Retour en Italie
— Et la part de Gaillusac ? demande don Juan de Tolède. Où peut-elle être ?
— Immédiatement après l’arrestation de Lanteaume, d’Artagnan s’est rendu chez feu notre ambassadeur, en compagnie d’une garde armée.
— Hélas, dis-je en prenant la suite de Son Éminence, j’arrivai trop tard. Nous forçâmes les portes. La nouvelle du fiasco avait diligemment courue. Je découvris madame Adélaïde de Gaillusac mortellement blessée. Elle n’eut que la force de me raconter ce qui venait de se passer. Elle souhaitait s’emparer de cette part de parchemin que possédait son mari. Mais elle n’était pas seule à la vouloir : Fargis désirait également l’obtenir. Une lutte s’engagea. Une lutte bien inégale entre les deux adversaires. Adélaïde reçut un coup de dague au ventre, elle gisait dans son sang tandis que Fargis s’était échappé avec le précieux document. Il est actuellement recherché, mais nous ignorons parfaitement où il a pu se terrer.
— Si je comprends bien, dit Amadéor, les affaires reprennent !
— Pas pour toi, cher ami, s’exclame le cardinal.
— Qu’est-ce que tu veux dire ? demande don Juan.
— Je veux dire que pour toi, c’est ici que s’achève la mission. Je suis désolé de te l’apprendre. Mais rassure-toi, j’ai encore bien besoin de tes services pour une tout autre affaire. J’ai reçu ce matin des documents alarmants. Je voudrais que tu retournes, dès demain, en Italie, à Rome.
— C’est fâcheux, dit don Juan fort mécontent, d’abord j’aime terminer ce que j’ai commencé, ensuite j’avais grand plaisir à travailler aux côtés de d’Artagnan. Et puis, à tout dire, j’étais prêt à te donner mon congé à la fin de cette aventure, une fois tes ennemis à genoux. J’aspire à la sérénité, et cette petite Alouette m’appelle vers une vie nouvelle.
Le cardinal sourit, mais il réoriente vite la conversation, comme il tourne les yeux pour ne pas croiser trop longtemps le regard de sa botte secrète.
— Pour ce qui est de cette affaire désormais nommée La Cabale des Importants, j’ai toute confiance en d’Artagnan. Notre Amadieu, j’en suis convaincu, saura me rapporter le parchemin, moitié par moitié. Vos routes se séparent aujourd’hui, mais demain tout peut arriver, et vous formez, il est vrai, un parfait duo. Pour l’heure, je compte sur toi, prochaine destination, retour en arrière : l’Italie. Allons, tu ne peux m’abandonner ! Je ne t’ai pas choisi par hasard. Il faut approcher une femme, une duchesse de Mantoue de la plus belle étoffe. Toi seul pourrais la désarmer.
Puis, en saisissant deux bourses remplies d’or, le cardinal se rapproche de son agent Amadéor en disant :
— Je n’oublie pas de récompenser tes services. Tu auras besoin d’argent, en voici.
Le cardinal veut également me rétribuer, mais la bourse qu’il me cède n’est pas du même poids. Je reste, mon frère d’armes s’en va.
— Alors, demande-t-il à don Juan de Tolède en lui désignant la somme offerte, qu’en dis-tu, est-ce oui ?
Don Juan sourit. Des lèvres, car ses yeux sont ailleurs, loin, bien loin de ce cabinet.
Il prend néanmoins l’argent et dis :
— C’est bien parce que c’est toi, Giulio. Alors, quel est l’ordre de mission ? »