69.
L’interrogatoire se prolongea durant plusieurs
heures. Il s’avéra que Bosco travaillait bien comme agent d’entretien au Yacht Club. Nous passâmes
son emploi du temps à la loupe afin de vérifier ses alibis. Joints
par téléphone, ses collègues nous confirmèrent l’avoir vu au
travail aux jours et heures où avaient été commis les meurtres des
Benton, des Kinski et des Marone.
J’allai chercher Bosco en cellule pour le
reconduire en salle d’interrogatoire, cette fois avec du café, un
sandwich au jambon et un paquet d’Oreos.
Il nous raconta son histoire depuis le début. Un
homme qui se disait réalisateur était venu le trouver au Yacht
Club. Il tournait un film d’action et avait besoin d’une doublure
pour une scène au cours de laquelle le personnage principal devait
récupérer une mallette jetée depuis le Golden Gate.
Bosco avait accepté avec enthousiasme et pris
une journée de congé pour participer au tournage. À la demande
du réalisateur, il avait emprunté un zodiac appartenant au Yacht
Club – il avait reçu pour consigne d’attendre près de Fort Baker et
de guetter le moment où une mallette serait jetée du haut du
pont.
Le « réalisateur » lui avait donné
deux cent cinquante dollars d’avance et promis de lui remettre le
reste de la somme après avoir récupéré la mallette. Ils avaient
convenu d’un rendez-vous devant le Greens Restaurant, à Fort
Mason.
Bosco avait-il réellement gobé cette histoire à
dormir debout ? Était-il impliqué dans l’affaire, ou tout
bonnement stupide ?
— Il vous a donné son nom ?
demandai-je.
— Bien sûr. Tony… Tony quelque chose. Un
mec banal. Un mètre quatre-vingt-cinq. Assez mince. Je ne me souviens même pas de ce qu’il portait.
Hé ! Attendez une minute. Il m’a laissé sa carte.
On m’amena le portefeuille de Bosco,
complètement trempé. La carte se trouvait dans le compartiment à
billets.
Il s’agissait d’une carte de visite faite
maison, imprimée sur une imprimante à jet d’encre. La plupart des
gens ne s’y seraient pas laissé prendre, mais Roger Bosco semblait
tout content de pouvoir se justifier grâce à elle. Il souriait
comme s’il venait de trouver du pétrole dans son jardin.
— Regardez, fit-il en pointant son gros
doigt sur le logo rouge aux contours baveux. « Anthony
Tracchio. WCF Productions. »
Jacobi et moi laissâmes Bosco en salle
d’interrogatoire.
— Le boss va adorer, lâcha Jacobi d’un air
las. Je vais l’appeler pour le prévenir que le tueur au rouge à
lèvres court toujours. Et qu’on a récupéré l’argent.