CHAPITRE XX
 
La chambre secrète

 

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LES QUATRE ENFANTS avaient entendu la voiture arriver et M. Bertaud entrer dans la maison. François s’approcha de la porte de la cuisine, dans l’espoir d’en apprendre davantage. Si M. Bertaud était revenu, cela signifiait que Richard avait rempli sa mission et s’était échappé... ou bien qu’il avait été découvert et ramené à la taverne de la Chouette.

François entendit la conversation agitée qui se déroulait dans le hall. Chic ! Richard avait réussi ! Il ne faudrait certainement pas longtemps pour que les gendarmes arrivent, et que de choses surprenantes ils découvriraient ! Lorsque les hommes furent entrés dans le salon, François s’avança dans le hall. Quels étaient leurs plans ? Le jeune garçon espérait qu’ils ne se vengeraient pas sur ses compagnons et sur lui-même. Évidemment, il y avait Dagobert, mais en cas de danger, Julot n’hésiterait pas à tuer le chien d’une balle de revolver.

François tendit l’oreille pour entendre ce que les trois hommes disaient et ce qu’il apprit l’inquiéta.

« Je vais commencer par flanquer une correction à tous ces gosses, grommelait Julot. Le grand... comment s’appelle-t-il ? François... c’est lui qui a dû préparer l’évasion de Richard. Je vais lui faire regretter ça !

— Et les diams, Julot ? dit la voix d’un autre homme. Il faudrait les mettre en sûreté avant l’arrivée des gendarmes.

— Oh ! Il faudra un certain temps aux gendarmes pour s’apercevoir qu’ils ne peuvent pas ouvrir le portail, dit Julot. Et il leur faudra également du temps pour sauter le mur. Nous allons mettre les diams dans la chambre où est Vannier. S’il est en sûreté, la marchandise le sera aussi. »

« Les diams..., songea François, tout excité. C’est-à-dire les diamants. Ainsi, il y en a de cachés ici ? Par exemple. »

« Allez les chercher, ordonna M. Bertaud, et mettez-les dans la chambre secrète. Dépêchez-vous, Julot. Les gendarmes vont arriver d’une minute à l’autre.

— Nous allons leur raconter une blague quelconque au sujet de ce gosse, Richard, et de ses amis, dit une quatrième voix. Nous dirons qu’ils sont entrés dans le parc sans permission et que nous les avons gardés ici pour leur donner une, leçon. Je crois cependant qu’on ferait mieux de les relâcher. Après tout, ils ne savent rien. Ils ne pourront pas révéler nos secrets. »

Mais Julot ne voulait pas laisser partir les enfants. Il tenait à se venger sur eux. Cependant, les autres finirent par le convaincre.

« Bon, bon, dit-il, d’un ton maussade, laissez-les partir, alors... s’il est encore temps. Ils seront sans doute trop heureux de retrouver leur liberté et ils se perdront dans la campagne, du moins, je l’espère.

— Allez chercher les diamants et mettez-les en sûreté », dit M. Bertaud. François, l’entendant se lever de sa chaise, battit vivement en retraite dans la cuisine.

François se dit que, si M. Bertaud les obligeait à s’en aller, lui et ses compagnons attendraient près du portail l’arrivée de la police. Ils ne se mettraient pas à vagabonder dans la campagne, pour s’y égarer, comme l’espérait Julot !

M. Bertaud entra dans la cuisine et considéra en silence les quatre enfants. Dago se mit à grogner.

« Ainsi, vous avez ourdi un petit complot pour faire évader Richard ? dit-il. Eh bien, nous allons vous mettre tous dehors... et vous vous perdrez probablement dans cette campagne déserte. Ça vous apprendra ! »

Personne ne répondit. M. Bertaud voulut donner une gifle à François, mais celui-ci s’écarta à temps. Dagobert chercha à se précipiter sur son ennemi. Heureusement pour M. Bertaud que Claude tenait son chien par le collier !

« Si ce chien était resté un jour de plus ici, je l’aurais tué, dit-il. Allez, venez tous.

— Au revoir, Margot », dit Annie. Margot et La Bosse regardèrent s’éloigner les enfants dans le parc sombre. Margot poussa un soupir, mais La Bosse cracha par terre en proférant une insulte.

Les enfants étaient à mi-chemin de l’allée lorsqu’ils entendirent le bruit de plusieurs voitures qui se dirigeaient à toute allure vers la maison. Deux voitures rapides et puissantes, aux phares éblouissants. Les gendarmes, sans aucun doute ! M. Bertaud s’arrêta, puis il repoussa les enfants vers la maison.

« Faites attention à Julot, dit-il. Quand il a peur, il est comme fou... et il doit avoir peur, en ce moment, avec les gendarmes qui vont essayer d’enfoncer le portail ! »

François et les autres revinrent dans la cuisine, espérant ne pas y trouver Julot. La pièce était vide : Margot et La Bosse étaient partis. M. Bertaud resta dans le hall.

« Avez-vous mis les diams à l’abri ? » demanda-t-il, et une voix lui répondit :

« Oui. Vannier les a avec lui. Est-ce que les gosses sont partis ?

— Non... mais les gendarmes sont arrivés », grommela M. Bertaud.

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Dagobert chercha à se précipiter sur son ennemi.

Quelqu’un — Julot sans doute — poussa un hurlement.

« Déjà ! Si j’avais ce Richard sous la main, je l’écorcherais vif. Attendez que j’aie brûlé quelques papiers que la police ne doit pas trouver, et puis je vais aller voir ces gosses. Je veux me venger sur eux.

— Ne faites pas l’imbécile, Julot, dit la voix de M. Bertaud. Voulez-vous avoir de nouveaux ennuis à cause de votre mauvais caractère ? Laissez ces enfants tranquilles. »

François, qui entendait cette conversation, se sentait mal à l’aise. Il fallait que les autres se cachent. Même Dagobert ne servirait pas à grand-chose si Julot était armé. Mais où pourraient-ils se cacher ?

« Julot va fouiller la maison de fond en comble s’il a vraiment décidé de se venger sur nous, pensa François. Quel dommage qu’il n’y ait pas une autre chambre secrète où nous puissions nous réfugier ! »

Mais même s’il y en avait une autre, il ignorait où elle était. Il entendit Julot monter l’escalier. C’était le moment de chercher une cachette. Mais, où ?

Une idée vint à l’esprit de François. Était-elle bonne ? Était-elle mauvaise ? Il n’en savait rien.

Il décida néanmoins de la mettre à exécution. Il se tourna vers ses compagnons. « Il faut que nous nous cachions, dit-il. Julot me paraît dangereux.

— Mais où nous cacher ? demanda Annie d’une voix tremblante.

— Dans la chambre secrète ! » répondit François. Tous le regardèrent avec stupéfaction.

« Mais... mais il y a déjà quelqu’un dedans, tu nous l’as dit hier soir, fit observer Claude.

— Je sais. On n’y peut rien. Cet homme sera le dernier à nous dénoncer, si nous partageons sa cachette : il ne tiendra pas à ce qu’on le découvre lui-même, dit François. Nous serons plutôt serrés dans cette chambre, car elle est toute petite. Mais c’est l’endroit le plus sûr que nous puissions trouver.

— Dago doit venir avec nous », dit fermement Claude. François inclina la tête.

« Bien sûr ! Nous aurons besoin de lui pour nous protéger contre l’homme caché dans cette chambre, car il sera probablement furieux que nous venions le déranger. Une fois dans la cachette, nous serons en sûreté : Dagobert tiendra l’homme en respect. Il n’appellera pas à l’aide, car nous l’aviserons que la police est là.

— Très bien, dit Mick. Allons-y. La voie est libre ?

— Oui. Ils sont tous en haut, en train de détruire ou de cacher des choses qu’ils ne veulent pas que les gendarmes trouvent. Venez. »

La Bosse et Margot demeuraient invisibles. Ils avaient probablement pris peur et s’étaient réfugiés quelque-part. François et les enfants se dirigèrent silencieusement vers la pièce qui servait d’atelier et de bibliothèque. Là, François enleva rapidement les livres d’un des rayons, tandis que les autres le regardaient faire, sans mot dire. Il avança la main pour trouver la poignée.

Elle était bien là ! Il tira dessus et le panneau du fond glissa silencieusement vers le bas, laissant une large ouverture qui donnait sur la chambre secrète.

Les enfants restèrent bouche bée. Comme tout cela était bizarre, extraordinaire ! Ils regardèrent par l’ouverture et aperçurent la petite pièce éclairée par une seule bougie. Ils virent aussi l’homme caché là, qui les vit à son tour et les considéra d’un air stupéfait.

« Qui êtes-vous ? demanda-t-il d’une voix menaçante. Qui vous a dit d’ouvrir ce panneau ? Où sont Julot et Bertaud ?

— Nous venons partager votre cachette, dit tranquillement François. Ne bougez pas. »

Il aida Claude à entrer la première dans la chambre et Dago la suivit immédiatement. L’homme s’était levé. C’était un individu gros et grand, aux petits yeux rapprochés et à la bouche cruelle.

« Mais, dites donc..., commença-t-il d’une voix sonore, qu’est-ce que cela signifie ? Où est Bertaud ? Eh, Ber...

— Si vous appelez, je lance le chien contre vous ! » dit Claude sur un signe de François. Dagobert se mit à gronder si férocement que l’homme recula d’un pas.

« Je... je... », balbutia-t-il. Dago gronda de nouveau, découvrant ses crocs magnifiques. L’homme grimpa sur son lit, furieux et ébahi. Mick sauta à son tour dans la chambre, puis enfin Annie. La petite chambre n’était guère confortable pour tant de monde.

« Ecoutez, dit François, se rappelant brusquement quelque chose, il faut que je reste à l’extérieur parce que je dois remettre les livres en place. Sinon Julot va s’apercevoir que le rayon est vide et deviner que nous sommes cachés dans la chambre, secrète. Et alors, nous serons à sa merci.

— Oh ! François, viens avec nous ! dit Annie, inquiète.

— Je ne peux pas, Annie. Il faut que je remette les livres en place, dit François. Je ne veux pas risquer de laisser cette brute de Julot vous découvrir avant que la police ait mis la main sur lui. Ne vous inquiétez pas pour moi.

— La police ? murmura l’homme, les yeux hors de la tête. La police est là ?

— Devant le portail, dit François. Alors, vous avez tout intérêt à ne pas vous faire repérer. »

Il tourna la poignée et le panneau se releva silencieusement. François remit aussi vite qu’il le put les livres sur le rayon de la bibliothèque. Puis il sortit de la pièce, avant que personne ne se doute de ce qu’il était allé y faire. C’était une vraie chance que Julot lui ait donné le temps de cacher ses compagnons.

Mais où allait-il se cacher lui-même ? Combien de temps faudrait-il aux gendarmes pour enfoncer le portail, ou franchir le mur d’enceinte ?

Il entendit des bruits de pas qui descendaient l’escalier. C’était Julot qui, tout de suite, aperçut François.

« Ah ! vous voilà, vous ! Où sont les autres ? Je vais vous montrer ce qui arrive aux gens qui se mettent en travers de mes plans ! Je vais vous montrer... »

Julot tenait un fouet à la main et semblait hors de lui. François prit peur et courut vers la bibliothèque, où il s’enferma à clef. Julot commença à marteler la porte, avec tant de violence que François pensa qu’il se servait d’une chaise pour frapper. La porte ne résisterait certainement pas longtemps !