35.
— Je ne veux plus entrer dans le train. Je suis fatiguée d’avoir peur.
— Tu n’es pas obligée d’avoir peur, Emily. Nous pouvons t’enlever ta peur.
— Je ne veux plus avoir peur.
— Nous y travaillons. Je vais te faire la liste de tous les éléments dont tu m’as parlé dans le premier voyage que nous avons fait ensemble, et tu vas me dire lequel te fait le plus peur.
Draken tourne une à une les pages de son carnet et parcourt les croquis qu’il a réalisés lors de la première séance.
— Au début de notre voyage, tu m’as parlé d’un vieux temple antique. Est-ce le temple qui te fait peur ?
— Non.
— La rivière ? Cette rivière sur laquelle marche la reine ?
— Non. Je n’ai pas peur de la rivière.
— Ni du cygne qui nage dedans ?
Tout en parlant, Draken garde un œil sur les valeurs des différents appareils de monitoring et il observe avec attention le mouvement des yeux d’Emily. La moindre réaction est une source d’information.
— Ni du pommier qui pousse au bord de la rivière ?
— Non. Le pommier ne me fait pas peur.
— Le roi blessé ? La tour ?
À cet instant, toutes les constantes s’affolent sur les petits écrans. Les yeux d’Emily s’ouvrent en grand, et les pupilles se dilatent.
— C’est la tour qui te fait peur ?
Elle ne répond pas. Mais tout son corps le fait à sa place.
— Alors nous allons marcher vers elle, Emily. Nous allons marcher ensemble vers la tour, pour dompter cette peur. Tu veux bien ?
— Je n’aime pas ça.
— Mais tu me fais confiance, n’est-ce pas ?
— Oui.
— Alors avançons vers la tour. Je te promets que nous n’entrerons pas dedans. Je veux juste que tu me dises ce que tu vois.
— Je vois le roi et la reine qui s’enfuient, qui montent dans la tour. Ils vont aller jusqu’au sommet. Et les méchantes femmes, tout autour, leur tirent des flèches dessus.
— Tu m’as dit l’autre jour qu’elles riaient, ces femmes. Pourquoi rient-elles ? Elles se moquent de toi ?
— Non. Elles n’ont pas le choix. Elles sont obligées de rire. Tout le monde est obligé de rire, même la reine, même le roi. Même le soleil rit.
— Le soleil ? Tu ne m’as jamais parlé de soleil…
— Si. Il y a un grand soleil dans le ciel. Un soleil un peu grotesque, comme dessiné par un enfant, avec des grands rayons droits, comme des traits de crayon. Et il rit lui aussi.
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