À LA CROISÉE

Christopher Cerasi

8 ap. BY

Chronologie

À la croisée est une nouvelle parue sur internet en août 2008 dans la section Hyperspace du site officiel www.starwars.com. Elle est écrite par Christopher Cerasi, ancien responsable d’édition chez Lucasbooks.

L’histoire se déroule en l’an 8 après la Bataille de Yavin, trois mois avant les événements relatés dans le roman Le mariage de la Princesse Leia, de Dave Wolverton. Cette nouvelle nous raconte les impressions de Leia suite à sa première rencontre avec la Reine Mère Ta’a Chume, lors d’une mission diplomatique sur Hapès. Ses pensées errent alors entre son fort désir de retrouver Han et Luke et le trouble laissé par les sous-entendus mystérieux de la Reine Mère de Hapès.

Titre original : Crossroads

 

La Princesse Leia Organa n’arrivait pas à trouver le sommeil. Après plusieurs heures passées à s’agiter et à se tourner dans son lit, elle décida de se lever et d’utiliser ce temps perdu de manière constructive. Depuis qu’elle avait quitté l’Amas de Hapès cinq heures standard auparavant, elle n’avait toujours pas réussi à calmer son esprit et se sentait toujours aussi accablée par tout ce qu’elle avait pu voir et discuter avec Ta’a Chume, la redoutable Reine Mère hapienne.

Leia s’était rendue sur Hapès sur ordre de Mon Mothma et des autres chefs du conseil afin d’obtenir une aide militaire pour la bataille engagée par la Nouvelle République contre le Seigneur de Guerre Impérial renégat Zsinj. Les Hapiens, d’habitude assez reclus et confidentiels, avaient fait le geste inédit d’inviter un représentant de la Nouvelle République à visiter chacune des soixante-trois planètes habitées de l’Amas, et Leia avait été choisie à l’unanimité pour cette tâche diplomatique intimidante. Mon Mothma avait rapidement montré que les compétences diplomatiques de Leia étant de loin les plus rodées, et de par sa compassion légendaire, elle constituait le choix le plus logique. En temps normal, Leia aurait tenté de refuser une mission qui l’éloignait autant de chez elle et de ses êtres les plus chers, mais étant donné que Han et Luke étaient tous deux pris dans des affectations à long terme et ne seraient pas de retour de si tôt, elle avait accepté de représenter la Nouvelle République sur Hapès.

Elle se servit un verre d’eau et arpenta la pièce centrale de sa cabine privée. Ses quartiers à bord du destroyer Rêve Rebelle étaient spacieux et élégants, mais ce soir-là Leia se sentait à l’étroit et en ébullition. Elle avait dû rester à bord de ce navire la quasi-totalité du temps passé dans l’Amas de Hapès au cours de ces nombreuses semaines, et il lui tardait de retourner sur Coruscant. Là-bas elle pouvait réfléchir et bouger, et c’était aussi là-bas qu’elle retrouverait enfin Han.

Han. Cela faisait bientôt deux mois qu’elle avait dit au revoir à son cher pirate de l’espace, et il lui manquait terriblement. Toujours général dans l’armée de la Nouvelle République, il n’avait cessé de traquer Zsinj dans l’espoir de mettre fin à son règne de terreur. Bien qu’il ait essayé de la contacter aussi souvent que possible, cela n’avait pas été assez pour l’un comme pour l’autre. Leurs communications se faisaient en général à la hâte et sans le moindre romantisme, mais la guerre ne laissait pas vraiment de place à la romance. Leia essayait de s’en souvenir à chaque fois qu’elle se sentait seule, ce qui s’avérait être assez souvent ces temps-ci.

Elle redirigea ses pensées vers sa mission dans l’Amas de Hapès. D’une façon assez frustrante, Leia n’arrivait pas à savoir si la mission avait été un succès ou pas, étant donné que les Hapiens et leur Reine Mère étaient restés complètement insondables et très évasifs. Après des semaines de réunions diplomatiques, de réceptions, de dîners et de cérémonies, Leia ne parvenait toujours pas à bien cerner la Reine Mère. Quand Leia quitta Hapès, Ta’a Chume lui dit simplement qu’elles seraient amenées à se revoir bientôt. Et c’était tout.

Hapès en soi avait été un rêve. Dès la minute où sa navette avait touché le sol, qu’elle avait humé l’air frais et odorant de cette planète luxuriante et senti la douce bise sur ses joues, elle avait compris pourquoi les Hapiens chérissaient tant leur monde. Il était en même temps si étranger et pourtant si familier. Elle se sentait comme sur Alderaan. Elle se sentait à la maison. Et cela la rendait encore plus mélancolique qu’elle ne l’était déjà. Alors que la Reine Mère Ta’a Chume l’accueillait chaleureusement et la conduisait à travers une verte pelouse vers quelques rafraîchissements artistiquement déposés, Leia avait eu un flash d’un possible futur où elle et Han vivaient ensemble sur ce monde, et cela la remplit d’un tel désir qu’elle crut que son cœur allait exploser. Lorsque la Reine Mère fit signe à Leia de s’asseoir en face d’elle, elle se força à refouler ses sentiments et à se concentrer sur sa tâche présente.

— Vous avez conscience que si l’on vous accorde un support militaire et financier, nous attendrons quelque chose en retour, dit Ta’a Chume en abandonnant toute langue de bois.

Leia cacha sa surprise face au caractère direct de ce discours. Elle fit son meilleur sourire diplomatique à Ta’a Chume en lui répondant.

— Bien sûr. Nous ne prétendrions pas penser autrement. Hapès et ses citoyens constitueraient des membres à part entière de la Nouvelle République, et bénéficieraient de tous les avantages que cela implique, politiques et autres.

— Oui, bien sûr, Princesse. Mais vous m’avez mal comprise. Nous attendrions quelque chose de vous personnellement.

Cette fois Leia ne put masquer sa surprise. Elle se ressaisit et reposa délicatement sa tasse de thé sur sa fragile soucoupe.

— De moi ? Pardonnez-moi, votre majesté, mais je ne suis qu’une ambassadrice. Je ne vois pas ce que je pourrais bien…

Ta’a Chume la coupa net.

— Vous êtes celle qui nous impressionne, Princesse. Votre réputation et votre force ont été maintes fois prouvées et plus que justifiées au cours de ce voyage. Comme vous avez pu le constater lors de votre séjour parmi nous, nous sommes une société qui estime la force de ses femmes plus que toute autre chose. J’ai remarqué cette même force en vous, et c’est pourquoi je vais considérer cela avec une attention particulière. Votre Nouvelle République devrait être reconnaissante d’avoir quelqu’un d’aussi solide. Quelqu’un qui puisse les guider vers des jours meilleurs. Je vais délibérer de tout ceci avec mon conseil, puis nous vous recontacterons dès que nous aurons pris notre décision.

— Merci, votre majesté, répondit Leia tout en essayant d’obtenir une réponse définitive de Ta’a Chume.

Le sentiment d’angoisse dans le ventre de Leia lui signifiait qu’elle savait déjà que la Reine Mère n’en lâcherait pas plus, et que sa longue mission touchait à sa fin.

— J’espère que ce seront de bonnes nouvelles, et qu’elles arriveront au plus tôt.

Si la dernière tentative de Leia n’échappa pas à la Reine Mère, elle n’en donna aucune indication verbale ou gestuelle. Ta’a Chume lui sourit énigmatiquement tout en faisant signe à un serveur de rafraîchir le thé de Leia.

— Vous devez absolument vous joindre à nous pour un dernier repas avant de vous en retourner vers Coruscant et votre Nouvelle République. Je suis sûre que vous devez terriblement languir votre peuple.

Leia passa le reste de la journée à faire le tour des endroits de Hapès qu’elle n’avait pas vus au cours de sa visite initiale. Au moment où Ta’a Chume la laissa seule pour qu’elle puisse se changer pour le dîner, Leia se sentit soudainement exténuée et mélancolique. Elle ne parvint pas à se redonner de l’entrain pendant le long dîner élaboré qu’elle partagea avec Ta’a Chume. Après avoir dit au revoir à ses hôtes et être montée dans la navette, elle resta perdue dans ses tristes pensées. Elle s’était dirigée directement vers ses appartements et avait demandé à ne pas être dérangée afin d’essayer d’évacuer sa fatigue et sa tristesse par un sommeil réparateur.

À présent, alors qu’elle se tenait debout à regarder la mer d’étoiles qui semblait s’étirer à l’infini derrière le hublot, ce qui la rongeait plus que le renvoi abrupt de Ta’a Chume et son absence frustrante de réponse, plus encore que les forces armées de Zsinj, était le fait que la vie après la défaite de l’Empereur était loin de ce qu’elle avait espéré et voulu qu’elle soit. Elle, Han et Luke se retrouvaient continuellement aux premières lignes, d’escarmouche en escarmouche, bataille après bataille. Les choses n’étaient-elles pas censées se calmer après Endor ? Leia voulait trouver du temps à passer avec Luke, pour apprendre à connaître le frère qu’elle s’était récemment découvert, malgré le fait qu’ils se connaissaient maintenant depuis des années. C’était encore nouveau et incroyable pour elle, mais ces derniers temps Luke était sans cesse par monts et par vaux dans sa quête continuelle de nouveaux Jedi. Et Han ?

Elle aurait dû passer plus de temps avec Han, et non pas moins. La défaite de l’Empire était censée leur avoir amené la paix et le calme dont ils avaient tant besoin, une chance pour eux d’être ensemble, après avoir été séparés tous ces longs mois quand Han était congelé dans la carbonite et trônait cruellement sur le mur du palais de Jabba. Au lieu de cela les réunions, les entraînements et les missions les séparaient constamment, et à présent il y avait cette fichue guerre contre Zsinj. Ce n’était pas ce qu’elle avait voulu pour eux, absolument pas. Elle se sentait égoïste de penser ainsi. Une petite partie d’elle n’en avait que faire, mais elle savait que le devoir passait toujours en premier, et elle en second. C’était de cette manière qu’elle avait été éduquée, et c’était ce qu’elle et les autres, elle le savait, attendaient d’elle.

Mais elle ne pouvait ignorer cette infime partie d’elle-même qui désirait seulement retrouver Han et s’enfuir avec lui. Abandonner les affaires du gouvernement et de la diplomatie et, pour lui, laisser tomber ses carrières de contrebandier et de militaire. Elle voulait qu’ils débutent une nouvelle vie ensemble, qu’ils soient juste tous les deux, sans être dérangés.

Mais cela était pure fantaisie, et elle vivait dans la réalité. Parfois, elle détestait la réalité. Et d’autres fois elle arrivait à l’accepter et à s’en accommoder pour faire de son mieux. Elle soupira et décida d’essayer un dernier acte de diplomatie. Elle se dirigea vers l’unité de communication de sa suite, et après quelques secondes, le capitaine du vaisseau lui répondit.

— Oui, Votre Grandeur ?

— Capitaine Carhill, pouvez-vous essayer d’établir un contact avec le Général Solo, je vous prie ?

— Tout de suite, Princesse.

En attendant d’être connectée avec Han, Leia se fustigea de s’apitoyer ainsi sur son propre sort et se résolut à occuper son temps au mieux jusqu’à ce que Han revienne de cette guerre. Elle se renseignerait également sur la date prévue pour le retour de Luke de sa dernière mission afin d’essayer de prendre du temps tous les deux, comme une vraie famille.

Il y avait tant de choses qu’elle souhaitait dire à Han, partager avec lui. Elle voulait qu’ils se rapprochent à nouveau tous les deux, qu’ils se retrouvent après tant d’éloignement. Il lui arrivait de penser qu’il n’y avait personne dans la galaxie qui la comprenait aussi bien que lui ; pas même son propre frère.

La sonnerie de l’unité de communication ramena Leia à la réalité et, avec un sourire, elle s’apprêta à entendre la voix de Han. Elle sentit qu’il lui avait manqué plus que jamais dernièrement, et il lui tardait de lui parler de sa mission sur Hapès et de lui dire combien il aimerait la planète, combien elle lui avait rappelé Alderaan.

Mais ce fut la voix du Capitaine Carhill qui s’adressa à elle à la place.

— Je suis désolé, Votre Grandeur, mais nous n’avons pas pu joindre le Général Solo. Il est soit hors de portée, soit engagé dans une autre conversation. Nous avons reçu des rapports stipulant que les combats sur les lignes de front avaient été intenses, cela en est peut-être la raison. Dois-je essayer à nouveau ?

— Non. Non, merci Capitaine. Merci quand même.

— Pas de problème, votre Grandeur. Bonne nuit.

Leia se déconnecta et resta debout devant l’unité de communication pendant quelques secondes, maudissant entre ses dents. Elle revint vers sa chambre en quelques pas et s’écroula sur le canapé, accablée. Elle décida de faire quelque chose qu’elle n’avait pas eu le luxe de pouvoir faire depuis des semaines, voire des mois. Elle décida de laisser enfin libre cours à ses sentiments. Des vagues de tristesse et de frustration la submergèrent et la Princesse Leia Organa se mit à pleurer. Elle ne put s’arrêter avant un long moment.