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« Toutes les religions nous assurent de la survie de l’âme après la mort. Que ce soit sous forme de réincarnation pour l’hindouisme, d’entrée dans le nirvana pour le bouddhisme, de l’arrivée au paradis dans le dogme du christianisme ou dans l’islam, du retour de l’âme dans son corps momifié pour les Égyptiens. J’ai longtemps et patiemment étudié les livres des morts tibétain, égyptien et chrétien. Tous ont la sagesse de nous apprendre à bien mourir, car tous nous assurent que notre âme survivra à notre mort. Ces textes ont été écrits entre 2000 av. J.-C. et le XVe siècle de notre ère. Tous décrivent avec minutie et une précision troublante ce que l’on voit après notre trépas. »

Mark Davisburry releva la tête, avala une gorgée de café et se massa le visage. La nuit qu’il venait de passer à réfléchir ne l’avait guère reposé. Il lui semblait que le discours qu’il avait commencé à rédiger la veille et qu’il s’apprêtait à donner devant son équipe de recherche pour la mise en route du nouveau module n’était pas à la hauteur de l’événement.

Il s’attarda sur la photo en noir et blanc posée devant lui. Il était aux côtés de Nathaniel Evans, les deux hommes fixant l’objectif d’un air fier, presque de défi, alors que l’on reconnaissait derrière eux l’entrée du baraquement de l’île de l’Ascension. Ce jour-là, ils venaient d’apprendre l’ordre de fermeture immédiate de tous les centres dédiés au programme MK-Ultra et avaient d’un commun accord décidé de poursuivre leurs formidables recherches en marge des autorités. L’un en fournissant un appui financier et politique pour placer secrètement les deux cobayes les plus prometteurs dans des hôpitaux européens. Et l’autre en assurant la supervision à distance des études sur les anciens et nouveaux sujets. De par son statut de directeur de recherche à la CIA et via la Ford Foundation, Mark Davisburry était parvenu à activer ses contacts en Norvège, où le premier sujet 488 avait été placé à Gaustad avec le soutien du ministre de la Défense de l’époque. Le second avait été transféré en France dans un hôpital psychiatrique grâce aux services de renseignements français, dont Davisburry était très proche depuis qu’il les avait aidés à déloger une taupe dans leurs rangs.

Le pacte entre Evans et Davisburry avait scellé le début d’une coopération de plus de trente ans, si efficace et si féconde qu’elle avait permis de mettre en place la seconde et ultime phase de leur opération.

Davisburry reprit sa rédaction, en essayant de faire honneur à l’esprit scientifique et pratique qui avait en permanence guidé leur ambition.

« Mettons un instant de côté la révérence historique que nous devons à ces textes majeurs, oublions un instant cette croyance qui voudrait que les anciens peuples savaient plus et mieux que nous. Sur quoi reposent ces écrits ? Sur quelles preuves se fondent-ils pour étaler leurs interminables descriptions ? Sur quelles expériences ? Existe-t-il une seule parole qui nous prouve que ces récits ne sont pas seulement le fruit d’une imagination humaine ? Comment ces hommes ont-ils pu savoir ce qu’il se passait après ? Certains d’entre eux sont-ils revenus de l’au-delà ? Vous connaissez la réponse comme moi : non. Ces textes ne sont pas des comptes rendus, ce ne sont que des conceptions inventées que l’on a habillées des vêtements de la vérité absolue.

Vous comme moi croyons à la survie de l’âme et nous n’avons pas besoin de preuve. Car nous avons la foi. Mais il est grand temps d’élargir notre cercle et de briser une fois pour toutes les résistances athéistes. Il est temps de réenchanter le monde en lui apportant les preuves de l’impensable. Mes chers collègues, le travail que nous accomplissons ici depuis des années va nous faire entrer dans l’histoire, non pas de notre siècle ou des siècles passés, mais dans l’histoire universelle. Grâce à nous, une vague religieuse va déferler sur l’humanité, drainant avec elle ses flots de joie et d’espoir… »

Satisfait, Mark Davisburry but une nouvelle gorgée de café et reprit sa rédaction, gagné par l’euphorie.

« Les religions vont enfin reprendre leur droit, redevenir les guides qu’elles auraient toujours dû être et le monde cessera de courir à sa perte. Car même les plus sceptiques nous rejoindront. Mes chers amis, nous allons être les pionniers du plus grand rapprochement de l’homme avec Dieu… Nous allons prouver scientifiquement que l’âme… survit à la mort. »

Davisburry rabaissa l’écran de son ordinateur portable et laissa infuser en lui les mots qu’il venait d’écrire.

Il bascula le dossier de son fauteuil en cuir et posa les pieds sur son bureau. Au même moment, son portable lui annonça l’arrivée d’un message. Il était de Johanna.

 

Contrat rempli. Risques éliminés. Preuves en cours d’acheminement.

 

Il reposa le téléphone sur le bureau. Il envoya un SMS à Jonas, son assistant, pour lui dire que tout était réglé et qu’il était convié à l’inauguration du nouveau module le lendemain à 15 heures. Puis il laissa échapper un profond soupir d’accomplissement.