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La nouvelle des agissements de Tamir contre les nobles récalcitrants se propagea comme une traînée de poudre, et la noblesse du bas comme du haut de la côte commença à expédier des hérauts porteurs de missives conciliatoires. Les puissants seigneurs du nord et quelques-uns de l’ouest demeurèrent néanmoins inébranlables dans leur soutien à Korin. Jorvaï avait été l’un des rares de cette région à prendre le parti de la reine. D’après ce que rapportaient les espions de Tamir et les magiciens d’Arkoniel, Korin s’obstinait toujours à ne pas bouger de Cima.

Elle ne savait trop que déduire du comportement de son cousin. À sa place, avec à sa disposition des forces supérieures, elle se serait depuis longtemps mise en marche, et pourtant on ne relevait toujours pas le moindre indice de mouvement. L’opinion de Ki était que Korin avait peur de se battre, mais Tamir ne démordait pas de son sentiment qu’il devait y avoir quelque anguille sous roche.

Dans tous les cas, ils jouissaient à présent d’une période de paix relative, et Imonus saisit cette opportunité pour presser Tamir une fois de plus de se rendre à Afra.

«Il est temps, Majesté. À défaut d’autre chose, il faut que l’on vous voie honorer l’Illuminateur comme vos ancêtres l’ont toujours fait.

— Il a raison, vous savez, abonda Illardi. Chaque nouvelle reine y est allée et en a rapporté une prophétie pour le peuple. »

Tamir n’avait pas besoin de se laisser convaincre. Elle en avait jusque-là de la vie de cour, et puisqu’il ne lui était décidément pas possible de livrer une bataille, alors la perspective d’un voyage avait de quoi la séduire.

Sur les conseils d’Imonus, elle fixa la date de leur départ pour la première semaine de Lenthin. Cela les amènerait à Afra pendant le premier quartier de la lune - époque éminemment propice, à en croire les prêtres.

Il n’était pas question de se faire accompagner de troupes considérables. Le sanctuaire se trouvait à une grande altitude dans les montagnes à l’ouest d’Ylani, et l’on n’y accédait que par une seule route des plus tortueuse et qui, selon Imonus et Iya, était à peine assez large à certains endroits pour livrer passage à un seul cavalier de front.

«Les lieux sont un territoire sacré. Nyrin en personne n’oserait pas les profaner en vous y attaquant, lui assura Imonus. Et personne ne consentirait à suivre Korin s’il commettait semblable sacrilège.

— J’espère que vous ne vous trompez pas, dit Tharin. Néanmoins, elle doit emmener une garde suffisante pour assurer sa protection sur la route.

— Ma garde personnelle devrait suffire, surtout alors avec Iya et Arkoniel, déclara Tamir.

Avec un peu de chance, je serai de retour avant que les espions de Korin n’aient seulement pu l’informer que j’étais partie.

— Saruel a demandé à être des nôtres, intervint Iya.

Les Aurënfaïes éprouvent le plus grand respect pour L’Oracle, et elle aimerait visiter le temple.

— Je me fais une joie de l’emmener, répondit Tamir, Elle est l’une de vos collègues les plus puissantes, n’est-ce pas  ? Je me sentirai d’autant plus en sécurité qu’elle se trouvera là. »

La nuit précédant leur départ, Tamir fut trop agitée pour dormir. Elle s’attarda longuement à jouer avec Ki et Una puis, assise près de la fenêtre pendant qu’ils disputaient la finale, regarda se lever la dernière demi-lune en plein déclin tout en tiraillant machinalement l’une de ses nattes. Una finit par remporter la victoire et prit congé d’eux, brûlant déjà d’impatience de se retrouver en route le lendemain.

«Que se passe-t-il ? Je m’attendais à ce que tu meures d’envie de partir, observa Ki pendant qu’il raflait leurs pierres de bakshi pour les faire réintégrer leurs bourses respectives et rangeait l’échiquier de bois.

— C’est le cas.

— Eh bien ! Pour quelqu’un qui fait montre avant la bataille d’un sang-froid plus glacial que les eaux printanières, voici qu’une balade de rien du tout a l’air de te mettre les nerfs épouvantablement à vif…Ce sont les illiorains qui te flanquent la frousse ? À moi oui, je le reconnais. »

 

Elle se retourna et s’aperçut qu’il lui souriait à belles dents. «Arrête de me taquiner. Ce n’est pas toi, le dieu-touché. C’était angoissant, la vision que j’ai eue ! Je vais avoir affaire à l’Oracle le plus prodigieux du pays…

— Et qui pourrait être plus en sécurité que toi, là-bas  ? contra-t-il. Allons, il y a quelque chose d’autre, pas vrai ?

— Et si ce qu’elle me dit n’est pas à mon goût ? Si j’apprends que je suis vouée à l’échec ou à devenir folle comme le reste de ma famille ou encore… je ne sais quoi ?

— Et ?

— Et Frère. Il n’arrête pas de me harceler à propos de sa mort. Je veux connaître la vérité, mais j’en ai peur aussi. Je n’arrive pas à l’expliquer, Ki. C’est une impression viscérale, ni plus ni moins.

— Qu’est-ce qui t’effraie le plus des deux ? Qu’il ne s’en aille pas une fois que tu lui auras donné satisfaction, ou justement qu’il s’en aille ?

Je veux qu’il s’en aille. Seulement, je ne sais pas si je serai capable de lui donner le prix de son départ. »

Ils partirent le lendemain à la première heure et traversèrent au trot la ville endormie. Tamir éprouva une vive bouffée d’exaltation quand la grand-route du sud s’étira longuement devant eux. Ce sentiment ne tenait pas simplement à la perspective de rencontrer finalement l’Oracle qui avait joué un rôle aussi décisif dans son existence. Le fait de chevaucher au triple galop devant des cavaliers armés était l’une des sensations les plus merveilleuses qu’elle connût.

Laïn, le plus jeune des religieux d’Afra qui étaient venus la rejoindre au nord avec Imonus, chevauchait en tête avec elle en qualité de guide, encore que le trajet fût tout aussi familier à Iya et à Arkoniel. Comme il était un être du genre effacé, Tamir ne lui avait guère prêté d’attention jusqu’alors, mais il rayonnait littéralement aujourd’hui.

 

«C’est un immense honneur, Majesté, que de conduire une nouvelle reine à Afra. Je prie pour que vous y receviez une réponse limpide et du réconfort.

Moi aussi », répondit-elle.

Arkoniel avait emmené Wythnir avec lui, et le gamin, vêtu d’une belle tunique neuve et chaussé de bottes, montait fièrement un poney personnel. Sa tenue le faisait paraître plus âgé. Les magiciens ne se quittaient guère, et le petit avait beau parler peu, selon sa coutume, Tamir voyait clairement qu’il s’imprégnait de chacun des mots que prononçait son maître. Il supportait les longues heures passées à cheval sans l’ombre d’une plainte, manifestement ravi de se trouver auprès d’Arkoniel plutôt que de s’être vu délaisser une fois de plus.

Ils couchèrent à Ero la seconde nuit, et le lendemain l’intendant d’Illardi fit avec orgueil à Tamir les honneurs de la nouvelle ville qui poussait le long de la rive nord de la rade. Bien des gens vivaient encore sous des tentes et sous des abris de fortune, mais il y avait de toutes parts des hommes à l’ouvrage, qui charroyant des pierres, qui s’échinant à monter des charpentes de maisons neuves. L’atmosphère embaumait la chaux et la sciure de bois. Tamir multiplia les haltes afin d’observer le travail des divers corps de métier.

Arkoniel sourit en la voyant s’attarder à regarder un sculpteur sur bois s’activer sur un linteau ornemental. « Vous arrive-t-il jamais de souhaiter être plutôt née dans une famille d’artisans ?

— Parfois. J’ai perdu tous mes outils de ciselure et n’ai pas eu le temps de trouver à les remplacer. »

Arkoniel fouilla dans son escarcelle et lui tendit une petite boule de cire d’abeille fraîche. » Ceci fera-t-il l’affaire, pour l’instant ? Vous aviez l’habitude d’en porter toujours avec vous. »

Elle s’épanouit, Arkoniel avait été l’un des tout premiers à reconnaître et à encourager ses dons.

Mais pas le premier.

Le parfum suave lui remit en mémoire quelques précieux moments de paix avec sa mère l’un des rares sourires qu’avait eus sa mère pendant qu’elle réchauffait un brin de cire entre ses mains. Elle sent les fleurs et le soleil, n’est-ce pas ? Les abeilles la stockent tout l’été pour nous dans leurs maisons de cire.

Le picotement de larmes derrière ses paupières la stupéfia. Tamir avait si peu de bons souvenirs d’elle… Son regard s’abaissa vers le profil serein gravé sur sa bague, et elle se demanda ce que penserait Ariani de la voir sous sa forme véritable. L’aimerait-elle enfin, l’aimerait-elle autant qu’elle avait aimé Frère ? Les aurait-elle aimés tous les deux, et la démence lui aurait-elle été épargnée si Frère avait vécu ?

Elle secoua ces pensées douces-amères et poursuivit sa course en espérant qu’Arkoniel et les autres ne s’étaient pas avisés de sa faiblesse.

 

Après avoir bientôt délaissé la route du bord de mer, ils piquèrent vers le sud et l’ouest au cours des quelques journées suivantes en direction des montagnes. C’était en l’occurrence le trajet qu’elle avait précisément emprunté pour se rendre à Ero la première fois. Elle échangea sans mot dire un regard nostalgique avec Ki lorsqu’ils traversèrent le carrefour qui leur aurait permis de gagner le fort de Bierfût. Qui savait quand ils auraient le loisir d’y aller de nouveau ? Sa vieille nourrice, Nari, lui écrivait souvent, elle ne manquait jamais de répondre, mais sans pouvoir promettre de visite.

Une fois dépassée la route de Bierfût, Laïn leur fit suivre des voies secondaires qui évitaient les plus grosses villes et menaient invariablement vers l’intérieur. De modestes auberges établies sur les bas-côtés les hébergèrent durant les premières nuits, et les gens l’y accueillirent avec respect, l’œil agrandi par la stupeur, surtout quand leur nouvelle reine se contenta de dîner en leur compagnie dans la salle commune. Au cours de la soirée, elle entonnait autour du feu des chansons avec les Compagnons, tandis qu’Iya et Arkoniel divertissaient l’assistance avec des tours de magie simples et colorés, non sans tramer quelques raccommodages en faveur de ceux qui osaient les en prier.

En retour, les villages entretinrent Tamir des récoltes et du banditisme. L’impudence de canailles de toutes sortes n’avait fait que croître et fleurir depuis la chute d’ Ero. Tamir expédia une estafette enjoindre à Illardi de dépêcher certains de leurs guerriers désœuvrés pour se mettre en chasse et régler leur compte aux brigands.

L’immense chaîne montagneuse qui constituait l’épine dorsale de la péninsule skalienne se rapprochait, toujours plus impressionnante, de jour en jour, ses cimes déchiquetées encore encapuchonnées de neige.

L’après-midi du septième jour, Laïn leur fit prendre une route plus fréquentée qui conduisait à l’intérieur du massif. La forêt à verdure persistante céda graduellement la place à des boqueteaux plus clairsemés de trembles et de chênes.

Le chemin se fit plus abrupt et se mit à sinuer, les contraignant à brider leurs chevaux pour les mettre au pas. L’air fraîchit progressivement autour d’eux, chargé d’effluves de plantes que Tamir ne reconnut pas. Des arbres rabougris, tordus par le vent, s’accrochaient aux versants rocheux, et des mousses coriaces ainsi que de menues plantes bordaient la chaussée. Alors que l’été régnait encore à Atyion, l’atmosphère, ici, laissait subodorer des prémices automnales, et le feuillage des trembles commençait à se lisérer d’or. À des hauteurs incommensurables, les pics couronnés de neige brillaient contre la clarté de l’azur d’un éclat à vous blesser les yeux.

« Cela me rappelle mon chez-moi. Beaucoup de ces plantes y sont identiques, observa Saruel qui chevauchait aux côtés de Tamir.

— Vous êtes originaire des montagnes ?

— Oui. Dans mon enfance, je ne voyais de terrain plat que lorsque nous faisions le voyage de Sarikali pour les assemblées de clans. » Elle aspira une grande goulée d’air, et le fin réseau noir qui entourait ses yeux se distendit et se plissa lorsqu’elle sourit. «Ces parfums m’ont manqué, de même que la fraîcheur. J’ai pris grand plaisir à mon séjour dans votre capitale, mais c’était très différent de ce à quoi je suis accoutumée. »

Tharin émit un gloussement. «Ero la puante. Pour parler franc, elle était loin d’usurper son qualificatif, voilà qui est sûr.

— Je comprends. J’ai grandi dans les montagnes, moi aussi, dit Tamir.

— On jurerait l’une de nos parties de chasse, n’est-ce pas, Tharin ? » Au même instant, quelque chose attira le regard de Ki, et il se courba périlleusement sur sa selle pour cueillir une fleur dans une touffe de corolles mauves en forme de clochettes qui poussait sur la paroi de la falaise. Les genoux serrés sur les flancs de sa monture pour conserver un équilibre précaire, il parvint à ses fins et offrit en souriant sa conquête à Tamir, «Regarde. Une pensée sauvage, pour te rappeler de meilleurs souvenirs. »

Tamir la huma, savoura sa senteur capiteuse et familière, puis elle se la planta derrière l’oreille. Ki n’avait jamais rien fait de pareil jusque-là. Ce constat lui fit battre le cœur d’une ivresse inconnue, et elle poussa son cheval au trot pour empêcher les autres de surprendre sa rougeur subite.

Ils campèrent au bord d’un torrent dans une haute vallée battue par le vent, cette nuit-là. Sur le velours du firmament, les étoiles avaient l’air énorme, exactement comme à Bierfût jadis, et elles étincelaient si vivement qu’elles donnaient à la neige des pics l’aspect de l’argent.

Saruel et Laïn ramassèrent de conserve des poignées de petites baies bleues et leur en concoctèrent une agréable infusion résineuse.

«La plupart d’entre vous n’avez jamais voyagé dans des cols aussi élevés. L’air se raréfie au fur et à mesure que nous grimpons, expliqua le prêtre. Il y a des personnes à qui ce phénomène procure une sensation de malaise oppressante, mais ce breuvage les soulagera. »

 

Tamir n’avait rien éprouvé jusque-là de ces effets indésirables, mais Nikidès, Una et les nouveaux écuyers reconnurent avoir souffert d’un vague vertige vers la fin de la journée.

Dans ces parages, les chouettes étaient nombreuses et plus grandes que celles des basses terres, leurs têtes rondes s’ornaient de touffes de plumes semblables à des oreilles de chat, et l’extrémité de leurs rectrices arborait des bandes d’une blancheur éblouissante. Ki découvrit quelques échantillons de leur plumage accrochés aux buissons d’ajoncs qui environnaient le camp, et il les donna à Tamir. Elle en jeta une pincée dans le feu tout en murmurant une prière propitiatoire.

Ils couchèrent à même le sol, enveloppés dans leurs manteaux et leurs couvertures, et découvrirent à leur réveil la vallée plongée dans une brume dense et glaciale qui tapissait leur chevelure et la robe de leurs chevaux de gouttelettes scintillantes comme des joyaux. Les bruits portaient de façon bizarre. Tamir pouvait à peine entendre la conversation de ceux qui se tenaient à l’autre bout du campement, mais les coups de bec répétés d’un pivert sonnaient à ses oreilles aussi nettement que s’il était perché sur son épaule.

 

Après un petit déjeuner froid et une nouvelle rasade de l’infusion de Saruel, ils reprirent leur route en menant leurs montures par la bride jusqu’à ce que la brume se soit éclaircie.

Les crêtes se reployèrent tout autour d’eux, et le chemin se resserra. Sur leur droite, la paroi rocheuse les surplombait, à pic, et elle faisait même saillie par intermittence au-dessus du maigre sentier, de sorte qu’ils étaient souvent obligés de baisser la tête et d’adopter en selle des postures de biais scabreuses pendant qu’ils chevauchaient à la queue leu leu derrière le prêtre et les magiciens. Sur leur gauche s’ouvrait un précipice dont la chute vertigineuse se perdait au sein des nappes persistantes du brouillard. Tamir lança une pierre par-dessus le bord mais elle ne l’entendit jamais frapper le fond du gouffre.

L’après-midi commençait à décliner quand Tamir remarqua les premiers croissants de lune et les bribes d’inscriptions éraflant la nudité de la paroi rocheuse qui commémoraient le passage de générations de voyageurs et de pèlerins.

«Nous approchons, lui dit Iya pendant qu’ils laissaient leurs montures se reposer et brouter l’herbe clairsemée qui poussait sur les bords du chemin. Quelques heures encore, et nous parviendrons à la porte peinte qui vous est apparue dans votre vision. Afra se trouve juste au-delà. »

Arkoniel se livra à un examen minutieux des inscriptions lorsqu’ils se remirent en route. Tout à coup, il tira sur les rênes pour immobiliser son cheval et pointa un doigt vers l’une d’entre elles. « Regardez," Iya, voici la prière que j’ai tracée la première fois que vous m’avez amené ici.

Je me rappelle, fit-elle avec un sourire. Je dois avoir laissé quelque part dans le coin des marques de mes divers passages, moi aussi.

— Pourquoi faites-vous cela ? demanda Saruel. La coutume, je suppose. Et pour la bonne fortune, aussi, répondit Iya.

— N’est-ce pas là ce que les gens disent toujours à propos de ce genre de trucs ? » lança Lynx, qui demeurait un inflexible adepte de Sakor, en dépit de tout ce qu’il avait vu.

« Vous feriez bien de ne pas vous gausser des dévotions des illiorains, mon jeune sire, dit Laïn qui avait entendu par hasard. Ces prières durent infiniment plus longtemps qu’aucun charme livré aux flammes. Il ne faudrait pas plus les prendre à la légère que les faire à l’étourdie. » Il pivota sur sa selle. « Vous devriez écrire quelque chose, reine Tamir ; Toutes vos aïeules l’ont fait, quelque part, le long de cette route. »

C’était là une pensée réconfortante et qui lui donna, une fois de plus, le sentiment d’être reliée à la lignée des femmes qui l’avaient précédée.

Tout le monde mit pied à terre et s’éparpilla en quête de cailloux pointus permettant de griffonner ses nom et message respectifs.

Saruel fit comme les autres mais, contrairement à eux, se borna à passer sa main sur la pierre. Y apparurent un petit croissant d’argent et des mots d’une belle graphie. «C’est une bonne chose que d’honorer l’Illuminateur sur le chemin qui mène à son sanctuaire sacré, murmura-t-elle en regardant d’un air approbateur le jeune écuyer de Lynx tracer sa propre marque. Vous avez du sang ‘faïe en vous, Tyrien I Rothus, ajouta-t-elle. La couleur de vos yeux suffit à me le révéler.

— C’est ce que m’a dit ma grand-mère, mais comme cela remonte très loin, je ne peux pas en avoir beaucoup », répondit le garçon, ses prunelles grises tout illuminées par le plaisir qu’elle l’ait néanmoins remarqué. «Je n’ai rien d’un magicien, de toute manière.

— La quantité ne fait rien à l’affaire, c’est le lignage qui importe, et même cela n’est pas une garantie », l’informa Iya, qui avait surpris leur échange. « Une bonne chose aussi. Si chacun des Skaliens qui possède une goutte de sang ‘faïe dans les veines était magicien-né, les guerriers n’auraient pas grand-chose à faire.

— Est-ce que tes parents étaient des mages ? » demanda Saruel à Wythnir, qui était en train de tracer sa marque à peu de distance plus loin.

«Je ne le sais pas, répondit doucement l’enfant. J’étais encore tout petit quand ils m’ont vendu. »

C’était plus que Tamir ne l’avait jamais entendu dire d’une seule traite, et la plus grande confidence qu’il eût jamais faite. Elle sourit en voyant la manière dont la main d’Arkoniel se posait sur l’épaule de son disciple et le regard d’adoration que cela lui valut. Elle se surprit à déplorer de ne pas l’avoir mieux traité quand elle était enfant. Il s’était montré tout aussi attentionné vis-à-vis d’elle, à cette époque comme maintenant. Il était son ami.

Interroge Arkoniel ! Le malaise causé par le défi de Frère la glaçait encore.

Elle écarta cette idée en en repoussant l’examen à plus tard et attacha son regard sur la portion de paroi plate qu’elle avait choisie, on ne peut plus perplexe quant à ce qu’elle devrait y inscrire. Finalement, elle l’égratigna simplement d’un «Reine Tamir Il, fille d’Ariani, pour Skala, par la volonté d’Illior », Dessous, elle ajouta un petit croissant de lune, puis elle transmit à Ki le caillou qu’elle venait d’utiliser en guise de burin.

Il se pencha près d’elle et grava son nom et un croissant de lune en dessous des siens puis entoura d’un cercle leurs deux signatures.

« Pourquoi as-tu fait cela ? » s’enquit-elle.

Ce fut au tour de Ki de rougir quand il répondit tout bas. «Pour demander à l’Illuminateur de nous garder ensemble. C’était ma prière. »

Sur ces entrefaites, il s’éloigna bien vite et s’affaira à contrôler la sous-ventrière de son cheval. Tamir soupira intérieurement. D’abord la fleur, et maintenant ceci, mais sans cesser de conserver ses distances. Autrefois, elle s’était imaginée qu’elle connaissait son cœur jusqu’en son tréfonds. À présent, elle n’avait pas la moindre idée de ce qu’il recelait, et elle avait peur d’espérer.

 

Le soleil était en train de sombrer derrière les montagnes lorsque, au détour d’un virage, Tamir fut frappée par un sentiment vertigineux de familiarité.

Le paysage qui se déroulait devant elle était la réplique exacte de celui que lui avait dévoilé sa vision d’Ero. Les méandres du petit sentier se perdaient d’abord de vue pour reparaître dans le lointain, là où se dressait de manière déconcertante la porte qui l’enjambait, peinte de couleurs vives et rutilantes dans les derniers feux du jour. Tamir avait beau savoir que son existence était bel et bien réelle, celle-ci persistait à lui donner l’impression d’être quelque peu issue d’un rêve. Tandis qu’on s’en rapprochait, elle distingua des dragons stylisés qui, réalisés en tons presque criards de rouge, de bleu et d’or, se jumelaient autour de l’étroite ouverture comme s’ils étaient vivants et défendaient le passage sacré, tous crocs dehors et crachant le feu.

« La Serrure d’Illior.

— Magnifique, non ? dit Arkoniel. Est-ce que vous en reconnaissez le style ?

J’ai vu des ornements de ce genre dans le Palais Vieux. Cela fait des siècles qu’ils ont été exécutés. Depuis combien de temps se trouve-t-elle ici ?

— Au moins aussi longtemps, mais elle n’est que la plus récente, dit Iya. D’autres l’ont précédée, qui, tombées en ruine, ont été successivement remplacées. À en croire la légende, une porte se dressait déjà là quand, à la suite d’une vision, les premiers prêtres de Skala s’aventurèrent jusqu’au site sacré. Nul ne sait qui construisit la première porte ni pour quelle raison.

— On nous enseigne que ce fut un dragon qui édifia la porte originelle avec les pierres de la montagne, afin de garder la caverne inviolable d’Illior, les informa Laïn.

— Mon peuple raconte la même histoire au sujet de nos sanctuaires personnels, intervint Saruel. Bien entendu, des dragons continuent à réaliser des choses analogues à Aurënen.

— Il arrive quelquefois que l’on découvre des os de dragons dans les vallées supérieures. De temps à autre, nous tombons même au sanctuaire sur des spécimens minuscules. » Laïn se retourna pour s’adresser aux autres. «Autant que je vous en prévienne, s’il advenait que l’un d’entre vous aperçoive ce qui ressemble à un petit lézard ailé, respectez-le comme il se doit et gardez-vous de le toucher. Les dragons miniatures eux-mêmes font de bien vilaines morsures.

— Des dragons ? » Les yeux de Wythnir s’éclairèrent d’une exaltation puérile. « Mais minuscules, et il est très rare de les voir », lui répondit le religieux.

Il leur fallut démonter devant la porte et se faire suivre de leurs chevaux le long d’une sente rocheuse des plus exiguë. Afra se trouvait en haut d’un défilé qui n’était guère qu’une faille, à moins d’un mille à peu près par-delà. Celle-ci finit par déboucher sur une espèce de combe profonde et stérile. Elle était déjà plongée dans l’ombre, mais plusieurs prêtres à robe rouge et une poignée de jeunes garçons et de jeunes filles portant des torches les y attendaient. Derrière eux, la piste en zigzag s’enfonçait dans les ténèbres.

Ki huma l’air, où flottaient des odeurs de cuisine. « J’espère qu’ils nous ont mis de côté de quoi dîner. Mon ventre a l’impression qu’on m’a tranché la gorge.

Bienvenue à la reine Tamir II ! S’égosilla le prêtre de tête en s’inclinant bien bas avec sa torche. Je suis Ralinus, grand prêtre d’Afra en l’absence d’Imonus. Au nom de l’Oracle, permettez-moi de vous accueillir. Voilà longtemps qu’elle est à l’affût de votre visite. Louée soyez-vous, élue de l’Illuminateur !

— Est-ce qu’Imonus vous avait envoyé un message ? demanda Tamir ;

— Il n’a pas eu à le faire, Majesté. Nous savions. » Il s’inclina ensuite devant Iya. «L’Oracle m’ordonne de vous souhaiter aussi la bienvenue, Maîtresse Iya. Vous avez été d’une fidélité exemplaire depuis toutes ces années pour accomplir la tâche ardue qui vous était impartie. »

S’avisant alors de la présence de Saruel, il étendit ses paumes tatouées en signe d’accueil. «Et bienvenue à vous, fille d’Aura. Puissiez-vous être de tout cœur avec nous, ici, dans la demeure de l’Illuminateur.

— Dans les ténèbres et dans la Lumière, répondit-elle avec un hochement de tête respectueux.

— Des logements ont été préparés pour vous, ainsi qu’un repas. Et voici qui est on ne peut plus providentiel, Majesté : une délégation d’Aurënfaïes est arrivée voilà trois jours et attend votre venue à la maison des hôtes en face des quartiers qui sont réservés à vos propres gens.

— Des Aurënfaïes ? » Tamir décocha un regard soupçonneux en direction d’Iya et de Saruel. «Est-ce de votre fait ?

— Non, je n’ai pas eu le moindre contact avec qui que ce soit de là-bas, lui assura Saruel .— Moi non plus », affirma Iya, malgré le plaisir évident que lui causait la nouvelle. «Je pensais toutefois que certains d’entre eux pourraient effectivement se manifester, dans un endroit ou dans un autre. »

Les porteurs de torches les débarrassèrent de leurs chevaux et les guidèrent pour contourner le dernier virage du chemin.

Coincée dans une crevasse plus profonde entre deux pics impressionnants, Afra n’était rien d’autre au premier coup d’œil qu’une étrange configuration de fenêtres et de portes profondément taillées dans les falaises de part et d’autre d’une modeste place pavée. Celle-ci était entourée de hautes torches fichées dans des cavités de la roche. D’un style analogue aux ornementations de la Serrure d’Illior, des espèces de découpures et de pilastres sculptés selon des motifs fort anciens encadraient toutes les ouvertures, nota machinalement Tamir.

Mais ce qui captiva toute son attention sur le moment, ce fut la stèle de pierre rouge sombre qui se dressait au centre de la place, brillamment illuminée par les deux braseros qui la flanquaient. À sa base, conformément aux descriptions des magiciens, glougloutait une source dont l’eau se déversait dans un bassin de pierre avant de s’écouler par une rigole pavée et de courir se perdre sur la gauche dans le noir. À la faveur du jour de plus en plus falot, les flammes bondissantes projetaient des ombres qui dansaient sur les inscriptions qu’arborait le monument.

Tamir toucha la pierre lisse avec vénération. Les paroles de l’Oracle au roi Thelâtimos y étaient gravées en skalien et en trois autres langues. Elle identifia l’une de ces dernières comme de l’aurënfaïe.

« "Tant qu’une fille issue de la lignée de Thelâtimos la gouverne et défend, Skala ne court aucun risque de se voir jamais asservir" », proclama Ralinus, et tous les prêtres et acolytes s’inclinèrent bien bas devant elle. «Veuillez vous abreuver à la source de l’Illuminateur, Majesté, et vous rafraîchir du long voyage que vous venez d’effectuer. »

Tamir éprouva de nouveau ce sentiment profond d’appartenir à une continuité qui la recevait à bras ouverts. Subitement, l’air s’agita tout autour d’elle, et elle discerna du coin de l’œil des silhouettes indécises et vaporeuses d’esprits. Elle n’aurait pas su dire de qui ceux-ci étaient la manifestation, mais leur présence était réconfortante, et il n’émanait d’eux rien de semblable à la fureur froide de Frère. Quelle que pût être leur identité, ils se réjouissaient de sa venue.

Elle s’agenouilla devant la source et se rinça les mains, puis, comme il n’y avait pas de coupe, emplit ses paumes d’eau glacée. L’eau était douce mais tellement froide qu’elle lui fit mal aux doigts et aux dents.

«Est-ce qu’il est permis à ma suite d’en avoir aussi ? » demanda-t-elle.

Sa question fit rire tous les prêtres. « Naturellement, lui répondit Ralinus. L’hospitalité de l’Illuminateur ne connaît ni rang ni limites. »

Tamir recula tandis que ses amis et sa garde buvaient tous une gorgée rituelle.

«Elle est fameuse ! » s’exclama Hylia après s’être agenouillée pour siroter la sienne en compagnie de Lorin et Tyrien.

Iya fut la dernière à boire. La longueur de la chevauchée ayant rendu ses mouvements passablement raides, Arkoniel lui offrit son bras pour l’aider à se relever. La vieille femme pressa sa main contre la stèle, puis contre son cœur.

«La première Ghërilain fut appelée la Reine de l’Oracle », articula-t-elle, et Tamir fut suffoquée de voir des larmes dans ses yeux. « Vous êtes la seconde reine prédite en ces lieux.

— Et pourtant vous avez pris le nom d’une reine différente, et de l’une des moins illustres, en plus, remarqua Ralinus. Les raisons de ce choix me laissent toujours perplexe, Majesté.

C’est la première Tamir qui, m’apparaissant à Ero, me fit don de la prestigieuse Épée. Elle avait été assassinée par son frère, tout comme nombre des membres de ma parenté féminine furent assassinés par mon oncle, et son nom était entièrement tombé dans l’oubli du temps de celui-ci. Je l’ai pris afin d’honorer sa mémoire. » Elle s’interrompit, le regard fixé sur les rides argentées courant sur le bassin. « Et afin de remémorer à moi-même et aux autres que semblable abomination ne devra jamais se renouveler au nom de Skala.

— Un sentiment méritoire, reine Tamir », dit une voix d’homme à l’accent somptueux qui provenait des ombres accumulées de l’autre côté de la place.

Elle releva les yeux et vit s’approcher quatre hommes et une femme. Elle les reconnut sur-le-champ pour des Aurënfaïes grâce au sen’gaï qui les coiffait et aux magnifiques bijoux qui paraient leur gorge, leurs oreilles et leurs poignets. Ils avaient tous de longs cheveux sombres et des prunelles claires. Trois des hommes étaient vêtus de tuniques tissées en laine blanche d’aspect moelleux qui retombaient sur des culottes en peau de daim enfilées dans des bottes basses. La femme était habillée de façon similaire, à ce détail près que sa propre tunique lui descendait au dessous des genoux et était fendue des deux côtés jusqu’à la ceinture. Le cinquième, plus âgé, portait une longue robe noire. Son sen’gaï rouge et noir à franges, ses marques faciales et les lourds anneaux d’argent qui pendillaient contre son cou le désignaient comme Khatmé. La femme et l’un des hommes plus jeunes arboraient le rouge et le jaune éclatants dans lesquels Tamir reconnut les couleurs de Gèdre. Le vert sombre des deux derniers prouvait leur appartenance à quelque autre clan.

Lorsqu’ils pénétrèrent dans la lumière plus vive aux abords de la stèle, Ki poussa un cri de joie et courut embrasser le jeune homme gèdre.

« Arengil ! s’exclama-t-il en soulevant de terre dans son enthousiasme leur ami perdu. Tu t’es débrouillé pour nous revenir !

— l’avais bien promis de le faire, non ? » s’esclaffa celui-ci en retrouvant ses pieds et en empoignant Ki par les épaules. Ki le dépassait à présent d’une demi tète, alors qu’ils étaient de la même taille quand Arengil avait été renvoyé chez lui. «Tu as grandi, et il t’a poussé de la barbe.» Il branla du chef puis aperçut Una parmi les Compagnons. «Lumière divine ! Est-ce là qui je crois que c’est ? »

Elle sourit à belles dents. «Bonjour ! Navrée de t’avoir mis dans un tel pétrin, ce jour-là. J’espère que ton père n’était pas trop en rogne ? »

La femme gèdre - sa tante, ainsi qu’on l’apprendrait bientôt haussa un sourcil. «ça, pour l’être, il l’était, mais Arengil a survécu, comme vous voyez. »

Tamir s’avança d’un pas, non sans hésiter, ne sachant trop de quelle manière il réagirait face aux modifications de son aspect physique. Le sourire d’Arengil ne fit que s’élargir lorsqu’il l’étreignit, après avoir comblé la distance qui les séparait.

«Par la Lumière ! Je n’ai pas douté des révélations du voyant, mais je ne savais pas à quoi m’attendre non plus. » Il la maintint à longueur de bras puis hocha la tête. « Ça te va drôlement bien d’être une fille ! »

Tant de familiarité scandalisa manifestement le Khatmé, mais les autres ne firent que se gondoler.

«Mon neveu s’est donné un mal de tous les diables pour notre visite, et c’est à toute force qu’il a voulu être de la partie », confia la femme à Tamir, Elle parlait un skalien parfait, avec juste une imperceptible pointe d’accent. « Salut à vous, Tamir, fille d’Ariani. Je suis Sylmaï li Arlana Mayniri, sœur du Khirnari de Gèdre.

— Je suis honorée, dame », répondit Tamir, qui ne savait trop que penser de tout cela ni de quelle manière s’adresser à eux. Les Aurënfaïes ne se servaient pas de titres officiels, exception faite pour leurs chefs de clan, appelés khirnaris.

« Salut à vous aussi, mes amis », dit Sylmaï à Iya et Arkoniel. Cela fait un bon bout de temps que je ne vous ai vus dans notre pays.

— Vous vous connaissez ? » questionna Tamir.

Iya serra la main de la Gèdre et l’embrassa sur la joue. « Comme elle vient de le dire, il s’est écoulé bien des années depuis, et lors d’une seule et unique visite. Je suis honorée que vous vous souveniez de nous. Arkoniel était encore un petit garçon. »

Sylmaï se mit à rire. « Oui, vous êtes beaucoup plus grand, maintenant. Et ça ? »

Elle se toucha le menton comme pour caresser une barbe et grimaça d’un air espiègle. « Même ainsi, je vous aurais reconnu à vos yeux. Le sang de notre peuple s’y révèle. Et vous avez aussi un certain nombre de nos cousins, à ce que je vois », ajouta-t-elle en souriant à Wythnir et Tyrien.

Tamir tendit sa main à l’austère Khatmé. « Et vous, sieur ? Bienvenue dans mon pays.

— Je suis honoré, Tamir de Skala. Je suis Khaïr ì Malin Sekiron Mygil, l’époux de notre propre Khimari. » Il avait une voix de basse et un accent beaucoup plus marqué. «Un membre de mon clan soutient votre cause, à ce que je vois. »

Saruel s’inclina. «Je suis honorée de vous rencontrer, Khaïr ì Malin. Voilà bien des années que je ne suis allée chez moi. »

 

Les deux hommes au sen’gaï vert sombre s’avancèrent en dernier. Le plus âgé n’avait pas l’air d’avoir dépassé la trentaine, et le plus jeune n’était guère plus qu’un adolescent, mais, avec les ‘faïes, les critères ordinaires ne signifiaient rien. Ils pouvaient avoir deux cents ans, pour autant qu’elle sache. Ils étaient également deux des plus beaux hommes qu’elle eût jamais vus, et son cœur trébucha d’un battement quand le plus grand des deux sourit et s’inclina devant elle à la mode skalienne.

«Je suis Solun ì Meringil Seringil Methari, deuxième fils du Khirnari de Bôkthersa. Et voici mon cousin, Corruth ì Glamien. »

 

Corruth saisit la main de Tamir et s’inclina en la gratifiant d’un sourire timide. « Je suis honoré de rencontrer une reine de Skala. Mon clan a soutenu votre ancêtre contre Plenimar durant la Grande Guerre.

— Je suis honorée de vous rencontrer », répondît elle, un peu intimidée aussi. La beauté de ces hommes et même leurs voix semblaient tramer un sortilège et faisaient galoper son cœur. «Je… c’est-à-dire, me faut il présumer que vous n’êtes pas ici par hasard ?

— Nos voyants ont affirmé que Skala possédait de nouveau une reine, une reine qui porte la marque d’Illior ; expliqua Solun.

— Je constate de mes propres yeux que vous êtes sans conteste une femme, intervint Khaïr de Khatmé, Est-ce que vous portez encore la marque ?

— Ta marque de naissance, expliqua Arengil. C’est l’un des signes grâce auxquels nous devons te reconnaître. Cela, et la cicatrice en croissant de lune que tu as au menton. »

Tamir remonta sa manche gauche et leur montra la marque de naissance rose sur son avant-bras. «Ah, oui ! Est-elle identique à celle de tes souvenirs, Arengil ? questionna le Khatmé. Oui. Cela étant, j’aurais reconnu sans elle celle qui la porte rien qu’à ses yeux bleus.

— Mais vous venez tout juste d’arriver et vous avez des affaires personnelles à régler ici, s’interposa Solun. Vous devriez vous restaurer et vous reposer avant que nous causions.

— De grâce, ne vous joindrez-vous pas à nous ? » proposa Tamir un peu trop précipitamment, au vu du regard horripilé que lui décochait Ki.

Solun lui répondit par un sourire qui accéléra d’autant plus ses chamades. «Nous en serions ravis. »