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On lui avait promis ses photos pour le lundi, aussi dès le matin, avant que le gel eût fondu sur la glace de la vitrine, pénétra-t-il dans la boutique. Il éprouvait la même immodeste impatience de voir ses images d’Eyup qu’il avait ressentie en un temps de voir imprimé un essai ou un article. On eyt ait que ces objets, ces images, avaient pour un temps le pouvoir de reculer son bannissement au royaume du jugement, comme si elles devaient lui déclarer : « Oui, regarde, nous voici dans ta main. Nous sommes réelles, donc tu dois l’être aussi. » Le vieil Allemand derrière le comptoir lui lança un regard désolé et gargouilla tristement : « Ach, Mr. Harris ! Vos photos ne sont pas encore prêtes. Revenez à midi. »
Il se promena dans les rues où la neige fondait et qui avaient l’air, de ce côté de la Corne d’Or, d’un recueil parodique d’exemples de l’éclectisme. Pais de courrier au Consulat, comme il le prévoyait. Dix heures et demie.
Un pudding dans une pâtisserie. Deux livres turques. Une cigarette. Quelques plaisanteries éclectiques de plus : une caryatide débraillée, un tombeau égyptien transformé en boucherie par quelque baguette de Circé. Onze heures.
Il feuilleta à la librairie le choix de livres usagés qu’il avait déjà regardés si souvent. Onze heures et demie. Les photos étaient sûrement prêtes à présent.
« Vous voici, Mr. Harris. Parfait. »
Avec un sourire de plaisir anticipé, il ouvrit l’enveloppe, y prit le mince paquet d’épreuves gondolées.
Non.
« Je crains bien que ce ne soient pas les miennes. » Il les tendait à l’homme. Il ne voulait plus les sentir dans sa main.
« Comment ?
— Ce ne sont pas mes photos. Il y a erreur. »
Le vieillard chaussa des lunettes sales et parcourut du regard les épreuves. Il étudia le nom porté sur l’enveloppe.
« Vous êtes bien Mr. Harris ?
— Oui, c’est en effet mon nom sur l’enveloppe. L’enveloppe est pour moi, mais pas les photos.
— Il n’y a pourtant pas d’erreur.
— Ce sont les photos de quelqu’un d’autre. C’est un pique-nique familial. Vous le voyez bien.
— J’ai retiré moi-même le film de votre appareil, Mr. Harris, vous vous rappelez ? »
Il émit un rire embarrassé. Il avait horreur des querelles. Il envisagea de sortir de la boutique, en laissant les photos. « Oui, je me rappelle. Mais je crains que vous n’ayez confondu mon rouleau avec un autre. Ce n’est pas moi qui ai pris ces photos. Les miennes ont été faites dans le cimetière d’Eyup. Ça ne vous dit rien ? »
Pareil à un serveur de restaurant dont on met en doute l’honnêteté et qui refait l’addition avec un soin exagéré, le vieil homme fronçait les sourcils et étudiait photo après photo. Avec une petite toux de triomphe, il posa un des instantanés sur le comptoir. « Qui voyez-vous là, Mr. Harris ? »
C’était l’enfant.
« Qui ! Je… je ne sais même pas son nom. »
Le vieil Allemand eut un rire théâtral, levant les yeux pour prendre le ciel à témoin. « C’est vous, Mr. Harris ! C’est bien vous ! »
Il se pencha sur le comptoir. Ses doigts se refusaient encore à toucher l’épreuve. Le petit garçon était dans les bras de l’homme qui inclinait la tête en avant comme pour chercher des poux dans la petite tête aux cheveux courts. Les détails étaient flous, l’objectif ayant été réglé par erreur sur l’infini.
Etait-ce bien son visage ? La moustache ressemblait à sa moustache, ainsi que les poches sous les yeux, les cheveux retombant en avant…
Mais l’angle de la tête, le manque de netteté… il y avait place pour un doute.
« Ce sera vingt-quatre livres, s’il vous plaît, Mr. Harris.
— Oui, bien sûr. » Il tira de son porte-billets une coupure de cinquante livres. Le vieillard fouilla dans un porte-monnaie de femme, en plastique, pour faire la monnaie.
« Je vous remercie, Mr. Harris.
— Oui. Je… je suis désolé. »
Le vieux rangea les photos dans l’enveloppe et la lui rendit par-dessus le comptoir.
Il la glissa dans la poche de sa veste. « C’était moi qui me trompais.
— Au revoir.
— Oui, au revoir. »
Il resta debout dans la rue, au soleil, à découvert. D’un instant à l’autre, l’un d’eux pouvait venir à lui, lui poser la main sur l’épaule, le tirailler par la jambe de son pantalon. Il ne pouvait pas examiner les photos en cet endroit. Il retourna à la pâtisserie et les étala en quatre rangées, sur une table au dessus de marbre.
Vingt photographies. Une promenade aussi banale que possible.
Sur les vingt, trois étaient surexposées et pratiquement invisibles ; elles ne méritaient pas d’avoir été tirées. Trois autres révélaient ce qui semblait être des îles ; ou des sections différentes d’une côte très irrégulière. Elles étaient cadrées sans imagination, avec de vastes espaces de ciel blanc et a eau miroitante. Coincé entre les deux, la terre n’était que de longues taches sombres piquetées des minuscules rectangles blancs des bâtiments. Il y avait aussi une vue d’une rue montante bordée de maisons de bois et de jardins dénudés par l’hiver.
Les treize autres photos représentaient diverses personnes et des groupes qui regardaient droit dans l’appareil. Une femme au corps lourd, en noir, avec des dents noires, qui clignait les paupières au soleil – debout près d’un pin sur une épreuve, mal assise sur une tête de roche sur une autre. Un vieil homme à la peau foncée, au crâne chauve, à la moustache triomphante, avec une barbe de plusieurs jours. Puis les deux ensemble… un cliché très flou. Trois fillettes debout devant une femme d’âge moyen qui les regardait avec fierté, comme son bien. Les trois mêmes fillettes rassemblées autour du vieux qui paraissait ne leur prêter aucune attention. Et un groupe de cinq hommes : l’ombre aux jambes écartées de celui qui prenait la photo se détachait nettement sur le premier plan de galets.
Et la femme. Seule. Sa peau jaunâtre et ridée lissée en un masque d’un blanc uni par la lumière crue de midi.
Puis le petit garçon se blottissant contre elle sur une couverture. Non loin, des vaguelettes léchaient une pierre étroite.
Puis encore eux deux avec la vieille femme et les trois fillettes. Le rapprochement des deux visages de femmes suggérait une parenté.
La silhouette identifiable à lui-même n’apparaissait que sur trois photos : l’une avec l’enfant dans ses bras ; la deuxième avec son bras passé sur les épaules de la femme tandis que l’enfant se tenait devant eux, les sourcils froncés ; la troisième dans un groupe de treize personnes, dont toutes figuraient sur l’un ou l’autre des clichés précédents. Seule la dernière de ces trois photos était au point. Il constituait l’une des silhouettes les moins remarquables de ce groupe, mais il était indéniable que le visage moustachu qui souriait gauchement à l’appareil était bien le sien.
Jamais auparavant il n’avait vu ces gens, sauf, bien entendu, la femme et l’enfant. Bien qu’il eût aperçu à des centaines de reprises des gens tout à fait semblables dans les rues d’Istanbul. Il ne reconnaissait pas non plus les espaces herbeux, les bouquets de pins, les rochers, la plage de galets, bien qu’une fois encore ils fussent tous d’un type si général qu’il avait pu passer des centaines de fois devant ces endroits sans y faire attention. Le monde des faits était-il vraiment à ce point dénué de caractère ? Car il ne douta pas un instant que ce fût bien le monde des faits.
Et qu’avait-il à mettre en regard de ces preuves dans l’autre plateau de la balance ? Un nom ? Un visage ?
Il chercha un miroir sur les murs de la pâtisserie. Il n’y en avait pas. Il souleva de son verre de thé la cuiller dégoulinante pour y contempler le reflet de sa figure, trouble et inversé sur la surface concave. Quand il rapprocha la cuiller, l’image devint moins distincte, puis exécuta une rotation de 180 degrés pour lui offrir à l’endroit la vision de son œil fixe et dilaté.
Il resta sur le pont supérieur, en plein air, tandis que le bac faisait tourbillonner les eaux et hurler sa sirène en quittant l’appontement. Comme un homme qui sort par mauvais temps, le bac contourna la pointe de la vieille ville, abandonnant la Corne aux eaux calmes pour attaquer les flots houleux de la mer de Marmara que blanchissait le vent. Une froide brise du sud tendait le pavillon écarlate marqué de l’étoile et du croissant au mât arrière.
De ce point surélevé, la cité révélait son aspect le plus noble : d’abord la grande masse horizontale et grise des murs de Topkapi, puis le bombement délicat du dôme de Sainte-Irène, construit (comme on choisit un ami avec soin pour mettre en valeur par contraste ses propres avantages) simplement pour faire ressortir l’incongruité ostentatoire de la Divine Sagesse voisine, produit sans grâce et abstrait de l’union commémorée sur chacun des chapiteaux intérieurs par les initiales entrelacées de l’empereur-démon Justinien et de la putain Théodora, sa concubine ; puis, pour mettre fin à cette suite de topographie et d’histoire, la fière affirmation de la Mosquée Bleue.
Le bac commença à rouler sur les eaux plus agitées du large. Les nuages passaient en bande plus pressée devant le soleil pour s’amasser au nom au-dessus de la ville qui s’éloignait. Il était quatre heures et demie. A cinq heures, il atteindrait Heybeli, l’île qu’Altin et l’employé du Consulat avaient reconnue comme étant le cadre des photographies.
Il avait dans la poche son billet d’avion pour New York. Ses bagages, sauf la valise qu’il garderait avec lui à bord, avaient été bouclés et expédiés en un après-midi et une matinée de frayeur et d’ivresse incontrôlables. Maintenant, il était en sûreté. La certitude qu’il serait le lendemain à des milliers de kilomètres avait étayé les murs croulants de son assurance comme la promesse d’un prophète qui ne saurait se tromper, d’un Tirésias en un bon jour. Certes, c’était la sécurité honteuse d’une déroute si totale que l’ennemi avait failli s’emparer de son train d’équipage – mais c’était quand même la sécurité, aussi certaine que le lendemain. A la vérité, ce lendemain était plus net, plus présent à sa pensée et à ses sens que les limbes des Heures qui y conduiraient – de même qu’enfant il supportait le terrible ennui de la veillée de Noël en se projetant dans le matin qui allait forcément suivre et qui, une fois venu, n’était jamais de moitié aussi réel que ses anticipations.
Parce qu’il se sentait à ce point protégé, il osait aujourd’hui faire face à l’ennemi (si l’ennemi voulait bien lui faire face) avec hardiesse. Il n’avait rien à risquer et il n’avait pas idée de ce qu’il attendait. Mais si c’était le frisson qu’il recherchait, il eût alors dû rester sur place et aller au fond des choses. Non, cette dernière excursion était plus un geste qu’un acte, une bravade plutôt que de la bravoure. La fausse assurance même qui l’avait incité à sortir paraissait garantir que rien n’arriverait de vraiment désastreux. Leur stratégie n’avait-elle pas toujours consisté à le surprendre ?
Au bout du compte, il était naturellement incapable de s’expliquer pourquoi il était allé au lac, avait pris son billet et s’était embarqué, sauf que chacune de ces actions successives paraissait rehausser le sentiment délicieux qu’il avait de sa progression inexorable, une impression où se mêlaient une tension insupportable et une lassitude presque onirique. Il aurait été tout aussi incapable de retourner sur ses pas une fois mis en route que de refuser d’écouter jusqu’au bout une symphonie, après la coda. De la beauté ? Oh ! oui, à un degré intolérable ! Jamais il n’avait rien connu d’aussi beau.
Le bac apponta à Kinali Ada, la première des îles. Des gens descendirent, d’autres montèrent. Puis le bac repartit droit dans le vent en direction de Burgaz. Derrière eux, la côte européenne disparaissait dans la brume.
Le bac avait quitté le quai de Burgaz et contournait l’îlot de Kasik. Il observait avec fascination les sombres collines de Kasik, Burgaz et Kinàli qui adoptaient lentement l’alignement exact qu’elles présentaient sur la photo. Il croyait presque entendre le déclic de l’obturateur.
Et les autres rapports entre ces plans élémentaires de mer et de terre qui glissaient les uns derrière les autres… N’y avait-il pas quelque chose de presque aussi familier dans chaque déplacement infinitésimal de la perspective ? Quand il contemplait ces îles, les yeux mi-clos, sans concentrer son attention, il aurait presque pu…
Mais chaque fois qu’il tentait de saisir sa pensée, avec précaution, entre les pointes d’aiguilles du compas analytique, elle croulait en poussière.
Il commençait à neiger quand le bac approcha d’Heybeli. Il prit pied à l’extrémité de l’appontement. Le bac s’éloignait à l’est, dans la blancheur de l’air, vers Buyuk Ada.
Il regardait une rue montante bordée de maisons de bois et de jardins dénudés par l’hiver. Des flocons de neige tombaient sur les pavés humides et fondaient. A intervalles irréguliers des réverbères brillaient en jaune dans le crépuscule, mais les maisons restaient sombres. Heybeli était une station estivale. Peu de gens y vivaient durant les mois d’hiver. Il gravit la moitié de la pente, puis tourna à droite. Certains éléments de bois découpé, les proportions d’une fenêtre, la pente d’un toit, attiraient un instant son attention, comme un battement d’ailes dans le feuillage à vingt, cinquante, cent mètres de distance.
Les maisons devenaient plus rares, plus espacées. Dans les jardins, la neige recouvrait les feuilles de choux. Le chemin sinuait au flanc de la colline vers une bâtisse en pierre. Le pavillon qui flottait se distinguait à peine sur le ciel gris. Il vira dans un sentier qui contournait la base de la colline, menant parmi les pins. La couche épaisse d’aiguilles tombées était plus glissante que de la glace. Il appuya la joue contre l’écorce d’un arbre et perçut de nouveau le déclic de l’appareil photo, systole et diastole de son cœur.
Il entendit avant de la voir la mer qui léchait la rive. Il s’arrêta. Il accommoda sa vue. Il reconnut la roche. Il marcha vers elle. Sa notion de ce paysage était si enveloppante, si totale, qu’il sentait les empreintes laissées par lui dans la neige, qu’il sentait la neige les recouvrir au fur et à mesure. Il s’immobilisa.
C’était ici qu’il s’était tenu avec le garçonnet dans ses bras. La femme avait porté l’appareil à hauteur de son œil avec une gaucherie respectueuse. Il avait incliné la tête en avant pour éviter de regarder droit dans l’éclat du soleil couchant. Le cuir chevelu de l’enfant était couvert de croûtes à cause des morsures d’insectes.
Il était prêt à reconnaître que tout cela était arrivé, tous ces événements impossibles. Il l’admit. Il releva fièrement la tête, en souriant, comme pour dire : Très bien… et alors ? Peu importe ce que vous ferez, je suis en sécurité ! Car en réalité je ne suis pas du tout ici. Je suis déjà à New York.
En un geste de défi, il posa les mains sur la tête de roche devant lui. Ses doigts effleurèrent la lanière souple de la sandale. Sous la couche de neige, le petit ovale de plastique avait d’abord échappé à son attention.
Il pivota vers la forêt, puis revint à la contemplation de la sandale. Il tendit le bras dans l’intention de la jeter à l’eau, puis retira la main.
Il se tourna à nouveau vers la forêt. Un homme se tenait juste à la lisière des arbres, sur le sentier. Il faisait trop sombre pour distinguer de ses traits autre chose qu’une moustache.
A sa gauche, la plage couverte de neige s’achevait contre un mur de grès. A sa droite le sentier repartait vers la forêt, et derrière lui la mer roulait les galets.
« Oui ? »
L’homme baissa la tête, l’air attentif, sans parler.
« Eh bien, oui ? Dites-le ! »
L’homme rentra dans la forêt.
Le bac arrivait quand il parvint en trébuchant sur le quai. Il courut à bord sans s’arrêter au guichet pour prendre son billet. A l’intérieur, à la lumière électrique, il remarqua la déchirure de son pantalon, la coupure à sa paume droite. Il était tombé de nombreuses fois sur les aiguilles de pin, sur les pierres éparses dans les champs labourés, sur les pavés ronds.
Il s’assit près du poêle à charbon. Quand il eut repris haleine, il s’aperçut qu’il tremblait violemment. Un garçon vint avec un plateau de thé. Il s’en offrit un verre pour une livre. Il demanda l’heure au garçon, en turc. Il était dix heures.
Le bac accosta. Le panneau au-dessus du guichet annonçait BUYUK ADA. Puis le bac s’éloigna du quai.
Le receveur vint lui réclamer son billet. Il tendit une coupure de dix livres en disant : « Istanbul. »
Le receveur hocha la tête, ce qui signifiait non.
« Yok.
— Non ? Alors, combien ? Kaç para ?
— Yok Istanbul… Yalova. »
L’employé prit l’argent et rendit en échange huit livres et un billet pour Yalova, sur la côte asiatique.
Il avait embarqué sur un bac qui allait dans la direction opposée. Il ne rentrait pas à Istanbul, il allait à Yalova.
Il expliqua, d’abord dans un anglais lent et précis, puis en un turc désespérément haché, qu’il ne pouvait pas se rendre à Yalova, que c’était impossible. Il montra son billet d’avion, soulignant l’heure de départ, huit heures, mais il ne put se rappeler le mot turc pour dire « demain ». Même dans son désespoir il avait conscience de la futilité de ses efforts : de Buyuk Ada à Yalova, il n’y avait plus d’arrêt, et il n’y aurait plus de bacs pour regagner Istanbul cette même nuit. Une fois à Yalova, il Fui faudrait quitter le bateau.
Une femme et un garçonnet se tenaient au bout de l’appontement de bois, au pied d’un cône de lumière neigeuse. Les ampoules étaient éteintes sur le pont moyen du bac. L’homme qui était resté si longtemps appuyé au bastingage descendit d’un pas raide sur le quai. Il alla droit vers la femme et l’enfant. Des morceaux de papier tourbillonnaient autour de ses pieds, puis, saisis par une violente rafale, ils s’envolèrent au-dessus des eaux sombres.
L’homme adressa un signe de tête boudeur à la femme qui marmonna quelques mots rapides en turc. Alors ils se mirent en route, comme ils l’avaient si souvent fait auparavant, vers leur foyer, l’homme marchant devant, suivi à quelques pas par sa femme et son fils, en empruntant le chemin qui longeait la côte.
Traduit par Bruno Martin.
The Asian Shore.
© Thomas M. Disch, 1970.
© Casterman, 1973, pour la traduction. Extrait de Espaces inhabitables, tome 2.