CHAPITRE XII
Écoute mon histoire, ô toi le passant qui n’aperçois de mon visage qu’un masque blanc et tragique. Peut-être crois-tu que je souhaite dissimuler mes traits à la suite d’un quelconque forfait ? Peut-être estimes-tu que je suis un criminel recherché par les forces de l’ordre de toutes les planètes habitées ? Peut-être présumes-tu que j’ai accompli des actes abominables comme le viol d’enfants ou le trafic de marchandhommes ? Peut-être penses-tu que je mérite le supplice de la croix-de-feu kreuzienne ou le pal des mondes du Levantin ? Tu es pourtant bien loin de la vérité, car même dans tes rêves les plus hideux, tu n’as pas assez d’imagination pour te faire une idée de l’abomination que fut ma vie. J’ai commis les crimes les plus odieux que puisse commettre un être humain, et tout cela, je ne l’ai pas fait en mon nom mais au nom de mes supérieurs, de mes officiers. Commenceras-tu à comprendre qui je suis réellement lorsque je t’aurai avoué que je suis un ancien mercenaire de Pritiv ? Tu regrettes de m’avoir prêté une oreille attentive à présent, tu voudrais fuir te réfugier dans ton logis, mais ni les murs ni les portes ne sont en mesure d’arrêter le Pritiv. Lorsque nous pénétrions dans un appartement, nous ne laissions aucune trace derrière nous, nous n’épargnions aucune vie, nous éventrions les hommes, nous violions les femmes avant de dépecer leurs enfants sous leurs yeux. Nous étions aussi monstrueux que ce masque qui nous sert de visage. Mais sais-tu quelle est la pire torture pour un homme ? Comment pourrais-tu le savoir puisque tu es un être libre ? S’engager dans les rangs du Pritiv, c’était se précipiter tête baissée dans un enfer d’où il était impossible de sortir…
La complainte du mercenaire de Pritiv.
Théâtre traditionnel d’Issigor,
traduction de Messaodyne Jhu-Piet