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Nos pères s’en souvenaient très bien : un jour, des Blancs sont arrivés. Les Wabamahigans et d’autres Indiens les ont accueillis chez eux. Ils ont offert ce qu’ils possédaient. Ils ont partagé leur demeure et leur nourriture avec ces visiteurs qui leur faisaient l’honneur de venir admirer leur pays.
Pour remercier les Indiens de leur hospitalité, les Blancs ont dit qu’ils voulaient à leur tour montrer leur pays à quelques Indiens. Plus de cinquante Wabamahigans ont accepté de partir. Il y avait des hommes, des femmes et des enfants. Il n’en est revenu que très peu. On pouvait les compter avec les doigts des deux mains. Tous les autres étaient morts.
Dans leur lointain pays où il faisait beaucoup plus chaud qu’ici, les Blancs leur ont fait monter leurs wigwams derrière des grillages. Ils leur ont donné du bois pour leur feu et de la nourriture. Des milliers et des milliers de visiteurs sont venus les voir. Ils leur jetaient par-dessus les grillages des nourritures étranges que les enfants mangeaient. Et les Blancs riaient beaucoup.
Les Wabamahigans qui étaient partis n’ont plus jamais revu les hommes qui étaient venus jusqu’ici.
Les survivants ont rapporté chez nous beaucoup de maladies que les chamans ne savaient pas guérir. Un grand nombre d’enfants sont morts. Des adultes aussi. C’est depuis ce temps-là que le peuple des Wabamahigans est beaucoup moins nombreux.
Dans notre jeunesse, les vieux nous ont souvent raconté ce qu’avait enduré notre peuple du fait de cette trahison des Blancs. Ils nous disaient de ne jamais oublier les lois sacrées de l’hospitalité, mais de nous méfier toujours des Blancs.
Nous avons continué de raconter ces choses à nos enfants et à nos petits-enfants, mais nous avons grand-peur qu’ils ne nous aient pas entendus.