18.
— Bonsoir Emily.
— Bonsoir, répondit la jeune femme en regardant d’un air étonné le petit garçon qui tenait la main de Lola.
De l’autre côté du couloir, les deux agents fédéraux fumaient une cigarette à la fenêtre. Pas très légal, mais ils n’avaient pas le droit de quitter l’appartement des yeux. L’un d’eux, Turner, lançait des regards noirs en direction de Gallagher entre chaque bouffée. Il gardait sans doute un mauvais souvenir de la prétendue « promenade dans le parc » d’Emily et Lola.
— Je vous présente mon fils, Adam.
— Bonsoir madame.
— Bonsoir jeune homme.
— J’ai pris du chinois à emporter, annonça le détective Gallagher en montrant un sac en papier marron dans sa main. Vous aimez le chinois ?
— Je ne sais pas, répondit-elle en écartant les bras d’un air amusé. Entrez !
Lola et son fils s’installèrent dans le salon. La télévision était allumée, en sourdine, et rien n’avait changé dans l’appartement. Il ressemblait toujours à ces chambres d’appartement-hôtel un peu froides, pratiques, fonctionnelles, sans âme. Gallagher regretta de ne pas avoir pensé à amener des fleurs ou quelque chose…
— Alors, ça se passe bien à l’école, Adam ?
— Oui.
Emily sourit.
— C’est un peu idiot comme question, pardonne-moi. Tu as des frères et sœurs ?
— Non. Et vous ?
— Eh bien… À vrai dire… Je ne sais pas.
— Maman m’a dit que vous êtes amnésique.
— Oui.
— C’est… C’est bizarre, dit Adam en rougissant, prenant conscience que la remarque pouvait sembler déplacée.
La jeune femme sourit de nouveau, ce qui permit à Lola de penser que l’idée de venir avec son fils n’était sans doute pas si mauvaise que ça.
— Oui. C’est très bizarre, concéda Emily.
— J’ai du mal à imaginer. Vous ne vous souvenez de rien du tout ?
— Rien.
— Mais alors comment ça se fait que vous savez parler ?
Emily songea que, de la part d’un garçon de onze ans, la question ne manquait pas de pertinence.
— Eh bien… Les médecins m’ont expliqué pourquoi, mais c’est un peu compliqué. Il paraît que c’est normal. Mais il y a au moins un avantage : je n’ai pas de mauvais souvenirs !
— Ah oui. Ça doit être bien, ça !
— Et puis… Je peux faire des blagues.
— Quel genre ?
— Tu as vu les deux agents fédéraux sur le palier ? Je sais très bien comment ils s’appellent, maintenant. Mais chaque fois que je les vois, je fais semblant de ne pas m’en souvenir, et je leur donne un nom différent. Ils n’osent pas me contredire, ils font semblant… C’est très drôle.
Adam sourit à son tour.
— Et vous avez vu mon copain Arthur ?
— Arthur ? Le Dr Draken ? Oui, je l’ai vu.
— Je suis sûr qu’il peut vous aider, lui. Il est très très fort.
— Il a l’air.
— Maman ne lui fait pas confiance, mais…
— Adam ! le coupa Lola.
— Ben c’est vrai ! se défendit le petit garçon. Tu lui fais pas confiance : tu veux pas qu’il continue à soigner Emily.
— C’est un peu plus compliqué que ça. Bon… Et si on mangeait ?
— Avec plaisir ! répondit Emily en se levant pour aller chercher des assiettes et des couverts dans sa petite cuisine.
Ainsi, ils dînèrent tous les trois dans une ambiance détendue, Adam faisant une fois de plus la démonstration de son aisance à passer du temps avec des adultes. Sa présence apporta manifestement un peu de fraîcheur et de joie dans la journée d’Emily.
Quand, vers 22 heures, elle les reconduisit à la porte, la jeune femme, après une courte hésitation, lança d’un air gêné : — Lola… Si un soir vous avez un souci pour faire garder Adam… je veux dire… si la baby-sitter n’est pas là, il peut venir ici. Je serais ravie de passer du temps avec lui. J’ai… J’ai du temps à revendre. J’aimerais bien pouvoir me rendre utile.
Adam, qui semblait enchanté par la perspective, leva les yeux vers sa mère.
— C’est très gentil, Emily. C’est une bonne idée. Il faut d’abord que j’en parle au procureur. Nous verrons…
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