Lettres de Claire :

 

« 22 décembre 1946

Chère maman,

Je sais qu’il fait très froid à Paris. Ici, depuis dix à quinze jours, cela varie entre – 10 et – 15. Malgré le chauffage qui craque de temps en temps, nous ne sommes véritablement pas à plaindre. Et vous, n’avez-vous pas trop froid ?

Rien de nouveau ici. Le temps passe avec une rapidité déconcertante ce dont je ne me plains pas.

Parlons de moi puisque je crois que cela vous intéresse.

Je porte très bien mes quatre mois sonnés. Je n’ai pas beaucoup changé depuis Paris et qui ne sait pas, ne s’aperçoit encore de rien. À part cette crise due au triste et mauvais régime que j’ai ici, je vais bien et n’ai presque jamais la migraine.

Mon mal s’est porté sur les reins. J’ai eu mal à ne pas pouvoir bouger. Je me fais masser tous les matins et cela va beaucoup mieux.

Maintenant, ma maman, je voudrais vous souhaiter un bon Noël. Je suis un peu triste d’être loin de vous pour ce jour-là. Rosen quitte Paris ce soir. Il y a déjà quatre arbres de Noël dans la maison et je crois que nous aurons une très jolie fête.

Wia me charge de vous embrasser très tendrement. Il est actuellement à la tête de la division et joue avec fureur à l’homme important.

Encore une fois, bon Noël ma maman adorée.

Votre toute petite Claire. »

 

« 30 décembre 1946

Ma maman,

Bonne année. Cette lettre vous arrivera naturellement en retard, mais j’ai été assez grippée tous ces jours-ci et je n’avais pas le courage de prendre la plume. J’espère que vous avez eu un bon Noël et que vous aurez un bon 1er janvier.

Il y a aujourd’hui exactement un an que vous avez vu Wia pour la première fois. J’arrivais à Paris et j’avais alors deux longs mois à passer avec vous. Je ne sais pas quand je viendrai vous voir. Je ne sais même pas si Wia prendra des vacances. Il a beaucoup de travail, ne veut pas se faire remplacer, ni aider. Il joue un peu à l’indispensable. Au fond, s’il aime ça, tant pis pour lui. Mais il a mauvaise mine, perd ses cheveux et vieillit presque à vue d’œil. Malgré cela, il est assez adorable et nous ne nous disputons jamais.

À part cette grippe, ma santé est bonne. En deux nuits, j’ai terriblement grossi. Je ne sais pas si vous vous souvenez d’une gravure de la grosse Bible de grand-mère qui était sur la table au fond du salon. Elle représentait Samson une main sur chaque colonne du Temple et celui-ci s’écroulait sous sa pression. J’avais cette même impression. L’enfant poussait de toutes parts et tout craquait en moi. Je crois qu’il sera fort car je suis dure et coriace et il a un mal fou à faire sa place. Il est aussi d’une nervosité infernale, enfin il sera le digne fils de son père.

J’ai vraiment la chance de pouvoir mener la vie que j’ai en ce moment. Je ne sais pas ce que je ferais si je devais travailler. Songez que le matin, on m’apporte mon petit déjeuner au lit et qu’après être passée dans les mains d’une bonne masseuse, je prends un bon bain. Je ne peux pas dire que je m’amuse énormément mais qui est-ce qui s’amuse ? Je suis très vite fatiguée et la moindre sortie fait drame pour moi. À propos de sortie, je pense à la veste. Ce vert n’est pas mal mais avec quoi la mettrai-je ? Au fond, il me semble qu’il me faudrait quelque chose que je puisse mettre le soir et qu’est-ce que je pourrais mettre sous ce vert ? À propos, j’espère bien que vous vous êtes servie de mon manteau de fourrure pendant ces grands froids.

Ma maman adorée, je vous embrasse de tout mon cœur en vous souhaitant ainsi qu’à papa une très, très bonne année.

Votre petite Claire. »

Mon Enfant De Berlin
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