le monde m’étonne
La question n’était pas neuve. Leibniz se l’était déjà posée – Cur aliquid potius nihil ? – et Heidegger l’a reprise. Elle ne m’a plus quitté. Elle est devenue une hantise.
Vous savez ce que c’est quand vous avez une idée en tête. Elle ne vous lâche pas jour et nuit. Vous n’avez plus de répit. Vous devenez bizarre. Non seulement ma propre existence – c’est assez fréquent, je crois –, mais le monde autour de moi me paraissaient invraisemblables. Tout m’étonnait. D’être là, que le soleil brille, que la nuit tombe, que le jour se lève. Que j’écrive ces lignes et que vous les lisiez. Qu’il y ait quelque chose qu’à tort ou à raison nous appelons « le réel » ou « la réalité » et qui me semblait se rapprocher soudain dangereusement d’une sorte de subtile illusion ou d’un rêve récurrent.