25.

Galiano m’a lancé un coup d’œil et a détourné le regard. J’ai demandé :

— Depuis combien de temps voyez-vous l’ambassadeur ?

— Six mois.

— Êtes-vous amants ?

Elle a hoché la tête et fixé le plancher.

— Je sais bien que vous pensez que je suis trop jeune pour André. Mais je ne le suis pas. Je l’aime, il m’aime, et rien d’autre ne compte.

— Même sa femme et sa fille ?

— André est très malheureux. Il veut quitter sa femme dès qu’il le pourra.

Ben voyons ! La rengaine habituelle.

— Vous avez quel âge, Aida ?

— Dix-huit ans.

Je commençais à m’énerver.

— C’est pour quand ?

Elle a relevé la tête.

— Quand quoi ?

— Le mariage.

— Nous n’avons pas encore fixé de date, mais bientôt. (Elle a regardé Galiano, puis Ryan, cherchant un soutien de leur part.) Dès qu’André pourra arranger les choses, vous savez, sans compromettre sa position.

— Et ensuite ?

— Nous partirons. Il sera nommé dans un endroit sympa. À Paris, peut-être. Ou bien Rome ou Madrid. Je serai sa femme, je voyagerai avec lui et j’irai à toutes les soirées.

Et Saddam Hussein se convertira au christianisme et baptisera les foules.

— L’ambassadeur vous a-t-il parlé de ses anciennes maîtresses ?

— Vous ne comprenez pas. André n’est pas comme ça.

Elle a regardé Galiano. Elle a regardé Ryan. Elle m’a regardée. Sur ce point, elle avait raison : nous ne comprenions pas.

— Est-ce qu’il vous a déjà blessée ?

Elle a froncé les sourcils.

— Que voulez-vous dire ?

— Secouée, frappée, forcée à faire des choses que vous ne vouliez pas.

— Jamais. (Puis, sur un ton voilé :) C’est un homme si gentil, André, doux, merveilleux.

— Et qui trompe sa femme.

— Ce n’est pas ce que vous croyez.

Tu parles. Salopard de violeur d’enfant !

— Vous connaissez une jeune fille du nom de Patricia Eduardo ?

Elle a fait une petite secousse de la tête.

— Claudia de la Aida ?

— Non.

Le contour de ses yeux était en train de rougir.

— Est-ce que vous devez voir M. Specter dans les jours qui viennent ?

— C’est difficile de faire des plans. André appelle quand il parvient à se libérer.

Et vous, vous attendez à côté du téléphone !

— Est-ce qu’il vient ici d’habitude ? est intervenu Galiano.

— Quand ma cousine n’est pas là. (Son nez était à présent aussi rouge que ses yeux, et elle commençait à renifler.) On sort aussi, de temps en temps.

Je lui ai tendu un mouchoir en papier, Galiano une carte.

— Appelez-moi quand vous aurez de ses nouvelles.

— André a fait quelque chose d’illégal ?

Galiano a ignoré sa question.

— Quand il téléphonera, acceptez de le voir et appelez-moi. Mais ne lui en dites rien.

Aida Pera a ouvert sa bouche pour protester.

— Faites-le, señorita Pera. Vous vous épargnerez bien des ennuis.

Sur ce, il s’est levé. Ryan et moi l’avons imité. Aida Pera nous a suivis jusqu’à la porte.

Pendant que nous sortions sur le palier, elle a dit encore :

— C’est dur, vous savez. Ce n’est pas comme au cinéma.

— Ça, c’est sûr, ai-je laissé tomber.

 

Dehors, le ciel s’était assombri. Impatient d’étudier les dossiers de Nordstern, Ryan a pris un taxi pour aller au commissariat général, tandis que Galiano et moi-même partions voir la señora Eduardo.

Il pleuvait à verse quand nous sommes arrivés en vue de sa maison. Moins luxueuse que celle des Specter ou des Gerardi, la demeure était cependant confortable et bien entretenue. Cosy, aurait déclaré un agent immobilier.

« E.T., appelle chez toi ! » La phrase s’est mise à me tambouriner le cerveau dès que la señora Eduardo a ouvert la porte : elle ne devait pas mesurer plus d’un mètre cinq. Elle avait les yeux les plus grands que j’aie vus de ma vie, un visage tout ridé et rond comme la lune, des membres décharnés et des doigts tordus et noueux. Elle nous a conduits dans un salon aux meubles recouverts d’un tissu à fleurs et nous a priés de nous asseoir. Elle-même s’est hissée sur une chaise en bois à dos droit et a enroulé une cheville autour de l’autre. Une fois installée, elle a fait le signe de la croix. Des larmes brillaient dans ses yeux hors du commun.

J’ai pris place dans un fauteuil rembourré à l’extrême, tout en me demandant si elle n’était pas atteinte d’une anomalie chromosomique. Question qui a naturellement débouché sur la suivante : comment avait-elle pu engendrer une fille aussi attirante que Patricia ?

Galiano m’a présentée à la señora Eduardo et lui a exprimé nos condoléances. Elle s’est signée à nouveau en poussant un profond soupir.

— Avez-vous arrêté quelqu’un ? a-t-elle demandé d’une petite voix chevrotante.

— Nous y travaillons, a répondu Galiano.

La paupière gauche de la señora Eduardo a cligné au ralenti, la droite a suivi avec une demi-seconde de retard.

— Votre fille vous a-t-elle jamais parlé d’un homme appelé André Specter ?

— Non.

— D’un Miguel Gutiérrez ?

— Non. Qui sont ces hommes ?

— Vous êtes sûre ?

— Absolument certaine, a assuré la señora Eduardo après avoir pris le temps de se répéter tout bas les noms, ou fait semblant de le faire. Ils ont quelque chose à voir avec ma fille ?

Une larme a débordé de son œil et roulé en bas de sa joue. Elle l’a essuyée d’un geste brusque.

— Simple vérification.

— Ce sont des suspects ?

— Pas dans la mort de votre fille.

— Dans celle de qui ?

— Miguel Gutiérrez a avoué avoir tué une autre jeune fille, Claudia de la Aida.

— Vous pensez qu’il aurait pu tuer aussi Patricia ?

Quel que soit le mal dont elle souffrait, il ne semblait pas avoir touché son intelligence.

— Non.

— Et Specter ?

Seconde larme, seconde tape sur la joue.

— Ne nous occupons pas de Specter.

— Qui est-ce ?

La maladie en question n’avait pas non plus diminué sa ténacité.

— Puisque votre fille ne vous a pas parlé d’eux, c’est hors sujet. Vous aviez des choses à me dire, je crois. De quoi s’agit-il ?

Les yeux immenses se sont rétrécis. J’ai perçu de la méfiance dans son regard.

— Je me suis rappelé le nom du chef de Patricia à l’hôpital.

— La personne avec qui elle a eu des mots ?

La señora Eduardo a hoché la tête. L’étonnant clignement de l’œil a repris. Galiano a sorti son calepin.

— Zuckerman.

À ce nom, j’ai ressenti comme un léger déclic.

— Prénom ? a demandé Galiano.

— Je ne sais pas.

— Sexe ?

— Je ne sais pas.

— Savez-vous la raison de leur dispute ?

— Patricia n’est pas entrée dans les détails.

C’est alors que Renoncule a fait son apparition. Il est allé tout droit sur Galiano et s’est frotté dans les deux sens contre sa jambe. La señora Eduardo a glissé à bas de sa chaise et a tapé dans ses mains. Le chat a fait le dos rond et a recommencé ses huit autour des chevilles de Galiano. Elle a tapé plus fort dans ses mains.

— Pschit, veux-tu ! Continuez. Et toi, va rejoindre les autres.

Renoncule a considéré son étrange maîtresse un très long moment, a levé lentement sa queue puis l’a rabattue, et a finalement quitté la pièce.

— Je vous prie de l’excuser. Renoncule était le chat de Patricia.

Sa lèvre inférieure a tremblé, j’ai craint qu’elle n’éclate en sanglots.

— Depuis qu’elle est partie, il n’écoute personne.

Galiano a rempoché son carnet et s’est levé.

Pour le voir, la señora Eduardo a dû renverser sa tête en arrière. Des larmes brillaient sur ses deux joues.

— Vous devez retrouver le monstre qui a fait ça à ma Patricia. Elle était tout ce que j’avais.

Les mâchoires de Galiano se sont contractées, ses yeux de chien se sont remplis de larmes.

— Nous le ferons, madame. Je vous en donne ma parole. Nous l’attraperons.

La señora Eduardo s’est remise sur ses pieds.

Galiano s’est penché vers elle et a pris ses deux mains dans les siennes.

— Nous irons voir le Dr Zuckerman. Encore une fois, nous compatissons très sincèrement à votre douleur. N’hésitez pas à nous appeler si quelque chose vous revenait en mémoire.

 

— Voilà un chat qui ne manquait pas de culot ! a déclaré Galiano en enfonçant sa canette de Pepsi vide dans le support en plastique du tableau de bord.

— Chacun fait son deuil à sa manière.

— J’aime autant ne pas recroiser sa route.

— Il a levé la patte sur votre bel uniforme ?

— Oh, ce pantalon a vu pire.

— Qu’est-ce qu’elle a comme maladie ?

— De l’arthrite rhumatoïde contractée à un tout jeune âge. Je crois que c’est ça qui a stoppé sa croissance.

Nous étions en route pour le commissariat central après un court arrêt dans un Polio Campero, équivalent guatémaltèque du Kentucky Fried Chicken.

Le portable de Galiano a sonné alors que nous tournions sur l’Avenida 6. Il a répondu et, au bout d’un instant, m’a articulé tout bas : « Aida Pera » et a poursuivi au téléphone :

— Ne lui parlez pas de notre visite. Ni de cet appel.

Aida Pera a dit quelque chose.

— Encouragez-la à sortir.

Autre phrase d’Aida Pera.

— Hum hum.

Nouvelle pause.

— On va s’en occuper.

Galiano a coupé la communication et jeté le téléphone sur le siège. J’ai demandé :

— L’ambassadeur se morfond tout seul chez lui ?

— Il passera voir sa chérie à neuf heures, ce soir. Il veut probablement lui annoncer qu’il a réservé une église pour la cérémonie.

— Vous pourrez vous trouver dans les parages, à cette heure-là ?

— Difficile de prévoir à l’avance.

— Ne pouvez-vous pas tout simplement faire venir ce salaud au commissariat et le passer au gril ?

— On voit bien que vous n’avez jamais entendu parler de la convention de Vienne sur les relations diplomatiques et consulaires, a ricané Galiano.

— En effet.

— C’est un accord qui limite sérieusement les pouvoirs des autorités locales en matière d’arrestation et de détention des diplomates.

— L’immunité diplomatique ?

— Tout juste.

— C’est pour ça que la ville de New York s’assied tous les ans sur des millions de dollars de PV impayés.

J’ai fini mon Coca.

— L’immunité n’est pas levée pour les délits ?

— L’immunité ne peut être levée que par l’État qui l’a décrétée. En l’occurrence, si le Canada refuse de lever celle de Specter, le Guatemala peut seulement le déclarer persona non grata et l’expulser.

— Les autorités guatémaltèques ne sont pas habilitées à enquêter sur tout le monde, du moment que c’est à l’intérieur des frontières du pays ?

— Enquêter oui, mais pour interroger un diplomate, il faut l’aval de son gouvernement.

— Avez-vous adressé au Canada une demande en ce sens ?

— C’est en cours. Si nous apportons des preuves suffisantes, nous pourrons éventuellement être autorisés à interroger Specter, mais en présence de fonctionnaires canadiens...

— Ryan.

— Ryan, et probablement d’autres membres du personnel diplomatique. Mais il y a un hic. La personne soumise à interrogatoire doit donner son accord pour être interrogée. De plus, elle ne dépose pas sous serment et sa déposition ne peut être utilisée pour la déchoir de son statut.

— C’est donc l’État dont le diplomate est le ressortissant qui décide de son destin.

— Exactement.

 

Ryan occupait la salle de conférences du second étage où j’avais rencontré pour la première fois l’inoubliable procureur Antonio Díaz. Journaux, brochures, papiers, cahiers et dossiers s’entassaient en piles bien séparées sur la table devant lui.

Le menton dans la main, il écoutait des bandes sur un magnétophone identique à celui que Nordstern avait employé lors de notre entretien. Une bonne douzaine de cassettes s’étalaient sur sa droite, deux autres sur sa gauche. En nous voyant, il a enfoncé le bouton d’arrêt et s’est renversé contre son dossier.

— Putain, c’est laborieux.

Nous avons attendu la suite.

— Notre ex-lauréat potentiel du prix Pulitzer a interrogé un bon paquet de gens mécontents.

— À Chupan Ya ? ai-je demandé.

— Pas seulement. Dans d’autres villages qui se sont aussi fait baiser par l’armée. C’était vraiment la Gestapo, dans le coin.

— Tu as trouvé quelque chose qui expliquerait pourquoi Nordstern s’est fait descendre ? a demandé Galiano en posant une cuisse sur le bord de la table.

— Peut-être, sans le savoir.

J’ai ramassé une demi-douzaine de cassettes. Chacune portait un nom, maya souvent : le fils de la señora Ch’i’p, un vieux d’un village à l’ouest de Chupan Ya. Certaines contenaient plusieurs interviews : Mateo Reyes partageait une bande avec Elena Norvillo et Maria Paiz ; T. Brennan était accouplée à un E. Sandoval. J’ai demandé à Galiano qui c’était. Il a eu un geste d’ignorance.

— Quelqu’un que Nordstern a dû interviewer juste après vous.

Ryan a poussé un soupir à fendre l’âme. Je me suis tournée vers lui. Il avait l’air rétamé.

— Si tu as besoin d’aide, je peux dire à Mateo que je ne viendrai que demain.

Il m’a regardée comme si je lui annonçais qu’il avait gagné le gros lot.

— Ça va drôlement me soulager. Tu en sais bien plus que moi sur la question. (Avec un mouvement du pouce vers la valise posée par terre sous la fenêtre, il a ajouté :) Je te laisserai farfouiller dans les caleçons que la maman de Nordstern lui avait si gentiment empaquetés.

— Non, merci. Un slip sale me suffit amplement.

Galiano s’est levé.

— Je vous laisse. Je vais organiser la sortie de ce soir avec Hernández.

Ryan a levé les sourcils.

— Tempe t’expliquera. Je serai en salle de guerre.

— Que veux-tu que je fasse ? ai-je demandé à Ryan.

— Passe en revue les livres et les papiers pendant que je continue avec les interviews.

— Je cherche quoi ?

— Quelque chose.

J’ai téléphoné à Mateo. Mon retard ne lui posait aucun problème. De plus, il connaissait une Eugenia Sandoval qui travaillait au CEIHS, Centro de Investigaciones de Historia Social. Information que j’ai transmise à Ryan dès que j’ai eu raccroché.

— Logique, m’a-t-il répondu.

J’ai rassemblé livres et journaux et me suis installée en face de lui. Certaines publications étaient en espagnol, la plupart en anglais. J’ai commencé par faire une liste.

The Massacre at El Mazote : A Parable of the Cold War ; Massacres in the Jungle, Ixcán, Guatemala, 1975-1982 ; Persécution by Proxy : The Civil Patrols in Guatemala, publié par le Robert F. Kennedy Center pour les droits de l’homme ; Harvest of violence : The Maya Indians and the Guatemala Crisis ; un numéro de l’America’s Watch Report, daté du mois d’août 1986 : Civil Patrols in Guatemala.

— Apparemment, Nordstern faisait son boulot.

— Jusqu’à ce qu’il soit grassement remercié.

— On a contacté le Chicago Tribune ?

— Nordstern y travaillait comme free-lance, mais le Tribune lui avait bien commandé un papier sur Clyde Snow et la FAFG.

— Alors pourquoi s’intéressait-il aux cellules souches ?

— Pour un autre papier, peut-être.

— Peut-être.

Deux heures plus tard, j’ai enfin péché un indice dans un numéro de La Lucha Maya, parmi une série de portraits et de paysages en couleurs pleine page : maisons à toit de chaume à Santa Clara, jeune garçon en train de pêcher sur le lac Atitlán, baptême à Xeputul, cortège funèbre à Chontalá.

Au début des années 1980, sur instruction des responsables militaires de la région, des patrouilles civiles avaient exécuté vingt-sept habitants dans ce village. Dix ans plus tard, Clyde Snow avait exhumé leurs restes.

En face de la page qui représentait ces paysans portant des cercueils jusqu’au cimetière de Chichicastenango, un portrait de groupe d’hommes en armes. Membres des patrouilles civiles à Huehuetenango, disait la légende.

Ce système de patrouilles civiles avait été mis en place partout dans les campagnes. Participation obligatoire. Résultat, l’agriculture avait perdu des bras et des familles entières avaient sombré dans la misère. Des règles et des valeurs nouvelles, fondées sur la force et les armes, avaient remplacé les modèles d’autorité traditionnelle, ce qui avait semé la zizanie parmi les paysans mayas.

Ryan a introduit une nouvelle cassette dans l’appareil. Voix de Nordstern, puis la mienne.

J’ai continué à feuilleter les images. Un vieil homme forcé de quitter sa maison à Chunima, suite aux menaces de mort lancées à son encontre par des patrouilles civiles. Une femme en larmes, portant son bébé dans le dos.

Page suivante, des patrouilles civiles à Chunima, armes dressées sur fond de montagnes dans la brume. D’après la légende, le chef du groupe avait abattu deux paysans qui refusaient de s’engager comme volontaires. J’ai étudié la photo. Ces jeunes auraient pu former une équipe de football. Une meute de scouts. Une chorale de lycée.

Soudain, ma voix a retenti dans la pièce. Ma voix racontant à Nordstern le massacre à Chupan Ya.

— En août 1982, des soldats et des patrouilles civiles sont entrés dans le village...

À Chupan Ya, les patrouilles civiles avaient apporté leur soutien à l’armée. Soldats et civils avaient violé de concert les femmes et les filles avant de les tuer à l’arme à feu ou à la machette et d’incendier les habitations.

J’ai tourné une nouvelle page de la revue.

Xaxaxak, un quartier de Sololá. Des patrouilles civiles défilant comme après une victoire, des armes automatiques leur barrant la poitrine. Il y avait des soldats parmi les spectateurs, certains en tenue de combat, d’autres en uniforme, signe d’un grade supérieur et d’une solde plus élevée.

Sur la légende, un nom entouré par Nordstern. Mes yeux sont tombés dessus au moment précis où, sur la bande, le journaliste disait :

— Sous le commandement d’Alejandro Bastos.

— Cela, je ne le sais pas.

— Continuez.

— Vous paraissez en connaître beaucoup plus que moi sur le sujet. (Bruits.) Il se fait tard, monsieur Nordstern. Mon travail m’attend.

— Chupan Ya ou la fosse septique ?

— Arrête ! Repasse ce morceau-là !

Ryan a enclenché le rembobinage. Les derniers mots de l’entretien ont retenti à nouveau. Je lui ai passé mon livre.

— Regarde ça.

Il a étudié la photo et lu la légende.

— Alejandro Bastos commandait la section locale de l’armée.

— Et Nordstern l’accuse d’être à l’origine du massacre de Chupan Ya ! me suis-je écriée.

— À ton avis, pourquoi est-ce qu’il a entouré la tête du type sournois à côté de lui ? a demandé Ryan en retournant le livre vers moi.

J’ai regardé le visage à l’intérieur du rond.

— Nom de Dieu !