.

Jonas vit les sourcils froncés de Christopher qui s’apprêtait de nouveau à appuyer sur sa fracture.

— Nous cherchons à capturer une… particule fantôme.

Christopher s’attendait à un délire scientifique, à une expérimentation hasardeuse. Mais ce qu’il venait d’entendre n’avait rien d’absurde ou de risible. Cet homme venait d’évoquer l’un des plus grands défis auxquels la science était confrontée depuis près de soixante-dix ans.

Sarah chercha le regard de Christopher pour l’éclairer.

— Ils… ils tentent d’identifier la plus grande énigme de l’univers, dit-il.

Sarah lui fit comprendre qu’elle en attendait plus.

— Eh bien… c’est quelque chose de très bizarre à accepter, mais… disons que pour faire simple, quand tu regardes le ciel, les étoiles, les planètes ou même moi en ce moment, dis-toi que tu ne vois que 4 % de ce qui existe.

— Quoi ?

— 96 % de l’univers est constitué d’une matière qu’on ne voit pas, qui passe à travers les murs, à travers nos corps, à travers la terre, les métaux. Un truc qui existe à peine et qui pourtant régit toutes les règles de l’univers. Sans ces 96 % de matière inconnue dans l’univers, on ne pourrait pas expliquer la rotation des étoiles, les mouvements des galaxies. Le problème, c’est qu’on sait qu’elle existe, mais on ne sait pas ce qu’elle est, puisque personne n’a réussi à la voir et encore moins à la capturer pour l’analyser. Elle échappe à tous les instruments de mesure. C’est le seul élément au monde que l’on n’arrive pas à saisir. C’est pour ça qu’on l’appelle matière noire ou matière fantôme…

— Et c’est quoi le rapport avec ce qu’on a trouvé sur l’île et les recherches de ton père ?

Christopher se tourna de nouveau vers Jonas qui fermait les yeux, sur le point de s’évanouir.

— Pourquoi cherchez-vous à capturer une particule fantôme ?

Jonas rouvrit à moitié les yeux. Christopher leva le poing au-dessus de son visage, menaçant.

Quand Jonas parla, sa voix témoignait d’une pensée mûrie et si sérieuse qu’aucun doute n’était permis sur son authenticité.

— Parce que… nous sommes certains que les particules fantômes de matière noire sont… les âmes.

Christopher abaissa son poing.

— Les âmes…

— Oui. C’est pour cette raison que la science ne parvient pas à saisir les particules de cette matière, ou même à les voir. Elles sont fantômes au sens propre du terme. Ces particules sont les âmes des êtres défunts… et celles des êtres à venir, celles qui attendent d’être incarnées.

Christopher resta interdit. Sarah elle aussi semblait chamboulée.

— Comment êtes-vous arrivés à cette conclusion ? demanda-t-elle.

Jonas respirait bruyamment et faisait désormais des efforts visibles pour lutter contre l’envie de dormir.

— Grâce au graphortex et aux enregistrements des visions des morts… balbutia-t-il.

— Nous sommes au courant pour les cinq points, précisa Christopher.

Jonas rouvrit les yeux, un mélange de surprise et de terreur dans le regard.

— Vous avez…

— Oui, nous avons fait ce qu’il fallait pour savoir. Alors, quel est le lien entre les cinq points et ce que vous affirmez sur les particules fantômes et les âmes ?!

— Qu’est-ce que vous allez faire de tout ça ?

Christopher posa la main sur le visage de Jonas et ce dernier comprit qu’il allait de nouveau souffrir. Il remua la tête. Au fond de lui, il savait que ses paroles ne changeraient de toute façon plus rien à leur immense projet. Mieux encore, plus ils les gardaient dans ce vestibule, moins il leur laissait l’occasion de perturber l’expérience en cours.

— Il existe une première cartographie en trois dimensions de la matière noire située dans l’espace, qui a été exécutée par un groupe d’astronomes. Nous avons analysé cet amas… et…

Jonas jeta un œil vers la porte du couloir. On venait d’entendre des applaudissements.

— … et… ajouta-t-il. Et… nous y avons découvert cinq étoiles dont l’alignement est exactement celui des cinq points que l’âme perçoit à l’instant de notre mort. Un alignement qui n’est présent dans aucune autre région de l’univers connu. Seulement dans cet amas.

Cette fois, même Sarah se laissa distraire de son rôle de guet et tourna la tête vers Christopher. Leurs regards se croisèrent, aussi bouleversés l’un que l’autre.

— Les âmes sont la matière noire, conclut Jonas. La vie éternelle existe, les religions ont toujours eu raison.

Christopher se ressaisit, essayant de mettre de côté l’abîme métaphysique qui continuait de s’ouvrir en lui.

On entendit de nouveau des acclamations provenant de derrière la porte, comme si un groupe de personnes félicitait quelqu’un.

— Qu’est-ce qui se passe là-bas ? demanda soudainement Sarah.

Jonas sourit, comme s’il visionnait un rêve éveillé.

— Nous allons être les premiers au monde à capturer une particule de matière noire.

— Et comment ? lui opposa Christopher.

— Nous avons mis l’argent, le temps et le savoir qu’il fallait pour fabriquer le piège à neutrinos le plus fin jamais inventé. Le seul qui devrait être capable d’isoler un seul de ces éléments, dont plusieurs millions traversent actuellement votre ongle sans que vous vous en rendiez compte.

— Et après ? insista Christopher. Vous allez en faire quoi ?

La lumière du couloir clignota au moment où on perçut une forte secousse. Jonas ne put s’empêcher de sourire.

— Nous allons prouver que ce neutrino est une âme et le monde sera changé pour toujours.

— Où se trouvent les preuves de tout ce que vous venez de nous dire ? demanda Sarah.

Jonas désigna du menton la porte au fond du couloir.

— Dans le bureau de Mark Davisburry, le directeur… en haut de la passerelle. Allez-y, mais votre présence ne changera désormais plus rien.

— Le mot de passe de son ordinateur ?

— Prométhée, soupira Jonas.

Sans attendre l’approbation de Christopher, Sarah compressa le nerf vagal de Jonas et ce dernier perdit connaissance. Ils traînèrent le corps sous l’escalier et ouvrirent avec prudence la porte derrière laquelle on venait d’entendre une salve d’applaudissements.