l’avenir : imprévisible
Dans le système de l’univers, l’avenir est opaque et il est imprévisible. C’est son rôle. C’est sa vocation. Le triomphe du christianisme, la conquête arabe sept cents ans plus tard, la carrière du Saint Empire romain germanique, l’ascension de Staline et de Hitler, la chute du mur de Berlin étaient imprévisibles – et d’ailleurs imprévus. Bien avant les hommes et rétrospectivement, la constitution du système solaire et l’éclosion de la vie avaient des chances infimes de se produire et étaient imprévisibles.
Depuis toujours, la raison des hommes a essayé de franchir cette barrière d’opacité et de prévoir l’avenir. Ils ont d’abord espéré chaque jour, dans la crainte et le tremblement, que le Soleil allait briller demain matin comme il avait brillé aujourd’hui. Rien n’était moins sûr. Et rien n’était l’objet d’autant de vœux et de prières. Beaucoup d’hommes ont péri de mort violente pour obtenir des dieux tout-puissants la grâce de voir le Soleil se lever à nouveau.
Plus tard, les calendriers, les projets, les horaires, les feuilles de route, les budgets, les plans ont tenté d’apprivoiser un avenir rétif et toujours incertain. Le plus souvent, l’attente des hommes a été déçue et leur volonté contrariée. L’avenir, dont personne ne sait où il se trouve, est, selon la formule d’Homère, « sur les genoux des dieux ».
Il est nulle part et il ne manque jamais d’arriver. Riche d’une infinité de possibles qui ne cessent de se réduire à mesure qu’il se rapproche du présent, l’avenir déboule sur nous avec une obstination cruelle. D’abord semblable au présent avec lequel il se doit d’être toujours compatible, et pourtant déjà étranger avant de devenir radicalement différent de tout ce que nous avons pu connaître auparavant, l’avenir est la surprise même, l’inattendu toujours attendu et une sorte de stupeur qui ne tarde jamais beaucoup à se changer en évidence.