71.
La douleur dans ses bras était semblable à une
brûlure, et même pire, mais Sarah resta suspendue jusqu’à ce que
ses muscles refusent d’obéir plus longtemps.
Elle lâcha la barre, secoua lentement ses mains
pendant plusieurs minutes puis se rendit au salon et s’installa
avec son ordinateur portable dans le fauteuil de Trevor, dont la
laideur n’avait d’égal que l’incroyable confort.
Elle corrigeait des interrogations écrites tout
en écoutant la télé d’une oreille distraite, lorsqu’elle entendit
Kathryn Winstead, la présentatrice la plus séduisante du paysage
audiovisuel, interroger Marcus Dowling d’un ton plein
d’émotion.
En voyant Dowling à l’écran, Sarah fut submergée
par une brusque bouffée de haine. Elle monta le son et étudia les
changements qui s’étaient opérés chez ce monstre depuis la mort de
sa femme. Il s’était laissé pousser la barbe et avait perdu du
poids. Il semblait même un peu hagard, mais n’en conservait pas
moins une formidable prestance dans son rôle du mari éperdu de
douleur.
Sa voix se brisait par moments, et il bégayait
presque en racontant à Kathryn Winstead à quel point il se sentait
« vide à l’intérieur ».
— Je me réveille souvent trempé de sueur,
avec l’impression d’avoir fait un cauchemar. Je me tourne vers
Casey, mais son côté du lit est vide et tout me revient d’un seul coup. J’entends sa voix,
« Marc ! Il y a quelqu’un dans la chambre ! »
Et puis les coups de feu. Les terribles coups de feu. Bang ! Bang !
Sarah attrapa la télécommande et repassa les
dernières secondes : « Marc ! Il y a quelqu’un dans
la chambre ! »
Dowling n’avait encore jamais évoqué les
dernières paroles de sa femme. Casey avait effectivement crié pour
alerter son mari, mais il n’y avait eu aucun coup de feu.
Sarah posa son ordinateur sur la table basse et
se dirigea vers la cuisine. Elle se lava le visage au robinet, puis
ouvrit le frigo pour y prendre une bouteille de thé glacé, qu’elle
vida d’un trait. Ce cabot avait vraiment des couilles grosses comme
des pastèques. Il pariait sur le fait qu’elle n’oserait jamais se
manifester, sachant pertinemment que personne ne la croirait. La
parole d’une cambrioleuse ne ferait pas le poids contre celle de
Marcus Dowling !
Elle retourna s’asseoir devant la télé.
— La police n’a toujours aucun
suspect ? demanda Kathryn Winstead d’une voix dégoulinante de
compassion.
— Je n’ai pas eu de nouvelles depuis
plusieurs jours… Pendant ce temps-là, l’assassin de Casey est en
liberté et les bijoux n’ont pas été retrouvés !
Sarah éteignit la télé.
C’était l’histoire classique de Samson et
Dalila.
Terreur ne devait pas rentrer avant plusieurs
heures – un temps qu’elle comptait utiliser à bon escient. Elle
n’allait pas laisser Marcus Dowling s’en tirer à si bon
compte !