19

Le lendemain, Korin fit lever tout son monde dès le point du jour, afin que chacun soit prêt pour la réception du roi. Le soleil émergeait au-dessus de l’horizon, et de longues bandes de brume s’effilochaient au ras de la rivière et des champs détrempés.

Après avoir revêtu leur maille et leurs corselets puis s’être enveloppés dans leurs manteaux les plus élégants, les Compagnons descendirent au rez-de-chaussée où les accueillit un formidable remue-ménage.

Des armées de serviteurs s’affairaient en tous sens et de toutes parts. La grande salle était déjà tendue aux couleurs du roi, et la vaisselle d’or y rutilait de mille feux. À l’extérieur, des tourbillons de fumée s’échappaient des cheminées des cuisines et de quantité de fosses creusées dans le potager, où l’on s’apprêtait à rôtir sur des lits de braises, à la manière mycenoise, des cerfs et des sangliers entiers. Des baladins de toute sorte grouillaient dans les pièces vacantes et les cours.

Sur tout cela régnait en maître, une fois de plus, le duc Solari. Tout en déjeunant avec Tobin et les autres, il évoqua les grandes lignes des divertissements et du menu de la soirée prochaine, non sans se faire assister constamment par l’intendant Eponis et par dame Lytia. Mais il interrompait son exposé à tout bout de champ pour s’enquérir auprès de Tobin: « Ces dispositions ont-elles l’heur de votre approbation, mon prince ? »

Comme ce genre de matières-là, Tobin n’y entendait goutte, il signifiait son accord total et sans réserve par autant de hochements muets à toutes les mesures décidées par le protecteur.

Ce préambule terminé, Lytia fit apporter par deux domestiques des boîtes recouvertes d’un linge. « Expressément réservé à nos hôtes les plus distingués. Une spécialité de la maison dont l’invention remonte à l’époque de vos arrière-grands-parents, prince Tobin. » Rabattant le couvercle de l’une d’entre elles, elle en retira un vase de verre empli d’exquises roses en verre filé. Tobin en demeura pantois ; un pareil chef-d’œuvre valait une douzaine de beaux chevaux. Mais ses yeux s’agrandirent encore davantage lorsqu’il vit Lytia casser nonchalamment un pétale rubis qu’elle se fourra dans le bec avant de lui en offrir un.

Non sans hésiter, Tobin l’effleura du bout de la langue puis se mit à rire: « Du sucre ! »

Solari gloussa tout en s’emparant d’une fleur. « Quand je vous disais que Lady Lytia était une véritable artiste !

— Ma grand-mère avait été envoyée par votre bisaïeule faire son apprentissage à Ero chez un célèbre confiseur, expliqua Lytia. Elle transmit son savoir-faire à ma mère, et ma mère à moi. Je suis bien heureuse que mes fleurs vous plaisent, mais que pensez-vous de ceci  ? » De la seconde boîte, elle retira un dragon de sucre translucide. Son corps soufflé était du même rubis que les pétales des roses, mais ses ailes arachnéennes, ses pattes et les épines de sa crête tombante étaient dorées. « Lequel de mes deux ouvrages préféreriez-vous pour ce soir ?

— Ils sont aussi stupéfiants l’un que l’autre ! Mais peut-être que le dragon serait plus séant pour honorer le roi ?

— Tant mieux, tu n’auras dès lors plus que faire de celui-ci ! » s’écria Korin, et son poignard fusa et heurta le vase en sucre. Lequel tinta comme du cristal et vola en éclats sur les plus gros desquels se rua la bande.

« Quel dommage de les briser… », dit Tobin, les yeux fixés sur la curée.

Tout en regardant les Compagnons se décocher à qui mieux mieux des coups de coude pour rafler les dernières bouchées, Lytia sourit. « Mais je ne les fais que pour qu’on les brise. »

 

Dès que le duc eut rendu sa liberté à Tobin, Korin voulut à toute force aller monter le guet devant les portes de la ville. Porion insista pour les accompagner, Tharin aussi se joignit à eux, mais le prince refusa toute espèce de garde.

Tobin n’eut pas de peine à reconnaître l’expression tout à la fois fiévreuse et mélancolique qui se lisait dans les yeux de son cousin. Elle lui rappelait trop bien l’époque où la cour des casernements le voyait lui-même rôder comme une âme en peine, impatient de voir enfin Père et son cheval émerger des bois, au bas de la prairie. Qu~ ne pouvait-il en ce jour partager la fébrilité de Korin, au lieu de se sentir tellement vaseux… ! Il avait passé toute la matinée à redouter quelque irruption de Frère mais, en dépit de sa vigilance constante, ne l’avait repéré nulle part.

À peine avaient-ils pris position devant la poterne que des bonnes gens se massèrent autour des Compagnons pour admirer leurs armes et leurs montures. Tout le monde avait l’air de connaître Tharin.

Les soldats qui arpentaient la place s’inventèrent de bons prétextes pour sortir se joindre aux badauds, et Tobin découvrit que causer avec eux n’avait vraiment rien de sorcier pour qui avait toujours plus ou moins vécu dans les jambes de combattants. Il les questionna sur leurs cicatrices et vanta les vertus de leurs arcs ou de leurs épées. Il n’eut pas besoin de les solliciter beaucoup pour qu’ils le régalent d’anecdotes sur ses père et grand-père, ainsi que sur certaines de ses tantes qui s’étaient battues sous la bannière de la reine par le passé. Nombre d’entre eux commençaient leurs récits par ces mots : « Vous aurez déjà entendu raconter qu’Untel (ou Unetelle)… », mais non, la plupart du temps, l’histoire d’Untel ou d’Unetelle était inconnue de lui, et il en venait à se demander pourquoi diable Père lui avait aussi peu parlé des aventures de ses ascendants personnels.

Midi survint, passa. Des marchands ambulants vinrent leur apporter de la viande et du vin qu’ils avalèrent sans démonter, telles des sentinelles à cheval.

Néanmoins, Tobin finit par en avoir assez d’attendre et par se lasser qu’on le dévisage ; aussi rallia-t-il ses petits camarades pour balader les gosses aller-retour en croupe sur la route, pendant que Korin et les plus âgés des Compagnons demeuraient à leur poste et contaient fleurette aux donzelles locales. Parées de leurs plus beaux atours pour la circonstance, elles faisaient à Tobin, avec leurs gazouillis, leurs gloussements, leur façon de se lisser les plumes et leurs agaceries aux jouvenceaux l’effet d’une volière de perruches multicolores.

 

Le soleil se trouvait à mi-chemin de son déclin quand finalement survint une estafette annonçant l’arrivée de Sa Majesté.

Korin et les autres se seraient précipités en pagaille au-devant du roi si Porion ne les avait aussitôt rappelés à l’ordre d’un aboiement furieux.

« De la tenue ! Formez les rangs, morbleu ! commanda-t-il, tout en baissant le ton par déférence pour les princes. Je me flattais de vous avoir mieux éduqués que ça. Vous ne désirez tout de même pas que le roi se croie attaqué par des malandrins, si  ? »

La réprimande les fit se mettre en colonne comme il convenait, chaque gentilhomme flanqué de son écuyer, Korin et Tobin en tête. Vêtu de somptueux habits de fête, le couple Solari se présenta juste à temps pour se joindre à eux.

« Les dirait-on pas roi et reine eux-mêmes, hein ? » chuchota Ki.

Tobin opina du chef. Tous deux rutilaient de pierreries, et la sellerie fastueuse de leurs montures éclipsait celle de Gosi.

On prit au galop la direction du nord, derrière les bannières princières et ducale qui flamboyaient contre le ciel presque vespéral. Au bout d’un mille à peu près se distingua comme un mirage de couleurs éclatantes qui se rapprochaient, suivies par une longue file de soldats. Une vingtaine d’hommes armés et le porte-étendard du roi ouvraient la marche. Derrière eux chevauchait Erius avec la fine fleur de ses nobles sujets. Ses traits demeuraient encore indistincts, mais Tobin le reconnut à son heaume doré. Malgré leur attirail de guerre, ils portaient au poing plus de faucons et d’émouchets que de boucliers. Le vent vif du soir venant faisait claquer des dizaines d’étendards aristocratiques.

L’interminable colonne de fantassins qui fermaient le ban faisait dans la plaine l’effet d’un serpent rouge et noir aux écailles de fer moirées.

Porion eut beau leur faire adopter un petit galop moins lâche, cela n’empêcha pas les garçons de s’interpeller mutuellement d’une voix vibrante, chaque fois qu’ils repéraient les bannières de leurs pères ou de tel ou tel parent.

Les deux troupes ayant eu tôt fait de brûler l’intervalle qui les séparait, Korin tira sur les rênes et sauta de selle.

« À terre, Tob, murmura-t-il. Sur nos deux pieds qu’on va saluer Père. »

Tous les autres avaient déjà démonté. Ravalant sa peur. Tobin s’arma de courage pour haïr l’étranger qui était de son sang. Il tendit à Ki les rênes de Gosi puis suivit son cousin.

Il n’avait entrevu son oncle qu’une seule fois, mais il n’y avait pas de méprise possible, à présent. Même sans la dorure du heaume et les rinceaux dorés du plastron, Tobin aurait identifié Erius rien qu’à l’épée qui lui battait la jambe gauche : la fabuleuse Épée de Ghërilain. Elle, il avait appris à la reconnaître grâce aux petits rois et reines peints que Père lui avait donnés, puis il l’avait vue, sculptée de manière plus ou moins habile, au poing des effigies de pierre, dans le vestibule de la nécropole royale. S’il avait douté le moins du monde que l’épée tendue à lui par le fantôme de la reine Tamir en cette nuit déjà lointaine soit bien elle, il pouvait être tranquille désormais : c’était incontestablement celle qu’il avait en cet instant même sous les yeux.

Il n’avait en revanche jamais vu le visage du roi et, lorsqu’il releva finalement les yeux, il ne put réprimer un petit cri de stupeur ; Erius ressemblait étonnamment à Korin. Il avait la même belle figure carrée, la même gaieté dans les yeux. Ses cheveux étaient abondamment filetés de blanc, mais il se tenait sur son grand cheval noir avec un panache aussi martial que celui que pouvait déployer Père en personne lorsqu’il remontait sur le sien le chemin du fort.

Korin mit un genou en terre pour saluer son père. Tobin et les Compagnons imitèrent son exemple.

« Korin, mon garçon ! » s’écria Erius en sautant de selle pour s’avancer vers eux. Sa voix grave avait des inflexions pleines de tendresse.

Au lieu d’en avoir peur ou de le haïr, Tobin éprouva pour lui un grand coup de cœur.

Envoyant au diable tout simulacre de dignité, Korin se jeta dans les bras de son père, et du sein des rangs s’élevèrent de folles acclamations tandis que tous deux s’étreignaient en s’administrant de grandes claques dans le dos, cependant qu’en l’honneur du roi les Compagnons battaient leurs boucliers avec la garde de leurs épées.

Au bout d’un moment, Korin s’avisa que Tobin était encore agenouillé, et il le planta sur ses pieds. « Voici Tobin, Père. Cousin, viens dire bonjour à ton oncle. - Par la Flamme, dis donc, ce que tu as poussé ! s’esclaffa Erius.

— Sire. » Tobin entreprenait de s’incliner bien bas quand le roi l’accola vigoureusement. Durant une seconde vertigineuse, il se crut à nouveau dans les bras de Père, au creux du cocon que lui tissaient autour les senteurs si réconfortantes de sueur, de cuir et d’acier huilé.

Erius recula d’un pas puis se mit à le contempler d’un air si attendri que Tobin sentit ses genoux flageoler sous lui.

« La dernière fois que je t’ai vu, tu venais à peine de naître et tu roupillais dans les bras de ton père. » Il lui cueillit le menton d’une main ferme et calleuse, et sa physionomie prit un air nostalgique. « Tout le monde me le disait, que tu as les yeux de ma sœur. J’ai presque l’impression que c’est elle qui me regarde, murmura-t-il, sans se douter de la sueur froide superstitieuse que sa réflexion suscitait. Tobin Erius Akandor, vous n’avez pas un baiser pour votre oncle ?

— Pardonnez-moi, Sire », arriva-t-il tout juste à bredouiller. Sa haine et sa peur s’étaient évaporées dès le premier de ces sourires chaleureux. Et, du coup, il ne savait plus quel sentiment éprouver. Il se démancha le col, et ses lèvres frôlèrent la rude joue d’Erius mais, ce faisant, il se retrouva face à Lord Nyrin, planté juste derrière le roi. D’où était-il venu ? Pourquoi était-il ici  ? Tout en masquant sa surprise du mieux qu’il pouvait, Tobin se recula précipitamment.

« Quel âge as-tu, maintenant ? demanda Erius, sans pour autant lui lâcher les épaules.

— Pas loin de douze ans et demi, Sire. »

Le roi pouffa. « Holala… , tant que ça  ? Et déjà dangereux, comme duelliste, ce n’est qu’un cri ! Mais il ne faut pas te montrer si cérémonieux. Dorénavant, c’est "Oncle" que tu m’appelles, et pas autrement. Allez, dis-le, ne me fais pas davantage languir. Ça fait une éternité que j’attends cet instant.

— Vos désirs sont des ordres… , Oncle. » En relevant les yeux, Tobin aperçut son propre sourire, timide et traîtreux, reflété dans les prunelles sombres du roi.

À son grand soulagement, celui-ci finit par se détourner. « Duc Solari, j’ai ramené aussi, sain et sauf, votre propre fils. Nevus, va donc saluer tes parents. » Il est ton ennemi ! se tança Tobin, les yeux attachés sur le roi qui riait avec Solari et le noble jouvenceau. Mais son cœur était inattentif.

Lorsqu’on repartit pour se rendre au château, Korin et Tobin encadrèrent le roi. Les trois Solari les précédaient, en compagnie des porte-étendards.

« Que te dit de ton nouveau gardien ? demanda Erius.

— Il me plaît infiniment plus que Lord Orun », avoua franchement Tobin. Désormais convaincu qu’il arrivait à Frère de mentir, il était tout prêt à moins marchander sa confiance à Solari, qui le traitait aussi gentiment qu’il l’avait toujours fait.

Cette réponse abrupte fit glousser le roi qui lui adressa un clin d’œil narquois. « À moi aussi. Mais, au fait, où est donc ton fameux écuyer ? »

Nous y voilà, songea Tobin, à nouveau sur la défensive. On ne l’avait pas seulement avisé de la désignation de Solari. Le roi lui réservait-il aussi un nouvel écuyer, noyé quelque part, derrière, dans les rangs ? Affichant un air résolu, il fit signe à Ki de se porter à leur hauteur. « Puis-je me permettre de vous le présenter, Oncle ? Sieur Kirothius, fils de sieur Larenth de La-Chesnaie-Mont. »

Ki réussit à se ployer pour une révérence solennelle en selle, mais la main qu’il pressa sur son cœur tremblait. « Sire, daignez accepter mes humbles services pour Votre Majesté et toute sa lignée.

— Ainsi, c’est lui, ce trublion de sieur Kirothius  ? Redresse-toi, mon gars, que je te voie mieux. »

Ki obtempéra, les phalanges blanchies par leur crispation sur les rênes. Tobin redoubla d’attention pour observer le face-à-face, tandis que le roi toisait son ami. Dans son élégant costume neuf, ce dernier avait aussi fière allure que n’importe lequel des autres Compagnons. Tobin avait personnellement veillé à ce qu’il en soit ainsi.

« La-Chesnaie-Mont  ? lâcha finalement le roi. Votre père serait donc un homme de Lord Jorvaï ?

— En effet, mon roi.

— Rhius a décidément choisi un drôle d’endroit pour aller pêcher l’écuyer de son fils. Pas votre avis, Solari ?

— C’est bien ce que j’ai pensé moi-même, à l’époque », répondit celui-ci par-dessus son épaule.

Erius comptait-il annuler leur lien d’emblée, là, au vu et au su de tout un chacun ? Ki demeura impassible, mais Tobin vit ses mains se serrer davantage encore sur les rênes.

Mais Solari n’en avait pas terminé. « Pour autant que je me rappelle, c’est à Mycena que Rhius avait connu Larenth et certains de ses fils, et leur valeur au combat l’avait impressionné. Solide souche provinciale, en disait-il, point gâtée par les intrigues et les chichis de cour. »

Tobin fixa l’encolure de Gosi, de peur de trahir sa stupéfaction. Il allait de soi que Père s’était vu forcé de mentir, mais lui n’avait jamais songé à se demander comment il avait pu s’y prendre pour justifier l’apparition de Ki.

« Un choix judicieux, si j’en crois la vue de ce beau gaillard, dit Erius. Nombre de mes grands feraient peut-être bien d’adopter l’opinion de Rhius. Tu as donc des frères, Kirothius  ? »

Ki démasqua dans un grand sourire ses dents de lapin. « Des flopées, pour servir Votre Majesté, si les façons rugueuses et le parler cru ne L’offusquent trop. »

Le roi se mit à rire de bon cœur à gorge déployée.

« La cour ne perdrait rien, si les sincérités rustiques y avaient davantage de représentants. Dis-moi, Kirothius, et sans plus d’ambages, à présent, que te semble de ce fils que j’ai ? »

Tobin fut seul à remarquer l’imperceptible hésitation de Ki. « C’est un immense honneur que de servir le prince Korin, Majesté. Il manie l’épée mieux qu’aucun d’entre nous.

— Exactement comme il se doit ! » Erius tapa sur l’épaule de Ki puis fit un clin d’œil à Tobin. « Le choix fait par ton père est aussi bon que je m’y attendais, petit. Je ne romprai pas ce qu’il a béni. Aussi pourriez-vous cesser maintenant de m’avoir tous les deux cet air de chiens en manque d’herbe verte ?

— Merci, mon roi ! parvint à exhaler Tobin, si totalement submergé par une énorme vague de soulagement qu’il en avait le souffle presque coupé. Lord Orun était tellement monté contre lui… »

La bouche du roi se tordit en un petit sourire étrange. « Tu vois où ça l’a mené. Et dis-moi "Oncle", te souviens  ? »

Tobin porta son poing à son cœur. « Merci, Oncle ! »

Profitant de ce que le roi se tournait à nouveau vers Korin, il se cramponna au pommeau de sa selle, étourdi par le soulagement de voir Ki conserver sa place, en définitive. Cette faveur, au moins, lui permettait d’aimer un peu son oncle.

 

La population d’Atyion tout entière avait beau se trouver là pour accueillir le roi, Tobin n’en eut pas moins l’impression que les ovations étaient bien moins assourdissantes que la veille. Et, cette fois, remarqua t-il aussi, les troupes mises en avant dans la cour du château, c’étaient celles de Solari plutôt que les siennes.

 

La disparité des deux réceptions fut mieux que compensée par le festin du soir. Lytia s’était prodigieusement dépensée.

Les tables étaient drapées de rouge et jonchées d’herbes odoriférantes. Des bougies de cire en forme de rondelles flottaient à la surface de bassins d’argent, et des centaines de torches fichées dans les appliques des rangées de piliers qui la bordaient illuminaient la salle avec tant d’éclat qu’on pouvait même en admirer les voûtes décorées de fresques.

Sous la direction de Lytia et de l’intendant se succédèrent des kyrielles de plats plus exotiques et variés les uns que les autres. Tobin n’avait jamais rien vu de pareil. Un brochet colossal tremblotait sous son nappage d’aspic luisant. De modestes grouses étaient enchâssées dans des croûtes de pâte multicolores et façonnées de manière à présenter l’aspect d’oiseaux mythologiques à longues queues diaprées en plumes véritables. Des pelotons de crabes au garde-à-vous brandissaient entre leurs pinces des fanions de soie.

On apporta sur un bouclier un cerf rôti farci d’abats factices réalisés en fruits secs et en noix enfilés en guirlandes et laqués de miel à la muscade. Les desserts comportaient des poires truffées de crème brune fouettée, des pommes en pâtisserie fourrées de fruits secs et de hachis de veau, sans compter une nouvelle tourte volière recelant cette fois de minuscules fauvettes rouges. Aussitôt délivrées, celles-ci s’envolèrent en tournoyant vers les poutres, et les gens du roi lâchèrent leurs faucons puis s’esbaudirent en forcenés de la molle averse de duvet rouge qui ne tarda guère à les environner.

Lytia fit présenter ses dragons de sucre sur un plateau d’argent grand comme un bouclier de guerre. Chacun d’entre eux se distinguait par une posture un peu différente, tels se cabrant, tels ramassés comme pour bondir, et tous étaient disposés de manière à paraître en train de s’affronter les uns les autres. On les promena de table en table afin de les faire admirer par toute l’assistance avant de les abandonner à leur destin fatal.

Les écuyers assuraient le service à la table d’honneur. Tobin et les Compagnons siégeaient à la droite de Korin et du roi, Nyrin, Solari, sa femme et d’autres gentilshommes à la gauche de ce dernier. Tobin eut le plaisir de voir Tharin installé parmi ces intimes du souverain.

« Certains des hommes que je vois là faisaient-ils aussi partie de vos Compagnons personnels, Oncle ? demanda-t-il, pendant que les panetiers s’activaient à découper la première tournée de tranchoirs et déposaient ceux du dessus, les plus croustillants, devant Erius, Korin et lui.

— Votre maître d’armes était écuyer, avant que son maître ne soit tué sur un champ de bataille. Le général Rheynaris était l’un de mes acolytes, et le duc placé près de lui son écuyer. Tharin nous servait de sommelier. Ton propre écuyer me le rappelle au même âge. Regarde-moi ces Compagnons-là, Tharin, lança-t-il au capitaine assis vers le bout de la table en les lui désignant. Faisions-nous une aussi fine équipe, de notre temps ?

— M’est avis que oui, retourna Tharin. Mais ils nous auraient quand même donné pas mal de fil à retordre, sur le terrain.

— Surtout votre fils, mon roi, renchérit Porion, et ces deux sauvages de ruffians-là. » Il pointait l’index sur Tobin et Ki. « Leur croissance achevée, ils pourront défier n’importe quelle lame de la cour.

— C’est exact, Père, confirma Korin qui fit déborder le vin de sa coupe en la levant vers son cousin en guise de salut. Ils ont contraint la plupart d’entre nous à s’épousseter.

— Ils ont eu de bons précepteurs. » Le roi brandit son hanap en direction de Tharin et de Porion puis claqua l’épaule de son fils. « J’ai apporté des présents pour toi et tes amis. »

Ces présents se révélèrent être de grandes épées plenimariennes pour les deux princes et un beau poignard pour chacun des autres. Doté d’une teinte bleu sombre ignorée de Skala jusqu’alors et d’un fil meurtrier, leur acier témoignait d’une maîtrise exceptionnelle, et les garçons firent assaut de comparaisons enthousiastes. Faite de bronze et d’argent, la garde incurvée de la rapière de Tobin était ciselée de manière à figurer un inextricable entrelacs de pampres et d’églantines. Après l’avoir admirée sous tous les angles, il examina celle de Korin, forgée en forme d’ailes.

« De la belle ouvrage, n’est-ce pas ? dit Erius. Les artisans de l’est restent plus attachés que les nôtres aux styles du passé. Les caves du Trésor conservent des armes tout à fait semblables, encore qu’elles datent de l’ère des Hiérophantes. Vous tenez là des prises faites par moi-même. Elles appartenaient à des généraux. »

Il se radossa puis échangea un clin d’œil avec Korin. « J’ai encore un cadeau à faire, mais le mérite d’y avoir pensé ne m’appartient pas. Garçons ? »

Korin, Caliel et Nikidès ne quittèrent la salle que pour reparaître au bout d’un instant porteurs d’un volumineux ballot empaqueté dans du tissu et d’un étendard enroulé autour de sa hampe et gainé de blanc.

Après avoir confié le ballot au page de son père, Korin gratifia Tobin d’un large sourire. « Avec les compliments de Lord Hylus, cousinet. »

Erius se leva pour s’adresser à toute l’assistance. « Mon absence a été bien longue et, maintenant que je suis de retour, je vais avoir à m’occuper de mille affaires. La première, dont je me fais un plaisir de me décharger dès ce soir, concerne mon neveu ici présent. Levez-vous, prince Tobin, et recevez de ma main vos nouvelles armoiries: la puissance d’Atyion conjuguée à la gloire de Skala. »

Tandis que Nikidès déroulait la bannière, le roi défit le ballot puis déploya un surcot de soie matelassé. Tous deux étaient frappés aux armes du gamin.

Son écu était divisé par un pal rouge vertical qui, associé au timbre au dragon d’argent qui en couronnait le chef, proclamait son ascendance royale. À senestre figurait, en blanc sur champ noir liséré d’argent, le rouvre d’Atyion. À dextre, la flamme dorée de Sakor surmontait le dragon rouge d’Illior sur champ d’azur liséré de blanc - les couleurs de Mère.

« Il est merveilleux ! » s’écria Tobin, qui avait presque oublié sa conversation de naguère avec Hylus et Nikidès. Il adressa un regard lourd de gratitude à celui-ci qui, soupçonna-t-il, ne devait pas être étranger à la conception du blason.

« Bel emblème, en effet, convint Erius. Il va te falloir faire repeindre ton bouclier de guerre et équiper ta garde de nouvelles tuniques. »

Appliquant le surcot contre sa poitrine, Tobin mit un genou en terre. « Grand merci, Oncle. C’est trop d’honneur pour moi. »

Le roi lui ébouriffa les cheveux. « À toi maintenant de payer les cornemuses.

— Pardon, mon oncle ?

— Il m’est revenu que vous faisiez des prodiges, toi et ton écuyer… J’aimerais bien voir ça de mes propres yeux. Choisissez-vous deux adversaires. Heaumes et hauberts, ça suffira. Va donc chercher l’armure de ton maître, écuyer Kirothius. Vous autres, ménestrels, débarrassez-moi le plancher, nous allons nous offrir un vrai divertissement de guerriers.

— Tu prends Garol, Ki, commanda Korin. Qui veut affronter Tobin  ? _

— Moi, mon prince, lança Alben, avant que personne d’autre ait eu le loisir de répondre.

— L’ordure ! »ronchonna Ki. N’importe lequel des garçons de la bande aurait sans doute mis la pédale douce pour permettre à Tobin de faire des débuts spectaculaires en faveur du roi. Mais pas ce jaloux vaniteux d’Alben.

« Oui oui, laissez mon fils tâter de votre neveu ! » cria l’un des seigneurs du bout de la table. Ce doit être le fameux baron Alcenar, songea Tobin. Du même genre beau ténébreux que son rejeton, l’homme affichait une mine tout aussi arrogante.

Garol et Ki furent les premiers à se battre. Après avoir pris leurs places respectives, ils saluèrent le roi puis commencèrent à se tourner autour, pendant que les nobles convives martelaient les tables en échangeant des paris.

Garol fut d’abord généralement donné favori. Il avait le double avantage de l’âge et d’une puissante musculature. Ses chances parurent au début justifiées, car il contraignit son adversaire à la retraite par toute une série de coups violents. Comme leurs joutes avaient été assez fréquentes pour qu’ils sachent à quoi s’en tenir chacun sur les finasseries de l’autre, Ki ne pouvait compter pour l’emporter que sur son adresse et sa vélocité.

Tout en s’employant sans flancher une seconde à bloquer les assauts de Garol, il entreprit petit à petit de le tourner pour ne pas se retrouver acculé contre les tables. Cette tactique rappela à Tobin les leçons de danse qu’ils avaient prises avec Arengil et Una. Ki pouvait bien être le partenaire à reculons, ce n’en était pas moins lui qui dirigeait le train, car il obligeait l’autre à ouvrir sa garde en le forçant à le suivre. Devinant ce qu’il mijotait, Tobin se mit à sourire. Le meilleur atout de Garol n’était assurément pas la patience.

Comme il fallait s’y attendre, il en eut vite assez de pourchasser Ki et, se ruant sur lui, faillit bien l’abattre, mais, preste comme une couleuvre, Ki pivota sur un talon, se faufila sous le bras de Garol et, lui assenant à la base du cou le plat de sa lame, l’envoya valser face contre terre. Il avait suffi à toute l’assistance d’entendre crisser l’acier contre la coiffe de mailles pour savoir que le coup aurait été mortel. Il s’agissait d’ailleurs là de l’une des bottes enseignées par Arengil.

Les spectateurs s’étaient mis à glapir, pendant que l’or changeait de mains parmi les hou-hou. Ki aida Garol à se relever puis lui jeta un bras autour des épaules pour le soutenir. Un brin sonné, celui-ci se frottait piteusement la nuque.

Vint alors le tour de Tobin. Il avait déjà les nerfs à vif, et le petit sourire entendu qu’Alben échangea avec Urmanis pendant qu’il gagnait sa place n’était pas pour lui plaire. Quelque antipathie qu’il éprouvât pour son adversaire, il était trop intelligent pour le sous-estimer ; il le savait aussi costaud que fourbe et prêt à tout pour vaincre. Tout en conjuguant roulements d’épaules et flexions de bras pour ajuster au mieux l’encombrante cotte de mailles, Tobin alla occuper son poste.

Une fois qu’ils eurent salué le roi, Alben se carra en posture défensive et attendit, obligeant par là Tobin soit à faire le premier pas, soit à passer pour un nigaud. Cette stratégie délibérée manqua de peu valoir à Tobin une pointe en plein ventre lorsque Alben esquiva sa première feinte. Le voyant déséquilibré, Alben en profita pour lui administrer de cinglantes volées de coups. Tobin eut beau danser et se baisser, le haut de son heaume écopa encore d’un coup retentissant qui faillit le mettre à genoux. Il se ressaisit juste à temps pour répliquer par un revers, et la pointe de sa lame atteignit Alben au visage et, glissant sur la coiffe, alla lui balafrer la joue.

Alben lâcha un juron puis redoubla d’assauts, mais le sang de Tobin était lui aussi en ébullition, désormais. Il n’allait sûrement pas se laisser humilier en présence du roi, non plus que chez lui, dans sa propre demeure.

« Pour Atyion ! » cria-t-il, et des basses tables lui revint en chœur l’écho assourdissant de ce défi. Enchaînés tout au fond de la salle, les limiers du château s’étant à leur tour mis à hurler et à clabauder, la cacophonie lui donna des ailes de flamme, et son épée lui parut aussi légère qu’un bout de bois sec.

Dès lors, il n’eut plus conscience que du fracas de l’acier et du halètement saccadé de son vis-à-vis, pendant qu’ils se cabossaient l’un l’autre à qui mieux mieux, s’échinant comme des batteurs de gerbes, les yeux brûlés par la sueur qui trempait leurs tuniques sous les hauberts.

Dans l’espoir d’amener le présomptueux Alben à commettre une témérité fatale, Tobin fit mine de céder du terrain, mais il s’empêtra le talon dans quelque chose et tomba à la renverse, et Alben fut instantanément sur lui. Tobin tenait toujours son épée, mais Alben lui immobilisa le poignet sous son pied puis brandit son arme pour porter le coup meurtrier. Épinglé comme il l’était, Tobin vit que la lame ne se présentait pas à plat ; qu’Alben l’abattît de la sorte, et elle frapperait de taille, défonçant les os, voire pis que ça.

Juste au même instant fusèrent de dessous la table la plus proche dans les jambes d’Alben deux éclairs furieux de crachats et de feulements. Stupéfait, le garçon tangua juste assez d’un pied sur l’autre pour permettre à Tobin de dégager son bras, de relever son arme et de la braquer vers le visage de l’adversaire en une si fulgurante extension que la pointe fut à deux doigts de lui crever l’œil gauche. Alben battit l’air des deux bras pour éviter de s’y empaler, mais, fauché par un croche-pied, s’affala sur le dos. Debout d’un bond, Tobin l’enfourchait déjà, lui arrachait sa coiffe et lui piquait la gorge avec la pointe de son épée.

Alben le fixa d’un œil étincelant de pure méchanceté. Pourquoi me détestes-tu ? s’étonna Tobin, avant que Ki et les autres Compagnons ne le tirent de là pour le replanter sur ses pieds en lui bourrant le dos de tapes amicales. Urmanis et Mago prétendirent aider Alben à se redresser, mais il les remercia d’une rebuffade puis, sur un salut parodique à Tobin, regagna la table à grandes enjambées.

Tobin jeta un coup d’œil circulaire et, sous la table d’honneur, finit par apercevoir Queue-tigrée qui se toilettait le museau d’un air innocent.

« Bravo ! cria le roi. Par la Flamme, vous êtes tous les deux d’aussi fines lames que me l’affirmait Porion ! » Il dégrafa la broche d’or qui maintenait le col de sa tunique et la lança à Ki. Malgré son étonnement, celui-ci l’attrapa au vol et la pressa contre son cœur avant de planter un genou en terre. Quant à Tobin, Erius lui fit présent de son poignard à manche d’or.

« Voyons donc maintenant de quoi vous êtes capables, tous les autres. À toi de commencer, Korin, avec Caliel. Et veuillez me prouver que vous n’avez pas oublié ce que je vous ai appris ! »

Korin eut le dessus, naturellement. Tobin vit au moins une fois sans l’ombre d’un doute Caliel offrir une ouverture au prince héritier pour lui laisser marquer un point. Le reste des garçons se battit avec âpreté, et Lutha s’attira des éloges particuliers pour l’avoir emporté sur Quirion malgré son petit doigt brisé lors du premier assaut. Mis aux prises avec son ami Nikidès, Tobin se débrouilla pour ne le dépêcher qu’après lui avoir permis de pousser quelques jolies bottes.

La série de duels achevée, le roi leva sa coupe à la ronde en guise de salutation. « Mes félicitations à chacun d’entre vous ! Pour l’instant, les Plenimariens nous accordent un peu de répit, mais il sévit encore des pirates et des malandrins. » Il fit un clin d’œil à son fils.

Korin se leva d’un bond et lui baisa la main. « Nous sommes à tes ordres !

— Holà, holà, je ne promets rien. Nous aviserons. » On servit pour finir des fromages tendres et toutes sortes d’amandes dorées sur des assiettes de porcelaine peinte, et, pendant que les convives les dégustaient, les ménestrels exécutèrent des ballades anciennes.

« Voici la dernière amusette inventée par les potiers d’Ylani », déclara Solari quand il ne resta plus une miette à croquer. Retournant son assiette, il fit voir au roi un couplet peint sur le dessous. « Chacune d’entre elles porte au revers une énigme ou une chanson dont son détenteur, debout sur son siège, doit faire part à la société. Si je puis me permettre de donner l’exemple  ? » .

Dans l’hilarité générale et le boucan des coupes martelant les tables, il se jucha sur son fauteuil et se mit à déclamer des vers on ne peut plus burlesques avec une larmoyante solennité.

Ravi par ces bouffonneries, Erius lui succéda pour débiter un quatrain d’une obscénité sordide en affectant les langueurs chlorotiques d’un rimailleur courtois.

Le jeu remporta un énorme succès et se poursuivit pendant plus d’une heure. La plupart des textes étaient de la même veine pis que gaillarde, certains carrément orduriers. Tobin rougit de façon cuisante quand Tharin grimpa sur la table et récita, d’un air parfaitement impassible, un poème contant les ébats d’une jeune épouse avec son amant dans le feuillage d’un poirier, tandis que, planté au pied de l’arbre, le vieux mari myope incitait la belle à cueillir le fruit le plus pulpeux qu’elle pourrait trouver.

Par bonheur, sa propre assiette ne portait qu’une devinette : « "Quelle est la forteresse capable de résister à la foudre, à un siège et au feu, mais qu’on peut emporter d’un mot doux ? "

— Le cœur d’une maîtresse ! » cria Korin, s’attirant par là pour récompense des tas de sifflets cordiaux.

« Faites donc voir à Tobin la fameuse épée, Père », reprit-il, une fois le jeu des assiettes achevé.

Le porte-baudrier royal s’avança puis, le genou ployé, présenta sa charge au roi. Dégainant la longue lame de son fourreau clouté, Erius la brandit pour la soumettre à l’admiration de son neveu. Le flamboiement jaune des torches faisait miroiter l’acier poli et briller d’un éclat chaleureux les dragons d’or en haut-relief émoussé qui ornaient les branches courbes de la garde.

S’en voyant ensuite tendre la poignée, Tobin eut à roidir le bras pour tenir l’arme, qui était beaucoup plus longue et plus pesante que la sienne. En dépit de cela, la poignée d’ivoire jauni résillé d’or s’ajustait à merveille à sa main. Il abaissa la pointe pour considérer le gros rubis qui, serti dans le pommeau d’or cannelé, portait en intaille le sceau royal de Skala. Le motif, qu’il avait souvent vu à l’envers, imprimé dans la cire, au bas de lettres de son oncle, figurait la flamme de Sakor portée par le dragon d’Illior, avec un croissant de lune à l’arrière-plan.

« L’épée même que le roi Thelâtimos donna à Ghërilain, dit Korin en la saisissant à son tour et en y faisant miroiter la lumière alternativement sur l’une et l’autre face. La voici revenue, tant d’années plus tard, entre les mains d’un roi.

— Et pour se trouver entre les tiennes, un jour, mon fils », reprit fièrement le roi.

Sans cesser de regarder l’épée, Tobin s’efforça d’imaginer sa frêle et imprévisible mère en train de la manier en guerrier. Il n’y parvint pas.

Tout à coup, et pour la seconde fois de la journée, il sentit les yeux de Nyrin attachés sur lui. L’orgueil supplanta la peur. Après avoir exclu de son esprit tout ce qui n’était pas relatif aux sensations éprouvées quand il tenait l’épée, il planta son regard dans celui du magicien. Et ce n’est pas lui qui se détourna le premier, cette fois.