Le paquet
Molière dit tout.
Il était résolu à ne rien cacher.
Il se faisait toute une idée de cette femme : empoisonneuse, dit-on, magicienne, sans doute. Mais ce qu’on entend des gens sans les connaître est souvent aussi éloigné de la vérité que l’ombre peut l’être de la lumière. Contre toute attente, Molière est immédiatement séduit. Mis en confiance, il veut être franc. Il se confesse. Il raconte sa visite au maître François de Lyon… en détail. Et une nouvelle fois, il rapporte son entrevue de la veille avec Philémon Janisse de La Ravoie. Oui, il dit tout, il fait part de tous ses tourments, exception faite de ses doutes au sujet de Madeleine Béjart.
Hercule écoute attentivement, sans mot dire. Desdémone fait de même.
Molière se sait compris. On ne le juge pas. Il poursuit. Il va tout au bout de sa pérégrination : une véritable itinérance, de bouge en château, seul ou en force !
— Hélas, dit Molière, je suis venu vous voir en désespoir de cause. Ne sachant plus à quelle porte frapper, ne sachant plus quel parti adopter ! Ces comédiens sont sous les verrous, nourris au pain sec, et maintenant Dieu seul peut les sortir de là ! Et j’ai encore, Hercule, de bien mauvaises nouvelles à t’apprendre : d’Artagnan n’est plus. Quant à don Juan de Tolède, son nom figure en gros titre sur les avis de recherche !
Oui, c’est l’effondrement. Mais quand tout est perdu, plus rien n’est impossible.
Desdémone s’est levée, on vient lui apporter un paquet.
Hercule en profite pour murmurer à l’oreille de son ami :
— Garde le secret, mais d’Artagnan est sain et sauf. Je l’ai vu !
Mais ce n’est pas tout.
— Ne me posez pas de questions, Molière, dit Desdémone en revenant. Faites-moi juste confiance. C’est bien Dieu qui vous a envoyé chez moi. Or Dieu peut tout. Demain, au matin, je puis vous l’affirmer, ces prisonniers seront relâchés. Je les attends avec impatience, et je les logerai sous mon toit. Ils seront ainsi en mesure de débuter, dès demain, les premiers essais, puis les premières répétitions.
— Vraiment ? s’exclament d’une seule voix Molière et Hercule, qui n’en reviennent pas.
— Hommes de peu de foi, dit Desdémone en souriant.
Puis, en posant le paquet sur la table, elle dit encore, en désignant l’enveloppe :
— Voyez que je ne suis pas la seule à pouvoir réaliser des prodiges.
— Qu’est-ce ? demande Hercule, en regardant le paquet.
— Ouvrez, lui répond Desdémone.
Pouvait-on trouver meilleure conclusion ? Molière doit en effet convenir que de grandes forces sont à l’œuvre sous le ciel de Paris. Il se joue là quelque chose qui le dépasse.
Oui, ami lecteur, ce paquet contient un manuscrit.
Et ce manuscrit, on l’aura deviné, est un manuscrit original, tout juste achevé.