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Il était un peu plus de 16 heures quand Christopher déposa Simon chez ses parents en ce lundi 22 février en fin de journée.
Christopher leur raconta qu’on l’avait appelé pour une interview qu’il attendait depuis des mois et qu’il devait absolument y aller aujourd’hui. Il servit le même mensonge à Simon en lui jurant que ça n’arriverait plus. Mais le petit garçon fondit en larmes.
— Je veux voir papa et maman… hoqueta Simon en entrant dans la maison. Pourquoi… pourquoi je peux pas les voir !
Une main plaquée sur la bouche pour étouffer son émotion, Marguerite regardait son fils et son petit-fils en priant Dieu du fond du cœur de les soulager de leur peine. Edward se frottait le front comme pour effacer un sentiment de malaise.
— Je n’ai pas toutes les réponses, Simon… déclara Christopher en s’accroupissant. Mais je te promets que je cherche. La seule chose dont je suis certain, c’est qu’ils t’aiment toujours et qu’ils t’aimeront tout le temps de là où ils sont. Maintenant, tu devrais rejoindre ta grand-mère. Elle va te préparer un lit douillet comme celui d’une souris et peut-être même qu’elle va te lire une super histoire avant de dormir, OK ?
Quand ils disparurent à l’étage, Christopher se laissa retomber sur une marche et posa la tête entre ses mains en soupirant.
Il savait qu’il devait leur demander de partir tout de suite dans un hôtel loin d’ici. Mais il n’avait plus la force de faire subir un traumatisme de plus à Simon. S’il voyait que les craintes de Sarah s’avéraient fondées, il préviendrait immédiatement ses parents et leur demanderait de vite s’en aller.
— Qu’est-ce qu’il se passe, Christopher ? demanda Edward quand ils furent seuls.
— Je t’ai dit, c’est le boulot, un type qu’on cherche à interviewer depuis six mois vient de nous dire qu’il était OK, mais maintenant. J’ai pas le choix.
Edward hocha la tête d’un air dubitatif.
— Et qu’est-ce qu’il a de si important à dire, ce gars-là ?
Christopher fut surpris par la question. Son père n’avait pas pour habitude de s’intéresser à son travail.
— Il… C’est compliqué. Et puis…
— Écoute, je te demande ça parce que j’ai l’impression que tu nous caches quelque chose. T’es pas obligé de nous parler de toute ta vie, mais peut-être qu’on pourrait mieux t’aider si on en savait plus.
Christopher se leva et se dirigea vers la porte d’entrée. La considération impromptue de son père l’agaçait. Pour une fois qu’il s’intéressait à lui, il le stressait encore plus.
— Au contraire, vous m’aiderez en ne me posant aucune question. Je crois d’ailleurs que maman l’a bien compris. Demande-lui conseil de temps en temps, ça aidera tout le monde.
Edward jeta un regard noir à son fils, mais Christopher l’ignora et claqua la porte.
Il sauta dans sa voiture et programma son GPS sur l’adresse de la banque SwissCox à Villejuif.
Une pluie fine rendait la chaussée glissante et la lumière des phares fatigante pour les yeux. Christopher ne put s’empêcher de penser que son frère et Nathalie avaient connu les mêmes mauvaises conditions météo le soir de leur accident. À la différence près que Christopher roulait bien au-dessous de la vitesse à laquelle le véhicule d’Adam avait percuté la rambarde de sécurité. La police avait été formelle, la voiture était lancée à plus de 110 km/h sur une route limitée à 70. Christopher ne comprenait pas comment l’accident aurait pu être provoqué. Ni le moteur ni les freins n’avaient été trafiqués et aucun véhicule n’était venu couper la trajectoire de la voiture d’Adam.
La voix du GPS tira Christopher de sa réflexion pour lui annoncer qu’il était parvenu à destination. L’enseigne éclairée de l’établissement bancaire apparut bientôt derrière un rideau de pluie au bout de la rue. En se garant, il aperçut Sarah, adossée au mur jouxtant la porte d’entrée, les bras croisés, vêtue d’un blouson en cuir clair et d’un col roulé beige relevé sur le cou.
Il descendit de voiture et courut s’abriter à côté de l’inspectrice. L’avancée murale qui les surplombait était si fine que les gouttes rasaient leur visage et venaient s’écraser sur la pointe de leurs chaussures.
— Bonsoir, dit-il sans savoir s’il devait lui serrer la main.
Sarah répondit d’un petit hochement de tête, les mains enfouies dans ses poches.
Christopher frissonna en sentant une goutte de pluie glisser dans son cou. Il plongea la main dans sa poche et en sortit la petite clé.
— Et si on me réclame une pièce d’identité, je fais quoi ?
— On verra.
— Vous ne pouvez pas demander une perquisition du coffre en tant qu’inspectrice ?
Sarah fit non de la tête.
— Pas sans mandat délivré par un juge. Ce qui, dans le cas d’une collaboration entre deux pays, prendrait des semaines de procédure. Et on n’a pas le temps.
Christopher secoua la tête en poussant un long soupir.
— OK, donc tout se joue dans quelques secondes et c’est sur moi que ça repose ?
Sarah acquiesça en silence.
Ils longèrent le mur de la banque jusqu’à la porte pour éviter la pluie autant que possible et se présentèrent devant l’entrée de l’établissement sous un auvent. Un interphone indiquait qu’il fallait sonner pour obtenir l’autorisation d’entrer.
Le cœur battant de plus en plus vite, Christopher appuya sur le bouton vert.
Au silence d’une dizaine de secondes succéda l’ouverture du sas permettant l’entrée dans la banque.
Christopher poussa la porte, suivi de Sarah. Ils passèrent sous un portique de détection de métal. Sarah ayant anticipé ce contrôle, elle avait laissé son arme dans sa valise, elle-même rangée dans une consigne de la gare de Lyon.
Les dalles en marbre rose qui tapissaient le hall d’entrée étaient si parfaitement cirées qu’elles reflétaient leurs corps avec la fidélité et la luminosité de l’eau. Nul doute, l’endroit était réservé aux personnes fortunées.
Deux vigiles se tenaient discrètement dans les coins de la pièce et, derrière un comptoir en acajou, deux employés étaient occupés chacun avec un client tandis qu’un troisième commis leur adressait un sourire, les invitant à le rejoindre.
L’homme qui les accueillit devait avoir une trentaine d’années. En costume-cravate, les cheveux parfaitement coiffés, très mince, il affichait un sourire professionnel. Ses gestes étaient précis, méticuleux, comme chorégraphiés pour susciter la confiance et le respect du client.
Christopher posa la clé du coffre sur le comptoir de marbre.
— Bonsoir, je suis M. Clarence et j’aimerais accéder à mon coffre, s’il vous plaît.
— Bien sûr.
Le réceptionniste baissa brièvement les yeux vers l’écran de l’ordinateur dissimulé sous son comptoir.
— Bien… nous allons pouvoir descendre à la salle des coffres.
Christopher se décrispa, mais sentit que Sarah restait tendue. Pourquoi ? Le plus dur était fait. On ne lui avait pas demandé de pièce d’identité.
— En revanche, reprit le réceptionniste en suivant une ligne du doigt sur l’écran de son ordinateur, je suis désolé, mais le coffre est nominatif et madame ne sera pas autorisée à nous accompagner. Souhaitez-vous un café ? Un thé pour patienter ?
Sarah déclina l’offre d’un non de la tête. Christopher, qui avait tressailli en entendant le « en revanche », souffla de nouveau.
— Bi… Bien, conclut le réceptionniste. Nous allons pouvoir y aller. Il me manque juste votre pièce d’identité.
La main tendue, l’employé regardait Christopher de ce même sourire poli.
— Je…
Du coin de l’œil, Christopher eut le sentiment que les deux vigiles en poste avaient bougé.
— Monsieur Clarence, il y a un problème ?
— Écoutez, s’expliqua Christopher, je suis le frère d’Adam Clarence, qui est décédé il y a un an. J’ai retrouvé cette clé dans ses affaires et je venais récupérer ce qui lui appartenait, voilà tout.
L’employé de banque consulta du regard les deux vigiles et prit un air embarrassé.
— Je suis désolé, mais vous auriez dû immédiatement me faire part de cette… version. À moins que… Attendez. Puis-je voir votre pièce d’identité, s’il vous plaît ?
Christopher consulta Sarah du regard. Elle battit des cils en signe d’acquiescement.
— Pourquoi ? demanda Christopher.
Le réceptionniste consultait l’écran de son ordinateur les sourcils froncés, comme si quelque chose l’intriguait.
— Parce qu’il se peut que je n’aie pas vu quelque chose.
Christopher tendit fébrilement sa carte d’identité.
— Merci, dit le réceptionniste en regardant attentivement la carte.
Il pianota sur son clavier et hocha la tête d’un air entendu, affichant un grand sourire contrit.
— Veuillez nous excuser pour ce malentendu, monsieur Clarence, dit-il, la tête légèrement inclinée dans un geste de repentir. Je n’avais pas vu que votre frère avait enregistré une procuration à votre nom pour l’ouverture du coffre. Si vous voulez bien me suivre, je vais vous conduire à la salle. Madame, si vous voulez bien patienter ici.
Christopher crut que ses jambes allaient se dérober sous lui. Il se retourna vers Sarah qui venait de pousser un soupir d’extrême soulagement.
*
Le réceptionniste guida son client vers l’escalier en marbre noir menant aux sous-sols de la banque. Christopher dut s’habituer à la faible luminosité des petits spots disposés au sol. Ils arrivèrent dans une salle d’attente munie de canapés en cuir noir et d’une petite table sur laquelle reposaient quelques magazines de finance et d’immobilier de luxe ainsi que trois bouteilles d’eau minérale. Deux vigiles, les mains croisées dans le dos, étaient postés devant la lourde porte circulaire menant à la salle des coffres privés.
— Je vais chercher la seconde clé du coffre de votre frère, monsieur Clarence, afin de procéder à l’ouverture, dit le réceptionniste. Si vous voulez bien patienter ici, je n’en ai que pour quelques secondes.
L’employé s’éclipsa par une petite porte et Christopher prit place sur l’un des canapés. Cette attente l’angoissa un peu plus. Il n’en revenait pas qu’Adam ait prévu une procuration pour lui. S’il l’avait fait, c’est qu’il se sentait menacé. Christopher chercha sa respiration. Le danger devenait de plus en plus palpable. Il pensa à Simon.
— Ça va, monsieur Clarence ? Vous voulez un verre d’eau ?
Le réceptionniste revenait à l’instant et regardait Christopher d’un air soucieux.
— Non, ça ira, répondit Christopher en se passant une main sur le visage. Allons-y.
Il se leva et attendit que l’employé de banque déverrouille la porte blindée. L’épais cercle de métal s’ouvrit sur une chambre forte éclairée d’un néon. Au centre luisait une table en inox.
— Le coffre de votre frère est donc le numéro 302, dit le réceptionniste en désignant un emplacement en hauteur. Enclenchez la clé dans la serrure gauche et je vais faire de même dans la droite.
Christopher inséra la clé et tourna au signal de l’employé. On entendit un déclic et la porte rectangulaire s’entrouvrit, dévoilant la poignée d’un coffret en métal qu’il fallait tirer comme un tiroir escamotable.
— Prenez le temps qu’il vous faut, dit le réceptionniste. Quand vous aurez terminé, replacez votre coffre et appuyez sur ce bouton rouge près de l’interphone pour sortir.
Le réceptionniste parti, Christopher fit glisser le boîtier de métal et le déposa sur la table. Puis il souleva le couvercle.
Sous la lumière blafarde apparut une enveloppe épaisse de format A4. Le coffre ne contenait rien d’autre.
À la fois inquiet et ému, Christopher plongea la main à l’intérieur de l’enveloppe et en retira une liasse de feuilles et une plus petite enveloppe blanche et vierge.
Il commença par examiner le paquet de feuilles.
On y voyait des textes très probablement tapés sur une vieille machine à écrire.
Il s’agissait visiblement d’un mémo classé top secret datant du 13 octobre 1963 – en pleine guerre froide, songea Christopher – rédigé en anglais et intitulé « Éléments projet 488 / MK-Ultra ». Il émanait d’un certain Nathaniel Evans et était adressé à Charles Parquérin. Christopher reconnut immédiatement le nom du P-DG de Gentix, dont son frère lui avait souvent parlé, notamment pour lui dire que les employés ne le voyaient jamais et que certains étaient même convaincus qu’il était mort. En revanche, Nathaniel Evans ne lui disait absolument rien. Il lut le mémo.
I. Nous vous rappelons l’indispensable livraison des doses de LS 34 à la date convenue. Un membre de l’US Air Force prendra directement contact avec vous afin que les produits soient acheminés vers la base en marge des circuits officiels.
II. Afin d’assurer la continuité des expériences, nous sollicitons votre appui dans le recrutement d’éléments tests. Veillez à ce que ces derniers soient des individus isolés, dont l’absence prolongée ou définitive n’attirera pas l’attention. En aucun cas ils ne doivent être informés des objectifs de nos expériences, sous peine de faire échouer le process.
Christopher reposa le document d’une main hésitante, une goutte de sueur glissant le long de son dos. Tout ce qu’il venait de lire lui semblait irréel. Et plus que tout le papier à en-tête siglé de la Central Intelligence Agency. La CIA.
Jusqu’ici, il avait nourri le secret espoir que toute cette histoire soit finalement une méprise.
Mais cette fois, il tenait entre les mains des preuves de pratiques médicales illégales et inhumaines, menées dans les années soixante, en secret, par la plus puissante des agences de renseignements au monde. Et cela en collaboration avec le laboratoire Gentix qui employait Adam. Le tout, semblait-il, dans le cadre d’un programme de recherche militaire pour des applications touchant à la biologie et au cerveau. D’ailleurs, le titre MK-Ultra lui rappelait quelque chose. Mais il était encore trop ébranlé pour se concentrer sur ses souvenirs.
Il massa sa nuque raide et essuya de nouveau ses paumes moites sur son jean. Puis il étudia les trois autres documents.
D’apparence beaucoup plus récente et datés du 25 août 2003, les deux premiers étaient des bons de commande de Gentix à deux sociétés différentes. L’un était destiné à une entreprise céréalière pour l’acquisition de dix kilos de Claviceps purpurea, substance que Christopher connaissait depuis ses enquêtes sur le trafic de drogue et que l’on appelait plus communément ergot de seigle. L’autre était adressé à une ferme domiciliée en Champagne-Ardenne et confirmait la commande de cinq kilos de pieds de pavot.
En marge de ces documents, Adam avait noté un commentaire éloquent : « Aucune de ces deux substances n’entre dans la composition de nos produits. Utilisation ? Dépense inutile ? À vérifier. » D’une autre couleur, comme si le commentaire avait été ajouté plus tard, on pouvait lire : « Fabrication LS 34 : interdit ! »
Sur la troisième feuille avait été photocopié un relevé des frais de poste de la société Gentix. Le tableau courait sur une dizaine d’années et au minimum trois fois par mois, Adam avait surligné une ligne d’un envoi à 250 euros vers une boîte postale en Norvège. Son commentaire disait « À vérifier ».
Christopher se laissa retomber contre le dossier de son siège, le regard perdu dans le vide. Voilà d’où toute cette affaire avait dû partir. Voilà d’où étaient nés les soupçons de son frère. Adam avait été recruté en tant que directeur financier adjoint de Gentix, avec comme mission principale de maîtriser les coûts de l’entreprise. Or Gentix ne devait pas savoir à quel point Adam était un homme méticuleux qui pouvait passer des heures et des jours à vérifier des détails dont personne ne se souciait. C’était une forme de trouble obsessionnel compulsif chez lui : le besoin d’être sûr de n’avoir rien oublié et d’avoir tout compris.
Les dirigeants avaient certainement imaginé qu’il se pencherait sur les grosses dépenses ou à tout le moins les moyennes et les petites, mais pas les microdépenses.
Mais c’était mal connaître son jusqu’au-boutisme, qu’il tenait d’ailleurs de son père qui, lors de ses rares incursions dans leur éducation, n’avait cessé de les obliger à aller au bout du bout de tout ce qu’ils entreprenaient.
C’est donc à partir de l’audit interne de Gentix qu’Adam avait remonté la piste jusqu’à retrouver le patient de Gaustad. Il avait probablement discrètement intercepté l’un des colis destinés à la Norvège, prélevé un échantillon et fait analyser son contenu, découvrant la production clandestine de LS 34 en interne. En suivant la trace du colis envoyé en Norvège, il était remonté jusqu’à l’hôpital psychiatrique de Gaustad. D’ailleurs, plusieurs photos étaient attachées au dos de ce dernier document et même si elles ne représentaient que des vues extérieures du bâtiment, elles laissaient clairement à penser qu’Adam s’était rendu sur place.
Christopher posa la main sur les deux derniers documents et se retourna pour s’assurer que personne n’était entré dans la chambre forte. Plus il progressait dans les révélations léguées par son frère, plus il avait le sentiment d’être surveillé, menacé. Comme si des tueurs pouvaient débarquer d’une seconde à l’autre pour le supprimer, lui et ses preuves accablantes.
Mal à l’aise et pressé de quitter cette salle métallique et oppressante, il posa sur le côté la petite enveloppe et fit rapidement glisser devant lui une feuille dans un bruissement de papier.
Dessus était dessiné une espèce de schéma sur lequel Christopher reconnut l’écriture penchée de son frère. Quatre grands cercles étaient tracés sur la feuille. Dans le premier était inscrit CIA, dans le second, Ford Foundation, dans le troisième Hôpital de Gaustad. Entre chaque cercle, des flèches et des notes manuscrites expliquaient en détail les liens entre les trois organismes. Au milieu des trois cercles se trouvait un quatrième où était écrit Application militaire souligné trois fois.
En résumé, la Ford Foundation, officiellement la plus grande organisation caritative des États-Unis, avait été selon plusieurs historiens et journalistes l’une des couvertures fétiches de la CIA pour récolter des fonds destinés à financer certaines opérations secrètes durant la guerre froide. Après une minutieuse enquête, une historienne avait même révélé plusieurs rencontres entre Allen Dulles, le directeur de la CIA de l’époque, et le patron de la Ford Foundation pour, disait-elle, la recherche mutuelle de « nouvelles idées ».
Or, constata Christopher en lisant chaque ligne des rigoureuses déductions de son frère, il était clairement établi, à travers plusieurs documents médicaux et financiers, que la Ford Foundation avait apporté un important soutien financier à l’hôpital de Gaustad en Norvège. La CIA semblait tout particulièrement s’intéresser à cet hôpital parce que son directeur de l’époque était un pionnier dans la recherche sur la chirurgie du cerveau, et notamment la lobotomie.
De chacun de ces trois cercles, Ford Foundation, CIA et Gaustad, partait une flèche qui convergeait vers le cercle Application militaire, sous lequel s’alignait une série de questionnements :
Objet des recherches ?
Nature des expériences ?
Résultats ?
Prolongement secret du programme ?
MK-Ultra ?
La bouche sèche, la nuque tendue, Christopher n’en revenait pas. Sur quelle immense affaire son frère avait-il mis la main ? Le journaliste qu’il était se sentait dépassé par l’ampleur de ce qu’il avait sous les yeux.
En se demandant bien ce qu’il allait trouver dans la petite enveloppe, il la décacheta avec précaution et en tira deux feuilles sur lesquelles un texte tapé à l’ordinateur avait été imprimé. Dès les premiers mots, Christopher pâlit et la nausée lui souleva l’estomac.
« Si tu continues à chercher ce qui doit rester caché, tu en paieras le prix : ta femme et ton fils sous tes yeux. Et tu suivras. »
L’autre menace était du même acabit.
« Dernier avertissement. La mort ne sera qu’un cadeau que tu réclameras à genoux pour toi et ta petite famille si tu n’abandonnes pas immédiatement. »
S’il avait fallu une preuve de plus pour croire à l’assassinat de son frère, Christopher la tenait entre ses mains tremblantes de stupéfaction et de rage.
Assommé, il resta immobile, debout sous le néon de la chambre forte dont l’air vibrait d’un lointain bourdonnement électrique. Il prit conscience que le peu de sérénité qu’il avait tenté de construire depuis la mort d’Adam venait de voler en éclats.
En hâte, il rangea tous les documents dans l’enveloppe kraft, replaça le coffre désormais vide dans son emplacement et claqua la porte qui se verrouilla toute seule.
Puis il demanda à ce qu’on le laisse sortir depuis l’interphone. Il adressa un bref signe de remerciement au réceptionniste en faisant son possible pour dissimuler sa fébrilité.
Il passa devant Sarah qui fut presque satisfaite de le voir si pâle et si pressé : il avait forcément trouvé quelque chose.