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Il y a au fond de nous la longue patience héritée de Tiska qui a su marcher durant des lunes derrière Wabamahigan, le Loup blanc. Nous pouvons vivre sur notre île jusqu’à la fin des temps sans rien changer à notre vie. Sans rien demander à personne.

Certains des plus jeunes du Conseil de Bande prétendent que nos enfants ont besoin de l’école pour apprendre à se défendre contre les Blancs. Il y a même des Blancs qui parlent ainsi. Et nous avons du mal à comprendre ces gens qui veulent à tout prix fournir des armes aux Indiens pour qu’ils puissent lutter contre leur propre Bande. Si personne ne venait nous prendre notre bien, nous n’aurions à nous défendre de rien.

Des Cris qui sont venus nous rendre visite au cours de l’été nous ont raconté que des Blancs sont occupés à fouiller notre sol. Ils grattent comme des bêtes, avec leurs pattes, pour découvrir notre propre passé. Ils déterrent les os de nos aïeux et recherchent leurs armes et leurs outils pour les emporter dans des villes. Non contents de nous prendre notre gibier, nos arbres, ils nous volent ce que nous avons de plus précieux.

Tout ce qu’ils déterrent était encore bien vivant avant qu’ils ne nous apportent leurs maisons, leurs églises et leurs écoles.

Nous savons mieux que les Blancs ce qu’il faut à nos enfants pour devenir des hommes. Et ce n’est pas dans les écoles que les enfants recevront cet enseignement. C’est avec nous, dans la taïga.

La taïga n’est pas tendre. Pourtant, le combat que nous menons contre elle est une lutte loyale. Et la taïga finit toujours par nous donner ce qui est nécessaire à notre vie.

Si les Blancs viennent ici nous enseigner ce dont nous aurons besoin pour leur barrer la route de nos terres, c’est qu’il y a dans leur tête quelque chose que nous ne parvenons pas à comprendre. Quelque chose qui n’a rien de commun avec notre manière de penser.

Nous, les vieux, nous continuons de croire que seul nous serait utile l’enseignement de la forêt, si personne ne voulait nous la prendre. Seul nous serait utile le grand savoir du fleuve, si personne ne venait avec l’intention de détourner son eau.

Et nous ne comprendrons jamais comment est fait l’esprit de ceux qui souhaitent s’emparer de nos territoires et qui prétendent nous donner les moyens de les en empêcher. Nous sentons poindre là quelque chose de diabolique qui nous effraie bien plus qu’une guerre.

Maudits sauvages
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