Judith MERRIL

LES SOUHAITS AUX ÉTOILES

Lorsque l’homme réalisera des astronefs-cités voyageant d’un système solaire à l’autre et à bord desquels se succéderont les générations de passagers, un problème précédemment mentionné gagnera en importance : le rapport des populations des deux sexes. Pour assurer une descendance aux partants, pour garantir un nombre suffisant de colons sur la planète d’arrivée, l’astronef sera commandé par des femmes, et celles-ci seront plus nombreuses à bord que les hommes : tel est du moins le postulat sur lequel se fonde le récit suivant, où la maturation d’une personnalité figure au centre de l’action.

 

"JE voudrais, je voudrais, je voudrais..."

J. Sheik était assis à l’ombre d’un buisson à larges feuilles, la tête renversée, les yeux clos pour éviter d’être ébloui par l’éclat des ultra, la bouche ouverte en une protestation qu’il n’osait pas crier.

Il rejeta pensée et cri, et se renversa brusquement en arrière, prenant appui sur ses bras raidis. Ramenant les chevilles sous ses genoux pliés, il étira ses muscles dorsaux et les longs faisceaux de ses cuisses; se soulevant du sol, il transféra dans son corps la tension de son esprit, et resta ainsi suspendu, arc-bouté des épaules aux genoux, les mains et les pieds comme enracinés. Pleinement concentré dans son effort physique, il se tint si immobile que le sang se mit à battre dans sa gorge et que ses membres tremblaient sans qu’il pût les en empêcher. Puis dans un dernier sursaut de volonté, il se retourna et s’allongea à plat ventre, posant la joue sur la douceur du sol granuleux qui formait le terreau des plantes. À chacune de ses profondes inspirations, ses narines s’emplissaient de l’arôme riche, doux et humide des racines.

Il se sentit en paix pendant un court moment puis, de nouveau pensa : "Je voudrais, je voudrais, je voudrais..."

Ses yeux s’embuèrent. Rageur, il s’assit et écrasa de la main ses larmes. Il était trop grand pour pleurer. Cela ne l’aiderait en rien. Il était trop grand pour perdre ainsi son temps à ne rien faire, ou à souhaiter des absurdités. Assez vieux pour être indifférent à ce que faisait ou disait Noémi... mais pas encore assez âgé (ou assez sage ?) pour apprendre à ne rien lui dire, lui.

Elle l’avait écouté si humblement, regardé si tranquillement, tandis qu’il rafistolait les racines qu’elle avait brisées, rapprochant - comme ceci - les morceaux séparés, tassant le sol - comme cela - autour des fibres, et expliquant tout en travaillant pourquoi il agissait ainsi. Il s’était laissé prendre à son silence; tout cela était sa faute, à lui. Il aurait dû le savoir...

Quand il eut terminé, elle avait souri, très gentiment.

"C’est vraiment rassurant, avait-elle dit, de penser que tu seras ici, Sheik, quand ce sera moi qui commanderai. Tu es tellement capable." Après un rapide regard au chrono, qu’elle avait dû épier sans arrêt du coin de l’œil, sinon la synchronisation de son geste n’aurait pas été aussi parfaite, elle avait ajouté : "Oh ! Oh ! Il faut que je file ! Je vais être en retard à la Session..." Et, lui faisant un petit signe de sa main immaculée, elle s’était éclipsée, le laissant se rendre compte, son plantoir à la main, qu’il venait tout simplement d’exécuter à sa place son travail à elle.

Ce n’était pas juste. Noémi avait douze ans et demi, un an de moins que lui. Au Cours normal, elle était moins forte que lui dans presque toutes les matières; et jamais, aussi longtemps qu’elle vivrait, elle ne saurait aussi bien que lui s’occuper d’une plante, la nourrir et la comprendre. Pourtant c’est elle qui suivait maintenant les cours des Sessions spéciales, apprenant les choses qu’il aurait aimé connaître. C’est à elle qu’on faisait lire les livres qu’il voulait lire, même si elle ne s’y intéressait pas; c’est elle qu’on faisait étudier au labo, lui enseignant les arcanes et les difficultés du Bichem Supérieur. Tandis que lui, Toshiko, continuait et continuerait, jour après jour, à travailler avec son plantoir, exécutant les caprices de Noémi aujourd’hui, et plus tard - bien plus tard, lorsqu’il remplacerait Abdur, le responsable des plantes - exécutant ses ordres, tout comme Ab exécutait ceux du lieutenant Johnson.

Ce n’était pas juste !

"Je voudrais, je voudrais être..."

Il se força brutalement à abandonner cette pensée. Jamais plus il ne penserait ainsi. Au contraire, il songea : "Je voudrais que Sarah soit ici." Peut-être que, ce soir, elle lui demanderait de nouveau. Il serait de service à la nurserie, mais en le disant à Bob... c’est-à-dire, si elle lui demandait... eh bien, si elle lui demandait, il se débrouillerait pour ne pas être de service...

Sans même fermer les yeux, il put la voir là, comme elle était la veille au soir, étendue sur le sol, ses longues jambes brillantes dorées par les rayons ultra, son visage d’un brun foncé à l’ombre du buisson touffu, et pourtant doré lui aussi, il ne savait pourquoi. Ses yeux étaient fermés et sa main, polie et fraîche, douce et petite, reposait dans la sienne tandis qu’il la contemplait avec une chaude et parfaite camaraderie.

Pendant presque une heure, ils avaient à peine remué ou parlé : ils restaient simplement là, dans l’ombre intime, partageant ce qui avait appartenu à lui seul, songeant et rêvant en silence, mais pas du tout séparément.

Rien de ce qu’avait fait ou dit Noémi ne devait plus le toucher maintenant, car le sort lui avait accordé cette chose extraordinaire : un endroit, et une signification à partager avec Sarah. Auparavant, il n’avait jamais parlé des ombres à quiconque - ni de ce qu’il éprouvait à leur égard (à personne sauf Ab, bien sûr, mais là c’était différent; Ab savait). Naturellement elle les avait vues presque chaque jour de sa vie, comme tout le monde dans le vaisseau. Les enfants de la nurserie passaient, chaque jour, au moins une heure sous la coque, pour s’exposer aux ultra en prenant de l’exercice, en plus de leur Bichem élémentaire. Quand ils commençaient les Cours normaux, ils devaient passer chaque jour une demi-heure de récréation sous les lampes. Mais ils venaient pour la lumière. Les ombres étaient le domaine de Sheik.

 

*

**

 

Quand il avait été assez âgé pour être autorisé à se promener seul, il avait commencé à descendre sous la coque chaque fois qu’il le pouvait; les ombres l’attiraient. Plus tard les plantes avaient pris aussi de l’importance, et il savait dorénavant qu’elles seraient son travail toute la vie. C’était bien ainsi, c’était même parfait puisque les ombres faisaient partie des plantes.

Nulle part ailleurs, dans tout le vaisseau, il n’y avait rien de semblable. De temps à autre, l’éclairage au sol ou les cloisons lumineuses de la salle à manger ou des salles de classe faiblissaient et, pendant un court moment, la diffusion était déformée, et seules des masses sombres désignaient les gens en mouvement.

Mais ici seulement, où les épaisses racines garnissaient toute la paroi interne de la coque, où il n’y avait que des poutrelles au lieu de cloisons, ici seulement on trouvait de vraies ombres sous les plantes, des ombres immobiles, permanentes et précises.

Les ultra ne faiblissaient jamais. Sheik se disait qu’ils brillaient avec la même fixité de temps et de dessein que les têtes d’épingles des étoiles sur le fond de velours noir, à l’écran du promenoir. Et, au centre de ce buisson où il se tenait actuellement, il y avait un endroit profond où les plantes les plus vieilles, les plus hautes, étaient si serrées que la lumière n’y pouvait pénétrer; il y faisait sombre, noir; c’était presque aussi noir que l’espace entre les étoiles : comme doit être la nuit sur une planète, pensait-il.

Et cet endroit où il avait amené Sarah, c’était - selon la position de la tête - la "nuit" planétaire sous la lune, le "crépuscule", le "matin", l’"après-midi"... rien que des mots livresques mais qui prenaient une signification ici, où les feuilles et les lampes produisaient une infinité de variations d’ombre, et des combinaisons de noir, gris, vert, brun et or.

Il n’avait jamais dit tout cela à personne. Ni à Abdur, ni même à Sarah. Mais si elle lui demandait encore de l’amener ici, pensa-t-il, il pourrait le lui dire; elle comprendrait vraiment.

Il s’assit tout à coup, un léger bruit ayant répondu à sa prière muette. Sarah ?

Deux touffes s’écartèrent doucement et un petit visage rond et brun l’examina.

"Que fais-tu ici en ce moment ?" demanda Sheik.

Comment ce sale gosse l’avait-il trouvé ?

"J’leur avais dit que je te trouverais, fit Hari triomphant. J’leur avais dit. Dépêche-toi. Ab est en colère. Il faut qu’il s’occupe d’une mu... mu-ta-tion." Il prononça laborieusement ce mot nouveau. "Et tu dois t’occuper de nous pendant ce temps-là."

Sheik se releva. Déjà le cours à la nurserie ? Il était si tard ? Il avait passé la moitié de l’après-midi à ne rien faire, à rêvasser... Ab devait être en colère, en effet.

"Tu nous avais oubliés", dit Hari.

Non; il avait seulement oublié l’heure.

"Viens, microbe, dit-il, bourru, à Harendra. Monte là-dessus si tu veux qu’on se dépêche." Il s’accroupit et Hari grimpa sur ses épaules - le traitement de faveur... pour se faire pardonner d’avoir paru les oublier. Il s’élança vers l’atelier d’Abdur.

Harendra avait maintenant trois ans, presque quatre, mais il était encore le favori de Toshiko dans la nurserie. Il avait été le premier bébé confié totalement à Sheik; et quelquefois il n’était même pas sûr de l’identité de son père : Abdur ou Sheik. En tout cas cela ne lui importait guère; il les aimait tous deux avec la même intensité sauvage. Et cela le peinait qu’Ab fût fâché envers Sheik.

Ces jours derniers, Abdur avait passé tout son temps à lutter pour sauver une espèce de graines mutantes fabriquée dans le labo Bichem. C’était une lentille à forte protéine, d’un goût nouveau, mais quelque carence mystérieuse dans l’engrais des racines l’obligeait à soigner tout particulièrement chaque plant, pendant que les techniciens du labo essayaient de trouver la cause de cette perturbation.

Sheik était fasciné par la patiente habileté avec laquelle Abdur soignait les jeunes plants délicats. Il se dit que les petits enfants seraient intéressés par l’inhabituel jaune lumineux des feuilles malades.

Avec une satisfaction évidente, Abdur permit aux enfants de voir la travée des plantes malades. Il ne tança Sheik que brièvement et sans conviction pour son retard, et partit immédiatement vers ses plants, traversant le vaisseau par le centre de séjour pour atteindre sans délai l’autre côté de la coque. Toshiko entraîna son groupe de six par le chemin qui faisait le grand tour, répondant machinalement aux questions inévitables à chaque pas : pourquoi cette plante était-elle plus haute, pourquoi celle-ci plus épaisse, cette feuille d’un vert plus sombre ou d’une forme différente ? Pour la plupart des adultes à bord, les longues rangées de plantes couvrant la surface entière de la coque étaient monotones et presque identiques. Mais Abdur savait qu’il n’en était pas ainsi; Sheik aussi; et les enfants de la nurserie remarquaient quelquefois des choses que Toshiko lui-même n’avait pas vues.

Mais cette fois il ne voulait pas s’arrêter à chaque plante. La visite était déjà assez lente avec leurs courtes jambes, et il les fit passer sans s’attarder devant des endroits où il aurait pu normalement leur montrer des nouveautés ou des modifications. C’est alors que Dena, la petite Dena avec ses fossettes, âgée de deux ans à peine, et qui (selon l’opinion de Sheik) n’aurait pas dû suivre déjà les cours de la nurserie, s’assit par terre et refusa de bouger.

Toshiko se baissa pour la prendre. Il la porterait, plutôt que de perdre son temps à tenter de la décider. Mais elle montra une racine, mal formée et qui poussait de travers, et arrêta complètement la marche en avant en émettant une question à moitié incompréhensible mais très intéressée.

Eh bien il s’était trompé... elle était assez âgée. Sheik s’assit près d’elle et se mit au travail, étudiant soigneusement ses réponses, essayant de lui montrer chaque fois un mystère qui provoquerait la question suivante. Il creusa autour de la racine qui avait mal tourné et l’arrangea, faisant voir aux enfants la place des autres racines avant de remettre le terreau en place. Il montra comment la racine prend sa nourriture dans le sol et tenta de leur expliquer l’action des lampes à ultraviolets.

Hari, sur ses épaules, l’écoutait attentivement; le petit avait déjà vu tout cela, lorsque Dena était trop jeune pour s’y intéresser, mais il buvait chaque parole, chaque geste, comme si c’était la première fois pour lui aussi.

"C’est comme quand on te borde dans ton lit", fit-il soudain, offrant son propre niveau de lucidité au lieu des complications de Sheik. "Comme quand ton papa vient te border le soir, et t’embrasse, et tu te sens bien, tout au chaud partout, et après, tu grandis en dormant."

Les yeux noirs de Dena s’éclairèrent. "Je sais, dit-elle. Tous les soirs quand je dors, je grandis." Elle leva une main pour prouver la chose. "Comme ça !

- Oui, c’est ça." Hari fit un signe de tête approbateur à son élève. "Seulement il n’y a pas besoin d’éteindre la lumière pour faire dormir les plantes, parce qu’elles dorment tout le temps. Là-dessous. C’est pour ça qu’elles ne vont jamais nulle part."

Sa voix perdit un peu d’assurance sur la fin, et il regarda Toshiko, quêtant son approbation; Dena regarda aussi, cherchant une confirmation.

Sheik hésita, ne put formuler une explication plus compréhensible, et décida que Hari en avait probablement dit plus que lui-même n’eût pu le faire. Il acquiesça et leur sourit : "Maintenant on s’en va, sinon on n’aura pas le temps de voir les plantes neuves." Et tous le suivirent.

 

*

**

 

Ce soir-là, le lieutenant Johnson était de service au dîner des enfants. Elle marchait posément de l’une à l’autre des quatre tables, écoutant une bribe de conversation par-ci, répondant à une question par-là, réprimandant un enfant ailleurs, rappelant à Fritzi - onze ans; elle venait d’être nommée chef de table - de faire tenir son groupe plus tranquille.

Elle ne s’arrêtait que brièvement à la table de Sarah; l’officier de service n’avait jamais besoin de s’y arrêter, sauf pour les salutations habituelles. Sarah et Sheik avaient un groupe de sept, le plus important de tous, mais ils n’avaient jamais de difficultés. Ils formaient une très bonne combinaison, pensait Sheik; et, sachant que la même pensée traversait l’esprit de Johnson tandis qu’elle examinait leur tablée, il se rengorgea intérieurement. Il n’avait cependant pas besoin des sourires de Johnson pour être heureux ce soir. Dans le promenoir, juste avant le dîner, Sarah lui avait demandé. Dès qu’il pourrait échanger son service du soir avec un autre garçon, il devait passer la prendre et l’emmener sous la coque.

Il surprit son regard de l’autre côté de la table lorsque le lieutenant s’éloigna, et elle lui fit un clin d’œil. Il se dit avec étonnement : "Elle est aussi contente que moi ! Elle a envie aussi d’y aller !"

Quoiqu’il ne pût voir, car elle était penchée pour découper, il savait comment ses seins commençaient à se développer sous sa chemise et, bien qu’elles fussent cachées sous la table, il connaissait par cœur les longues courbes nettes de ses jambes dorées. Mécaniquement, il entassa des lentilles sur des carroraves et fit passer l’assiette, rappelant à Adolphe Leibniz que sa fourchette était faite pour être utilisée. Il répondit à une question d’Irma sans même réaliser ce qu’elle avait demandé, emplit une autre assiette, reporta les yeux sur Sarah et pensa : "Cette fois... cette fois je vais..." Il ajouta quelques légumes sur l’assiette, évitant les carroraves que l’enfant détestait... "Cette fois je..." Il leva la tête, vit de nouveau le regard de Sarah, se sentit rougir et abandonna sa pensée.

Il nageait encore dans son éblouissement lorsque le lieutenant Johnson monta à l’estrade pour conclure le repas avec la prière du soir. Sheik psalmodia les mots familiers, tout à coup empreints de signification, et, en terminant, regarda directement Sarah, chantant pour elle, elle seule : "Survis en paix !"

Le lieutenant nomma l’équipe de nettoyage, puis aussi tranquillement qu’elle eût fait une annonce anodine, elle décocha ce coup de poing à l’estomac :

"Les classes Trois et Quatre iront aux salles de jeux jusqu’à l’heure du coucher. Les filles des Sessions spéciales sont priées d’assister à une réunion du personnel dans le carré des officiers, aussitôt après le dîner des aînées."

Sarah lui lança un regard vaguement désappointé. Ses lèvres firent silencieusement : "Demain ?" Faisant semblant de ne pas avoir vu, il ne répondit pas. Demain ? Quelle différence cela lui faisait, à elle ?

Puis il fut en colère envers lui-même. Ce n’était pas la faute de Sarah. Et l’on ne pouvait lui reprocher d’être excitée par une réunion au Carré. Il fallait que ce fût quelque chose d’énorme pour nécessiter une convocation au carré des officiers. Il essaya de croiser à nouveau son regard, mais tout le monde se levait et sortait; il aperçut son dos, puis il la perdit de vue tout à fait. Sans conviction, il suivit les autres enfants au promenoir, et regarda avec eux le grand écran.

 

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Le soleil était grand maintenant; il emplissait complètement un vecteur d’un seizième. Peut-être que la réunion... ? Il n’arrivait pas à éprouver de l’intérêt. Il y avait eu beaucoup trop de fausses alertes l’an dernier, quand ils avaient commencé la décélération; rumeurs, contre-rumeurs, vagues d’excitation à propos des bandes qui sortaient des ordinateurs... C’était la planète. Non, l’atmosphère était ammoniacale, empoisonnée... Non, ce n’était qu’un soleil désert... Après tout, c’était peut-être la bonne; l’atmosphère était du type terrestre, un tiers de la masse...

Mots sans signification, pour ceux qui étaient nés à bord du Survivance; des mots sortis de bouquins. Les adultes étaient plus excités que les enfants. "Type terrestre" voulait dire quelque chose, pour eux.

Mais il y avait un an de cela et, depuis, le soleil avait grandi chaque jour sur l’écran et aucun jour n’avait apporté de vraies nouvelles, excepté qu’à un moment on avait confirmé officiellement qu’il y avait des planètes - de type encore indéterminé. Bob disait qu’il leur faudrait encore quatre ou cinq mois avant d’être assez près pour que les ordinateurs eussent des données à se mettre sous la dent.

 

*

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L’an dernier, tout au début de la décélération, Bob avait beaucoup parlé à Sheik, quand ils étaient tranquilles dans leur quartier, les petits faisant la sieste ou endormis pour la nuit. C’était en fait la première fois, depuis les années de nurserie de Toshiko, que son père et lui se rapprochaient. Depuis qu’il avait six ans, âge où on l’avait assigné à l’entraînement dans les salles des plantes, Abdur avait fini par jouer de plus en plus le rôle de père éducateur pour Sheik. Mais quand le soleil avait commencé à devenir légèrement plus éclatant sur l’écran, Bob n’avait pu contenir son agitation; il l’avait déversée sur son fils, un garçon incroyablement développé au point que, à l’époque où se ferait vraisemblablement l’atterrissage, il ferait partie des hommes.

Et quand cela arriverait, les hommes devraient travailler ensemble, avait dit Bob. Sur une planète, les choses ne seraient pas du tout comme sur un vaisseau. Pendant des semaines, Bob avait eu des réminiscences et rêvait éveillé, parlant de la Terre, des maisons, des familles et des gouvernements, du lancement du Survivance, et disant comment et pourquoi les choses étaient ainsi réglées à bord du vaisseau.

 

*

**

 

Sheik en avait appris une partie en classe; le reste, il avait été prié de l’oublier, sauf en privé. Chacun savait que le Survivance était le premier vaisseau stellaire de la Terre, une expédition de colonisation envoyée à la recherche d’une planète - s’il y en avait une - susceptible de recevoir le trop-plein des milliards de gens qui fourmillaient sur Terre. Chacun savait que le voyage pourrait prendre des années ou même des décennies; le vaisseau se suffisait entièrement à lui-même; la propulsion ionique avait permis d’emmener du combustible pour cent ans. À côté de ceux actuellement en usage, il y avait des logements qui n’avaient encore jamais été ouverts; ils seraient utiles si une troisième ou même une quatrième génération grandissait à bord.

Mais au cas où cela durerait aussi longtemps, la Terre n’en profiterait pas. Si, d’ici cinquante ans, le vaisseau ne revenait pas annoncer l’établissement d’une colonie, les ordres étaient de ne pas revenir, mais de rester et de s’établir sur la nouvelle planète.

Tout ceci était connu de chacun, ainsi qu’un fait supplémentaire : l’équipage d’origine, vingt-quatre personnes, était composé de vingt femmes et quatre hommes, pour d’évidentes raisons biologiques concernant la survie de la race.

Ce qu’on ne disait pas dans le cours, c’était pourquoi les hommes étaient des subordonnés, nullement qualifiés en astronavigation, électronique, transmissions, ou tout autre travail d’importance dans la conduite du vaisseau; ni pourquoi tous les officiers étaient des femmes. En grandissant, les enfants trouvaient normal cet état de fait; le vaisseau était, comme étaient toutes choses et comme elles avaient toujours été; les bobines de lecture qui parlaient de familles, d’animaux favoris, d’églises, de villes et de villages, de lacs et d’océans, étaient fascinantes sans aucun doute; mais la réalité, c’était le vaisseau avec ses quatre unités familiales, pères domestiques, mères énergiques, dortoirs scolaires et repas pris en commun.

Les histoires de Bob, qui parlaient d’hommes "fondant leurs propres familles" et dirigeant leurs foyers, de la suprématie du mâle dans un monde hostile, d’épouses et de maris s’épaulant l’un l’autre fidèlement, avaient intrigué d’abord Sheik, puis l’avaient passionné. Mais lorsque son père lui avait fait remarquer qu’il y avait autant de garçons que de filles parmi les enfants - fait auquel Toshiko n’avait pas réfléchi auparavant - tout ce que disait Bob avait pris une signification nouvelle.

"Alors pourquoi ont-ils mis les femmes à la tête de tout ?" avait-il demandé pour la première fois.

La réponse de Bob avait été trop incohérente, mêlée de colère et de fantastique. Plus tard, Toshiko avait posé la même question à Ab qui avait expliqué, l’air crispé, que les femmes étaient considérées comme étant plus aptes à régler les problèmes psychologiques d’un groupe en cours d’évolution et, le cas échéant, à maintenir avec patience pendant de nombreuses années le fonctionnement et la destination du vaisseau.

"Alors quand nous atterrirons... ?

- Quand nous atterrirons, nous aurons le temps d’y penser ! Qui t’a parlé de tout ça ?

- Eh bien, j’ai demandé à Bob, avait dit prudemment Sheik. Mais...

- Mais rien, avait répondu sèchement Abdur. Si tu es intelligent, Sheik, tu vas oublier ça dès maintenant. Si quelqu’un t’entend parler de ces choses, ton père aura des ennuis. Ou moi. Oublie ça."

Et il avait oublié - du moins en grande partie. Bob n’en avait jamais reparlé. Et Ab n’avait plus parlé, comme à son habitude, que de soleil, de pluie, de forêts et de jardins, de crépuscules, de coteaux et de fermes au-dehors, sur une planète.

Sheik regarda le soleil géant sur l’écran; s’ils avaient trouvé leur planète, ils y atterriraient... Il était presque un homme...

Non. Il était un homme. Il était capable d’en faire autant qu’un homme, et il était très fort, beaucoup plus fort que n’importe quelle fille. Et Sarah, pensa-t-il, était proche de la féminité. Elle était la plus âgée des filles; ce serait normal. Bob avait dit : un homme et une femme... Cette pensée le stimulait. Il ne voudrait d’aucune autre femme. Noémi, Fritzi, ou Béatrice, les autres filles aînées, étaient... mauvaises. Quant à l’équipage... peut-être le lieutenant Johnson, mais... mais quand il pensait à Sarah, l’idée d’être aussi à la disposition de quatre autres femmes, comme son père, le révoltait.

Sheik rit soudain; il se leva et quitta le promenoir. Il avait perdu trop de temps aujourd’hui à faire des rêves fantastiques. Il restait du travail à faire.

Cependant, quand le dernier des petits fut bordé dans son lit et que les dortoirs furent calmes, Toshiko se retrouva, faisant les cent pas dans le petit office. Il portait ses livres de classe et avait eu l’intention d’étudier pour le cours du matin. Mais quand il essaya de lire, les ombres des plantes, et les jambes de Sarah, et ce que Bob avait dit, tout courait dans sa tête, l’empêchant de lire. Il souhaita que Bob revînt de l’endroit où il se trouvait. Les gosses étaient endormis; il ne restait qu’une heure avant le moment où il devrait se coucher, et il était obsédé par le besoin d’aller sous la coque, de retrouver son coin d’ombre fraîche et de s’y étendre pour recouvrer cette paix qu’il y éprouvait toujours.

Et obsédé aussi, follement, par l’idée que, après la réunion, Sarah pourrait, pourrait descendre pour voir s’il y était...

Bob ne venait toujours pas. Au bout d’un moment, Toshiko ferma son livre, écrivit rapidement ce message : "Suis sous la coque. Je reviens", et s’en alla.

Jamais il n’avait agi de la sorte. Il avait déjà contrevenu à la règle, oui, mais pas quand les enfants lui étaient confiés. Mais que pouvait-il arriver ? Si l’un d’eux s’éveillait, s’il se passait quelque chose, une demi-heure d’absence n’en ferait pas une question de vie ou de mort. Et...

Et il s’en moquait. Il fallait qu’il y aille.

Rapidement et sans bruit, stimulé par un sentiment de culpabilité comme il n’en avait jamais éprouvé, il descendit l’échelle de coursive qui menait à la coque. Il ferma la dernière écoutille derrière lui et resta sur la marche supérieure, regardant en bas les grands espaces ombreux sous la coque. Il surplombait les lampes. Juste au-dessous, la vive lumière jaune; puis les feuilles nouvelles, d’un vert pâle, au sommet des plantes. Ensuite, du vert plus sombre. Des tiges brun-vert, quelques-unes aussi grosses que son bras.

Et, tout en dessous, les ombres. Il se mit à descendre, toujours sans bruit, mais déjà il se sentait plus à l’aise.

C’est alors qu’il entendit la voix. Celle de Bob. Précipitée, persuasive.

"Je vous dis que c’est vrai. Cette fois c’est vrai. J’en suis sûr.

- Écoute. Bob, chaque fois qu’ils envoient une tech filmer quelque chose de secret, tu penses que ça y est. Tu as dit la même chose il y a six mois, et combien de fois encore depuis ?"

C’était Sean, le père de Sarah; il s’occupait des animaux à bord.

"Cette fois je sais que j’ai raison", dit tranquillement Bob. Sa voix était convaincante, même pour Sheik.

"Alors, dans ce cas, que veux-tu que nous fassions, Bob ?"

Cette fois c’était Abdur, aussi calme. Sheik réalisa que les voix provenaient de la petite pièce réservée à Abdur près des planches de semis.

"Je pense simplement qu’on aurait dû l’annoncer. Je veux savoir ce qu’elles manigancent, avec cette réunion. Ab, t’es-tu jamais dit que, lorsque le moment arriverait, les femmes refuseraient peut-être d’atterrir ?"

Silence; un silence interloqué; Sheik était figé comme une statue sur sa marche.

"Allons, allons, dit Sean. Elles ne sont pas cinglées à ce point-là.

- Ce n’est pas si cinglé que ça, Sean", dit pensivement Abdur, puis il ajouta : "Cependant je ne vois pas ce que nous pourrions y faire. Et je ne crois pas qu’elles refuseraient, même si elles en avaient envie.

- Tu as vraiment confiance dans la nature humaine, Ab.

- Non. Heu... oui. Je crois que oui. Mais ce n’est pas pour cette raison. Robert, d’après toi, qu’est-ce qui t’a empêché de devenir fou pendant ces cinq premières années ?

- Que voudrais-tu que je dise ? demanda amèrement Bob. Dieu ?

- Eh bien... il aurait pu servir. Mais ce n’est pas ce que je veux dire. Tu as été en piètre état pendant un bout de temps. Après qu’Alice...

- Prends garde, Ab, gronda Bob.

- Calme-toi et écoute une minute. Après ce qui est arrivé... comment se fait-il que tu n’aies pas fait la même chose ?"

Sheik s’assit sur sa marche, et écouta. Évidemment, il n’y comprenait pas grand-chose; il y avait dix-neuf femmes actuellement et non vingt. Drôle qu’il n’ait pas pensé à ça avant ! Cette Alice avait dû mourir quand il n’était qu’un bébé. La plupart des tout-petits ignoraient même ce nom.

 

*

**

 

Et Bob... Bob avait eu quelque chose à voir avec Alice. Les bribes de conversation et les renseignements fragmentaires étaient incomplets, mais Sheik eut la vision, soudainement, d’une chose qui était arrivée à son père; une chose qui, peut-être, ressemblait à ce qui leur arrivait, à Sarah et à lui, et qui n’aurait pas dû se produire.

Il essaya de réfléchir à ce qu’il éprouverait, ce qu’il ferait si Sarah, tout à coup... n’était plus. Il ne put se le représenter. Personne ne mourait jamais. Personne, sur le vaisseau, n’avait plus de quarante-cinq ans. Bob avait eu ce sentiment, puis Alice était morte : Sheik comprenait pourquoi son père était drôle par moments. Pourquoi il imaginait des choses et inventait des histoires sur la Terre.

La double révélation - la notion que ses pensées et ses sentiments vis-à-vis de Sarah étaient arrivés à d’autres, et la découverte pénible du chagrin qui minait son père - cette double révélation faillit l’empêcher de saisir l’importance de ce que disaient les hommes en bas.

"Endoctrinement", disait Ab.

Alice était la seule qui n’y avait pas été soumise. Elle avait été le médecin du vaisseau; "ils" (les promoteurs du voyage) avaient pensé qu’une personne à bord, la plus "stable", devait être exemptée de "post-hypno". Des mots, quelques-uns nouveaux, quelques-uns anciens, mais sans contexte ici. Endoctriné... les femmes aussi étaient endoctrinées; elles ne pouvaient pas refuser de faire atterrir le vaisseau. Ab le disait.

Les autres furent d’accord; Bob ne l’était pas, au début, mais après un moment, bien qu’il continuât à discuter, Sheik savait que même Bob était convaincu.

Graduellement, les voix se firent plus posées; la conversation ralentit. Sheik pensa que l’heure du couvre-feu des dortoirs devait approcher. Il leva doucement l’écoutille au-dessus de lui, se hissa et referma avec précaution. Il regagna le quartier familial sans rencontrer personne.

Une fois rentré, il jeta sa note dans le vide-tout, examina les enfants endormis et s’installa dans la cuisine, un livre dans les mains, les pieds sur le comptoir et une grimace d’ennui sur le visage. Lorsque Bob arriva, il traîna encore quelques instants, attendant il ne savait trop quoi; mais Bob ne paraissait guère d’humeur communicative.

Il restait encore quelques minutes à Sheik avant le couvre-feu; sans s’en rendre compte, il se trouva dans le promenoir désert, faiblement éclairé, regardant le soleil géant sur le grand écran, imaginant qu’il le voyait presque grossir à vue d’œil sur le fond inerte de l’espace noir, écarquillant absurdement les yeux pour apercevoir la planète...

Planète !

Les morceaux commençaient à s’assembler.

Des voix parvinrent du corridor et un coin reculé de son cerveau se souvint de la réunion dans le carré, de Sarah, de leurs projets de ce soir. Elles sortaient seulement maintenant ? Il pourrait peut-être encore la voir. Mais non, idiot... bientôt le couvre-feu... Bon, demain... Elles sortaient seulement maintenant ? C’était une sacrée réunion...

Réunion ! Et Bob avait dit qu’il savait cette fois que les bandes concernant la planète avaient été déchiffrées : elle convenait. On pouvait y atterrir, et y vivre.

Vivre sur une planète.

Il eut l’estomac serré pendant une seconde et pensa que c’était stupide. Qu’avait-il à craindre ?

Vivre sur une planète. Il se répéta ces mots lentement, exprès. Planète. Plantes. Des plantes sur une planète. Sur une planète, les plantes poussaient partout, sans aide, de façon naturelle. C’est ce que disait Ab. Il disait qu’elles poussaient partout, et qu’il fallait les arracher pour dégager l’emplacement où s’élèverait la maison.

Maison. Famille. Dedans - dehors. Rien que des mots sortis des bouquins. Collines, couchers de soleil, animaux. Animaux sauvages. Danger. Mais maintenant il n’avait pas peur; il aimait cette pensée. Il se redit "animaux sauvages", en le savourant. Les maisons, dedans et dehors; dedans, la famille; dehors, les animaux. Et les plantes. Le coucher de soleil... le jour... et la nuit...

Des ombres !

La lumière se fit autour de lui. Sur une planète il y aurait des ombres, tout le temps, partout.

"Sheik...

- Oui, madame." Il pivota. Son réflexe fut automatique... "endoctriné" ?... avant même que son esprit eût réagi.

La pièce était de nouveau éclairée. Cinq femmes se tenaient près de la porte. Le lieutenant Johnson souriait en le regardant.

"Maintenant va te coucher, fiston. Couvre-feu.

- Oui, madame."

Il passa près des autres. Johnson, la plus proche du seuil, allongea la main pour lui ébouriffer les cheveux.

"Fais tes rêves dans ton lit, Sheik", dit-elle tendrement, comme s’il appartenait encore à la nurserie. Mais, dans ses yeux, quelque chose montrait qu’elle ne le prenait plus pour un petit garçon. Il se sentit mieux quand il fut sorti.

Le dortoir des filles était à droite; il put voir les dernières filles de la Session spéciale disparaître derrière la porte. S’il s’était un peu plus dépêché...

Il prit à gauche, marcha jusqu’au dortoir des garçons et faillit ne pas entendre le chuchotement au carrefour des coursives, un peu plus loin.

 

*

**

 

Il regarda. Personne en vue. Il se précipita dans le corridor, et elle était là, attendant. L’attendant, lui.

"Sheik ! Chut... Je voulais seulement que tu me confirmes... Demain soir ?

- Bien sûr", fit-il.

Les yeux de Sarah brillaient. Comme le lieutenant, elle le regardait différemment. Mais c’était une autre sorte de différence, et cela lui plut. Beaucoup.

"Bien sûr, fit-il encore. Demain soir, oui."

Mais aucun d’eux ne bougea. Un gong résonna faiblement. L’heure du couvre-feu.

"Tu ferais mieux de rentrer, dit-elle. Moi j’ai une autorisation."

Même son murmure était différent. Elle vibrait d’excitation. C’était donc vrai !

"Bon, dit-il. Dis, Sarah. N’attendons pas. Pourquoi pas ce soir ?

- Ce soir ?

- Après l’inspection.

- Tu veux dire... ?

- On se faufilera. C’est facile", assura-t-il avec son expérience vieille d’une heure; puis il mentit. "Je l’ai fait souvent.

- Avec qui ?"

Il sourit. On entendait des voix dans le promenoir.

"Écoute, il faut que je rentre. Tout de suite. Viens me retrouver dans la Soute G dans une demi-heure. Alors je te montrerai.

- Mais, Sheik..."

Il n’attendit pas sa réponse. Il n’osait pas. Johnson ou l’une des autres viendrait faire l’inspection dans un instant. Il courut sur la pointe des pieds, ôta ses vêtements à toute allure, sauta dans son lit, remonta les couvertures et n’ouvrit même pas les yeux pour voir en cachette quel officier venait inspecter la rangée de lits. Il ne bougeait pas, étonné de ce qu’il avait dit et de ce qu’il allait faire - sans aucune hésitation...

Il pensa aux fois où il avait attendu, voulu, espéré, que Sarah lui parle, qu’elle le remarque, qu’elle le choisisse comme cavalier à la danse, ou comme partenaire au jeu et au travail. Et voilà que, tout d’un coup, il s’était jeté à sa tête, il avait suggéré...

Il commença à être horrifié. Ce n’était pas à l’idée de désobéir à la règle du couvre-feu. Hier, ou même cet après-midi, cela l’aurait choqué, mais maintenant... la planète modifiait tout cela. Ce qui le troublait, c’était son audace : il lui avait pour ainsi dire enjoint de venir, et n’avait même pas attendu de savoir...

Il n’irait pas. Elle ne viendrait jamais. Il était fou de penser...

Elle riait de lui en ce moment.

"Je voudrais..., pensa-t-il misérablement. Je voudrais être..."

Seulement ce n’était pas vrai. Il n’enviait plus du tout les filles.

Il resta sagement quinze minutes au lit. Puis il se leva et enfila son short. Il regarda les six autres lits du dortoir. Joël, le plus jeune, neuf ans, encore un mioche. Les autres avaient de onze à treize ans. Ce seraient bientôt des hommes. Comme Bob et Ab, Bomba et Sean, et Sheik lui-même. Il quitta le dortoir, se glissa dans le couloir et, tout en avançant, se dit qu’il "se déplaçait comme une ombre"; il avait lu ces mots quelque part.

"Je voudrais..." Il tourna dans le couloir et fut en sécurité. "Je voudrais qu’elle vienne." Puis : "Je voudrais qu’on atterrisse vite sur une planète."

 

Traduit par P.J. IZABELLE.

Wish upon a star.

Tous droits réservés.

© Éditions Opta, 1972, pour la traduction.