3.
Confortablement carré dans le siège libéré à contrecœur par Ollie Nordstern, le sergent-détective Galiano a croisé négligemment ses jambes, la cheville sur le genou, et m’a pourfendue d’un regard qui ne cillait pas.
— De quoi s’agit-il, détective ? ai-je demandé de ma voix la plus calme possible, bien que des scènes sorties tout droit de Midnight Express fassent la cavalcade dans ma tête.
Les yeux de Galiano me perforaient comme l’aiguille perfore l’insecte épinglé sur la planche.
— À la police civile nationale, nous sommes au courant de vos activités, Dr Brennan.
Je n’ai rien répondu. Je me suis contentée de retirer mes mains du bureau et de les poser sur mes genoux. Deux auréoles de sueur sont restées sur le sous-main en plastique.
— J’en suis en grande partie responsable.
En dehors des touffes de cheveux qui se hérissaient au sommet de son crâne à chaque bouffée d’air expédiée par le ventilateur, l’homme était parfaitement immobile.
— Tiens donc.
— Eh oui.
— Et pourquoi cela ?
— J’ai passé une partie de ma jeunesse au Canada, je me tiens au fait de ce qui s’y produit. Vos exploits ne passent pas inaperçus.
— Mes exploits ?
— La presse vous aime.
— La presse aime surtout vendre son papier. (Mon ton irrité n’a pas dû lui échapper.) Qu’est-ce qui vous amène, détective ?
En guise de réponse, il a sorti une enveloppe brune de sa poche et l’a posée devant moi. Je l’ai regardée sans y toucher. Un numéro de dossier y était inscrit à la main, police ou coroner.
— Jetez-y un coup d’œil, a fait Galiano en se rasseyant dans son fauteuil.
L’enveloppe contenait des photographies en couleurs. La première représentait un paquet sur une table d’autopsie en acier : un liquide suintait des côtés et formait un magma marron sur le plateau perforé. La seconde montrait le paquet ouvert : un jean et l’extrémité inférieure d’un tibia dépassant de l’ourlet effiloché. Troisième photo : une montre et ce qui devait être le contenu d’une poche – peigne, élastique pour les cheveux et deux pièces de monnaie. La dernière photo était un gros plan de tibia et de deux métatarses.
J’ai levé les yeux sur Galiano.
— Découvert hier.
J’ai regardé plus attentivement les parties de squelette. Sous la tache couleur chocolat noir, on distinguait de la chair encore accrochée aux os.
— Il y a une semaine, les toilettes d’un petit hôtel de la zone 1 ont commencé à se boucher. La Pensión Paraíso ne cherche pas à concurrencer le Ritz, mais les clients ont quand même râlé. Les propriétaires ont exploré la fosse septique. Ce Levi’s bouchait le conduit d’évacuation.
— À quand remonte la dernière vérification du système ?
— Les propriétaires ne sont pas très à cheval sur l’entretien. Un test de routine a été effectué en août dernier. On peut donc supposer que le corps y est entré après cette date.
Cela me paraissait évident, mais je n’en ai rien dit.
— La victime est probablement une jeune femme.
— Je ne saurais avoir d’opinion d’après ces seules photographies.
— Je ne me serais pas permis de vous la demander.
Dans la chaleur étouffante de la salle, nous nous sommes regardés en chien de faïence. Galiano avait des yeux extraordinaires, bruns avec une pointe de rouge. De l’ambre miroitant au soleil. Ses cils auraient pu lui valoir un contrat avec Maybelline, pour peu qu’il ait été une femme.
— Au cours de ces dix derniers mois, quatre jeunes femmes ont disparu ici. Les familles sont effondrées. Nous pensons que ces disparitions pourraient être liées. (Un téléphone a retenti au bout du couloir. Il n’y a pas prêté attention.) Si tel est le cas, la situation est pressante.
— Bien des gens s’évanouissent dans cette ville.
J’ai revu en esprit le Parque Concordia où des enfants des rues se retrouvent le soir pour sniffer de la colle et dormir. Je me suis rappelé les histoires d’enfants des rues enlevés et tués. En 1990, des gens armés en avaient enlevé huit, d’après les témoignages. On les avait retrouvés quelques jours plus tard. Morts.
— C’est différent. (La voix de Galiano m’a ramenée à la réalité.) Ces jeunes femmes-là ne correspondent pas au modèle habituel.
— Quel rapport avec moi ? ai-je demandé, tout en le sachant pertinemment.
— J’ai parlé de vous à mes supérieurs, je leur ai dit que vous étiez au Guatemala.
— Comment le saviez-vous ?
— Disons que la SICA est tenue informée des faits et gestes des ressortissants étrangers qui viennent déterrer nos morts.
— Je vois.
Galiano a désigné les photos.
— J’ai été autorisé à vous demander votre concours.
— J’ai d’autres engagements.
— L’exhumation de Chupan Ya est terminée.
— On commence tout juste les analyses.
— Le señor Reyes est d’accord pour vous prêter à nos services.
D’abord le journaliste, et maintenant la police. Il n’avait pas chômé, le Mateo, depuis notre retour en ville !
— Le señor Reyes peut se charger d’examiner vos ossements.
— L’expérience et la formation du señor Reyes ne sauraient se comparer aux vôtres.
C’était vrai. Si Mateo et son équipe avaient analysé des centaines de victimes retrouvées dans des charniers, ils avaient peu travaillé sur des cas d’homicides récents.
— Et puis vous avez cosigné un article sur les corps retrouvés dans les fosses septiques.
Bien renseigné, le flic ! En effet, trois ans plus tôt, un petit trafiquant de drogue de Montréal, arrêté alors qu’il approvisionnait un prétendu acheteur, avait préféré déballer que son associé flottait dans une fosse septique quand il avait compris qu’il risquait de passer un bon bout de temps loin de son armoire à pharmacie. La police provinciale s’était adressée à mon patron, le Dr Pierre LaManche, lequel s’était adressé à moi. Grâce à quoi, j’en savais à présent plus que je ne le désirais sur la façon d’utiliser les fosses septiques pour se débarrasser des gêneurs. Avec LaManche, nous avions passé des jours à superviser la récupération. D’où cet article publié dans le Journal des sciences judiciaires.
— C’est une affaire intérieure, ai-je fait valoir. Qui devrait être réglée par des experts d’ici.
Le ventilateur ronronnait. Les mèches de Galiano enchaînaient pirouettes et pliés.
— Avez-vous déjà entendu parler d’un certain André Specter ?
J’ai secoué la tête.
— C’est l’ambassadeur du Canada chez nous.
Le nom m’a vaguement rappelé quelque chose.
— Sa fille Chantal est au nombre des disparues.
— Dans ce cas, c’est aux services diplomatiques de s’en occuper, n’est-ce pas ?
— Specter exige une discrétion absolue.
— La publicité se révèle parfois très utile.
— Il y a des... (Galiano a hésité, cherchant les mots qui convenaient)... circonstances atténuantes.
J’ai attendu qu’il développe. Il s’est abstenu. Dehors, une portière de camion a claqué.
— S’il apparaissait qu’il y a effectivement un lien avec le Canada, le fait d’avoir la liaison directe entre les deux systèmes judiciaires nous serait fort utile.
— Et j’en connais un rayon sur les fosses septiques.
— Ce dont peu de gens peuvent se vanter. De plus, vous avez déjà élucidé des affaires pour le ministère des Affaires étrangères du Canada.
— Oui.
Ce flic avait manifestement potassé ma biographie.
Et là, il a joué son atout :
— Mon service a pris la liberté de solliciter auprès du ministère dont vous dépendez au Québec l’autorisation de vous engager comme conseiller spécial.
Deuxième objet à émerger de la poche de Galiano : un fax frappé d’un blason représentant une fleur de lys. Qui a trouvé le chemin du bureau comme par lui-même.
M. Serge Martineau, attaché au ministère de la Sécurité publique, et le Dr Pierre LaManche, chef de service au Laboratoire de sciences judiciaires et de médecine légale, autorisaient Temperance Brennan, si celle-ci était d’accord, à être détachée temporairement auprès de l’unité spéciale d’investigation des crimes de la police civile nationale du Guatemala.
Si mes patrons à Montréal faisaient partie du complot, comment échapper à l’embuscade ?
J’ai relevé la tête.
— Vous avez la réputation de faire jaillir la vérité, Dr Brennan. (Ses yeux Maybelline avaient un regard implacable.) Des parents souffrent le martyre de ne pas savoir ce qui est arrivé à leurs enfants.
J’ai pensé à ma fille. Si Katy disparaissait, je serais épouvantée. Mais si elle disparaissait dans un pays dont elle ne connaisse ni la langue, ni les lois, ni les procédures – un pays dont les autorités pouvaient aussi bien ordonner des recherches que ne rien faire du tout –, je vivrais alors dans un état de terreur absolue.
— C’est bon, détective. Je vous écoute.
La zone 1, partie la plus ancienne de Guatemala, est une ruche bourdonnante d’activité, composée d’un ramassis d’échoppes délabrées, d’hôtels bon marché, de gares routières et de parkings, avec ici et là un zeste de modernité. Des Wimpy et autres McDonald’s se partagent les rues étroites avec des épiceries, des traiteurs, des bars de sport, des restaurants chinois, des magasins de chaussures, des cinémas, des ateliers de réparation d’électroménager, des boîtes de strip-tease et des cabarets.
Comme beaucoup d’écozones, celle-ci vit selon un rythme diurne. Quand vient l’obscurité, les vendeurs et les piétons qui obstruaient les rues se regroupent autour des stands de cigarettes et des prostituées. Les cireurs de chaussures, les chauffeurs de taxi, les musiciens ambulants et les prédicateurs abandonnent le Parque Concordia aux enfants des rues qui s’y préparent un lit pour la nuit.
Trottoirs défoncés, réclames au néon, pollution et boucan, c’est tout cela la zone 1. Mais elle a aussi son côté élégant, car c’est là que se trouvent le Palacio Nacional, la Biblioteca Nacional, le Mercado Central, le Parque Central, le Parque del Centenario, plusieurs musées, une cathédrale et une admirable poste de style mauresque. Le commissariat central de la police est situé dans un château exotique au croisement de la Calle 14 et de l’Avenida 6. C’est à un pâté de maisons au sud de l’Iglesia de San Francisco, célèbre pour sa sculpture du Sacré-Cœur et pour sa collection de livres à l’Index qui fut retrouvée dans la charpente où des rebelles parmi le clergé les avaient dissimulés, il y a des dizaines d’années de cela.
Une heure et demie plus tard, je me retrouvais en compagnie de Galiano autour d’une table de conférences vétusté, au troisième étage dudit château. Étaient également présents : son coéquipier, le sergent-détective Pascual Hernández, et Juan-Carlos Xicay, chef de l’équipe chargée de draguer la fosse septique.
La salle, d’un gris tristounet, ne devait pas avoir été repeinte depuis l’époque où les padres cachaient leurs livres. Quant à mon fauteuil, il laissait voir une bourre couleur étain. Je me suis demandé combien de postérieurs inquiets, épuisés ou terrorisés s’y étaient déjà tortillés.
Une mouche bourdonnait contre l’unique fenêtre de la pièce. Je me suis sentie prise de pitié pour cette malheureuse bête, en quête d’évasion comme moi. À travers les stores crasseux, on apercevait une partie des remparts. Le bon côté de la situation, c’était qu’on ne risquait pas de subir l’assaut de chevaliers du Moyen Âge.
Poussant un soupir, j’ai remué sur mon siège pour la cent millième fois et je me suis mise à tapoter la table avec un trombone. Cela faisait vingt minutes que nous attendions un émissaire du procureur. J’étais en nage, fatiguée et déçue de m’être vu retirer mon travail à la FAFG. Et je n’arrivais pas à le cacher.
— Ça ne devrait plus tarder, a fait Galiano après un regard à sa montre.
— Je ne pourrais pas déjà expliquer en gros la procédure au señor Xicay ? ai-je demandé. Il lui faudra peut-être un certain temps pour réunir l’équipement nécessaire.
L’intéressé a levé un sourcil, mais n’a pas dit un mot. Hernández a manifesté son impuissance en laissant retomber bruyamment une main sur la table. C’était un homme pesant, avec des cheveux noirs ondulés qui lui descendaient bas dans le cou et des poils tout aussi noirs sur les avant-bras et les mains, à cette différence près que, là, ils étaient raides.
— Je retourne me renseigner, a dit Galiano, et il a traversé la salle d’un pas lourd d’ennui.
Se renseigner sur qui ? me suis-je demandé. Sur moi ? Sur le retard du substitut ? Auprès d’un supérieur ?
Presque immédiatement, sa voix m’est parvenue du couloir. Débit rapide et véhément. J’ai raté pas mal de mots, mais pas le ton venimeux du dialogue, ni mon nom, prononcé au moins deux fois.
Au bout de quelques instants, les voix se sont tues et Galiano est rentré dans la pièce, suivi d’un homme mince de haute taille, affublé de lunettes roses. Il se tenait un peu voûté et son ventre mou débordait au-dessus de sa ceinture.
Galiano a joué les maîtresses de maison.
— Dr Brennan, puis-je vous présenter le señor Antonio Díaz qui dirige la section d’investigation criminelle au parquet ?
Je me suis levée. Ignorant ma main tendue, Díaz est allé se placer dos à la fenêtre. Bien que ses verres colorés ne me permettent pas de voir ses yeux, il puait l’hostilité à plein nez.
— Je suis procureur depuis presque vingt ans, Dr Brennan, et durant toute cette période, je n’ai jamais demandé d’aide extérieure pour aucune enquête.
Anglais correct malgré un fort accent.
Ahurie, j’ai laissé retomber ma main.
— Vous considérez peut-être que nos médecins légistes n’ont pas l’entraînement suffisant et sont prisonniers d’un système médico-légal sous-développé ; qu’ils ne sont que des rouages dans une justice désuète, inefficace et minée par la bureaucratie. Néanmoins, permettez-moi de vous dire que, pour la compétence, ils peuvent rivaliser avec les plus grands noms de la profession.
Pourpre d’humiliation, à moins que ce ne soit de colère, j’ai regardé Galiano.
Il est intervenu d’une voix dure comme de l’acier.
— Comme je vous l’ai dit, señor Díaz, le Dr Brennan est ici à notre demande.
— Pourquoi exactement êtes-vous venue au Guatemala, Dr Brennan ? a repris Díaz.
La colère me rend hargneuse, j’ai rétorqué du tac au tac :
— Je projette d’ouvrir un établissement thermal.
— Le Dr Brennan est ici pour une tout autre affaire, a expliqué Galiano. C’est une anthropol...
— Je sais parfaitement qui elle est, l’a coupé Díaz.
— Le Dr Brennan, qui a de l’expérience en matière de récupération dans les fosses septiques, s’est proposée pour nous aider.
Proposée ? De moi-même ? Curieuse façon de présenter les choses !
— Ce serait idiot de notre part de nous priver de son expérience.
Le visage en béton, Díaz fixait Galiano. Hernández et Xicay gardaient le silence.
— Nous verrons.
Sur ce, le procureur a quitté la salle après un regard dur dans ma direction.
Silence sépulcral, uniquement brisé par le bourdonnement de la mouche. C’est Galiano qui l’a rompu :
— Je vous présente mes excuses, Dr Brennan.
La colère a également pour effet de me pousser à l’action. J’ai demandé :
— On peut enfin commencer ?
— Il ne l’emportera pas au paradis, a marmonné Galiano en tirant une chaise.
— Autre chose.
— Dites.
— Appelez-moi Tempe.
J’ai passé l’heure suivante à détailler à l’assemblée l’avantage que représentent les fosses septiques quand il s’agit de faire disparaître quelqu’un. Galiano et son équipier m’écoutaient attentivement, m’interrompant parfois pour obtenir une précision ou faire un commentaire. Xicay restait silencieux, les yeux baissés, le visage dénué d’expression.
— De conceptions diverses, les fosses septiques peuvent être construites en pierre, en brique, en béton ou en fibre de verre, et selon des conceptions variées. On en trouve des rondes, des carrées ou des rectangulaires, avec un seul compartiment, ou bien deux, ou trois, qui sont alors séparés par des murets à mi-hauteur ou par des cloisons entières.
— Comment fonctionnent-elles ? a demandé Galiano.
— En gros, ce sont des chambres étanches qui agissent comme des incubateurs pour les bactéries anaérobies, les champignons et les actinomycètes dont la fonction est de digérer les solides organiques tombés au fond.
— Comme la cuisine de Galiano, est intervenu Hernández.
— Qu’est-ce qui se passe après ? a poursuivi Galiano sans s’arrêter à la remarque de son coéquipier.
— En raison de la chaleur engendrée par le processus de digestion, des gaz bouillonnent à la surface. Combinés avec des particules de graisse, de savon, d’huiles, de cheveux et de tout autre type d’ordure, cela peut produire une écume mousseuse. C’est la première chose qu’on aperçoit quand on ouvre la cuve.
— Un rayon de soleil dans votre journée ! a lancé Hernández.
— Au bout d’un certain temps, si on n’y touche pas, une couche à demi solide se forme en surface.
— Le gâteau de merde.
Humour macho pour cacher sa répulsion.
— Les fosses devraient être vidées tous les deux ou trois ans. Mais si les propriétaires de celle dont vous me parlez sont aussi négligents que vous le dites, ils n’ont pas dû le faire, et on a toutes les chances de rencontrer ce type de sédiment.
— Bon. On a donc cette soupe aux microbes. Mais après, où est-ce que tout cela s’en va ? a demandé Galiano.
— À un certain niveau de remplissage, les déchets modifiés sont évacués par un conduit jusque dans plusieurs tuyaux placés généralement en parallèle et formant ce qu’on appelle un réseau de collecteurs.
— Ils sont en quoi, ces tuyaux ?
— Le plus souvent, en terre ou en plastique perforé.
— Dans le cas présent, ils sont sûrement en terre, vu que chez ces gens, le système doit dater des conquistadores. Ensuite ?
— Les collecteurs reposent sur un lit de gravier le plus souvent recouvert de terre et planté. Quand la rupture aérobie se produit à cet endroit, le champ sert alors de filtre biologique.
— Grosses gouttes ou petites gouttes, c’est le secret du bon café.
Il commençait à me taper sur le système, le Hernández.
— Pendant la dernière étape du traitement, des eaux résiduaires s’écoulent des tuyaux et traversent le lit de gravier. Bactéries, virus et autres polluants sont ensuite absorbés par la terre ou par les racines des plantes.
— Ce qui explique que, dans un jardin, l’herbe soit plus verte au-dessus de la fosse septique ? s’est enquis Galiano.
— Plus verte et beaucoup plus heureuse. Que savez-vous d’autre sur celle installée ?
Galiano a sorti un calepin à spirales et parcouru ses notes.
— Elle est située à un peu plus de deux mètres du bâtiment, côté sud. Elle fait environ trois mètres de long sur un mètre cinquante de large et deux mètres de profondeur. Elle est en béton et elle est fermée par huit dalles rectangulaires, en béton également.
— Combien de compartiments ?
— Le señor Serano, propriétaire des lieux, n’en a aucune idée. Soit dit en passant, il ne risque pas de se voir offrir le Nobel.
— Pigé.
— Lui et son fils, Jorge, se rappellent que les ouvriers ont travaillé sur le côté est, l’été dernier. C’est de ce côté que la dalle a été soulevée. La fosse était pour ainsi dire pleine à ras bord et le jean bouchait le conduit d’évacuation.
— Par conséquent, le conduit d’entrée se trouve à l’ouest.
— C’est ce qu’on s’était dit.
— Très bien, messieurs. Nous allons avoir besoin d’une excavatrice pour retirer ces dalles.
— Les huit ?
Première intervention de Xicay depuis le début de la réunion.
— Oui. Comme nous ne savons pas ce que nous allons trouver, il faut les retirer toutes. S’il y a plusieurs chambres, des parties du squelette peuvent se trouver n’importe où.
À son tour, Xicay a sorti un calepin pour prendre ma liste en note :
— Un camion de pompage pour vider la mousse et les couches de liquide, et un camion-citerne de pompiers pour diluer le sédiment inférieur.
Xicay inscrivait.
— Il y aura pas mal de gaz d’ammoniaque et de méthane, alors, il faut aussi de l’oxygène. Équipement complet.
Xicay m’a interrogée des yeux.
— Un masque standard couvrant toute la figure, et une bouteille d’oxygène dans le dos avec un seul tube. Le genre qu’utilisent les pompiers. Et puis ce serait bien d’avoir des pulvérisateurs.
— Comme ceux qu’on emploie pour détruire les mauvaises herbes ?
— Exactement. L’un rempli d’eau pure, l’autre d’eau javellisée à dix pour cent.
— On peut savoir pourquoi ? a demandé Hernández.
— Pour me rincer quand je sortirai de la fosse.
Xicay a complété sa liste.
— Enfin, des tamis. Diamètre des mailles : un demi-centimètre. Pour le reste, matériel standard.
Je me suis levée.
— Demain matin sept heures ?
— Sept heures.
La journée suivante devait être l’une des pires de ma vie.