Les lettres
Désormais tout est possible, même l’impossible.
J’effectue les tâches que m’a confiées Henri et je rentre aussitôt.
J’ai franchi le Rubicon.
Pour l’heure, tout me conseille de garder mon secret, mais je brûle de le révéler à Jeanne, mon âme sœur, le meilleur de moi-même. Il faut encore attendre le lendemain. Henri doit rendre visite à un voisin. Il va s’absenter toute la journée pour rentrer le soir venu. C’est l’occasion à saisir.
Dès qu’Henri a passé les grilles de sa propriété, je cours aux bras de Jeanne. Celle-ci veut se jeter à mes pieds, je la relève.
— J’ai à te parler, me dit-elle…
La nouvelle que j’ai à lui apprendre ne peut attendre une minute de plus.
— Moi d’abord, lui dis-je. Je vais être mousquetaire et je vais t’épouser.
— Mais comment, me dit-elle, tu sais bien que ces deux folies ne peuvent se marier…
— À moins de braver la Fortune !
Je lui montre en grande hâte les lettres de noblesse, ce laisser-conduire pour la Gloire.
— Attends-moi ! lui dis-je en l’embrassant avec fièvre, le cœur exalté, je reviens ce soir. De grâce, ne dis rien à Henri, c’est à moi de le faire. Je lui parlerai de notre amour, je lui demanderai ta main, je lui dirai que monsieur de Tréville veut me voir à l’essai… Il sera bien obligé de nous féliciter. Il comprendra. Il faut qu’il comprenne.
Je n’en dis pas davantage. Je suis trop pressé de courir au temple des dieux, de graver mon nom, fût-il celui d’un autre, d’une main ferme, sur la pierre de ses murs. Il me reste encore à emporter une dernière victoire, la plus haute, mais porté par mon élan et ma bonne étoile, je me sens capable de tout.
J’ai déjà oublié que Jeanne voulait me parler. Quand je m’en souviens, je suis loin. Il est trop tard pour rebrousser chemin. Après avoir saigné ma monture, j’arrive enfin devant l’hôtel de monsieur de Tréville, rue du Vieux-Colombier.
Je n’ai songé qu’à une chose : présenter des documents faisant loi et me garantissant un passage dans le monde, une place dans la sacro-sainte institution militaire, auprès de ceux qui sont la pointe de l’épée.
Je n’ai réfléchi à rien, j’ai éludé tous les obstacles intermédiaires. Je rentre tête baissée dans la fosse aux lions, coiffé d’un vigogne dégarni, chaussé de bottes éculées, défendu par la garde d’une arme passée de mode.
Les escaliers sont pleins.
Toute une légion de mousquetaires tient conciliabule. Les bons mots, les rires francs, les plaisanteries douteuses se renvoient la balle. Je devrai attendre mon tour. Quoi, attendre ? Prendre place dans la file d’attente, quand je viens de traverser les rangs, de monter les échelons en un tour de main ? Hors de question. Pour atteindre mon but, je dois continuer de voler comme une flèche. Qui veut franchir les limites de sa condition doit marcher à l’allure d’un brigand en cavale. En me voyant monter les marches par trois, on veut me retenir. Une dépêche urgente pour monsieur de Tréville, dis-je en sortant de mon pourpoint crotté le bout de l’étui de cuir retenant les lettres enroulées… ordre du roi. Ces mots, l’air résolu dont je m’empanache, éloignent les doutes. Qui que je sois, pour agir de la sorte, je ne peux être effectivement que mandaté par les plus hautes instances. On me laisse passer, on m’ouvre la route.
Je suis conduit à la porte du maître.
On m’introduit, et monsieur de Tréville, de qui l’on s’approche pour murmurer à son oreille ces mots qui font tout, congédie ces messieurs avec lesquels il était en entretien. La porte se referme derrière eux.
— Monsieur, je vous écoute. Qu’avez-vous à me dire, qu’avez-vous à me donner ?
— Je viens me donner, moi, dis-je ne me décoiffant, et en saluant de ma plus belle révérence, et je viens vous dire que je veux être des vôtres.
Tréville comprend vite.
— Diable, vous ne manquez pas de toupet ! Faire croire que le roi vous envoie…
— Mais c’est la vérité, monsieur. Le roi des rois m’a poussé jusqu’à votre porte. Je suis venu poussé par mon âme, et cette âme, Dieu en est le maître. Je ne fais donc que lui obéir, je ne fais donc que Le servir.
Tréville m’observe sous toutes les coutures. Puis, après un instant d’attente, il me libère enfin du silence :
— Dieu n’est pas un écervelé. Il a dû vous donner quelques garanties.
Je cite le nom d’Henri, en m’appuyant sur lui, en disant la vérité, qu’il fut mon instructeur.
— Vous me parlez d’un mousquetaire sorti du rang, dit Tréville, en revenant derrière son bureau, prêt à s’asseoir.
— Sans avoir failli à son honneur. Mousquetaire un jour, mousquetaire toujours, me répète-t-il depuis des années.
Tréville repousse sa chaise et va près d’une grande fenêtre. Il regarde Paris.
— Je connais l’histoire, me dit-il. Il savait ce qu’il avait à perdre en ouvrant sa bouche. On ne répond pas à Condé. Un prince de sang ne peut être jugé par un inférieur.
— Il a désobéi à la règle pour écouter sa conscience. Des soldats sont morts en vain, une bataille fut perdue, le roi connut un échec, tout cela Henri voulait l’éviter.
— Votre maître est une forte tête.
— Une âme bien trempée. Il a payé pour son audace, et avec les autres, le salaire d’une campagne menée à l’aveugle et soutenue par orgueil en dépit des mises en garde… son bras gauche est resté couché sur le champ guerrier au milieu de ses frères d’armes vaincus par le fer et par le feu.
— Votre discours est bien dangereux, il sent le mutin à plein nez. L’élève vaut le maître. Ces paroles pourraient vous barrer la route. Un autre que moi vous obligerait à vous montrer moins bavard ou à poursuivre votre réquisitoire derrière les verrous.
— Mais vous, vous me comprenez.
Tréville se retourne. Un sourire mal dompté relève le coin de sa moustache.
— Décidément, vous ne manquez pas d’air.
— Vous me comprenez et vous respectez la franchise d’un cœur loyal. Mieux, vous l’encouragez.
— Peut-être, oui… Mais un mousquetaire doit aussi apprendre à se taire. En effet, je ne le cache pas, vous me plaisez. Cependant, j’ignore, monsieur le risque-tout, ce que vous valez aux métiers des armes.
— Mettez-moi au défi.
— Que d’impatience…
— Les morts sont patients. Ils ont l’éternité devant eux. Moi, je veux vivre sans attendre et je maudis ces heures perdues où mes forces vives restent inutiles quand elles ne demandent qu’à servir l’honneur du roi. Ce sang qui bout dans mes veines, s’il pouvait batailler pour une juste cause, crierait de joie s’il avait des lèvres. Mon cœur est là, fou peut-être, mais ardent, prenez-le, qu’il ne batte plus pour lui mais à la cadence que lui imposera votre tambour !
— Que de flamme !
Tréville fait appeler l’un de ses meilleurs hommes.
— Bartigasse ! dit-il, quand le mousquetaire franchit le seuil, voici un jeune homme qui ne demande qu’à en découdre. Voyons si c’est un importun qu’il faut corriger d’une volée de bois vert ou une bonne souche capable de vous tenir en respect.
Tréville nous demande nos épées et nous lance une paire de cannes. Je n’attendais que cela. Des faits. Des preuves.
Cependant, si j’évite les premiers assauts, je me laisse prendre de court et je manque d’un cheveu de recevoir un traître coup en pleine poitrine, un coup qui m’eût rabattu d’entrée de jeu. Je roule à terre plutôt que d’être touché et je suis aussitôt remis sur pied. L’affrontement nous pousse hors des lignes. Les portes s’ouvrent, nous poursuivons nos passes d’arme dans l’antichambre, puis dans les couloirs, en haut du grand escalier, sous les yeux d’une vingtaine de mousquetaires. Après avoir paré toutes les attaques, basses et hautes de mon adversaire, je passe à l’offensive. Je ne suis plus seulement les leçons d’Henri, répétées cent fois, j’ose écrire quelques phrases de ma propre main, je n’écoute plus ce que l’on me dicte… Et je signe, d’un coup d’arrêt. La pointe de mon bâton s’arrête net, à un pouce du cou de mon adversaire.
Tréville renvoie son homme et m’invite à le rejoindre dans son cabinet. Les portes restent ouvertes.
— Belle démonstration, me dit-il, j’en conviens et je suis connaisseur. Bien. Résumons. Vous avez l’audace de venir sans rendez-vous, avez-vous au moins une lettre de recommandation ?
Je dois inventer un subterfuge, je trouverai plus tard le moyen de retomber sur mes pieds, et de faire avaler la dragée à Henri.
— Je suis allé si vite en la portant, trop heureux de l’avoir enfin méritée, que je ne pris garde aux tire-laine qui me bousculèrent. J’avais la tête dans les nuages, je me voyais déjà dans la cour d’honneur. On me l’a prise. Mais je supplierai Henri de m’en écrire une autre.
— Encore cette fougue, toujours cette fougue ! Nous verrons plus tard. Vous êtes donc audacieux, emporté, vif et vous savez vous battre. Cela commence à peser d’un certain poids dans la balance. Il me faut encore savoir qui vous êtes.
Pour être mousquetaire, on ne vous demande pas d’être riche, mais d’avoir plus de courage qu’un Romain, plus d’adresse qu’un Spartiate, et enfin d’être de bonne lignée.
— Tenez, monsieur, dis-je en tendant les lettres d’une main tremblante, voici mes références.
Tréville regarde attentivement les documents. Les traits de son visage se referment. Ses sourcils se froncent. Je ne comprends pas.
— Monsieur, vos lettres sont fausses.
— Impossible…
— Je ne cherche même pas à les inspecter davantage. Cela saute aux yeux. Vous avez montré du courage en venant jusqu’ici et en allant tout au bout de votre démarche. Mais vous avez fait preuve d’inconscience et de légèreté. Enfin, vous trichez. Cette imposture est impardonnable. Je pourrais vous faire arrêter. Vous savez comment sont punis les faussaires : bouillis dans un chaudron. Je vous épargne cette horrible fin et je vous rends votre liberté. Partez. Je ne puis rien de plus pour vous.
Fer contre fer, frère contre frère…
Tout s’effondre, comme un château de sable, à l’heure du succès.
Humilié, vaincu, trahi, je rejoins l’escalier.
Triste débâcle. Ceux qui m’ont vu triompher assistent à mon départ, sans clairon ni cadence. Ces portes que j’avais ouvertes ont laissé passer le vent de la honte. Tous ont entendu le verdict de Tréville. Je suis un imposteur. Je regarde droit devant moi, et cette fois, je ne presse pas mon allure. Ma sortie ne sera pas une fuite, je veux l’entreprendre dignement. Je ne croise aucun regard, mais je sens s’abattre celui des autres, rangés de part et d’autre, je n’entends aucun sarcasme, mais ce silence est lourd de reproches.
Pourtant, toute mêlée recrache un dissident. Un mousquetaire ose essuyer la désapprobation des siens, se séparer du corps, geste autrement téméraire en ces circonstances solennelles que s’il avait fallu, dans ce camp de trompe-la-mort, se porter en avant pour recevoir en tête le grêlon des balles. Oui, en contrebas, un mousquetaire sort des lignes, fait un pas en avant, se découvre et me salue. D’autres l’imitent. Mériter cet hommage dans l’opprobre, c’est voir un ange descendre du ciel quand les flammes vous dévorent. Je suis ému aux larmes.
Mais l’émotion est passagère, il faut redescendre sur terre.
Alors que je renvoie son salut à ces messieurs, je continue de marcher sans regarder devant moi. Un pied mis en travers de ma route manque de me faire chuter plus bas. J’ai trébuché dans l’obstacle. Qui m’a provoqué ?
Je mets la main à la garde de ma rapière, je suis prêt à tirer le sang sur-le-champ, à jeter la discorde dans ce lieu fraternel, à diviser ce régiment. Mais ma main se rabaisse. L’insulte ou le mot vengeur qui montait à mes lèvres expire avant de jaillir. Ce mousquetaire qui me provoque, je le reconnais, c’est mon arbitre. Le gentilhomme qui accepta de faire tourner son denier dans les airs, celui qui m’obtint le gain, la récompense, celui qui fut prêt, pour moi qui ne lui étais rien, à défier le fraudeur en combat singulier.
Mais cet arbitre, une fois encore, sort de sa neutralité. Il prend parti.
Et cette fois, son parti n’est plus le mien.
Il vient de comprendre à quel jeu je l’ai mêlé. Il réalise qu’il a défié un voleur pour soutenir un tricheur. Lui aussi se sent blessé. Il me toise avec condescendance.
— Votre nom n’avait peut-être pas d’éclat, mais vous venez de lui donner de la couleur, en le faisant rougir !
Ces mots, le ton avec lequel ils sont prononcés, me blessent profondément. Je réagis sur le vif, fou d’orgueil et de colère.
— Regardez-nous bien ! Qu’est-ce qui nous différencie ? Une particule ? Des titres et des terres, des biens tombés du ciel ?
— Une ligne de conduite et quelques siècles de plus.
— … Béquilles de vieillard, de la poussière et des ruines !
— Ces ruines sont immortelles et vous n’êtes que du vent.
— Un vent de colère ! Quant à mon nom, vous dites vrai, il voit rouge. Je le signerai en lettres de sang ! Je lui donnerai naissance ! Je le ferai monter marche par marche… En effet, nos chemins se croisent, mon histoire commence quand la vôtre s’achève.
— Que d’insolence dans vos paroles !
— Mais c’est à mes actes que l’on me jugera !
Mon interlocuteur se tourne vers Bastigasse, le mousquetaire que me fit affronter Tréville et le prend à partie :
— Que n’avez-vous corrigé ce gentilhomme de piperie ! Il fallait le renvoyer à sa place, et le rosser à coups de canne comme le premier des valets !
Je lève ma main pour gifler le gentilhomme, mais il retient mon poignet.
— Que voulez-vous ? me demande-t-il froidement.
— Un duel.
— Un duel ? La mort ? Vous êtes bien présomptueux. Fer contre fer, frère contre frère, c’est un honneur que je ne puis vous accorder. Vous êtes encore mon inférieur, ne l’oubliez pas.
— Nous nous retrouverons, monsieur, et cette fois-là, vous vous montrerez moins dédaigneux, je vous en fais le serment.
Sans avoir la possibilité de me battre, je me retire, au milieu du silence et de la stupéfaction générale.
Tous les chemins de l’homme perdu mènent à la taverne
Hors de question de rentrer, là-bas, chez Henri, près de Jeanne, de tout dire.
Je ne crois plus à rien.
Je m’abandonne, je me perds.
Des larmes de dépit me brûlent les joues, une rage inconnue me ronge de l’intérieur.
Ayant quelques sous sur moi, je décide d’aller les boire.
Tout le jour durant, je reste attablé dans une sombre taverne, buvant pinte sur chopine. Je finis par payer et titubant, je gagne la rue.
La nuit venue, j’ai dormi dehors comme un chien. Un chien errant. À l’aube, je me remets debout et je reste des heures à marcher, à tourner en rond. Je n’ai plus les moyens de renouveler mes excès de la veille, mais j’ai encore soif. Soif d’oubli. Je passe la porte d’un nouveau cabaret. Puisque plus rien n’a d’importance à présent, je peux bien m’en débarrasser. Je suis prêt à troquer mon médaillon pour une barrique de vin. À changer l’or et la prière pour un lit de misères.
Je n’ai qu’à montrer l’objet… Je paierai avec ça, dis-je à l’aubergiste, pour qu’il ne regarde plus de travers ma triste mine, mais qu’il me traite comme un prince ; quand bien même ce prince fût-il un prince déchu, chassé de son trône d’argile, avant même d’avoir connu son heure de gloire. Si je veux boire encore, jusqu’à la mort, il me suffit de lever le doigt. Un geste suffit. Je m’endors à même la table, comme un soudard.
Je suis réveillé par un sceau d’eau froide.
Devant moi se tient Henri. Comment est-il arrivé là ?
— Jeanne s’inquiétait de ne pas te voir revenir, dit-il en s’asseyant face à moi, elle m’a tout raconté. J’ai été moi-même chez Tréville qui m’a expliqué le reste. Je t’ai cherché en tous lieux. Je sais où va un homme qui s’égare : au fond du puits. Un puits de sang, un puits de vin. Il veut se noyer dans l’ombre. J’ai fait le tour des tavernes et j’ai fini par te mettre la main dessus. C’est vrai que tu es tombé bien bas. Ainsi, tu l’aimes et tu ne m’avais rien dit.
Que répondre ? Je reste bouche bée.
— Et tu crois, reprend-t-il, que je n’avais pas deviné ? Qu’un père n’a pas des yeux pour voir ces choses-là ? Un cœur de chair pour sentir que sa fille lui échappe ? Veux-tu la vérité ? En te proposant d’être mousquetaire, je pensais à toi, je pensais à moi, et j’espérais aussi que tu t’éloignerais d’elle. Un père est jaloux comme un mari. Il veut tout garder, comme toi qui veux tout avoir. Et plus il veut retenir la vie, empêcher l’inévitable, plus il souffre, plus il se trompe. Donc, après t’avoir élevé, aimé, je voulais t’écarter. Je jugeais qu’il était temps pour toi de prendre ton envol. Tout devait rentrer dans l’ordre. Au lieu de quoi, tu songes non seulement à braver la mort sous les drapeaux, mais encore à l’épouser. Et nous voilà pris dans un terrible dilemme. Bon. Mais tout cela n’est pas si dramatique. Tu en auras toujours plus que moi. Tu n’auras pas la guerre, mais tu l’as, elle. Elle t’attend et je consens à te la donner. Ainsi, au fond, je vous garde tous les deux. Elle ma fille, toi mon fils. Moi, je n’ai plus de droit de me battre… Cette grâce que j’espérais, cette chimère à laquelle je me raccrochais, je ne la retrouverai jamais. J’ai cru à mon retour, mais on m’a trompé, moi aussi. Et puis, d’ailleurs, je suis déjà trop vieux pour gagner ma vie à la fortune des armes. Le roi veut des hommes de vingt ans, ayant du vif-argent dans les veines. Voilà beau temps que ma femme a rejoint le séjour des âmes. Vous êtes tout ce qu’il me reste, l’essentiel, et le reste n’a aucune importance. Le reste, ce ne sont que des souffrances et des illusions. Aubergiste ! dit-il en versant de l’argent sur la table, je paye la note et les dégâts.
Henri se redresse.
Je suis prêt à le suivre.