22
Le retour du roi mit un terme à l’existence facile et comme insulaire des Compagnons dans la capitale. Il ne se passait presque pas de jour qu’Erius n’exige la présence à la cour de Korin près de lui, et les Compagnons l’y escortaient.
Une moitié d’entre eux du moins. Déjà séparés par l’âge, ils se retrouvaient désormais encore plus divisés par le sang et le titre. Tobin en était progressivement venu à comprendre les nuances subtiles qui distinguaient les gentilshommes des écuyers, tout issus qu’étaient les seconds de familles également nobles. Mais à présent, le distinguo se faisait sentir de manière infiniment plus aiguë. Quand Korin et les autres se rendaient à la cour, les écuyers continuaient à prendre leurs leçons au Palais Vieux.
Tobin ne goûtait guère ces nouvelles dispositions, car elles le privaient forcément de Ki.
Un après-midi qu’il déambulait dans l’aile des Compagnons, peu après son retour, à la recherche de son ami, il entendit tout à coup sangloter une femme quelque part, non loin. En tournant un coin, il entrevit une servante qui se dépêchait vers l’autre bout du corridor, le visage enfoui dans son tablier.
Il poursuivit sa route en se demandant ce que cela pouvait bien signifier, mais sa stupeur redoubla quand il perçut, aux abords de sa propre porte, de nouveaux pleurs. À l’intérieur, le page Baldus hoquetait, en larmes, recroquevillé au creux d’un fauteuil. Penché sur lui, Ki lui tapotait gauchement l’épaule.
« Qu’y a-t-il donc ? s’écria Tobin en se précipitant vers eux. Il s’est blessé ?
— Je viens juste d’arriver moi-même. Mais je n’ai rien pu tirer de lui jusqu’ici, sauf que quelqu’un est mort. »
Tobin s’agenouilla puis saisit le gosse par les poignets pour lui découvrir la figure. « De qui s’agit-il ? D’une personne de ta famille ? »
Baldus secoua la tête. « De Kalar ! »
Ce nom ne disait strictement rien à Tobin. « Tiens, prends mon mouchoir et torche-toi le nez. C’est qui, Kalar ? »
Le page reprit tant bien que mal son souffle et haleta: « La fille qui apportait le linge et qui changeait la jonchée de l’entrée… » De nouveaux sanglots l’étouffèrent.
« Ah, oui, fit Ki, la jolie blonde aux yeux bleus qui chantait tout le temps. »
Là, Tobin savait. Il aimait bien le répertoire qu’elle avait, les sourires qu’elle lui adressait toujours. Mais il n’avait jamais songé à demander comment elle s’appelait.
Ils ne réussirent à rien tirer d’autre de Baldus. Après lui avoir fait avaler trois gouttes de vin, Ki le fourra dans l’alcôve inutilisée, comptant qu’il s’y endormirait à force de pleurer. Molay survint à son tour et se mit à remplir ses fonctions, mais, contrairement à son habitude, d’un air sombre et sans desserrer les dents.
« Cette Kalar, tu la connaissais, toi aussi ? » finit par demander Tobin.
Tout en suspendant dans la garde-robe une tunique qui traînait par là, Molay soupira. « Oui, mon prince. Comme tout le monde ici.
— Que lui est-il arrivé ? »
Le valet de chambre ramassa des chaussettes abandonnées sous le banc de travail de Tobin et les secoua pour en faire tomber les chutes de cire et les copeaux de métal qui les tapissaient. « Elle est morte, messire.
— Ça, nous le savons ! s’impatienta Ki. Mais de quoi ? Pas de la peste, si ?
— Non, louée soit la Lumière. Il semblerait qu’elle était enceinte et qu’elle a fait une fausse couche la nuit dernière. On vient à peine d’apprendre qu’elle n’y avait pas survécu. » Sa prudente réserve l’abandonna un moment, et il s’essuya les yeux. « Et c’était encore presque une fillette ! s’emporta-t-il tout bas d’un ton colère.
— Cela n’a rien d’extraordinaire, de perdre un enfant comme ça, dès le début, surtout le premier, fit Ki d’un air rêveur, une fois Molay ressorti. Mais il est rare qu’on en meure… »
Plusieurs jours s’écoulèrent avant que les commérages de l’office ne parviennent au mess des Compagnons. À en croire la rumeur publique, l’enfant était de Korin.
Celui-ci prit la nouvelle avec philosophie ; après tout, il ne s’agissait là que d’un bâtard, et conçu par une bonniche, en plus. La rousse Lady Aliya, sur qui s’étaient concentrées les attentions du prince héritier depuis quelque temps, fut la seule à se montrer charmée de la triste nouvelle.
Kalar fut d’ailleurs d’autant plus vite oubliée que les deux gamins se retrouvèrent bientôt aux prises avec un autre événement fort désagréable et qui les frappait de beaucoup plus près. Car, non content de s’être débrouillé va savoir comment pour se faufiler dans la suite immédiate du roi, Moriel y faisait déjà figure de favori.
Korin ne se montrait pas pour sa part plus enchanté qu’eux de cette greffe inopinée sur la maisonnée de son père. S’ils devaient en croire le témoignage de leurs propres yeux, sa promotion n’avait nullement amendé les manières du Crapaud, mais le roi s’en était entiché. Plus que jamais verdâtre et arrogant, le grand jouvenceau de quinze ans révolus ne décollait pas d’auprès de Sa Majesté, toujours disponible et toujours obséquieux.
Au surplus, ses nouvelles fonctions l’amenaient fréquemment à fureter dans le Palais Vieux, qui n’avait guère eu jusque-là pourtant l’occasion de recevoir les visites des écuyers de cour. Mais le hasard voulait qu’il n’arrête pas de trouver quelque message à y délivrer, de venir chercher dans les ailes anciennes un objet dont Erius avait le plus pressant besoin. Chaque fois qu’il pivotait sur ses talons, Tobin avait l’impression que le Crapaud s’évanouissait au coin d’un corridor, quand il ne le surprenait pas à traîner ses chausses avec des commères ou avec ceux des écuyers qu’il avait pour copains. Ce qui, somme toute, revenait à exaucer ses vœux, ne fût-ce qu’en partie.
Korin l’abominait plus que quiconque au monde. « Il hante les appartements de Père plus que moi ! ronchonnait-il. Chaque fois que j’y mets les pieds, qui est-ce que j’y trouve ? lui, servile et rengorgé ! Et l’autre jour, il a profité d’un moment où Père ne pouvait l’entendre pour m’appeler par mon prénom ! »
La crise entre eux réussit à s’exacerber quelques semaines après. Tobin et Korin s’étant rendus chez le roi pour l’inviter à une partie de chasse, Moriel leur barra le passage. Au lieu de s’effacer respectueusement pour les laisser entrer, il fit un pas dehors et referma la porte derrière lui.
« Va avertir mon père que je désire le voir, ordonna Korin, déjà hérissé.
— Le roi ne veut pas être dérangé, Altesse », rétorqua le Crapaud d’un ton qui frôlait la grossièreté.
Le prince l’empoigna au col et le souleva de terre.
Tobin ne l’avait jamais vu se mettre vraiment en colère mais, maintenant, tel était bel et bien le cas.
« Tu vas m’annoncer immédiatement », commanda t-il d’une voix si dure qu’il aurait fallu être fou pour ignorer la menace.
Or, à la stupéfaction de Tobin, Moriel secoua la tête. « J’ai mes ordres. »
Korin n’attendit que le temps d’un battement de cœur, puis il le souffleta d’un tel revers qu’il expédia le Crapaud s’aplatir et faire une glissade de trois bons pas sur les dalles de marbre poli, le nez pissant le sang et la lèvre fendue.
Après quoi il se pencha sur lui et se mit à le secouer, cette fois, comme un forcené. « Si jamais tu oses me reparler sur un ton pareil…, si tu te hasardes à ne pas m’obéir quand je te donne un ordre ou à oublier dans quels termes il sied que tu m’adresses la parole, je te fais empaler à Traîtremont. »
Là-dessus, il retourna devant la fameuse porte interdite, l’ouvrit en coup de vent et entra carrément, sans plus se soucier de Moriel que la trouille faisait grelotter. Avec son bon cœur, Tobin était à deux doigts de s’apitoyer, mais le regard empoisonné qu’il vit le Crapaud darder dans le dos du prince tua net toute velléité de compassion.
Dès l’antichambre lui parvinrent les éclats furibonds de la scène que Korin faisait à son père et le murmure amusé du roi qui lui répondait. En pénétrant à son tour dans la pièce, il découvrit que Nyrin s’y trouvait en tiers, planté juste derrière le fauteuil d’Erius. Et le magicien avait beau ne pas piper mot, Tobin fut sûr et certain d’avoir surpris dans ses yeux l’ombre du sale petit sourire chafouin de Moriel.
Ces perturbations mises à part, l’été s’écoula quelque temps assez doucement. C’était le plus torride de mémoire d’homme, et les campagnes en souffraient beaucoup. Les pétitionnaires venus à la cour ne parlaient que de sécheresse, d’incendies terribles, de puits à sec et d’épizooties.
Debout près du trône jour après jour, Tobin écoutait avec un intérêt mêlé de sympathie, mais tout cela le touchait relativement peu, débordé qu’il était par ses nouvelles tâches.
Il arrivait désormais souvent aux gentilshommes Compagnons d’assurer le service à la table royale comme les écuyers le faisaient à la leur. Par droit de naissance, c’est à Tobin qu’était échu le rôle de panetier consistant à découper les différents pains réservés à chacun des plats. Korin faisait un trancheur de première bourre, et c’était merveille que son adresse à exhiber l’une des six variétés de couteaux que réclamaient les viandes. Les critères d’âge et de famille avaient décidé des autres attributions: le géant Zusthra tenait lieu de sommelier ; en sa qualité d’échanson, Orneüs se montrait d’une maladresse tellement insigne, malgré tout le mal que Lynx s’était donné pour essayer de le former, que la seconde fois où il inonda la manche du roi lui valut aussi sec d’être rétrogradé comme « aumônier » tandis que Nikidès assumait la relève auprès du souverain.
L’après-midi se poursuivaient, malgré la chaleur, l’entraînement aux armes et les leçons du vieux Corbeau, mais les matinées se passaient à la salle d’audience. Korin et Tobin disposaient d’un siège aux côtés du roi, mais Hylus et les autres se tenaient debout juste derrière eux, souvent pendant des heures d’affilée. Erius commençait à consulter son fils sur des affaires mineures ; il le laissa décider du sort d’un meunier convaincu de tricher sur le poids, ou de celui d’une gargotière qui vendait de la bière aigre pour de la bonne. Il lui permit même de se faire la main avec de petits criminels, et Tobin fut suffoqué de voir avec quelle facilité Korin infligeait marques au fer rouge et flagellations.
À l’exception de Nikidès, les autres garçons trouvaient d’un ennui mortel l’obligation d’assister à ces séances de justice. En dépit de ses hautes voûtes à colonnes et du tintement de ses fontaines, il faisait à midi une chaleur de four dans la salle du Trône. Pour sa part, Tobin était fasciné. Lui qui avait toujours eu un don pour déchiffrer les physionomies disposait là d’un inépuisable vivier d’études. Il fut très vite presque capable de voir se former les pensées des pétitionnaires selon qu’ils se faisaient cajoleurs, plaintifs ou cherchaient à se faire bien voir. Les intonations des intervenants, leur posture, la direction de leur regard pendant qu’ils parlaient…, tout cela avait autant de relief et de netteté pour lui que des lettres sur une page. Les menteurs n’arrêtaient pas de gigoter. Les honnêtes gens s’exprimaient avec beaucoup de calme. C’étaient les coquins fieffés qui chialaient et faisaient le plus de tapage.
Ses sujets d’observation préférés n’étaient cependant pas les Skaliens mais les émissaires étrangers. La complexité de la diplomatie le transportait autant que l’exotisme des costumes et des accents. Les Mycenois faisaient figure de monnaie courante ; leur gros bon sens et leur pragmatisme s’exerçaient essentiellement sur les questions de récoltes, de tarifs douaniers, de défense de leurs frontières. Rien de plus divers en revanche que les Aurënfaïes ; leurs clans se comptaient par dizaines, chacun d’entre eux se distinguant par la forme de son turban, l’objet de son négoce et de ses tractations.
Un jour, le roi reçut une demi-douzaine d’hommes au teint basané, aux cheveux noirs et bouclés. Ils portaient de longues robes à rayures bleues et noires taillées sur un patron dont Tobin n’avait jamais vu le pareil, et de lourds ornements d’argent leur pendaient aux oreilles. C’étaient là, apprit-il avec ébahissement, des représentants de tribus zengaties.
Arengil et tous ceux des artisans aurënfaïes avec qui Tobin s’était lié d’amitié n’évoquaient jamais Zengat qu’en termes de mépris ou d’exécration. Mais, comme Hylus l’expliqua plus tard, les Zengatis se divisaient en clans aussi fermés que ceux des ‘faïes et méritant des degrés de confiance on ne peut plus divers.
La chaleur ne ramena pas uniquement la sécheresse, cet été-là. Du haut de leur terrain d’entraînement secret, sur le toit, Tobin, Una et les autres distinguaient sans peine à l’horizon d’énormes taches brunes ravageant les champs ; c’étaient les endroits où la rouille avait anéanti tout espoir de moisson.
Le ciel n’était pas épargné non plus. La rouge-et-noir s’était déclarée, hors les murs, le long de la rade. Le feu servait à raser des quartiers entiers, et des nuées de fumée gigantesques plafonnaient au-dessus des flots. À l’ouest s’élevait une colonne plus gaillarde et que ne cessait de ragaillardir l’urgence : là se trouvaient les champs de crémation ; on se hâtait d’y jeter même les défunts que la peste n’avait pas seulement frôlés.
Des cités de l’intérieur étant survenus des rapports alarmants sur la mort de chevaux, de bœufs et la recrudescence de la maladie, les riches seigneurs de chacun des districts frappés se virent ordonner par le roi d’y fournir à leurs frais du bétail et du grain. Les Busards de Nyrin pendaient bien quiconque osait dire qu’une malédiction pesait sur le royaume, mais, loin de cesser pour autant, les murmures n’allaient que croissant. Dans les temples d’Illior, la demande était devenue si forte que les fabricants d’amulettes n’y pouvaient suffire.
Paisiblement perchés sur leur Palatin, les Compagnons se croyaient toujours à l’abri de ces calamités vulgaires quand Porion, brusquement, leur interdit de dépasser en ville la rue de l’Oiseleur. Comme c’était là le couper de ses bases de prédilection, les bouis-bouis du port, Korin en gémit et râla des jours et des jours.
Une chose en tout cas dont ils avaient jusqu’à plus soif, c’était le vin, malgré les grondements réprobateurs du roi. Il coulait plus libéralement que jamais, si bien que Caliel lui-même, pourtant la pondération faite homme en temps normal, en vint à se présenter à l’entraînement la bouche mauvaise et les yeux rougis.
Les copains de Tobin imitaient son exemple et buvaient leur vin coupé de beaucoup d’eau. Grâce à quoi ils étaient généralement les premiers sur pied le matin, ce qui leur permit aussi d’être les premiers à découvrir que l’écuyer de Korin en était réduit à coucher là où il pouvait.
« Qu’est-ce que tu fiches là ? » s’ébahit Ruan la première fois qu’ils trouvèrent Tanil enroulé dans une couverture au coin de la cheminée du mess. Et sur ce, par jeu, de lui taquiner les côtes du bout de sa botte. Soit précisément le genre de libertés auquel leur aîné ne manquait guère de répondre en flanquant l’offenseur par terre et puis, à force de le chatouiller, amenait tous les autres à venir s’empiler dans une mêlée sans merci. Or, là, rien de tel, il se contenta de prendre la porte sans dire un mot.
« Qui c’est-y qui t’y a pissé dans sa soupe ? » marmotta Ki.
Tout le monde éclata de rire, excepté Ruan qui, idolâtre de Tanil, ne se remettait pas de sa déconfiture.
« Je ne serais pas en trop bonne forme non plus si je passais la nuit sur le plancher, dit Lutha. Il en a peut-être par-dessus la tête d’entendre Korin ronfler.
— Il n’a pas ronflé tant que ça, ces derniers temps », leur confia Ki. Vivant porte à porte avec le prince, ils avaient, Tobin et lui, bien assez perçu de tamponnements sourds et de chuchoteries jusqu’à des heures impossibles, les nuits précédentes, pour se douter que Korin n’allait pas souvent seul au lit.
« Eh bien, nous voilà fixés, je présume, ce n’est pas avec Tanil, dit Ruan.
— Ça ne l’a jamais été ! se gaussa Lutha. Non, c’est encore après une bonniche que Korin en a.
— Pas à mon avis », finit par lâcher Nikidès d’un air tout pensif en s’essoufflant à leurs côtés durant la course du matin. Il avait eu beau grandir un peu, cet été-là, et perdre la plupart de sa graisse de garçonnet, il restait le plus lent du groupe.
« Que veux-tu dire ? » demanda Ki, toujours très friand de ragots.
Nikidès s’assura d’un coup d’œil devant qu’aucun des aînés ne risquait d’entendre. « Je ne devrais rien dire…
— C’est déjà fait, pipelette. Parle ! pressa Lutha.
— Eh bien, il se trouve que l’autre soir, au cours du dîner chez lui, j’ai surpris les confidences que faisait Grand-Père à mon cousin de l’Échiquier, et que, d’après lui, le prince… » Un nouveau coup d’œil lui permit de se rassurer, Korin les devançait toujours largement. « Que, bref, il… muguette Lady Aliya. »
Même Ki fut scandalisé. Les servantes étaient une chose, à la rigueur aussi les autres garçons, mais les filles nobles, on n’y touchait sous aucun prétexte.
Pire encore, aucun d’entre eux n’avait de sympathie pour Aliya. Elle était certes assez jolie, mais elle se montrait méchamment taquine envers tout le monde, Korin excepté. Caliel lui-même évitait le plus possible de s’y frotter.
« Vous ne l’avez pas remarqué ? reprit Mikidès. Elle est constamment avec lui et, tenez, rien qu’à voir la mine boudeuse et l’air morfondu des servantes, je parierais qu’elle vous les a toutes chassées de son lit.
— Plus Tanil », leur rappela Ruan.
Lutha émit un sifflement. « Vous croyez que Korin est amoureux d’elle ? »
Barieüs se mit à rire. « Amoureux, lui ? De ses chevaux et de ses faucons, ça se peut, mais d’elle ? Par les couilles à Bilairy, j’espère bien que non. Figurez-vous-la en reine ! »
Nikidès haussa les épaules. « Les gonzesses, on n’a pas besoin d’être amoureux pour coucher avec. »
Lutha prit un petit air horrifié. « Sont-ce là des façons de parler, pour un petit-fils de lord Chancelier ? Quelle honte ! » Et une calotte bouffonne à l’oreille conclut la semonce.
Avec un glapissement, son copain lui balança son poing, mais le petit n’eut même pas besoin de changer de foulée pour que le coup tombe dans le vide. « Holà, vous six, doublez-moi l’allure ! gueula Porion qui s’était écarté de la file et les foudroyait du regard. Ou bien préféreriez me faire un second tour pour vous ravigoter ?
— Non, Maître ! » cria Tobin, et il allongea le pas, laissant Nikidès se dépatouiller seul.
« Nik a raison, tu sais ? lui dit Ki. Qu’à viser Korin, tiens. » Le prince galopait en tête du peloton, ses prunelles noires allumées par une bien bonne dont il faisait part à Caliel et Zusthra. « Il est beaucoup trop débauché pour donner son cœur. Mais n’empêche que si sa favorite, maintenant, c’est elle, Aliya va devenir plus rosse que jamais !