l’inimaginable

 

Depuis quelques années, les hommes remontent le temps jusqu’au big bang. Ils parcourent en esprit avec une relative aisance les treize milliards sept cents millions d’années qui nous séparent de l’origine. Ils en connaissent toutes les étapes, ils voient, grâce à la lumière, notre propre système solaire, les galaxies les plus lointaines, l’univers tout entier en train de se constituer, ils s’approchent de très près, à quelques fractions de seconde, de l’explosion originelle – et ils se heurtent à un mur apparemment infranchissable. C’est le fameux mur de Planck – appelé aussi temps de Planck –, du nom de ce physicien que nous avons déjà vu découvrir les quanta vers le début du siècle dernier.

Qu’est-ce que le mur de Planck ? Accrochons nos ceintures. Le mur de Planck est un temps, égal à 10-43 seconde, qui indique le moment, juste après l’explosion originelle, où notre physique perd pied, où les limites de nos connaissances sont atteintes. Les trois premières secondes de l’univers sont décisives. Et l’extrême début de la première seconde nous reste inaccessible. Pour dépasser le temps de Planck, il faudrait une théorie quantique de la gravité où la force gravitationnelle serait unie aux autres forces, théorie qui reste encore à construire.

Le temps de Planck est inimaginablement bref. Tout est inimaginable à l’instant du big bang. Ce qui deviendra notre immense univers est alors dix millions de milliards de milliards de fois plus petit qu’un atome. Il est inimaginablement chaud et dense. Son énergie est inimaginablement grande. Et le temps de Planck, qui dresse son mur devant notre science, est inimaginablement court : 0,000… seconde après l’explosion primordiale. Le premier chiffre non nul ne survient qu’après quarante-trois zéros qu’il serait un peu gauche et poseur de reproduire ici. « La durée d’un flash photographique, nous dit l’astrophysicien Trinh Xuan Thuan, occuperait un milliard de milliards de milliards de fois plus de temps dans l’histoire entière de l’univers que le mur de Planck n’en occupe dans une seconde. »

C’est là, au cœur de cette particularité où s’arrêtent les lois dont nous nous servons chaque jour dans notre exploration de la nature, que s’imposerait la théorie unifiée dont nous évoquions tout à l’heure l’impossibilité et à laquelle Einstein a travaillé avec acharnement et en vain dans les trente dernières années de sa vie. Pour le moment au moins, rien à faire : la relativité générale et sa gravité qui règnent sur l’infiniment grand refusent avec obstination de s’unir à ce que Trinh Xuan Thuan appelle « les seigneurs de l’infiniment petit ».

Peut-être le rêve de l’unification de la mécanique quantique avec la relativité sera-t-il réalisé dans l’avenir ? Aujourd’hui, en tout cas, le mystère le plus profond continue à planer autour du mur de Planck. Derrière l’inimaginable rôde l’inconcevable.

 

c'est une chose étrange à la fin que le monde
cover.xhtml
book_0000.xhtml
book_0001.xhtml
book_0002.xhtml
book_0003.xhtml
book_0004.xhtml
book_0005.xhtml
book_0006.xhtml
book_0007.xhtml
book_0008.xhtml
book_0009.xhtml
book_0010.xhtml
book_0011.xhtml
book_0012.xhtml
book_0013.xhtml
book_0014.xhtml
book_0015.xhtml
book_0016.xhtml
book_0017.xhtml
book_0018.xhtml
book_0019.xhtml
book_0020.xhtml
book_0021.xhtml
book_0022.xhtml
book_0023.xhtml
book_0024.xhtml
book_0025.xhtml
book_0026.xhtml
book_0027.xhtml
book_0028.xhtml
book_0029.xhtml
book_0030.xhtml
book_0031.xhtml
book_0032.xhtml
book_0033.xhtml
book_0034.xhtml
book_0035.xhtml
book_0036.xhtml
book_0037.xhtml
book_0038.xhtml
book_0039.xhtml
book_0040.xhtml
book_0041.xhtml
book_0042.xhtml
book_0043.xhtml
book_0044.xhtml
book_0045.xhtml
book_0046.xhtml
book_0047.xhtml
book_0048.xhtml
book_0049.xhtml
book_0050.xhtml
book_0051.xhtml
book_0052.xhtml
book_0053.xhtml
book_0054.xhtml
book_0055.xhtml
book_0056.xhtml
book_0057.xhtml
book_0058.xhtml
book_0059.xhtml
book_0060.xhtml
book_0061.xhtml
book_0062.xhtml
book_0063.xhtml
book_0064.xhtml
book_0065.xhtml
book_0066.xhtml
book_0067.xhtml
book_0068.xhtml
book_0069.xhtml
book_0070.xhtml
book_0071.xhtml
book_0072.xhtml
book_0073.xhtml
book_0074.xhtml
book_0075.xhtml
book_0076.xhtml
book_0077.xhtml
book_0078.xhtml
book_0079.xhtml
book_0080.xhtml
book_0081.xhtml
book_0082.xhtml
book_0083.xhtml
book_0084.xhtml
book_0085.xhtml
book_0086.xhtml
book_0087.xhtml
book_0088.xhtml
book_0089.xhtml
book_0090.xhtml
book_0091.xhtml
book_0092.xhtml
book_0093.xhtml
book_0094.xhtml
book_0095.xhtml
book_0096.xhtml
book_0097.xhtml
book_0098.xhtml
book_0099.xhtml
book_0100.xhtml
book_0101.xhtml
book_0102.xhtml
book_0103.xhtml
book_0104.xhtml
book_0105.xhtml
book_0106.xhtml
book_0107.xhtml
book_0108.xhtml
book_0109.xhtml
book_0110.xhtml
book_0111.xhtml
book_0112.xhtml
book_0113.xhtml
book_0114.xhtml
book_0115.xhtml
book_0116.xhtml
book_0117.xhtml
book_0118.xhtml
book_0119.xhtml
book_0120.xhtml
book_0121.xhtml
book_0122.xhtml
book_0123.xhtml
book_0124.xhtml
book_0125.xhtml
book_0126.xhtml
book_0127.xhtml
book_0128.xhtml
book_0129.xhtml
book_0130.xhtml
book_0131.xhtml
book_0132.xhtml
book_0133.xhtml
book_0134.xhtml
book_0135.xhtml
book_0136.xhtml
book_0137.xhtml
book_0138.xhtml
book_0139.xhtml
book_0140.xhtml
book_0141.xhtml
book_0142.xhtml
book_0143.xhtml
book_0144.xhtml
book_0145.xhtml
book_0146.xhtml
book_0147.xhtml