97.
Je me réveillai en salle des urgences, allongée
sur un lit à roulettes. Joe se leva de sa chaise et posa ses mains
sur mes épaules :
— Salut, Blondie. Tu te sens
comment ?
— Je ne me suis jamais sentie aussi
bien !
Joe éclata de rire et m’embrassa.
— Combien de temps je suis restée dans les
vapes ? demandai-je en serrant sa main.
— Deux heures. Tu avais besoin de dormir un
peu.
Joe se rassit sans lâcher ma main.
— Et Conklin ? Et Brady ?
— Conklin a plusieurs points de suture au
front. La cicatrice lui donnera un petit côté baroudeur. Brady va
très bien, mais il est furax. Il dit qu’il aurait pu abattre Gordon
sans aucun problème.
— Oui, ou alors il aurait pu nous tuer,
lui, moi, Conklin et le gamin !
— Tu t’en es très bien sortie, Linds.
Personne n’est mort. Au fait, Jacobi est dans la salle d’attente.
Figure-toi qu’il m’a pris dans ses bras, tout à l’heure.
— Jacobi ? Vraiment ?
— Une accolade virile, rassure-toi, fit Joe
en souriant.
Je partis d’un grand éclat de rire. Même moi, je
n’étais pas certaine que Jacobi m’ait déjà prise une seule fois
dans ses bras.
— Des nouvelles de Gordon ?
— Le temps que la couverture aérienne
s’organise, son break bleu n’était plus qu’un break bleu parmi des
milliers d’autres. Ils ont perdu sa trace.
— Et le petit ?
Joe haussa les épaules. Je me sentis de nouveau
envahie par la nausée. À lui seul, Gordon était parvenu à
ridiculiser toute une équipe d’hommes surentraînés.
— Il va sûrement le garder en otage jusqu’à
ce qu’il n’ait plus besoin de lui.
— À mon avis, il s’est déjà débarrassé
de lui, Linds. Une fois qu’il a eu réussi à s’échapper, un gamin ne
pouvait que l’encombrer.
— Tu penses qu’il l’a tué, c’est
ça ?
— Mettons qu’il l’ait abandonné quelque
part, fit Joe en baissant les yeux.
Une infirmière arriva à cet instant et m’annonça
que le médecin serait là d’ici une minute.
— Voulez-vous boire quelque chose ? Un
jus de fruits, peut-être ?
— Non, merci. Je n’ai besoin de rien.
Lorsqu’elle se fut éloignée, Joe se tourna vers
moi :
— Une chose est sûre, ce type est un expert
en explosifs.
— C’est moi qui ai déclenché les
bombes ?
— Oui, en appuyant sur le bouton de la
sonnette. Il y avait deux détonateurs, l’un placé dans une glacière
près du trottoir, l’autre à l’arrière de la maison.
— Il avait exigé que je sois présente, Joe.
Et il a insisté pour que je vienne jusqu’à la porte. Il avait tout
calculé. Mais pourquoi moi ? Pour se venger de n’avoir pas pu
récupérer l’argent ?
— Probablement. Il a fait de toi le
personnage emblématique du bras de fer qu’il a engagé avec les
forces de l’ordre.
Le médecin arriva à cet instant et Joe quitta la
pièce. Le docteur Dweck me demanda de suivre son doigt du regard.
Il testa mes réflexes, me fit exécuter plusieurs mouvements des
bras puis m’annonça que j’avais une grosse contusion au niveau de
l’épaule et que les entailles sur mes mains devraient vite
cicatriser.
Il écouta ma respiration et mon rythme cardiaque
à l’aide de son stéthoscope. Les deux s’accéléraient chaque fois
que je repensais à Peter Gordon. Il pouvait être n’importe où, à
présent, avec ou sans l’enfant – comment allions-nous le
retrouver ?