entre deux néants
Il est très possible qu’il n’y ait rien après la mort et qu’elle mette un point final aux espérances des hommes. « Ouvrez-vous, portes de la nuit ! s’écrie Montherlant. Elles s’ouvrent. Et derrière, il n’y a rien. » Ceux qui ne croient pas à Dieu et qui pensent que l’univers n’a pas besoin d’une puissance extérieure pour naître et pour subsister n’ont aucune raison ni même aucun désir de compter sur quoi que ce soit après la fin de la vie. Nous naissons par des mécanismes qui nous sont bien connus, nous entrons dans le temps, nous mourons, nous en sortons une pelletée de terre, un tas de cendres, peut-être l’écume d’une vague, et tout est dit.
Où étions-nous avant de naître ? Nulle part. Où serons-nous une fois morts ? Nulle part. Nous venons du néant, nous y retournons, c’est tout simple. Nous étions absence et rien. Nous serons absence et rien. Délicieuse et cruelle, la vie est une parenthèse qui n’a pas d’autre signification qu’elle-même. L’univers ne renvoie à rien d’autre. La vie non plus.
Il y a bien quelque chose qui s’appelle le monde. Il disparaîtra tout entier comme nous disparaissons nous-mêmes. Il y a bien quelque chose qui s’appelle l’histoire. Elle a sa logique propre, mais elle n’a pas de sens. Quand les hommes auront disparu comme disparaissent toutes choses, il n’y aura personne pour se souvenir d’eux. Le monde est beau. L’histoire existe. Cette beauté et cette existence sortent du néant pour retourner dans le néant. Il y a un grand rêve qui est le monde. Et dans ce grand rêve, un autre rêve qui est la vie. Et dans ce rêve, encore un rêve qui est notre existence. Et tous ces rêves n’ont pas de sens, et ils sont absurdes.