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L’Indien

 

Immobile, assis au volant de sa voiture garée à moins de cinquante mètres de l’école, l’Indien paraissait dormir.

Mais entre ses paupières mi-closes, il laissait glisser son regard sur la rue ensoleillée et, plus particulièrement, vers la grande porte de l’établissement.

Devant cette porte, en petits groupes bavards, quelques femmes – des Blanches – attendaient également que les enfants sortent. « Comme ce midi », pensa l’Indien. Car il était déjà venu cet après-midi-là, mais l’enfant n’était pas sorti.

L’idée de cueillir le petit à la sortie de l’école lui était venue la veille pendant qu’il faisait le guet devant la maison aux fenêtres garnies de fleurs rouges. Il avait guetté très longtemps. Il voulait savoir comment était le père de l’enfant, quand il allait rentrer chez lui, ou s’il était déjà dans la maison.

L’obscurité était tombée sur la ville, la nuit était venue. Plus tard encore, les unes après les autres, les lumières de la petite maison s’étaient éteintes. À l’affût dans sa voiture, l’Indien avait attendu une heure encore, indécis, se demandant comment il allait s’y prendre pour tuer l’enfant.

Et c’est alors que l’idée lui était venue. Il n’avait pas besoin de pénétrer dans la maison pour supprimer le petit. Non. L’enfant blanc allait certainement à l’école, et peut-être avait-il l’habitude de s’attarder un moment avec des camarades avant de rentrer chez lui…

L’Indien avait mis son moteur en marche, et il avait quitté cette rue, cette maison où dormait sa future victime. Ce n’était que partie remise.

Tout compte fait, la nuit n’avait pas été mauvaise pour l’Indien, au contraire. Il n’avait pas perdu son temps. Un nouveau visage pâle avait péri sous son couteau et, à présent, son scalp était accroché avec les autres. Non, l’Indien n’avait pas perdu son temps.

Le matin l’avait retrouvé dans la rue où habitait l’enfant blanc. Comme la veille, il avait garé sa voiture le long du trottoir, non loin de la maison aux fenêtres fleuries, et il avait patiemment attendu que la femme et l’enfant sortent pour les suivre jusqu’à l’école.

À midi, l’enfant n’était pas sorti de l’école, mais l’Indien n’avait pas été déçu pour autant. Il savait avec certitude que le petit sortirait l’après-midi, vers seize heures : il n’avait donc qu’à attendre.

L’Indien possédait une patience illimitée. Sa vie, depuis deux semaines, était faite d’attente. Il était aussi dépourvu de hâte que l’araignée tapie au milieu de sa toile attendant sa victime. Comme elle, il savait que sa proie viendrait à lui.

Il y eut un mouvement là-bas, du côté de l’école. Les femmes blanches, comme sur un signal, se rapprochèrent de la porte qui s’ouvrait, et les premiers enfants apparurent dans le soleil de la rue.

Lentement, l’Indien se redressa sur son siège. Tous les sens en éveil.