27.

Quand Lola revint dans le cabinet de Draken, elle trouva Emily en pleurs sur le divan du psychiatre. La mine défaite, les cheveux ébouriffés, la jeune femme semblait bouleversée, terrifiée.

Arthur, assis près d’elle, lui tenait la main.

— Ça s’est mal passé ? demanda aussitôt le détective d’un air inquiet.

— Non, répliqua Ben Mitchell, de l’autre côté du cabinet. Au contraire. Sinon, elle ne serait pas aussi émue.

Le détective s’efforça de retrouver son calme.

— Venez, Emily, nous allons retourner dans votre appartement. Ça va vous faire du bien de prendre l’air.

— Je… Je n’ai pas envie de sortir tout de suite, répondit-elle entre deux sanglots.

Lola et Draken échangèrent un regard.

— Tu crois que tu peux me laisser un peu tout seul avec elle ? demanda le psychiatre.

La rousse fit une grimace.

— Je promets de la ramener dans son appartement dans une heure, insista-t-il. Je crois qu’Emily a besoin de parler un petit peu. On a bien avancé, mais on ne peut pas lui faire des séances d’hypnose et la lâcher comme ça dans la nature.

Lola tourna la tête vers la jeune femme dont les pleurs s’étaient calmés.

— Qu’est-ce que vous en dites, Emily ?

La blonde essuya ses larmes d’un revers de manche.

— Je crois qu’Arthur a raison. J’aimerais parler un peu avec lui.

— Vous êtes sûre ?

— Oui. J’en ai besoin.

— Très bien, céda le détective. Vous m’enverrez un message pour me confirmer que vous êtes bien rentrée chez vous.

Gallagher se leva et, s’adressant à Ben Mitchell :

— Je vous dépose quelque part ?

Le professeur fut étonné par la proposition, mais il accepta volontiers. Ils sortirent ensemble du cabinet.

Une fois en bas de l’immeuble, Lola aida le neurophysiologiste à entrer dans la Chevrolet, puis ils se mirent en route vers l’Institut de l’université de Columbia.

— C’est vous qui avez inventé le sérum, n’est-ce pas ?

— On ne peut rien vous cacher, détective.

Dehors, la neige tombait encore, drapant Brooklyn d’un épais manteau blanc. L’hiver semblait ne jamais vouloir finir.

— Comment avez-vous rencontré Arthur ?

— Il ne vous a jamais raconté ?

— Non. En ce qui concerne votre petite invention, il est toujours resté très… discret.

Cela sembla amuser le professeur.

— En mai 2010, quand j’ai fini de mettre au point le sérum, j’ai cherché le meilleur psychiatre spécialisé dans la thérapie par l’hypnose. Draken a tout de suite été intéressé par mes recherches.

— Qu’est-ce qui vous a amené à travailler sur l’hypnose ? C’est un peu étrange, pour un neurophysiologiste, non ?

— Pas du tout. L’hypnose est intimement liée à la neurophysiologie, au fonctionnement du système nerveux. L’altération de l’état de conscience et les moyens qui permettent d’y parvenir sont des sujets qui m’ont toujours intéressé. Toutes mes recherches vont dans ce sens.

Lola hocha la tête, comme si Mitchell avait pu la voir. Derrière ses titres de grand scientifique, le type collait bien à son image de gourou hippie.

— Et comment il marche, votre sérum ?

— Vous êtes sûre de vouloir que je vous explique ?

— Vous pensez que je ne suis pas capable de comprendre ? Aussi étonnant que ça puisse paraître pour un flic, j’ai une formation scientifique, monsieur Mitchell. Un homme comme vous devrait se méfier des idées reçues.

— Soit. C’est un produit, ou plutôt un ensemble de produits qui facilitent l’induction hypnotique. Ils inhibent l’activité du cortex cingulaire antérieur, une aire du cerveau très importante pour atteindre l’état hypnotique. Résultat, l’hypnose du patient est beaucoup plus profonde qu’avec les méthodes d’induction traditionnelles.

— En gros, vous jouez avec le cerveau des gens.

— Non. Nous aidons les gens à jouer avec leur cerveau, ce n’est pas tout à fait la même chose. Avec notre sérum, certes, la modification de l’état de conscience nécessaire est plus rapide, plus efficace, mais cela passe toujours par la seule volonté du patient d’entrer dans un état hypnotique.

— Si vous le dites…

— C’est surtout une technique qui va permettre d’aider beaucoup de gens, comme Emily. La fabrication d’images que recherche Draken dans ses séances n’est possible que dans un état hypnotique profond. On obtient alors des effets qui s’assimilent à l’hallucination et au somnambulisme, et qui permettent ce qu’on appelle l’hypermnésie.

— C’est-à-dire ?

— La capacité à retrouver des souvenirs précis, anciens, oubliés. En l’occurrence, c’est ce que vous cherchez, non ?

— Pas à n’importe quel prix. Votre sérum a montré, par le passé, qu’il pouvait être dangereux.

— Nous étions au tout début de nos recherches, détective. Nous en connaissons les dangers, maintenant. Nous savons quelle est la dose maximum que nous pouvons injecter au patient. Nous ne dépassons jamais sept minutes de séance.

— Sept minutes pour retrouver son passé. C’est court.

— En état d’hypnose, il peut se passer bien des choses, en sept minutes…

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