24.

— Qu’est-ce que c’est que ces conneries de cellules souches ?

Ryan était d’une humeur massacrante depuis qu’il était passé me chercher à onze heures, et le fait que le vol soit retardé de quarante-cinq minutes n’était pas pour lui rendre sa joie de vivre.

— Et tes pédés de connards de fondamentalistes pissent dans leur slip pour protéger ça ?

— Ce ne sont pas mes connards de fondamentalistes.

— C’est tout ce qu’on a ?

— Oui, mais sur deux cent vingt-deux pages.

— C’est un rapport sur l’état d’avancement des travaux, ou quoi ?

— Et aussi un débat sur l’orientation à donner aux recherches dans l’avenir.

— Quel est le génie qui l’a pondu ? a aboyé Ryan, enragé de ne pas pouvoir fumer.

— Les Institutions nationales de la santé.

— Comment se fait-il que Nordstern ait eu ce rapport entre les mains ?

— Il a dû le trouver sur Internet.

— Pourquoi ?

— Excellente question, détective.

Ryan regardait sa montre pour la cent millième fois quand les chiffres ont clignoté sur l’écran derrière l’hôtesse au sol. Notre vol Delta décollerait avec une heure de retard.

— Les salauds !

— Relax ! On arrivera bien à établir un rapport entre tous les éléments.

— Merci, Pollyanna.

J’ai pris un journal dans ma serviette et j’ai entrepris de le feuilleter. Ryan s’est levé. Il a traversé la salle d’attente dans un sens, l’a retraversée dans l’autre, puis est revenu s’asseoir.

— Alors, qu’est-ce que tu as appris d’intéressant ?

— Sur quoi ?

— Les cellules souches.

— Bien plus que je n’avais envie d’en savoir. Ça m’a tenue debout jusqu’à deux heures du matin.

Un homme de la taille du Dakota du Sud a laissé tomber un sac par terre et s’est effondré dans le siège à ma droite. Un raz de marée de transpiration et d’huile pour les cheveux s’est abattu sur moi. Les yeux de Ryan ont croisé les miens puis ont indiqué les fenêtres. Il s’est levé sans un mot. Par compassion, je n’ai suivi que trente secondes plus tard.

— Les cellules souches sont extraites des embryons ? a demandé Ryan.

— Elles peuvent être extraites de tissus provenant d’embryons, de fœtus ou d’hommes adultes.

— Et ce sont celles qui ne proviennent pas d’adultes qui provoquent la frénésie chez les chrétiens fanatiques ?

— La droite religieuse est en effet très fortement opposée à toute utilisation de cellules souches provenant d’embryons.

— La connerie habituelle sur la sainteté de la vie ? a lâché Ryan qui possède une façon bien à lui d’aller au cœur des choses.

— Oui, c’est l’argument invoqué.

— Et G.W. Bush gobe ça ?

— En partie seulement. Il s’efforce de ne pas prendre position. Il a limité l’attribution des subventions fédérales aux seules recherches utilisant des lignées de cellules souches déjà existantes.

— Autrement dit, les scientifiques qui veulent obtenir des subventions du gouvernement ne peuvent utiliser que des cellules cultivées en laboratoire ?

— Ou des cellules souches prélevées sur un adulte.

— Et ça marche aussi bien ?

— Tu veux mon avis personnel ?

— Non, la tendance au sein du Politburo.

— Eh bien, c’est non, voilà. Je retourne à mon journal.

Au bout de quelques instants, il a repris :

— C’est bon. Déballe-moi ton petit cours de base sur la cellule souche, mais en condensé, si tu veux bien.

— Nous sommes d’accord sur une écoute courtoise comme premier principe du protocole ?

— Ouais, ouais.

— Les deux cents types de cellules présents dans le corps humain résultent tous de l’une des trois couches germinales suivantes : l’endoderme, le mésoderme ou l’ectoderme.

— Couches interne, médiane et externe.

— Bravo, Andrew.

— Merci, madame Brennan.

— Une cellule souche d’embryon, ou cellule CE, est ce qu’on appelle pluripotente. Ce qui signifie qu’elle a la capacité d’engendrer des types de cellules provenant de n’importe laquelle de ces trois couches. Les cellules souches se reproduisent tout au long de la vie d’un organisme, mais elles demeurent inactives tant qu’elles n’ont pas reçu le signal de se développer en quelque chose de précis : le pancréas, le cœur, les os, la peau.

— Des petites choses soumises.

— Le terme cellule souche embryonnaire recouvre en fait deux types distincts de cellules souches : celles qui proviennent d’un embryon proprement dit, et celles qui proviennent d’un fœtus.

— Ce sont les deux seules provenances ?

— Dans l’état des connaissances actuelles, oui. Pour être tout à fait exacte, je dirais que les cellules souches embryonnaires sont prélevées sur des ovules fécondés depuis quelques jours à peine.

— Avant qu’ils ne soient implantés dans l’utérus de la mère ?

— Exact. À ce stade, l’embryon est une sphère creuse appelée blastocyste. Les cellules souches embryonnaires sont prélevées sur la couche intérieure de cette sphère, alors que les cellules germinales embryonnaires sont prélevées sur des fœtus âgés de cinq à dix semaines.

— Et celles d’adulte ?

— Ce sont des cellules non spécialisées présentes dans les tissus spécialisés et qui ont la capacité de se renouveler et de se différencier dans tous les types de cellules présents dans les tissus spécialisés d’où elles proviennent.

— Qui sont ?

— La mœlle, le sang, la cornée et la rétine de l’œil. le cerveau, les muscles du squelette, la pulpe dentaire, le foie, la peau...

— Pourquoi ne pas prélever directement ces cellules-là ?

— On le fait. Des cellules souches d’adulte isolées dans la mœlle et le sang ont été étudiées de façon très approfondie et sont employées à des fins thérapeutiques.

— Pourquoi ne pas utiliser seulement les cellules d’adulte et laisser les embryons et les fœtus tranquilles ?

J’ai énuméré les raisons :

— Les cellules souches d’adulte sont rares et difficiles à identifier, à isoler, et à purifier. Elles sont en très petit nombre, et elles ne se répliquent pas indéfiniment en culture, contrairement aux cellules souches et aux cellules germinales embryonnaires. Enfin, à ce jour, on ne connaît pas de cellules souches d’adulte qui soient pluripotentes.

— Si je comprends bien, les cellules souches et les cellules germinales embryonnaires sont les seules qui aient vraiment de l’intérêt ?

— C’est cela.

Ryan a gardé le silence un moment. Puis :

— Quel est l’avantage d’en posséder de grandes quantités ?

— Pour traiter la maladie de Parkinson, le diabète, les maladies de cœur chroniques, les maladies du rein en phase terminale, les défaillances du foie, le cancer, les accidents du cordon médullaire, la sclérose en plaques, la maladie d’Alzheimer...

— Bref, tout et le reste.

— Exactement. Je ne peux pas comprendre que des gens s’opposent à ce genre de recherches.

Ryan a senti d’après ma voix que le baby blues menaçait de prendre son envol. C’est pourquoi il a cru bon de pointer le doigt sur mon nez et de me déclarer sur un ton de prédicateur :

— Ça, sœur Temperance, c’est le premier pas sur la pente savonneuse des grossesses décidées uniquement dans le but d’obtenir des embryons grâce auxquels nous aurons une population d’athlétiques Aryens blonds aux yeux bleus et d’aguichantes walkyries aux longues jambes et à l’opulente poitrine.

Sur cette repartie, l’embarquement a été annoncé.

En vol, nous avons parlé d’amis communs, évoqué des moments et des expériences vécus ensemble. J’ai raconté à Ryan l’étude sur les rats et le fromage que conduisait Katy pour son mémoire de psycho et ses recherches de boulot pour l’été. Il m’a demandé des nouvelles de ma sœur Harry, et il a bien ri quand je lui ai décrit sa dernière passion, un clown de rodéo originaire de Wichita Falls. Il m’a raconté par le menu les déboires de sa nièce Danielle qui avait fugué à Vancouver pour vendre des bijoux dans la rue. Nous sommes tombés d’accord pour trouver que ces deux cinglées avaient bien des points en commun.

Finalement, la fatigue a eu raison de moi. Je me suis endormie, la tête sur l’épaule de Ryan. Petit creux chaud et rassurant, même si ça me râpait un peu le cou.

 

Le temps de récupérer nos bagages, de nous frayer un chemin dans la foule des bagagistes empressés à les porter et de dégotter un taxi, il était neuf heures et demie du soir. J’ai donné l’adresse de l’hôtel au chauffeur. Il s’est tourné vers Ryan pour connaître le chemin. Je le lui ai expliqué.

À dix heures et quart, nous arrivions à destination.

Laissant Ryan décharger les bagages, j’ai réglé la course. Quand je lui ai demandé un reçu, le chauffeur m’a regardée comme si je lui réclamais un échantillon d’urine. En pestant, il a fini par dénicher un bout de papier dans une pochette de son siège et y a fait un gribouillis.

Le réceptionniste m’a saluée par mon nom et souhaité bon retour. Après un coup d’œil à Ryan, il a demandé si nous voulions une chambre pour deux.

— Une pour moi. Est-ce que la trois cent quatorze est libre ?

— Sí, señora.

— Eh bien, je vais la prendre.

— Et le señor ?

— Vous lui demanderez.

J’ai tendu ma carte de crédit, signé le reçu et je suis montée à l’étage, lestée de mes sacs. Mes vêtements rangés dans l’armoire et mes affaires de toilette dans la salle d’eau, je m’apprêtais à entrer dans mon bain quand le téléphone a sonné.

— Ne commence pas, Ryan, je me mets au lit.

— Pourquoi devrais-je commencer par Ryan ? s’est étonné Galiano.

— Vous lui avez demandé de venir.

— Je vous l’ai également demandé. Je préfère commencer par vous.

— Je viens de me taper le VIP des détectives pendant presque douze heures, j’ai besoin de sommeil.

— C’est vrai qu’il avait l’air à cran.

Autrement dit, les frères d’université s’étaient déjà parlé. Ça m’a énervée.

— Évidemment, quand on descend un type..., poursuivait Galiano.

— En effet.

— Demain, nous avons l’intention d’aller tailler une bavette avec Aida Pera, la petite amie de l’ambassadeur. Ensuite, j’irai voir la mère de Patricia Eduardo. Elle prétend avoir de nouvelles informations.

— Vous semblez sceptique.

— Elle est un peu spéciale.

— Et le père ?

— Il est mort.

— Elle a accepté de donner un échantillon de salive ?

Avant de partir pour Montréal, j’avais demandé à Galiano de mettre en route le processus. Maintenant que nous avions une identification éventuelle, il serait possible de comparer l’ADN de la señora Eduardo avec celui prélevé sur les os du fœtus découvert avec le corps au Paraíso. Comme l’ADN mitochondrial se transmet exclusivement par les femmes, le bébé et sa grand-mère auraient le même.

— Oui, et j’ai fait expédier les os du fœtus au laboratoire de Mateo.

— Le portrait que je vous ai envoyé a été montré à la señora Eduardo ?

— Oui.

— Elle accepte l’idée que ce soit Patricia ?

— Oui. Comme tout le monde ici, à la police.

— Elle doit être désespérée.

Je l’ai entendu soupirer.

— Ay, Dios. C’est la nouvelle la plus triste qu’une mère puisse recevoir.

Pendant un moment, nous n’avons plus rien dit, ni lui ni moi. Je pensais à Katy. Il devait penser à son Alejandro.

— Bon, voulez-vous venir avec nous ?

Je répondu oui et demandé quel était le métier d’Aida Pera.

— Elle travaille comme secrétaire depuis qu’elle a quitté le lycée, il y a deux ans. Sur ce point, Chantal n’a pas menti.

— Qu’est-ce qu’elle dit à propos de Specter ?

— Je ne lui ai pas lâché la bombe par téléphone. Je comptais le faire en la voyant.

— À quelle heure, demain ?

— Huit heures.

— N’oubliez pas le café.

J’ai raccroché, me suis déshabillée et j’ai sauté dans mon bain. Pour en bondir aussitôt et déraper sur le carrelage en me heurtant la hanche au lavabo. L’eau était si froide qu’elle aurait pu se couvrir de verglas. Tout en jurant, je me suis enroulée dans une serviette et j’ai joué avec les robinets. De la neige fondue est sortie des deux.

Grelottant et maudissant l’hôtel, je me suis jetée sous mes couvertures. Ma tremblote a heureusement fini par se calmer.

Ryan n’a pas téléphoné.

Je me suis endormie sans savoir vraiment si j’en étais soulagée ou encore plus agacée.

 

Le lendemain matin, je me suis réveillée au bruit d’un marteau piqueur assez puissant pour m’assourdir à jamais. J’ai sorti la tête par la fenêtre. Trois étages plus bas, six hommes refaisaient le trottoir. Un boulot parti pour durer.

L’horreur !

J’ai téléphoné à Mateo pour lui apprendre mon retour et mon intention de venir travailler au laboratoire de la FAFG dans l’après-midi.

Ryan était déjà dans le hall de l’hôtel quand je suis descendue.

— Bien dormi, beau brin de fille ?

— Comme une souche.

— L’humeur est au beau fixe ?

— Quoi ? !

— Tu devais être fatiguée, hier soir.

Je suis restée la bouche ouverte de stupéfaction. Au même moment, Galiano a klaxonné. Et c’est la bouche toujours ouverte que j’ai franchi la porte vitrée, traversé le trottoir et suis montée à l’avant de la voiture. Que Ryan monte derrière !

En route vers l’appartement d’Aida Pera, Galiano nous a informés des suites de l’affaire Claudia de la Aida.

— La nuit où Patricia Eduardo a disparu, Gutiérrez était à sa paroisse en train de préparer des fleurs pour la fête de la Toussaint.

— Quelqu’un confirme son alibi ? a demandé Ryan.

— À peu près une demi-douzaine de fidèles, à commencer par sa propriétaire, la señora Ajuchan, qui dit qu’elle est rentrée à la maison avec lui et jure qu’il n’a pas pu en partir, en voiture tout du moins, car la sienne bloquait l’allée.

— Un complice ? a insisté Ryan.

— Ajuchan jure ses grands dieux qu’elle se réveille chaque fois que Gutiérrez entre ou sort de la maison. (Galiano a pris à gauche.) Elle soutient aussi qu’il ne ferait pas de mal à une mouche, que c’est un solitaire et qu’il n’a pas d’amis.

— La fouille de sa chambre a donné quelque chose ? ai-je demandé.

— Ce salaud avait bien quarante photos de Claudia sur le miroir au-dessus de sa commode. Disposées comme dans un oratoire. Avec bougies et tout le bataclan.

— Qu’est-ce qu’il en dit ? a voulu savoir Ryan.

— Qu’il admirait sa vertu et sa piété.

— Qui a pris les photos ?

— Il est resté un peu vague sur le sujet. Mais on a retrouvé dans son armoire un appareil avec une pellicule entamée. Vous ne devinerez jamais qui était dessus.

— La fille de ses patrons.

— Bravo. Prise de loin, au téléobjectif.

— Il a été vu par des médecins ? ai-je demandé.

Tout en répondant, Galiano a tourné encore une fois à gauche, puis à droite dans une rue bordée de maisons à trois étages.

— Les toubibs disent qu’il souffre de fixation compulsionnelle ou autre baratin psychologique du genre érotomanie. Que c’était plus fort que lui, qu’il n’a certainement jamais voulu faire de mal à Claudia.

— En tout cas, ça ne lui a pas fait de bien, à elle.

Galiano a garé la voiture et s’est tourné vers nous.

— Et Patricia Eduardo ? a demandé Ryan.

— Gutiérrez dit qu’il ne l’a jamais vue de sa vie, qu’il n’est jamais allé à la Zona Viva ou au café San Felipe et qu’il n’a jamais entendu parler de la Pensión Paraíso. Il jure que Claudia de la Aida est l’unique amour de sa vie.

— Et son unique assassinat, a laissé tomber Ryan d’une voix cinglante.

— Oui.

— Vous le croyez ? ai-je demandé.

— ¡ Hijo de la gran puta ! Il est passé trois fois par le détecteur de mensonges.

Galiano s’est retourné et a désigné du menton un bâtiment délabré de l’autre côté de la rue. Stuc rose écaillé, porte rouge sang et un barjot à côté en train de somnoler debout. Graffitis sur les murs. Plus intelligents que d’habitude, méritant un 6 sur 20.

— Aida Pera habite au second avec une cousine plus âgée.

— Elle n’est pas à son travail ?

— Elle a préféré prendre un jour de congé quand je lui ai dit que je voulais la voir. Pour ne pas énerver son patron.

— Elle a demandé ce que vous lui vouliez ?

Galiano a paru étonné.

— Non.

Nous sommes descendus de voiture. Au claquement des portières, le dingo s’est affaissé le long du mur pour se retrouver étalé en travers du perron. Au moment de l’enjamber, j’ai remarqué sa braguette à moitié remontée. Ou descendue. Selon les points de vue, j’imagine.

L’entrée devait faire dans les deux mètres sur deux et puait le désinfectant. Au sol, un carrelage en damier noir et blanc. Une carte imprimée portant les noms de Pera et d’Irias désignait l’une des six boîtes aux lettres en laiton. Galiano a pressé le bouton adjacent. La réponse ne s’est pas fait attendre. On avait guetté notre arrivée.

— ¿ Sí ?

— Détective Galiano.

La porte d’entrée a cliqueté. Nous l’avons franchie puis avons emprunté un escalier à la queue leu leu.

Au second, un minuscule palier et deux portes. Je posais à peine le pied sur la dernière marche quand un bruit de serrures s’est fait entendre. La porte s’est ouverte et une jeune femme d’une beauté double ration a passé un œil dehors. J’ai senti Galiano et Ryan se redresser dans mon dos. Réaction typiquement masculine, mais j’aurais pu les imiter.

— Détective Galiano ?

Une voix d’enfant.

— Buenos días, señorita Pera.

Aida Pera s’est inclinée d’un air solennel. Elle avait des cheveux souples, la peau claire et des yeux bruns immenses, à la fois confiants et inquiets. Le genre de regard qui dit aux hommes « Occupez-vous de moi » et les rend complètement idiots.

— Merci de bien vouloir nous recevoir si tôt, a déclaré Galiano.

Après un second hochement de tête, Aida Pera nous a regardés, Ryan et moi. Galiano a fait les présentations. Un léger renflement s’est formé entre les deux sourcils de la belle et a disparu aussitôt.

— De quoi s’agit-il ? a-t-elle demandé en jouant avec la chaîne de sécurité.

Elle avait de jolis doigts, longs et minces, mais les ongles mal soignés et les cuticules à vif. Pour autant que je puisse voir, c’était son unique défaut.

— Pouvons-nous entrer ? a demandé Galiano d’une voix rassurante.

Aida Pera s’est reculée, nous avons pénétré dans un vestibule. En face de nous, un long couloir menant au fond de l’appartement ; sur le côté, un salon où elle nous a conduits. Napperons de dentelle sur les accoudoirs et les dossiers du divan et des fauteuils. Je me suis interrogée sur l’âge de la cousine.

— Señorita Pera, je crois savoir que vous êtes amie avec l’ambassadeur du Canada, André Specter, a attaqué d’emblée Galiano.

Cette fois le renflement au-dessus du nez s’est maintenu.

— Puis-je vous demander la nature de cette relation ?

Tout en se mordant la jointure d’un doigt, Pera a fait glisser son regard de Galiano à Ryan puis à moi. J’ai dû lui paraître la moins menaçante du trio, car c’est à moi qu’elle s’est adressée.

— Je ne peux pas parler de ma relation avec André. C’est impossible. Il... André m’a fait promettre...

— Nous pouvons vous interroger au commissariat. Galiano avait durci la voix. Les yeux d’Aida Pera ont à nouveau fait un tour complet de l’assistance. Galiano. Ryan. Moi. Cette fois encore, elle a choisi la fille dans le lot.

— Vous ne le répéterez à personne ?

Un enfant faisant une confidence.

— Nous ferons de notre mieux pour respecter votre secret, s’est engagé Galiano.

Les yeux de Bambi de la jeune fille se sont posés sur lui, puis sont revenus sur moi.

— André et moi, nous allons nous marier.