L’idéologie de Hitler ? Une vision du monde centrée sur la notion de la race comme fondement de la vie des peuples et de l’histoire universelle. Une conception totalitaire de la lutte politique et de son objectif, la création d’un État raciste. Enfin, un programme belliqueux de politique extérieure, qui doit accomplir la « mission » du peuple allemand.
Pour Hitler, la nature montre à l’œuvre une loi fondamentale, qui est également vraie pour les sociétés humaines. « Tout animal ne s’accouple qu’avec un congénère de la même espèce : la mésange avec la mésange, le pinson avec le pinson, la cigogne avec la cigogne » (283)26. Au sein de l’espèce humaine, la race aryenne a créé tout ce qui a existé de grand. Malheureusement, elle a souvent péché contre la loi de la nature. « L’histoire établit avec une effroyable évidence que, lorsque l’Aryen a mélangé son sang avec celui de peuples inférieurs, le résultat de ce mélange a été la ruine du peuple civilisateur » (285). D’autres causes de décadence viennent mettre en danger la valeur raciale de ce peuple aryen par excellence qu’est le peuple allemand : le matérialisme effréné, les dégâts occasionnés par les maladies vénériennes, la transmission des tares héréditaires. Aussi bien n’est-ce qu’en préservant sa pureté raciale et en renforçant sa puissance démographique que le peuple allemand sera à même d’affronter victorieusement la lutte pour la vie, où règne « le droit à la victoire du meilleur et du plus fort » (288).
Hitler trouve une confirmation essentielle de sa vision du monde dans l’existence des Juifs, qu’il voit à l’origine de tous les symptômes de décadence apparus en Allemagne. Les Juifs forment une race, non une communauté religieuse, et, s’ils sont si dangereux, c’est parce qu’ils s’y entendent pour maintenir la pureté de leur sang, tout en affaiblissant celle des peuples parmi lesquels ils vivent en parasites. Race sans territoire propre, incapables par eux-mêmes de fonder un État, et d’ailleurs de créer quoi que ce soit, les Juifs ont pour objectif la domination du monde. Après s’être assuré des bases solides en France, en Angleterre et aux États-Unis, ils s’en sont pris à l’Allemagne, qu’ils ont décidé de faire passer sous leur joug. A travers la grande presse et les moyens de communication, ils en pourrissent l’esprit ; grâce à leurs financiers, ils internationalisent son économie, tandis que leurs agitateurs marxistes travaillent à dresser les Allemands les uns contre les autres.
Pour vaincre la décadence, il est nécessaire qu’existe un parti qui se donne pour mission de gagner à lui le peuple allemand, en premier lieu les masses ouvrières dupées par le marxisme juif. Le but du mouvement nazi est de conquérir la masse et de la « nationaliser » (333) en lui faisant retrouver sa conscience allemande. Pour cela, il faut employer une propagande adéquate. « La faculté d’assimilation de la grande masse n’est que très restreinte, son entendement petit, par contre, son manque de mémoire est grand. Donc, toute propagande efficace doit se limiter à des points fort peu nombreux et les faire valoir à coups de formules stéréotypées aussi longtemps qu’il le faudra, pour que le dernier des auditeurs soit à même de saisir l’idée » (181-182).
Le mouvement nazi doit naturellement être antidémocratique, dans son organisation comme dans ses principes. « Pour rendre à notre peuple sa grandeur et sa puissance, il faut tout d’abord exalter la personnalité du chef et la rétablir dans tous ses droits » (344). Il reviendra à cet homme d’amener ses partisans à le suivre jusqu’au bout, ce qui ne peut être fait que s’il oppose à l’adversaire plus qu’un programme, une doctrine. « L’avenir d’un mouvement est conditionné par le fanatisme et l’intolérance que ses adeptes apportent à le considérer comme le seul mouvement juste, très supérieur à toutes les combinaisons de même ordre » (349). « Une doctrine n’est pas tolérante ; elle ne peut être “un parti parmi les autres” ; elle exige impérieusement la reconnaissance exclusive et totale de ses conceptions qui doivent transformer toute la vie publique » (451).
Ces conceptions ne concernent que secondairement l’économie. Hors quelques propos sur la nécessité de la justice sociale et de la coopération des patrons et des ouvriers, Hitler ne s’étend pas sur ces questions. « Celui qui croit aujourd’hui qu’un État raciste national-socialiste ne doit guère présenter, avec les autres États, que la différence purement matérielle d’une meilleure organisation économique, soit par un plus juste équilibre entre richesse et pauvreté, ou bien par un droit de regard plus étendu des classes inférieures dans le processus économique, ou bien par des salaires plus équitables ou mieux répartis, celui-là est le dernier des retardataires et il n’a pas la moindre idée de notre doctrine. Tout ce que nous venons de mentionner ne présente aucun caractère de permanence ou de grandeur. Un peuple qui en demeurerait à des réformes d’un caractère aussi superficiel n’aurait pas la moindre chance de triompher dans la mêlée universelle des peuples » (442). La seule réforme qui compte est celle qui touche la race : « Un État qui, à une époque de contamination des races, veille jalousement à la conservation des meilleurs éléments de la sienne doit devenir un jour le maître de la terre » (686).
Le mouvement doit conquérir le pouvoir pour fonder un nouvel État qui protégera et développera la force raciale du peuple allemand en visant « ce bien suprême : une race obtenue selon les règles de l’eugénisme » (403). « Il appartiendra aux conceptions racistes mises en œuvre dans l’État raciste de faire naître cet âge meilleur : les hommes ne s’attacheront plus alors à améliorer par l’élevage les espèces canines, chevalines ou félines ; ils chercheront à améliorer la race humaine » (404). Pour cela, l’État « doit utiliser les ressources de la médecine la plus moderne pour éclairer sa religion ; il doit déclarer que tout individu notoirement malade ou atteint de tares héréditaires, donc transmissibles à ses rejetons, n’a pas le droit de se reproduire et il doit lui en enlever matériellement la faculté » (402).
Ainsi épuré, le peuple allemand recevra du nouvel État une instruction conforme à ses besoins et à sa mission. Il s’agira de former « par un élevage approprié, des corps foncièrement sains. La culture des facultés intellectuelles ne viendra qu’en seconde ligne » (406). Le but est de redonner aux Allemands confiance en eux : « Tout le système d’éducation et de culture doit viser à leur donner la conviction qu’ils sont absolument supérieurs aux autres peuples. La force et l’adresse corporelle doivent leur rendre la foi en l’invincibilité du peuple auquel ils appartiennent » (410). De la même façon, l’enseignement de l’histoire sera subordonné aux nécessités de la renaissance nationale : « Car on n’apprend pas l’histoire pour savoir ce que fut le passé ; on l’apprend pour qu’elle vous enseigne la conduite que l’on devra tenir dans l’avenir pour assurer l’existence de son propre peuple […] Au reste, la tâche de l’État raciste est de veiller à ce que soit écrite enfin une histoire universelle dans laquelle la question de race sera mise au premier rang » (420).
Le rassemblement du peuple en une communauté nationale et l’inculcation de la doctrine de salut nazie doivent préparer la nécessaire expansion, qui se fera « par les coups victorieux qu ’assène le glaive. Forger ce glaive, telle est la tâche de la politique intérieure du gouvernement ; permettre au forgeron de travailler en toute sécurité et de recruter des compagnons d’armes, telle est celle de la politique étrangère » (607). Ces compagnons devraient être l’Italie et l’Angleterre ; les ennemis à abattre, la France et l’Union soviétique. « L’ennemi mortel, l’ennemi impitoyable du peuple est et reste la France » (616). Aussi la nouvelle Allemagne devra-t-elle rassembler ses énergies « pour une explication définitive » avec elle, ce qui lui permettra, libre sur ses arrières, de conquérir et de coloniser l’Est de l’Europe.
Car « seul un espace suffisant sur cette terre assure à un peuple la liberté de l’existence ». « Nous comptons aujourd’hui quatre-vingts millions d’Allemands en Europe. On ne pourra considérer notre politique étrangère comme bien conduite que si, en moins de cent ans, deux cent cinquante millions d’Allemands peuvent vivre sur ce continent » (673). On aura compris que « le peuple allemand ne saurait envisager son avenir qu’en tant que puissance mondiale » (641). Et l’on ne saurait mieux résumer les valeurs fondamentales de Hitler que par cette dernière citation : « Le monde n’appartient qu’aux forts qui pratiquent des solutions totales, il n’appartient pas aux faibles, avec leurs demi-mesures » (257).