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Il y a longtemps que les premiers Blancs sont arrivés ici, mais les pères de nos pères se sont toujours souvenus.

Un grand bateau s’est immobilisé au large. Le chef des Blancs est venu à terre avec quelques marins à bord d’une chaloupe. Le chef des Wabamahigans lui a fait des signes de bienvenue. Le Blanc voulait bâtir une maison. Il lui fallait de la terre. La terre n’était pas à donner, pas à troquer. Le Blanc a fait descendre de son bateau la peau d’un animal inconnu des Wabamahigans. Nous pensons aujourd’hui que c’était la peau d’une vache. Il a dit : « Je veux de la terre grande comme cette peau, pour pouvoir dormir sur le sol. » Les Indiens ont pensé qu’il voulait monter une tente pour se reposer. Nul ne saurait empêcher un voyageur de prendre du repos à l’abri du vent et de la pluie. Ils ont accepté. Et le chef des Blancs leur a donné une pièce d’étoffe en échange de ce droit. Puis il a demandé s’il y avait parmi les Wabamahigans un homme assez adroit pour couper toute la peau de vache en une seule lanière pas plus large que le petit doigt. Beaucoup pouvaient le faire, mais une très vieille femme savait couper mieux que personne. Pour ce travail, le chef des Blancs donnait quatre boutons et une aiguille d’acier.

La vieille s’est assise sur la grève, et elle s’est mise à l’ouvrage.

Tout le monde l’entourait. Tout le monde admirait son adresse.

Sa lanière de cuir était bien moins large que son petit doigt pourtant très maigre. C’était presque un fil, qu’elle dévidait. Son travail a duré longtemps.

Quand elle a eu terminé, le chef des Blancs a empoigné une extrémité de la lanière et un de ses hommes a pris l’autre. Et ils sont partis chacun dans un sens. Accrochant le cuir aux buissons, ils ont décrit un vaste cercle avant de se rejoindre. Là, le chef des Blancs a dit au chef des Wabamahigans :

— Cette terre est à moi en vertu de l’accord que nous avons conclu.

Et tous les matelots riaient.

 

Sur cette terre, les Blancs ont édifié la première maison de leur compagnie. Le premier poste de traite. Les Wabamahigans n’ont pas protesté, mais ce souvenir est en eux pour leur apprendre à se méfier des hommes blancs qui parlent de conclure un traité.

Maudits sauvages
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