31
Bob et Bill
Morane ouvrit la portière de la Jaguar avant de se tourner vers François. Il posa la main sur l’épaule de l’enfant.
— Tu restes ici, dit-il, dans la voiture, et tu n’en bouges pas jusqu’à ce que nous revenions. D’accord ?
— D’ac !
— Promis ? insista Bob.
— Promis.
— Bon, dit Morane. Tu verras, tout va s’arranger…
Il quitta la voiture, referma la portière, adressa de la main un signe d’au revoir à François qui lui répondit de la même façon, et rejoignit Bill. Ils se mirent en route.
— Y en a pas pour plus de trois minutes, dit Ballantine.
Le géant avait raison. Moins de trois minutes plus tard, ils arrivaient à hauteur de la grille ouverte, devant laquelle ils étaient déjà passés en voiture.
— On entre normalement ? demanda Bill.
— Le plus normalement du monde, répondit Bob. Si jamais Vandevelde a raison, et si le gars qui habite ici est droit dans ses bottes, ce n’est vraiment pas la peine de jouer les voltigeurs…
— O. K., commandant. Allons-y, alors…
Il y avait une allée bordée d’arbres, et ils la suivirent en s’efforçant de ne pas faire trop crisser le gravier. Bientôt, la maison leur apparut, derrière les arbres. Une grande construction de briques rouges, avec de hautes cheminées. Il y avait un perron de style néo-classique et, devant l’escalier, les deux hommes virent une Volkswagen grise. Une Volkswagen grise avec une galerie de toit.
— Regarde, dit Bob en posant une main sur le bras de Ballantine.
— Quoi, commandant ?
— Les fenêtres…
— Vu, dit Bill après un instant de silence. Elles sont aveugles…
— C’est ça. Il y a des volets. Des volets intérieurs…
— Ce sera d’autant plus facile pour atteindre la bicoque, remarqua l’Écossais.
— Tout juste !
Ils passèrent devant la Volkswagen dont le capot ouvert, côté moteur, attira l’attention de Morane. Il se pencha, indiqua du doigt des fils arrachés.
— C’est pas une façon de soigner un moteur, commenta Bill.
Bob se redressa, montra la vitre brisée d’une portière ouverte.
— Ni de laver une vitre ! jeta-t-il.
Songeur, il se passa la main dans les cheveux, ajouta :
— Par contre, c’est bon signe… dans un sens !
— Ouais, fit Ballantine. Il s’est passé ici quelque chose de pas naturel, c’est sûr.
Ils atteignirent très vite le bas des marches de l’escalier de pierre, qu’une grande glycine maintenait dans l’ombre. Puis, ils furent devant la porte d’entrée.
— C’qu’on fait ? interrogea doucement Bill.
— On entre !
— Bien sûr… Mais comment ?
— Pas par ici, en tout cas, dit Bob après avoir exercé une légère pression contre l’un des battants de la porte, c’est bloqué…
— On fait le tour du propriétaire ? demanda le colosse.
Pour toute réponse, Bob redescendit les marches de l’escalier, l’Écossais sur ses talons. Deux minutes plus tard, ils avaient fait le tour de la maison, pour constater que toutes les fenêtres étaient fermées.
— Bon, dit Ballantine. Et si on sonnait, tout simplement ?
— Tu dis ça pour rire, grommela Morane. Viens…
Suivi de Bill, il se dirigea vers Fun des angles de la grande maison, repéra le tuyau d’écoulement d’eau qu’il cherchait et s’en approcha.
— Je ne vois rien d’autre, dit-il. C’est la seule solution…
— Et, bien sûr, c’est vous qui allez grimper par-là grogna Bill.
— Bien sûr, approuva Bob avec simplicité.
Il empoigna le tuyau de zinc, le secoua légèrement, reprit :
— Toi, tu ne ferais pas trois mètres là-dessus !
— Je suis trop lourd, sans doute ? dit Bill d’un ton vexé.
— Mais non, mais non… Seulement…
— Seulement ?
— Il faudra que tu interviennes à l’entrée…
— Que voulez-vous dire, commandant ?
— Il est presque dix-huit heures trente, dit Morane en consultant le cadran de sa montre-bracelet. Tu me donnes un quart d’heure…
— Et puis ?
— Tu entres.
— J’entre ? Par la porte d’entrée ?
— Par la porte d’entrée, oui.
— Mais elle…
— Elle est fermée, d’accord. Mais si tu pousses un petit peu, hein ?
— O. K., fit Ballantine en souriant. Compris, commandant. Je pousse un tout petit peu, et je passe au travers. Réglé comme du papier à musique…
— Go ! fit Morane.
Et il se mit à grimper. Tout juste une question de routine.