80.
Un léger parfum de rose flottait dans la chambre
de Diana King. Sarah balaya la pièce d’un regard circulaire afin de
repérer les obstacles susceptibles d’entraver sa fuite, puis alla
refermer la porte à panneaux menant au couloir. Elle alluma sa
lampe frontale.
La pièce, d’une surface de cinquante mètres
carrés, possédait un plafond incliné, avec une lucarne côté rue.
Sarah promena le faisceau de sa lampe sur les meubles anciens et le
papier peint à fleurs – des roses cent-feuilles – puis éclaira la
commode. Elle s’apprêtait à fouiller les tiroirs lorsqu’elle
aperçut une silhouette sombre et une lumière. « Qu’est-ce
que… » laissa-t-elle échapper avant de se rendre compte qu’il
s’agissait de son propre reflet dans le miroir.
Ressaisis-toi,
Sarah.
Elle continua à inspecter la chambre à l’aide de
sa lampe frontale, et repéra un éclat doré sur la coiffeuse. En
s’approchant, elle vit une masse de bijoux posés sur le meuble en
merisier.
Sarah baignait déjà dans l’adrénaline ; cet
amas d’or ne fit que renforcer son état d’excitation. Elle ouvrit
son sac et, d’une main tremblante, y fit glisser les bijoux. Une
bague lui échappa et tomba sur le sol, mais Sarah l’attrapa d’un
geste vif avant qu’elle n’ait fini de rouler. Elle jeta un coup
d’œil à sa montre.
À peine plus de trois minutes s’étaient
écoulées. Un record. Il était temps de déguerpir.
Elle se faufila hors de la chambre et
redescendit le long de la façade en s’aidant à nouveau du
climatiseur. Presque prise de vertiges, elle progressa en silence
le long de la haie jusqu’à la rue faiblement éclairée par les
lampadaires.
Elle avait réussi.
Elle ne risquait plus rien.
Sarah ôta sa lampe frontale, la fourra dans le
sac où elle rangeait son équipement et s’éloigna d’un pas
tranquille. Mais soudain elle se figea sur place. Elle s’était
réjouie un peu trop vite. Sirène et gyrophares, une voiture de
patrouille remontait la rue dans sa direction.
Plusieurs questions jaillirent dans son esprit.
Comment avait-elle été découverte ? La police était-elle
vraiment à ses trousses ? Le savoir importait peu. Sarah
transportait un sac rempli de bijoux, et un autre contenant le
nécessaire du parfait cambrioleur.
Elle ne devait surtout pas se faire
arrêter.
Elle pivota sur ses talons et se lança dans un
sprint à travers le jardin de la maison voisine. Elle abandonna le
sac de bijoux sous le rebord d’une fenêtre donnant sur le sous-sol
en prenant soin de retenir l’endroit, puis reprit sa course,
contourna ce qui ressemblait à un abri de jardin en construction et
lança le sac contenant son équipement dans une poubelle de gravats.
Tout en courant, elle ôta son bonnet et ses gants, qu’elle jeta
sous une haie.
— Stop ! hurla une voix derrière elle.
Police !
Sans sa lampe frontale, Sarah n’y voyait rien.
Elle s’immobilisa et s’accroupit contre le mur d’une maison. Le
faisceau d’une lampe torche balaya le jardin, mais sans parvenir
jusqu’à elle. Il y eut le grésillement des radios, des voix de policiers s’interpellant
pour essayer de déterminer dans quelle direction elle avait pu
s’enfuir. Pendant ces interminables minutes, Sarah resta plaquée
contre le mur, luttant contre l’envie de prendre ses jambes à son
cou.
Lorsque les voix s’éloignèrent enfin, Sarah
s’élança de nouveau, coupant en diagonale à travers un jardin dont
la pelouse était jonchée de jouets en plastique. Elle parvint à un
portail métallique, l’ouvrit, mais le cliquetis du loquet provoqua
l’aboiement d’un chien derrière une porte. Des lampes de détection
s’allumèrent.
Sarah se précipita vers un autre jardin, où elle
heurta une brouette. Elle s’effondra à terre et perdit sa chaussure
droite. Elle tâtonna un instant pour essayer de la récupérer. En
vain.
— Artie, lança une voix de femme. Je crois
qu’il y a quelqu’un dehors !
Sarah se releva, sauta par-dessus une clôture,
se débarrassa de son sweat-shirt noir et déboucha bientôt dans une
rue inconnue.
Au bord de la nausée et en proie à une profonde
panique, Sarah enleva sa deuxième chaussure, ainsi que ses
chaussettes, et les déposa dans une poubelle au bord d’une allée
privée. Elle prit ensuite la direction du nord pour regagner le
parking du Whole Foods.
C’est alors qu’elle se rendit compte, mais trop
tard, qu’elle avait laissé ses clés dans le sac contenant son
équipement et que son portefeuille se trouvait dans la boîte à
gants de sa voiture.
Pieds nus, sans le moindre sou et à plusieurs
kilomètres de chez elle, qu’allait-elle devenir ?