10

À trois kilomètres de Fleet Street, Barry Grover se tapit dans l’ombre en attendant que Glen Hopkins ait fini son service. C’est seulement lorsque Reg Linden, son remplaçant, eut entamé le sien depuis un quart d’heure qu’il traversa précipitamment la rue et se glissa à l’intérieur. Reg qui, en tant que veilleur de nuit, n’était guère en contact avec les employés du Street, avait depuis longtemps cessé de questionner Barry sur les raisons de ses visites nocturnes dans les bureaux et il s’en réjouissait même à l’avance parce que cela lui procurait de la compagnie. Il prenait presque autant d’intérêt aux recherches de Barry que Barry lui-même et son opinion – indemne de tout commérage féminin –, c’était que le problème de celui-ci résidait dans une propension à l’insomnie. Sur ce mode particulièrement simple, réservé aux hommes qui ne désirent pas en savoir trop long les uns sur les autres, Barry et lui étaient amis.

Il lui adressa un sourire affable.

« Toujours à essayer d’identifier votre cadavre d’ivrogne ? » demanda-t-il.

Barry acquiesça. Reg aurait été un peu plus perspicace qu’il aurait sans doute été intrigué par l’agitation du petit homme et aussi par le fait que sa braguette n’était pas fermée, mais le ciel ne l’avait pas gratifié du sens de l’observation.

« Ça pourrait peut-être vous servir, dit-il en sortant un livre de sous le comptoir de la réception. Jetez donc un coup d’œil au chapitre cinq – personnes disparues. Ils n’ont pas mis de photos, malheureusement, mais il y a quelques renseignements utiles sur James Streeter. Mrs Linden a vu ça chez un libraire et elle a pensé à vous. Elle a toujours été passionnée par ce que vous faites. »

Il refusa d’un geste les remerciements de Barry et promit de lui monter une tasse de thé quand il en ferait pour lui.

* *
*

Deacon vida un autre sac de linge dans la machine.

« Tu m’as dit qu’il y avait des affaires de Billy dans l’entrepôt, rappela-t-il à Terry. Est-ce la vérité ou un bobard que tu as inventé pour me faire venir ?

— La vérité, mais, si tu veux les voir, il te faudra casquer.

— Où sont-elles ? »

Terry indiqua d’un signe de tête le salon, où les valises étaient posées dans un coin.

« Là-bas.

— Qu’est-ce qui m’empêcherait de les prendre ?

— Ça. » L’adolescent serra son poing droit. « Je te le fous sur la gueule et, si tu ripostes, j’aurai une preuve que tu m’as agressé. » Il eut un sourire engageant. « Sexuellement ou pas, tout dépendra de mon humeur.

— Combien veux-tu ?

— Mon pote a eu cinq cents livres de son vieux chnoque.

— Des clous, oui ! Billy n’a qu’à aller au diable, pour ce que j’en ai à faire. J’en ai plein le dos de cet olibrius.

— Je te crois. Il n’a pas arrêté de me bassiner, moi aussi. Quatre cents.

— Vingt.

— Cent.

— Cinquante et t’as intérêt à accepter – Deacon serra le poing à son tour –, ou tu vas te prendre celui-là. Et tant pis pour les conséquences.

— Marché conclu. Aboule le fric. » Terry ouvrit sa main. « En liquide ou tout est annulé. »

Deacon montra d’un hochement du menton les meubles de la cuisine.

« Le troisième placard, la boîte à biscuits sur la seconde étagère, prends-en cinq de dix et laisse le reste. » Il regarda le garçon récupérer la boîte, sortir la liasse de billets qu’elle contenait et en extraire cinquante livres.

« Bon sang, t’es un beau salaud, Mike ! dit-il en retournant s’asseoir. Il doit bien y en avoir encore deux cents là-dedans. Qu’est-ce qui m’empêcherait de les piquer, maintenant que tu m’as montré l’endroit ?

— Rien, répondit Deacon, sauf qu’ils sont à moi et que tu ne les as pas gagnés. En tout cas, pas encore.

— Et qu’est-ce qu’il faudrait que je fasse pour ça ?

— Apprendre à lire. » Il vit la lueur d’ironie dans les yeux de Terry. « Je t’apprendrai.

— Ben voyons, en deux malheureux jours ! Et comme à la fin je ne saurai pas, je me ferai engueuler et j’aurai perdu mon temps.

— Pourquoi Billy ne t’a-t-il pas appris ?

— Il a bien essayé une fois ou deux, répondit le garçon avec dédain, mais il était trop miro pour m’apprendre quoi que ce soit, en dehors de ce qu’il avait dans le crâne. C’était une autre de ses punitions. Il s’était enfoncé une aiguille dans l’œil, ce qui fait qu’il ne pouvait pas lire très longtemps sans attraper la migraine. » Il prit une autre cigarette. « Je te l’ai dit, il était complètement siphonné. Son seul plaisir, c’était de s’en faire baver. »

On aurait difficilement pu imaginer plus maigres biens : une carte postale gondolée, quelques pastels, un dollar en argent et deux pauvres lettres qui menaçaient de partir en morceaux à force d’avoir été lues.

« C’est tout ? demanda Deacon.

— Je te le répète. Il ne voulait rien et il n’avait rien. Un peu comme toi, en fin de compte. »

Deacon étala les objets sur la table.

« Pourquoi ne les avait-il pas sur lui au moment de sa mort ? »

Terry haussa les épaules.

« Parce qu’il m’avait demandé de les brûler quelques jours avant qu’il se bigorne une dernière fois. J’ai préféré attendre, des fois qu’il changerait d’avis.

— T’a-t-il expliqué pourquoi il voulait les brûler ?

— Pas vraiment. Il avait encore pété les plombs. Il n’arrêtait pas de brailler que tout n’est que poussière, puis il m’a dit de jeter ces machins au feu.

— “Tu es poussière et tu retourneras à la poussière” », murmura Deacon en prenant la carte postale et en la retournant. Un des côtés était nu et l’autre comportait une reproduction de La Vierge et l’Enfant avec sainte Anne de Léonard de Vinci. Les coins étaient déchirés et des taches de graisse maculaient la surface brillante, mais il en aurait fallu davantage pour diminuer la force du dessin de Vinci. « Pourquoi avait-il ça ?

— Pour la copier sur le trottoir. C’est la famille qu’il dessinait. » Terry toucha le visage de saint Jean Baptiste enfant à la droite de l’image. « Il enlevait ce lardon – son doigt se déplaça vers sainte Anne –, transformait la bonne femme en homme et dessinait tels quels l’autre femme et le bébé. Puis il mettait des couleurs. C’était drôlement chouette aussi ! On reconnaissait bien chaque chose, alors que, là, ça fait un peu fouillis, tu ne trouves pas ? »

Deacon éclata de rire.

« C’est une des œuvres les plus célèbres du monde, Terry.

— J’aime mieux le truc de Billy. Tiens, regarde un peu ces guiboles. Elles sont tout emmêlées, tandis que Billy, au moins, il faisait le tri. Il colorait les jambes du type en brun et celles de la femme en bleu. »

Avec un rire étouffé, Deacon inclina la tête. Il sortit furtivement un mouchoir de sa poche et se moucha bruyamment avant de se redresser.

« Fais-moi penser à te montrer l’original un de ces jours, dit-il d’une voix encore mal assurée. Il se trouve à la National Gallery, à Trafalgar Square, et je ne suis pas aussi certain que les jambes aient besoin – euh – d’être triées. » Il avala une gorgée de sa bière. « Mais dis-moi, comment Billy arrivait-il à dessiner s’il avait une mauvaise vue ?

— Il y voyait encore assez pour ça – je veux dire, toutes ses nuits il les passait à gribouiller sur du papier – et, de toute façon, sur le trottoir, il faisait ses dessins en très gros. C’est seulement lire qui lui filait mal à la tête.

— Et la légende qu’il écrivait au-dessous, d’après ce que tu m’as raconté ?

— Il la faisait en très gros aussi, sans quoi les gens l’auraient pas remarquée.

— Comment sais-tu ce qu’elle signifiait si tu ne sais pas lire ?

— Parce que Billy m’a appris à l’écrire moi-même. » Il tira vers lui le calepin et le stylo de Deacon et forma soigneusement les mots en travers de la page.

Bienheureux ceux qui n’ont rien.

« Si tu es capable de faire ça, fit observer Deacon avec pragmatisme, alors tu peux bien apprendre à lire en deux jours. » Il prit une des lettres et l’étala précautionneusement devant lui.

Cadogan Square,

4 avril

Mon chéri,

Merci de ta belle lettre, mais comme je souhaiterais que tu puisses savourer le présent et oublier l’avenir. Bien sûr, je suis flattée que tu veuilles que le monde entier sache que tu m’aimes, mais n’est-ce pas ce que nous avons de plus parfait justement parce que c’est un secret ? Tu ne verras pas la vieillesse dans ton miroir tant que jeunesse et moi avoueront le même âge, dis-tu, mais, mon chéri, Shakespeare ne nommait jamais son amour parce qu’il savait combien le monde peut être cruel. Veux-tu qu’on me mette au pilori comme une abominable calculatrice qui ne songe qu’à séduire tout homme pouvant lui offrir la sécurité ? Car c’est ce qui se produira si tu t’entêtes à vouloir me faire de la publicité. Je t’aime de tout mon cœur, mais mon cœur se briserait si tu cessais un jour de m’aimer à cause de ce que disent les gens. Par pitié, je t’en conjure, laissons les choses comme elles sont. Ta tendre V.

Deacon déplia la seconde lettre et la plaça à côté de la première. Elle était de la même main.

Paris,

Vendredi

Mon chéri,

Ne pense pas que je sois devenue folle, mais j’ai si peur de mourir. Il m’arrive de rêver que je flotte dans une immensité noire hors de portée de l’affection de qui que ce soit. Est-ce cela l’enfer, crois-tu ? Savoir pour toujours que l’amour existe tout en étant pour toujours condamné à exister sans lui ? Alors ce serait mon châtiment pour le bonheur que j’ai éprouvé grâce à toi. Je ne peux pas m’empêcher de penser qu’il est mauvais pour une personne d’en aimer une autre au point qu’elle ne puisse supporter d’en être séparée. Je t’en prie, je t’en prie, ne reste pas éloigné plus qu’il n’est nécessaire. La vie n’est pas la vie sans toi. V.

« Billy t’a-t-il lu ces lettres, Terry ? »

Le garçon secoua la tête.

« Ce sont des lettres d’amour. Assez belles, du reste. Veux-tu savoir ce qu’elles contiennent ? » Il prit le haussement d’épaules de Terry pour un assentiment et se mit à lire à haute voix. Lorsqu’il eut terminé, il guetta une réaction, mais n’en obtint aucune. « A-t-il jamais parlé d’une femme dont le prénom commence par un “V” ? demanda-t-il alors. Il semble qu’elle était beaucoup plus jeune que lui. »

Le garçon ne répondit pas tout de suite.

« En tout cas, je parierais qu’elle est morte. Billy m’a dit un jour que, l’enfer, c’était d’être seul pour toujours et de ne pouvoir rien y faire, puis il s’est mis à pleurer. Il prétendait que, d’imaginer un individu en proie à une telle solitude, ça suffisait à le faire pleurer mais, en réalité, c’est sûrement à cette femme qu’il pensait.

— Oui, dit lentement Deacon, sauf que je me demande pourquoi il la croyait en enfer. » Il relut les deux lettres, mais ne trouva rien qui soit susceptible d’étayer la conviction de Billy quant au sort subi par V.

« Que lui irait en enfer, il en était sûr et certain. Bizarrement, on aurait même dit qu’il n’attendait que ça. D’après lui, il méritait tous les châtiments que les dieux pourraient lui infliger.

— Parce qu’il était un meurtrier ?

— Je suppose. Il répétait sans cesse que la vie est un présent divin. Tom, ça le rendait dingue à chaque coup – il se mit à imiter l’accent de celui-ci : “Purée, s’il est aussi divin qu’ça, ben qu’est-ce qu’on fout dans c’te saloperie d’trou merdeux ?” Et Billy, il répondait – Terry adopta un ton plus distingué : “Vous êtes ici par choix, car ce présent inclut la libre volonté. Avez-vous décidé d’attirer sur vos têtes la colère des dieux ? Si la réponse est non, alors agissez avec plus de sagesse.” »

Deacon laissa échapper un gloussement.

« Il disait vraiment cela ?

— Un peu ! Des fois je le disais à sa place, quand il en avait trop marre de le faire lui-même. » Il recommença à imiter la voix de Billy. « “Vous êtes ici par choix, car ce présent inclut la libre volonté.” Bla-bla-bla. Il était quand même un peu débile de pas voir qu’il emmerdait tout le monde. Ou alors il en avait rien à secouer. Après ça, il se mettait en pétard et il gueulait comme un âne, et c’était encore pire parce qu’on ne savait pas ce qui lui prenait. »

Deacon sortit deux autres bières du réfrigérateur et expédia les boîtes vides dans la poubelle.

« Te souviens-tu qu’il ait parlé de repentance ? demanda-t-il en s’appuyant contre la table de travail.

— C’est pareil que de se repentir ?

— Oui.

— Il nous cassait les oreilles aussi avec ça. “Repentez-vous ! Repentez-vous ! Repentez-vous ! Il est plus tard que vous ne croyez !” Il a fait le même truc la fois où il s’est mis à poil en plein milieu de ce fichu hiver. “Repentez-vous ! Repentez-vous ! Repentez-vous !” qu’il criait.

— Tu sais ce que signifie le repentir ?

— Ouais. Demander pardon. »

Deacon hocha la tête.

« Alors pourquoi Billy n’a-t-il pas suivi son propre conseil et demander pardon pour ce fameux meurtre ? Il aurait pu espérer aller au ciel plutôt qu’en enfer. » Excepté qu’il a dit au psychiatre que sa propre rédemption ne l’intéressait pas

Terry médita un instant là-dessus.

« Je vois ce que tu veux dire, déclara-t-il enfin, mais, c’est drôle, j’y avais encore jamais pensé. Le problème avec Billy, c’est qu’il arrêtait jamais, même que ça finissait par vous prendre la tête de l’écouter ! Et il a parlé du meurtre qu’une fois, alors qu’un truc le tracassait salement. » Son regard devint fixe tandis qu’il faisait un effort pour se concentrer. « Toujours est-il que c’est juste après qu’il a mis sa main dans le feu, même qu’il ne voulait pas l’enlever jusqu’à ce qu’on le tire tous en arrière, et ça m’étonnerait que quelqu’un ait pensé à lui demander pourquoi il s’était pas repenti lui-même. » Il haussa les épaules. « Je suppose que c’est simple comme bonjour. Que si sa gonzesse est allée en enfer, c’est à cause de lui et que, du coup, il a cru qu’il devait y aller lui aussi. Pauvre cloche ! »

Deacon se souvint de ses soupçons la première fois où il avait entendu cette histoire, alors qu’il lui semblait évident que les autres occupants de l’entrepôt ignoraient tout de l’incident rapporté par Terry. Ils avaient parlé de la main dans le feu, mais pas des révélations au sujet du meurtre.

« Ou peut-être n’y avait-il aucune raison de se repentir, suggéra-t-il. Il existe une autre manière d’aller en enfer, c’est de détruire la vie donnée par les dieux en se tuant soi-même. Pendant des siècles, les suicidés ont été jetés à la fosse commune afin de bien marquer qu’ils s’étaient eux-mêmes privés du droit à la miséricorde divine. N’est-ce pas la voie qu’a suivie Billy ?

— Tu me l’as déjà demandé et je t’ai déjà répondu : Billy n’a jamais essayé de se tuer.

— Il s’est laissé mourir de faim.

— Non. Il a seulement oublié de manger. C’est pas la même chose. La plupart du temps, il était tellement bourré qu’il ne savait même pas ce qu’il faisait. »

Deacon se mit à réfléchir.

« Tu m’as dit qu’il avait étranglé quelqu’un parce que les dieux avaient décidé que tel était son destin. Ce sont les mots exacts qu’il a employés ?

— Je m’en souviens plus.

— Fais un effort.

— Ceux-là ou d’autres. »

Deacon semblait sceptique.

« Tu m’as dit aussi qu’il s’était brûlé la main comme une sorte de sacrifice pour détourner la colère des dieux. Pourquoi aurait-il fait une chose pareille s’il tenait absolument à aller en enfer ?

— Putain de merde ! s’exclama Terry d’un air dégoûté. Comment veux-tu que je le sache ? Ce mec, il était timbré.

— À ceci près que nous n’avons pas la même définition de ce qu’est un timbré, répliqua Deacon avec agacement. Il ne vous est jamais venu à l’esprit que l’une des raisons pour lesquelles Billy n’arrêtait pas de fulminer, c’est qu’il était entouré d’une bande de zombis qui ne comprenaient strictement rien à ce qu’il racontait ? Pas étonnant qu’il se soit mis à picoler.

— C’était pas de notre faute, protesta le garçon d’un ton hargneux. On faisait tout ce qu’on pouvait pour ce pauvre couillon et c’était pas facile de rester calmes alors qu’il nous engueulait comme du poisson pourri.

— D’accord, passons à une autre question. Tu m’as dit que, juste avant de t’avouer qu’il était un meurtrier, il était tracassé par quelque chose. Quoi exactement ? »

Terry ne répondit pas.

« Quelque chose entre toi et lui ? demanda Deacon avec une brusque intuition. Est-ce pour cela que les autres n’étaient pas au courant ? » Il attendit un instant. « Que s’est-il passé. Vous êtes-vous bagarrés ? A-t-il essayé de t’étrangler, après quoi il a plongé sa main dans le feu parce qu’il éprouvait des remords ?

— Non, c’est le contraire, répondit le garçon avec une expression pitoyable. C’est moi qui ai essayé de l’étrangler. S’il a mis sa satanée main dans le feu, c’est uniquement pour que je me souvienne que j’avais failli le tuer. »

L’affreuse ironie de sa situation se révéla à Barry dans la pénombre de la salle des archives, lorsqu’il comprit qu’il n’arrivait plus à se satisfaire de contempler des photographies d’éphèbes et d’imaginer en toute innocence les services qu’ils pourraient lui rendre.

D’une main légèrement tremblante, il isola les photos d’Amanda Powell.

Il savait tout d’elle, y compris où elle habitait et qu’elle y habitait seule.

D’après le souvenir qu’en avait gardé Terry, cela s’était passé deux semaines après l’anniversaire de ses quatorze ans, au cours du dernier week-end de février. Il faisait un temps glacial depuis plusieurs jours et, à l’intérieur de l’entrepôt, l’atmosphère était particulièrement tendue. C’était toujours pire durant les périodes de froid, expliqua-t-il, parce qu’à moins de se rendre une fois par jour à la soupe populaire pour avoir un repas chaud, il était impossible de survivre. Naturellement, les plus vieux et les plus mabouls avaient encore moins envie que d’habitude de quitter le cocon qu’ils s’étaient fabriqués et Terry et Tom devaient prendre sur eux de les remuer. Mais, affirmait-il, c’était le plus sûr moyen de se faire des ennemis et Billy se mettait encore plus en rogne que les autres.

« Si Tom n’a pas voulu que j’appelle les flics cet après-midi-là, c’est en partie à cause de ce qui était planqué dans l’entrepôt. » Il tira de sa poche un petit paquet recouvert de papier d’argent et le posa sur la table. « Je prends du shit – il hocha la tête vers le paquet – et peut-être un peu d’ecta quand je vais à une boum. Mais c’est de la rigolade comparé avec ce que se tapent certains. En général, il y a des corps dans tous les coins, shootés à n’importe quoi, des amphés à l’héro, et la moitié de ces enflures n’habitent même pas là, mais viennent parce qu’ils pensent qu’ils sont plus en sécurité. Et puis il y a la fauche – gnôle, cibiches, ce genre de trucs – que les mecs cachent entre les gravats. On a intérêt à faire gaffe de pas marcher sur une planque si on veut pas écoper au passage d’un coup de lame dans les côtes, comme Walter. Même que ça peut salement tourner au vinaigre. Rien que cette semaine, il y a eu deux chicores plus l’histoire des coups de couteau. Au bout d’un moment, ça devient vraiment gonflant.

— C’est pour ça que tu as appelé la police aujourd’hui ?

— Ouais, et à cause de Billy. J’ai pas mal pensé à lui ces derniers temps. » Il revint à son histoire. « Toujours est-il que c’était à peu près le même topo en février – sinon pire, vu qu’il faisait encore plus froid que maintenant et qu’y avait davantage de gus que d’habitude. S’ils couchent dans la rue, ils gèlent sur place, alors Tom et les autres ils les laissent roupiller à l’intérieur.

— Pourquoi ne vont-ils pas dans les centres d’accueil ? Un lit vaut sûrement mieux que le sol d’un entrepôt.

— Qu’est-ce que tu crois ? lança Terry d’un ton acerbe. Putain, ces mecs-là, ce sont des tox et des psychos qui ne feraient même pas confiance à leur ombre ! » Il se mit à tripoter le paquet enveloppé dans du papier d’argent. « Tom, il se démerdait plutôt bien. Il laissait rentrer n’importe quel loqueteux pourvu qu’il lui file un truc en échange. Une fois, il a même pris son manteau à un zig, vu que c’était la seule chose qu’il avait, et le pauvre mec est mort de froid pendant la nuit. Tom a dû le porter jusque dans la rue – comme il s’apprêtait à faire avec Walter –, au cas où les flics se seraient pointés. Du coup, Billy s’est foutu en pétard. Il s’est levé en cinq sec et a dit que tout ça devait cesser.

— Qu’a-t-il fait ? interrogea Deacon en voyant que l’adolescent ne continuait pas.

— Le pire qu’on pouvait faire. Il s’est mis à casser les bouteilles des mecs et à chercher les planques dans les gravats en criant qu’il fallait chasser le démon avant qu’il se soit emparé de nous jusqu’au dernier. J’ai fini par attraper cet abruti et je l’ai fourré dans mon pieu en l’attachant pour éviter qu’un des psychos le ratatine. C’est alors qu’il s’est fichu en rogne contre moi. » Terry étendit le bras pour prendre une nouvelle cigarette et l’alluma d’une main tremblotante. « Si tu l’avais vu ce jour-là, il avait l’air d’un timbré. Il criait et se trémoussait au point qu’on aurait dit qu’il avait complètement perdu la boule. » L’adolescent fit la moue. « Tu comprends, quand il était parti, il arrivait plus à s’arrêter. Il continuait comme ça jusqu’à ce qu’il soit totalement vanné et qu’il jette l’éponge. Mais, ce coup-là, il s’est entêté. Il répétait sans cesse que j’étais la pire des ordures, et comme je faisais semblant de pas l’entendre, il s’est mis à hurler à tue-tête que j’étais qu’une sale putain et que n’importe quel pédé qui voulait me baiser n’avait qu’à entrer dans la guitoune et se servir. » Il tira une longue bouffée de sa cigarette. « J’avais envie de le tuer, alors j’ai mis mes mains autour de son cou et j’ai serré.

— Qu’est-ce qui t’a arrêté ?

— Rien. J’ai continué à serrer jusqu’au moment où je l’ai cru mort. » Il sombra dans un long silence que Deacon se garda bien d’interrompre. « Alors j’ai eu les chocottes. Je l’ai détaché et je l’ai secoué un peu pour voir s’il était vraiment mort, et ce salaud a ouvert les yeux et m’a souri. C’est alors qu’il m’a parlé de ce gus qu’il avait tué, ajoutant que la colère conduisait parfois les gens à commettre des actes qui pouvaient ruiner leur vie. Puis il a dit comme ça qu’il voulait montrer aux dieux que c’était de sa faute et pas de la mienne, et il est sorti et a mis sa main dans le feu. »

Deacon regretta qu’il n’y ait pas eu une femme pour écouter le récit de Terry, une femme qui aurait pris celui-ci dans ses bras et lui aurait donné des tapes affectueuses en l’assurant qu’il n’avait rien à craindre, car pour lui, ces gestes lui étaient interdits. Il choisit de tourner la tête pour ne pas voir les larmes qui brillaient dans les yeux du garçon et de se lancer dans des considérations prosaïques sur le moyen d’arriver à ce que les vêtements de Terry soient prêts pour le lendemain sans la ressource d’un sèche-linge.

Reg monta du thé à Barry et posa la tasse sur le bureau, à côté du livre qu’avait acheté sa femme. Le volume était retourné et il montra du doigt une citation figurant au dos.

« D’une lecture extrêmement agréable. Charles Lamb, THE STREET. »

« La patronne, elle aime toujours mieux quand il y a une recommandation, dit-il, mais, comme je lui ai fait observer, c’est curieux de la part de Mr Lamb un truc aussi court. D’habitude, quand il aime un livre, il a plutôt tendance à en rajouter. Est-ce que “d’une lecture extrêmement agréable” sont les seuls mots de louange dans tout l’article, je me le demande. Un exemple de discount littéraire des éditeurs, peut-être ? »

Une des raisons pour lesquelles Reg appréciait tant la compagnie de l’archiviste, c’est que celui-ci lui permettait d’exercer son humour pesant et Barry ne manqua pas de s’esclaffer en prenant le livre de poche et en l’ouvrant à la page de titre. « Publié pour la première fois par Macmillan en 1994, le compte rendu a donc dû paraître l’année dernière. Je vais vous le retrouver, proposa-t-il. Ce sera une façon, bien modeste, de vous remercier pour le livre et le thé.

— Ça pourrait être intéressant », dit prophétiquement Reg.

… Un autre livre plutôt inégal, Les Mystères inexpliqués du XXe siècle de Roger Hyde (publié par Macmillan au prix de £15,99). Bien que d’une lecture extrêmement agréable, il n’en est pas moins décevant, dans la mesure où, comme le suggère le titre, il soulève beaucoup trop de questions sans réponse et ignore le fait que d’autres auteurs ont déjà fait la lumière sur certains de ces mystères « inexpliqués ». Ainsi l’horrible assassinat des Dighy commis en 1933, à la suite desquels Gilbert et Fanny Dighy ainsi que leurs trois enfants furent retrouvés morts dans leurs lits, empoisonnés à l’arsenic, un matin d’avril, sans que rien ne permette de savoir qui les avait assassinés ni pourquoi. Hyde décrit avec un grand luxe de détails les circonstances de cette affaire – l’existence menée par Gilbert et Fanny, les noms de tous ceux qui leur avaient rendu visite au coins de la semaine ayant précédé les meurtres, le crime lui-même –, mais oublie de parler du livre de M. G. Dunner, Adorable Fanny Dighy (Gollancz, 1963), qui contient la preuve que celle-ci, depuis longtemps dépressive, avait été vue faisant tremper du papier tue-mouches dans une cuvette en émail la veille du jour où sa famille et elle furent retrouvées mortes. Il y a également le cas du diplomate Peter Fenton, parti de chez lui en juillet 1988 après le suicide de sa femme Verity. Là encore, Hyde décrit avec minutie le contexte de ces événements, faisant notamment référence au réseau Driberg et au fait que Fenton avait accès aux secrets de l’OTAN, mais omet de citer l’article d’Anne Cattrell dans le Sunday Times, « La véritable histoire de Verity Fenton » (17 juin 1990), qui révèle les stupéfiantes brutalités subies par Verity de la part de Geoffrey Standish, son premier mari, avant la mort providentielle de celui-ci, tué par un chauffard en 1971. Si, comme le prétend Anne Cattrell, il ne s’agissait pas d’un accident et si Verity avait bel et bien rencontré Fenton six ans avant la date avancée par l’un et l’autre, alors la solution concernant le suicide de la première et la disparition du second se trouve enfermée dans le cercueil de Geoffrey Standish et non pas dans la cellule de Nathan Driberg…

Par curiosité, Barry chercha les microfiches du Sunday Times du 17 juin 1990. Il retint brusquement sa respiration en voyant apparaître l’article d’Anne Cattrell accompagné d’une photographie de face de Peter Fenton, commandeur de l’ordre de l’Empire britannique.

Il aurait juré qu’il avait Billy Blake devant les yeux.

La véritable histoire
de Verity Fenton

par Anne Cattrell

Peu d’écrans sont aussi opaques que ceux dressés par Peter Fenton, disparu de son domicile le 3 juillet 1988 en abandonnant le corps inerte de sa femme sur le lit conjugal. L’histoire commence par une sensationnelle chasse au meurtrier dans le plus pur style de l’affaire Lucan, jusqu’au moment où il fut établi que Verity Fenton s’était suicidée. En fouillant la vie privée de Peter, à la recherche de maîtresses et/ou d’un acte de trahison, on découvrit soudain qu’il avait accès aux secrets de l’OTAN. L’attention se porta alors sur son soudain voyage à Washington et l’on eut vite fait de lui trouver un lien avec les mystérieux membres du réseau Driberg.

Quel rapport le suicide de Verity Fenton avait-il avec tout cela ? Aucun ou presque, dans la mesure où les esprits étaient trop obnubilés par l’énigmatique disparition de Peter pour  s’interroger sur les raisons qui auraient pu amener une « névrosée » à mettre fin à ses jours. Le coroner rendit un verdict de « suicide dû à une crise d’abattement », en grande partie sur la base du témoignage de la fille de Verity, pour qui celle-ci était « anormalement déprimée » durant le séjour de Peter à Washington. Cependant, on ne chercha aucune explication concrète à sa dépression, l’opinion générale étant, semble-t-il, que la disparition de Peter prouvait l’exactitude de l’allusion à ses trahisons contenue dans la lettre d’adieu de son épouse et que ces trahisons étaient suffisamment bouleversantes en soi pour pousser une femme au suicide.

Deux ans après ces bizarres événements de juillet 1988, il n’est pas inutile de réexaminer ce que l’on sait de Peter et de Verity Fenton. Le premier fait frappant lorsqu’on considère cette affaire, c’est qu’il n’existe pas la moindre preuve que Peter Fenton ait été un traître. Il est certain que, de 1985 à 1987, il a eu accès aux dossiers confidentiels de l’OTAN, mais, reconnaissent certaines sources au sein de l’organisation, trois enquêtes différentes n’ont pu démontrer sa responsabilité ni celle de son service dans l’existence de fuites.

En comparaison, on dispose d’une abondance de preuves concernant son voyage « subit » à Washington à la fin juin, dont on a prétendu qu’il avait pour but de savoir si Driberg était sur le point de livrer le nom de ses complices. Les détails de ce voyage ont été relatés à l’époque par son supérieur immédiat aux Affaires étrangères, mais il n’en fut tenu aucun compte tant était grand le désir de prouver que Fenton était un traître. Le fait est qu’il reçut des instructions le 6 juin en vue de participer à d’importantes discussions à Washington du 29 juin au 2 juillet. Il est difficile de comprendre aujourd’hui comment on a pu qualifier de « subit » un voyage prévu depuis trois semaines, et penser, s’il appartenait au réseau Driberg, qu’il aurait attendu huit semaines après l’arrestation de celui-ci pour « aller à la pêche ».

La tragédie Fenton prend un tout autre relief si l’on écarte l’hypothèse que Peter était un traître. La question qui se pose alors est la suivante : quelles sont ces trahisons dont parle Verity dans sa lettre d’adieu ? Elle avait écrit : « Pardonne-moi. Je n’en peux plus, mon chéri. Je t’en prie, ne te fais aucun reproche. Tes trahisons ne sont rien en comparaison des miennes. »

Pourquoi a-t-on négligé avec une telle constance d’examiner les propres trahisons de Verity ? La réponse est simple : en tant que femme de diplomate, elle présentait beaucoup moins d’intérêt que son mari. Quel genre de trahison une névrosée aurait-elle pu commettre qui surpasse en gravité le fait de trahir son pays ? Et pourtant, il était impératif, même en 1988, d’examiner ses prétendues trahisons dans la mesure où elle affirmait qu’elles étaient pires que celles de son mari, lui-même accusé d’être un espion.

Née à Londres le 28 septembre 1937, Verity Pamell fut élevée entièrement par sa mère, son père, le colonel Pamell, ayant trouvé la mort en 1940 dans l’évacuation de Dunkerque. Il semble qu’elles aient passé les années de guerre dans le Suffolk, puis qu’elles aient regagné la capitale en 1945. Verity fut d’abord mise dans une école privée, avant d’être envoyée au collège de filles Mary Barholomew de Barnes en mai 1950. Bien que jugée suffisamment brillante pour entreprendre des études universitaires, elle choisit d’épouser, en août 1955, Geoffrey Standish, un séduisant agent de change de trente-deux ans. Ce mariage provoqua une brouille entre sa mère et elle, et rien n’indique qu’elle ait revu Mrs Pamell avant la mort de celle-ci à la fin des années 1950. Verity donna naissance à une fille, Marilyn, en 1960, puis à un fils, Anthony, en 1966.

Le mariage fut un désastre. Geoffrey passait, même auprès de ses meilleurs amis, pour un individu « imprévisible ». C’était un joueur, un coureur de jupons et un ivrogne, et il devint vite évident, aux yeux de tous ceux qui le connaissaient, qu’il se défoulait de ses frustrations sur sa jeune épouse. D’où les multiples « accidents » dont était victime celle-ci, ses indispositions régulières, sa hantise de faire quoi que ce soit qui pût déplaire à Geoffrey et son attitude surprotectrice vis-à-vis de ses enfants. Dans ces conditions, il n’est guère étonnant que Verity ait déclaré à l’une de ses voisines, à la mort de son mari en mars 1971, que c’était pour elle une « bénédiction ».

Comme bien d’autres aspects de cette histoire, les circonstances du décès de Geoffrey restent obscures. Les seuls faits tangibles se résument ainsi : il avait prévu de passer le week-end seul avec des amis à Huntington ; le vendredi après-midi, à dix-sept heures trente, il leur téléphona pour leur dire qu’il ne pourrait pas les rejoindre avant le lendemain matin ; à six heures trente, le samedi, une patrouille de police repéra sa voiture, abandonnée, le réservoir vide, en bordure de la Ail près de Newmarket ; à dix heures trente, son corps fut retrouvé dans un fossé le long de la route à quelque deux kilomètres de distance ; ses blessures montraient qu’il avait été écrasé par une voiture.

À première vue, il s’agissait d’une affaire banale : Geoffrey s’était fait renverser par un véhicule alors qu’il marchait dans l’obscurité pour aller chercher de l’essence et le chauffeur avait pris la fuite. Mais, en raison du brusque changement intervenu dans ses projets, les policiers essayèrent d’établir ce qu’il faisait dans les environs de Newmarket. Cette piste se révéla infructueuse, mais leur enquête leur permit de mettre au jour toute une série de menus détails concernant son caractère et sa façon de vivre. Même s’ils ne réussirent pas à le prouver, il est clair d’après leurs rapports que les policiers du Cambridgeshire étaient convaincus qu’il avait été assassiné.

Verity possédait un alibi en béton. Le mercredi précédant la mort de Geoffrey, elle avait été admise à l’hôpital Saint-Thomas avec une fracture de la clavicule, des côtes cassées et une perforation du poumon et n’en était sortie que le dimanche. Elle avait confié ses enfants à la garde d’un voisin, ce qui laisse planer le doute quant à l’emploi du temps de Geoffrey le vendredi. Apparemment, il ne s’était pas rendu à son travail, ce qui conduisit les policiers à imaginer que quelqu’un, dont les sympathies allaient à Verity, l’avait éloigné de chez lui durant la nuit du jeudi avec l’idée de le tuer le vendredi.

Malheureusement, du moins pour la police, le sympathisant en question demeura introuvable et le dossier fut classé faute de preuves. Le coroner rendit un verdict d’« homicide par imprudence dû à une ou plusieurs personnes inconnues » et la mort prématurée de Geoffroy Standish est restée jusqu’à ce jour impunie.

Néanmoins, étant donné notre connaissance des événements du 3 juillet 1988, il semble aujourd’hui logique de faire le rapprochement entre le suicide d’une femme désespérée, la disparition de son second mari et la mort de Geoffrey en 1971 et de se demander si le fameux partisan de Verity n’était pas un jeune et impressionnable étudiant de Cambridge nommé Peter Fenton. Newmarket est situé à moins de trente kilomètres de Cambridge et l’on sait que Peter se rendait fréquemment dans la famille d’un ami dont il avait fait la connaissance au temps de ses années de collège à Winchester, lequel habitait à cinquante mètres seulement du domicile de Geoffrey et Verity Standish dans Cadogan Square. Même si rien ne permet de réfuter les allégations de Peter et de Verity selon lesquelles ils se seraient rencontrés au cours d’une soirée chez l’ami de Peter en 1978, il serait étonnant que leurs chemins ne se soient pas croisés plus tôt. De fait, le fameux ami, Harry Grisham, se souvient fort bien que les Standish venaient régulièrement dîner chez ses parents.

Mais, en admettant que Peter ait été impliqué, qu’est-ce qui a pu amener, dix-sept ans après le meurtre de Geoffroy, Verity à se suicider et Peter à disparaître ? L’un d’eux a-t-il trahi l’autre par inadvertance ? Verity ignorait-elle ce qu’avait fait Peter et a-t-elle appris seulement par hasard qu’elle avait épousé l’assassin de son premier mari ? Peut-être ne le saurons-nous jamais. Néanmoins, il est curieux que, deux jours avant le départ de Peter pour Washington, ait paru dans la rubrique des petites annonces du Times le texte suivant :

« Geoffrey Standish. Quelqu’un posséderait-il des renseignements sur le meurtre de Geoffrey Standish, commis au bord de la Ail près de Newmarket le 10.03.71 ? Merci d’écrire au journal, numéro 431. »