11

Assez peu chagrinée qu’Orun eût débarrassé le plancher, Iya n’avait pas été sans partager le soulagement manifeste de Tobin quand le lord Chancelier s’était de son propre chef attribué les fonctions de gardien provisoire. Elle allait jusqu’à espérer qu’Erius maintiendrait à ce poste l’excellent vieillard. Hylus était un homme comme il faut, une relique des temps anciens, de ces temps si bien révolus depuis qu’Agnalain la Folle et son fils avaient terni l’éclat de la Couronne. Aussi longtemps que ses conseils demeureraient appréciés d’Erius, peut-être bien qu’on ne verrait pas triompher Nyrin et son engeance.

Elle se cramponnait à cet espoir, jour après jour, lorsqu’elle agrafait à son manteau la broche exécrée des Busards, avant d’aller courir les rues d’Ero.

Elle ne pouvait faire autrement, lorsqu’elle quittait le Palatin, que de passer devant le quartier général des Busards. Des magiciens en robe blanche escortés de leurs gardes en uniforme gris croisaient invariablement dans les ruelles et les cours qui l’environnaient. Et comme la seule vue de la vieille auberge de pierre lui évoquait l’image d’un nid de frelons, elle la traitait comme tel en rasant les façades sur le bord opposé de la rue. Elle n’y était entrée qu’une seule fois, le jour où ils avaient noté dans leur registre noir le matricule qu’ils venaient de lui attribuer. Le peu qu’elle avait vu durant cette visite forcée lui avait suffi pour comprendre qu’une seconde visite lui serait probablement fatale.

Aussi gardait-elle ses distances et faisait-elle preuve de la plus extrême circonspection lorsqu’elle partait en quête de ses propres semblables, des magiciens tout ce qu’il y avait de banal et obligés, comme elle, à arborer l’infâme insigne numéroté. Les tristes temps que l’on vivait avaient considérablement réduit leur nombre à Ero, et la plupart de ceux qui n’avaient pas pris le large se révélaient trop apeurés ou soupçonneux pour oser parler avec elle. De toutes les tavernes autrefois fréquentées par la corporation, une et une seule demeurait ouverte, La Chaîne d’or, et elle était bondée de Busards. Pour ne rien gâcher, des magiciens qu’elle avait connus toute une existence ne saluaient plus Iya que d’un air méfiant, et rares étaient ceux qui s’aventuraient à lui offrir l’hospitalité. Enfin, s’il vous arrivait de penser un instant que la cité s’était auparavant glorifiée d’honorer plus que n’importe quelle autre au monde les magiciens indépendants, le changement des choses avait de quoi vous atterrer.

 

Un soir où son errance inconsolable l’avait amenée à traverser le marché semi-désert du Clos Dauphin, brusquement la désintégra l’explosion d’une fulgurante douleur. Elle n’y voyait plus du tout, n’entendait plus rien, se trouva même incapable d’appeler à l’aide.

Ils m’ont eue ! songea-t-elle en pleine agonie muette. Que va-t-il advenir de Tobin  ?

Comme en une vision lui apparut alors, dans un halo de flammes incandescentes, un visage, mais qui n’était pas celui de Tobin, un visage d’homme. Défiguré par une souffrance encore plus atroce que celle qu’elle ressentait, l’individu lui fit l’effet de la fixer droit dans les yeux, tandis que toute la chair de son crâne grésillait en se ratatinant. Elle connaissait cette physionomie. Il s’agissait d’un magicien méridional appelé Skorus. Elle lui avait, voilà des années, remis l’un de ses menus gages de sympathie et n’avait plus jamais, depuis, repensé à lui.

Les traits suppliciés disparurent, et elle se découvrit vautrée à plat ventre sur les pavés crottés, suffocante et cherchant à se gorger d’air.

Il devait toujours avoir mon machin sur lui quand ils l’ont brûlé, se dit-elle, trop anéantie pour bouger. Mais à quoi cela rimait-il ? Les petits cailloux n’étaient rien de plus que des charmes mineurs, et l’infime étincelle magique qu’ils recelaient ne devait servir qu’à localiser les gens loyaux et à les attirer, le moment venu. Elle n’avait jamais imaginé qu’ils puissent également agir comme un canal dans le sens inverse à son intention. Or, celui-ci l’avait fait, et c’était précisément par son intermédiaire qu’elle-même venait de faire l’expérience d’une fraction des souffrances atroces qu’avait dû supporter Skorus avant de mourir. On avait déjà brûlé des dizaines, voire des vingtaines de magiciens, mais lui devait être le premier de ceux qu’elle avait choisis à s’être laissé attraper. Elle fut stupéfaite de la vitesse invraisemblable avec laquelle s’estompait la douleur. Elle s’était attendue à se retrouver couverte de cloques mais, par bonheur, le charme n’avait transmis que les ultimes sensations de l’agonisant, pas la magie qui l’avait tué.

« Hé, la mémé, t’es malade ? demanda quelqu’un. - Soûle, qu’elle me paraît plutôt, rigola un autre passant. Debout, vieille peau ! »

Des mains compatissantes l’aidèrent à se mettre à genoux. « Kiriar ! hoqueta-t-elle en reconnaissant le jeune homme. Tu es toujours avec Dylias ?

— Oui, Maîtresse. » Lors de leur dernière rencontre, il n’était encore qu’un apprenti. Et voilà qu’il avait une vraie barbe, maintenant, sans compter quelques fines rides, mais il portait des vêtements aussi loqueteux que ceux d’un mendiant. L’insigne des Busards agrafé à son col était la seule chose à trahir son véritable état. Son matricule était le quatre-vingt-treize.

Il avait lui aussi les yeux attachés sur le sien. « Deux cent vingt-deux ? Il leur a fallu plus de temps pour vous dénicher, à ce que je vois. » Il la considéra d’un air affligé. « Triste à dire, mais voilà bien le genre de détail qui nous frappe, actuellement. Vous vous sentez mieux ? Qu’est-ce qui s’est passé ? »

Iya secoua la tête pendant qu’il l’aidait à se remettre sur ses pieds. Malgré la profonde estime que lui avaient toujours inspirée maître Dylias et son disciple, elle se sentait encore beaucoup trop salement secouée pour jouir de toute sa jugeote et aventurer sa confiance. « C’est dur, de vieillir, fit-elle en affectant un ton léger. Une gorgée de quelque chose et deux ou trois bouchées devraient me permettre de m’en tirer.

— Je connais une bonne maison, Maîtresse. Souffrez que je vous y offre un dîner bien chaud en l’honneur du bon vieux temps. Nous n’en sommes pas loin, et vous y trouverez une compagnie digne de ce nom. »

Toujours aussi circonspecte mais décidément intriguée, Iya s’accrocha au bras de Kiriar et se laissa mener en dehors du Clos Dauphin.

Elle eut un moment d’angoisse quand le jeune homme dirigea ses pas comme pour revenir vers le Palatin. Et s’il était en définitive un traître futé ne mijotant depuis le début que de l’attirer dans le repaire des Busards ?

Quelques rues plus loin, toutefois, il vira dans l’un des marchés aux orfèvres. Tout se ressentait, là aussi, de la dureté des temps, remarqua-t-elle ; pas mal de boutiques étaient à l’abandon. Mais ce n’est qu’après en avoir dépassé une bonne douzaine que l’évidence lui sauta aux yeux: la plupart d’entre elles avaient jadis appartenu à des artisans aurënfaïes.

« Retournés chez eux. Un grand nombre », expliqua son guide. « Les ‘faïes ne sont pas chauds chauds pour les nouveaux usages, ainsi que vous pouvez sans peine vous l’imaginer, et il devient de plus en plus manifeste que les Busards se défient d’eux. À présent, veuillez consentir à patienter ici. Juste une minute. »

Et il disparut dans les ténèbres d’une écurie. Lorsqu’il reparut, un moment plus tard, ce fut pour lui faire emprunter une venelle sur les arrières. Celle-ci déboucha à son tour sur une ruelle étroite que surplombaient des encorbellements de guingois, pochés, et où flottaient les arômes étranges, épicés de la cuisine ‘faïe.

De-ci de-là s’ouvraient entre les pâtés de maisons des transversales exiguës. À l’un de ces croisements, Kiriar s’arrêta de nouveau. « Avant que nous fassions un pas de plus, Maîtresse, il me faut vous poser la question que voici: par quoi jurez-vous ?

— Par mes mains, mon cœur et mes yeux », lui répondit-elle, tout en repérant sur le mur opposé, juste au-dessus de son épaule, le gribouillage d’un croissant de lune. Le flamboiement révélateur d’une aura éclair le fit scintiller tandis qu’elle parlait. « Et par le véritable nom de l’Illuminateur », ajouta-t-elle pour faire bonne mesure.

« Elle peut passer », chuchota quelqu’un du fond de l’ombre sur leur droite, comme si cela n’avait pas été déjà suffisamment attesté par le fait que l’aura éclair ne l’avait pas jetée par terre. Iya regarda son loqueteux de guide avec un redoublement d’intérêt. Ce n’était pas lui qui avait tracé là ce charme puissant, ni lui ni son maître ; elle pouvait compter sur les doigts d’une seule main les magiciens de sa connaissance qui pouvaient l’avoir fait.

Kiriar haussa les épaules en signe d’excuse. « Il nous faut demander. Venez, c’est juste là, au bout. »

Il la fit pénétrer dans la ruelle transversale la plus immonde qu’elle eût jamais vue. L’odeur de pourriture et de pisse vous y sautait à la gorge. Des chats squelettiques aux oreilles déchiquetées s’y faufilaient d’ombre en ombre ou, juchés sur les tas d’ordures qui bordaient les murs, étaient à l’affût de rats. Les façades des deux côtés qui se touchaient presque, à hauteur des toits, n’y laissaient rien filtrer des dernières lueurs pâlissantes de cette journée d’hiver.

Presque sous leurs pieds surgirent de l’opacité trois silhouettes enveloppées de manteaux, tandis que sur leur passage en émergeait une autre dans l’embrasure d’une porte. Leur allure furtive avait de quoi les faire prendre pour des détrousseurs, mais tous les quatre s’inclinèrent pour saluer la magicienne et portèrent la main à leur cœur et leur front.

« Par ici. » Kiriar lui indiqua d’un geste une volée de marches abruptes et croulantes qui s’enfonçaient vers une cave. En bas, l’aspect de la porte n’avait rien d’extraordinaire, mais allez savoir quelle espèce de magie chatouilla plaisamment le bout des doigts d’Iya lorsqu’elle souleva le loquet rouillé.

Pour quelqu’un du commun, les ténèbres au-delà n’auraient pas manqué de paraître impénétrables, mais Iya n’eut aucun mal à distinguer les longues lames qui saillaient des murs à des hauteurs constamment diverses tout le long du boyau souterrain. Quiconque s’y serait risqué à l’aveuglette aurait eu tôt fait de s’en repentir.

Elle finit par aboutir devant une nouvelle porte sous protection magique et, après l’avoir poussée, fut éblouie quelques secondes en se retrouvant face à la flambée chaleureuse d’une taverne. Son entrée fit se retourner dix ou douze têtes de magiciens parmi lesquelles elle eut la joie de reconnaître des traits familiers. Il y avait là, tout voûté, le vieux maître de Kiriar, Dylias, et, près de lui, une ravissante sorcière d’Almak nommée Elisera, dont Arkoniel avait eu la tête tournée, un certain été. Les autres, elle ne les connaissait pas, mais l’un d’entre eux était une femme aurënfaïe, et du clan Kathmé, comme l’indiquaient son sen’gaï rouge et noir et les tatouages de sa figure. L’aura éclair était probablement son œuvre, se dit Iya.

« Bienvenue au Trou de Ver, mon amie ! s’écria Dylias en se portant au-devant d’elle pour l’accueillir. Peut-être pas le plus élégant établissement d’Ero, mais indubitablement le plus sûr. J’espère que Kiriar et ses copains ne vous ont pas trop donné de fil à retordre.

— Absolument pas ! » Iya laissa vagabonder son regard tout autour avec ravissement. Les murs lambrissés de chêne étaient moirés d’ors douillets par le reflet mouvant des flammes du brasero planté au milieu de la pièce. Elle retrouvait là des bribes et des morceaux de quantité de leurs anciens lieux de retrouvailles favoris - statues, tentures, et même, même les alambics à eau-de-vie de vin dorés et les pipes à eau qui avaient fait l’orgueil de l’Auberge de la Sirène, close désormais… Point de tableau affichant le menu, mais des senteurs de viande en train de rôtir embaumaient la salle. Quelqu’un lui planta dans les mains un hanap d’argent plein d’un excellent cru.

Après en avoir tâté à petites gorgées bienheureuses, elle haussa un sourcil vers son guide. « Je commence à te soupçonner de n’être pas tombé sur moi tout à fait par hasard, aujourd’hui…

— En effet. Nous n’avons pas cessé de vous épier depuis… », débuta Kiriar, avant de s’arrêter net.

C’était Dylias qui, d’un coup d’œil aigu par-dessous ses sourcils neigeux et proéminents, venait de lui imposer silence, avant de se tourner vers elle, l’index plaqué sur une ailé du nez. « Moins on en sait, mieux on le garde, hein ? Qu’il suffise de dire que les Busards ne sont pas les seuls à tenir les magiciens à l’œil, en ville. Et depuis des années ! Comment vous portez-vous, ma chère  ?

— Elle n’allait pas bien du tout quand je l’ai trouvée, intervint Kiriar. Que vous est-il arrivé, Iya  ? J’ai bien cru que c’était votre cœur qui avait flanché…

— Un instant de faiblesse, répondit-elle, n’osant toujours pas en dire davantage. Mais je me sens parfaitement bien, maintenant, et, grâce aux lieux où je me trouve et à votre compagnie à tous, encore mieux que parfaitement ! Cela dit, n’est-ce pas risqué, de se rassembler comme ça  ?

— Les immeubles que nous avons au-dessus de nos têtes sont de construction ‘faïe, répondit la femme aurënfaïe. Il faudrait toute une armée de ces minables de Busards rien que pour en découvrir tous les sortilèges, et une seconde armée pour se frayer une brèche au travers.

— Bravo pour le résumé, Saruel, et à nous tous de prier les dieux que votre confiance soit solidement fondée, fit Dylias. De toute manière, nous prenons mille précautions. Nous avons un certain nombre d’hôtes dont la vie dépend de notre prudence. Venez, Iya. Nous allons vous montrer. »

Saruel et lui la conduisirent par les arrières de la taverne à travers un fouillis de minuscules chambres souterraines où logeaient d’autres magiciens.

 

« Pour certains d’entre nous, ce refuge a aussi tout d’une prison, déclara tristement Dylias en pointant le doigt vers un vieillard émacié qui s’était assoupi sur sa paillasse. Ça lui coûterait la vie, à maître Lyman, de montrer en ville le bout de son nez. Une fois que vous figurez sur la liste des chasses busardes à titre de proie désignée, vous n’avez pas grand-chance d’en réchapper.

— Vingt-huit déjà, qu’ils en ont brûlé, là-haut, à Traîtremont, depuis qu’a débuté toute cette hystérie, reprit Saruel avec amertume. Et ce sans compter les prêtres assassinés en même temps. Puis c’est une abomination, vous savez, leur façon de tuer les serviteurs de l’Illuminateur…

— Oui, je sais. J’y ai assisté. » Et elle savait à présent mieux que quiconque le genre de mort que c’était.

« Mais est-ce un supplice bien pire que celui de se trouver ici, enterré vivant ? » murmura Dylias en refermant tout doucement la porte de l’homme endormi.

Une fois de retour à la taverne, Iya se joignit au reste de l’assistance, et chacun lui conta son histoire. La plupart circulaient encore librement par la ville et, tout en affichant comme il se devait une indéfectible loyauté, gagnaient leur vie dans le cadre étriqué que les ordonnances du roi toléraient encore. Il leur était possible de fabriquer des articles utiles et de pratiquer des conjurations domestiques usuelles à titre onéreux. Les opérations magiques de plus grande envergure étaient le monopole exclusif des Busards. La simple confection d’un charme chevalin était désormais un crime passible de mort.

« Ils nous ont réduits à n’être plus que des bricoleurs ! crachota un magicien d’âge appelé Orgeüs.

— Personne n’a essayé de résister ? demanda Iya.

— Vous n’avez donc pas entendu parler de la mutinerie de la Fête-Créateur ? s’étonna un certain Zagur. Neuf jeunes têtes brûlées se barricadèrent ce jour-là dans le temple de la rue Limande afin d’essayer de protéger deux des leurs condamnés à la peine capitale. Vous êtes allée faire un tour dans le coin  ?

— Non.

— Eh bien, le temple n’y est plus. Trente Busards surgirent de nulle part, escortés de deux cents culs-gris. Les insurgés ne tinrent même pas une heure.

— Ils n’avaient eu recours à aucune espèce de magie contre les Busards ?

— Quelques-uns, si, tant bien que mal. Mais ils n’étaient pour la plupart que des faiseurs d’amulettes et des diseurs de temps, répondit Dylias. Quelles chances avaient-ils, je vous prie, face à de tels monstres ? Combien sommes-nous ici, dans cette pièce, à pouvoir rendre coup pour coup ? Ce n’est pas là ce qu’enseigne l’école orëskienne.

— Peut-être pas votre Deuxième Orëska demi-sang, riposta dédaigneusement Saruel. En Aurënen, certains magiciens sont capables de raser une maison, si tel est leur bon plaisir, ou de déchaîner un typhon sur la tête de leurs ennemis.

— Sornettes que cela ! s’esclaffa une femme skalienne. Aucun magicien ne détient ce genre de pouvoir !

— Croyez-vous que les Busards laisseraient un seul d’entre nous survivre s’ils pensaient le contraire ? » abonda quelqu’un d’autre.

La femme aurënfaïe riposta sur un ton hargneux dans sa propre langue, et de nouvelles voix aigrirent la dispute.

Complètement désemparée, Iya repensa à Skorus et à son épouvantable agonie solitaire.

C’est le moment, songea-t-elle en levant une main pour réclamer silence.

« Certains Skaliens ne sont pas sans savoir pratiquer ce type de magie, dit-elle finalement. Et il peut s’enseigner à ceux qui ont les talents requis. » Elle se leva, lampa ce qu’il y restait de vin puis déposa le hanap d’argent sur le sol dallé de pierre. Elle se sentit le centre de tous les regards lorsqu’elle étendit ses mains au-dessus. Tout en fredonnant tout bas, elle déversa l’énergie sans cesser de la concentrer vers le récipient.

L’afflux s’amplifia plus rapidement qu’il ne le faisait en des circonstances normales. Ce phénomène là se produisait toujours quand il y avait du monde, et cependant sans rien emprunter aux potentialités d’aucun des assistants.

Durant un instant, l’air se mit à frémir autour du hanap, lui fit comme un halo mouvant, puis le bord du métal commença à fondre et à s’affaisser sur lui-même à la façon d’une figurine de cire par une journée d’été caniculaire. Iya interrompit l’opération avant que l’objet ne se soit totalement effondré puis le refroidit en soufflant dessus. Après l’avoir décollé des dalles, elle le tendit à Dylias.

« Cela peut s’enseigner », répéta-t-elle, tout en étudiant l’expression des physionomies de chacun de ses compagnons au fur et à mesure qu’ils se passaient de main en main le magma de métal informe.

Lorsqu’elle quitta Le Trou de Ver, cette nuit-là, tous les magiciens présents dans la salle - y compris même la fière Saruel - avaient accepté d’empocher l’un de ses petits cailloux.