Épilogue
Aujourd’hui il n’y a plus que des moutons qui vagabondent sur le Palatin, et Atyion même a perdu son éclat. Remoni est devenu Rhiminee, pour coïncider avec les idiomes skaliens, mais le sens demeure le même. Bonne eau. Rhiminee, la source de vie de l’âge d’or de Skala.
« Nous autres, magiciens, nous sommes comme des rochers dans le lit d’une rivière, attentifs aux flots torrentueux de l’existence qui s’écoule en tourbillonnant. »
Je songe souvent à vos paroles, Iya, tandis que je déambule dans les rues de la brillante cité de Tamir. Du haut de mon balcon, je puis encore suivre le tracé des murailles qu’elle construisit cette année-là. La ville ancienne repose comme un jaune d’œuf au cœur des adjonctions réalisées tour à tour par ses successeurs. Je sais qu’elle se plairait à voir s’en poursuivre la construction. Là était sa véritable vocation, en définitive, bien plus encore que celle de guerrier ou de reine.
Au nord, à l’endroit même où se dressait la forteresse de Cima, passe le grand canal que nous frayâmes pour elle, premier présent fait à sa nouvelle capitale par la Troisième Orëska. Sculptée quand elle était plus âgée, sa statue le garde toujours. Que de fois n’ai-je levé les yeux vers sa physionomie solennelle ! Mais ,dans mon cœur, elle aura pour jamais les seize ans du jour où, debout avec Ki sous des tourbillons de feuilles d’automne aux couleurs rutilantes, ils annoncent officiellement leur union devant le peuple, entourés de tous leurs amis.
Tamir et Ki. Reine et consort. Amis intimes et guerriers hors pair jusqu’au bout. Vous êtes tous les deux à jamais enlacés dans mon cœur. Vos descendants sont vigoureux et beaux et gens d’honneur. Je vous aperçois encore furtivement tous deux dans des prunelles bleu sombre et brunes.
Rhiminee a oublié les autres - Tharin, les Compagnons, Nyrin, Rhius et Ariani. Erius et Korin sont des noms voués à l’ombre dans la lignée, une fable morale. Même toi, Tamir - Tamir la Grande, comme on t’appelle désormais -, tu n’es qu’une fable à moitié contée. Tant mieux. Frère et Tobin sont les ténèbres jumelées au sein de la perle ; la seule chose qui importe, c’est son orient.
Le cri bref poussé par un nouveau-né persiste à hanter mes rêves, mais ses derniers échos s’éteindront avec moi. Ce que Tamir a construit continue d’exister, transmettant à l’avenir son amour et l’amour de ceux qui se tenaient à ses côtés.
Extrait d’un fragment de document découvert par le Gardien Nysander dans la tour est de la Maison de l’Orëska.