51.
— Drôle de coïncidence, hein !
marmonna Conklin en se garant face à la demeure de style Tudor
plantée en plein cœur du quartier de Russian Hill. Hello Kitty
commet un cambriolage le soir même où le tueur au rouge à lèvres
abat Elaine Marone et son enfant.
— Tu sais, Rich, des fois, quand j’ouvre
les yeux le matin, après deux ou trois heures de sommeil, je me dis
que c’est trop, que le travail est en train de me bouffer et que je
ferais mieux de changer de vie avant qu’elle finisse par avoir ma
peau ! Et il me prend des envies de tout plaquer pour aller
monter une boutique de plongée en Martinique !
— Eh bien sois mignonne avec les Morley,
ils peuvent sûrement faire quelque chose pour toi.
Conklin réprima un fou rire comme l’imposante
porte d’entrée s’ouvrait devant nous. Dorian Morley était une belle
femme d’une quarantaine d’années. Elle portait une tunique à
fleurs, un pantalon noir, et avait noué ses cheveux en un chignon
négligé. Elle semblait en état de choc ; ses yeux étaient
rougis. Elle nous guida jusqu’à la cuisine, une vaste pièce très
lumineuse munie de larges comptoirs en verre et équipée d’appareils
dernier cri. Son mari était installé à la table devant une tasse de
café. Il se leva à notre entrée.
— Je me sens vraiment con, nous dit-il une
fois les présentations terminées.
Nous prîmes place face à lui.
— La porte de la chambre était verrouillée,
embraya-t-il. Ça m’a semblé bizarre. Quand je pense que j’ai lancé
un truc du style, « C’est toi, Hello
Kitty ? ».
Il s’interrompit, émit un drôle de ricanement et
ajouta :
— On croit toujours que ça n’arrive qu’aux
autres !
Il nous expliqua qu’il avait dû traverser la
chambre d’amis pour accéder aux toilettes.
— Vous avez vu le cambrioleur ?
demandai-je sans trop y croire.
— Non. Les lumières étaient éteintes. Elle
m’a demandé de lui laisser quelques minutes d’intimité, et j’ai
pensé qu’il s’agissait d’une de nos amies, Laura Chenoweth. Jesse
et elle traversent actuellement une période mouvementée dans leur
vie de couple. J’ai cru qu’ils s’étaient isolés dans la chambre
histoire de se rabibocher, si vous voyez ce que je veux dire… Les
journaux continuent d’écrire qu’Hello Kitty est un homme,
non ?
Cette information valait son pesant d’or.
Si Hello Kitty était bien une femme, alors ce
nouvel élément constituait notre première piste. Floue, certes,
mais c’était déjà un début !
— Après la soirée, j’ai simplement déposé
mes bijoux sur la commode, intervint Dorian Morley. J’ignorais
qu’on nous avait volé quoi que ce soit jusqu’à ce que j’aille les
ranger dans le coffre.
Elle enfouit sa tête dans ses mains et éclata en
sanglots.
— Une grande partie de ces bijoux
appartenait à la mère de Dorian, ajouta son mari. D’autres lui
venaient de sa grand-mère. Dites-le-nous franchement, quelles sont
nos chances de les récupérer ?
Encore sous le choc d’avoir découvert que le
cambrioleur était une femme, j’entendis Conklin expliquer que, pour
le moment, aucun des bijoux volés lors des précédents cambriolages
n’avait refait surface.
Dorian Morley releva la tête :
— Il n’y a pas que le problème des bijoux,
Jim. Il y a aussi le fait qu’une meurtrière s’est introduite chez
nous, dans notre chambre. Oh, Jim, elle aurait pu te
tuer !