Dusseldorf.

Donc, la première ville d’Allemagne où nous séjournâmes un peu, ce fut – je ne m’en vante pas – Dusseldorf. Et, dès mon arrivée, je regrettai de ne m’être pas arrêté à Krefeld.

Nous descendîmes, ainsi qu’il convient, au Bradenbrager-Hof.

Tout ce que je dirai de cet hôtel peut s’appliquer exactement à la ville, à toute la ville neuve, du moins, qui est, comme on sait, la ville, par excellence, du modern-style. Quand j’aurai décrit l’hôtel, j’aurai décrit la ville, ses rues, ses maisons chamarrées, ses boutiques luxueuses… sauf le Rhin, le large et beau Rhin qui s’obstine à repousser la collaboration de M. Vandevelde, et à conserver un style très ancien. En simplifiant, de la sorte, ma besogne, cela me permettra, par la suite, de ne pas prolonger en moi et en vous, chers lecteurs, cette espèce de cauchemar affolant qu’infligèrent à notre imagination, passionnée de belles lignes et de belles formes, tant de Belges exaspérés et novateurs… Car, à quoi bon vous le cacher ? – nous nous heurtons, partout ici, au lyrisme décoratif de M. Vandevelde. Après avoir mis à l’envers les maisons et les meubles de la pauvre Belgique, il est venu s’installer à Weimar… C’est de là qu’il déverse, sur toute l’Allemagne, les produits de ses fantaisies carnavalesques qui l’ont enfin amené à découvrir la quadrature du cercle et la circonférence du carré.

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Maupassant possédait, entre autres curiosités, un valet de chambre qui le servit fidèlement. C’était d’ailleurs un domestique fort avisé en toutes choses. Il avait de la littérature. Un jour, il dit à son maître, sur un ton grave et réservé :

– J’ai lu ce matin l’article de monsieur… Il est bien…

– Ah ! je vois qu’il ne te plaît pas…

– Mon Dieu !

– Que lui reproches-tu ?

– Je dois le dire à monsieur… Monsieur manque quelquefois de chic pour ses qualificatifs… Ils sont trop simples… Ils ne peignent pas assez exactement les objets… Ainsi dans l’article de ce matin, monsieur dit d’une orchidée qu’elle est belle. Sans doute, une orchidée est belle… Mais ce n’est pas la beauté… la beauté vague qui fait le caractère de l’orchidée… L’orchidée, monsieur, est étrange, maladive, perverse, fallacieuse, déconcertante… Moi, j’aurais écrit : « la déconcertante orchidée »… Je dis ça à monsieur…

– Mais tu as raison… avoua Maupassant que les réflexions de son valet de chambre amusaient toujours. Sais-tu que tu es épatant ?…

– Oh ! monsieur !

– Mais si… Et où as-tu appris tout ça ?

Alors, il se rengorgea, et, très sérieux :

– Monsieur, répondit-il… monsieur sait bien qu’avant de servir chez monsieur, j’ai servi trois ans chez un poète belge !…

Et, après un petit silence, négligemment :

– Monsieur n’oublie toujours pas mes palmes pour le 1er janvier ?…