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Triple hourra

Après l’école, Athéna alla rencontrer Aphrodite, Artémis et Perséphone sur le terrain de l’arène derrière l’Académie pour les auditions de la troupe des ADS. Méduse, ses sœurs et trois douzaines d’autres déesses et mortelles y étaient aussi, mais Pandore avait décidé de passer l’audition pour la fanfare. Un peu plus loin, les dieux et déesses qui faisaient partie des Titans s’entraînaient pour les Jeux olympiques, qui auraient lieu tout au long de l’année.

Athéna ouvrit brusquement ses éventails dorés. Avec l’ensemble du groupe, elle forma des pyramides et s’entraîna à faire des pirouettes et le grand écart. En deux heures, ils avaient tous appris la chorégraphie et les bans.

« Rapides ! Rapides !

Nous sommes les Titans intrépides !

Rapides ! Rapides !

Nous sommes les Titans intrépides ! »

Lorsque la coach Nikê et ses neuf adjointes, les muses, commencèrent à prendre les filles en équipes pour les derniers stages d’essais, Athéna décida d’aller parler à Méduse. Elle n’avait pas nécessairement envie de le faire, mais peut-être que si elle lui expliquait son plan avec Woody et les héros pour le cours, Méduse ne la considérerait plus comme une ennemie. Quoiqu’elles ne deviendraient jamais de meilleures amies !

Athéna attendit jusqu’à ce son équipe, celle de Méduse, et quelques autres qui ne passaient pas avant la fin, se rendent boire à la fontaine à nectar. Athéna s’approcha alors de Méduse et de ses sœurs.

C’est alors qu’un ban retentit faiblement parmi les triplettes, ce qui la figea sur place. Tous ceux qui attendaient en ligne à la fontaine se retournèrent pour regarder.

— C’est un M ! scanda Méduse.

C’est un O ! scanda Sthéno

— C’est un U ! scanda Euryale.

— Ajoutez CHE, et qu’avez-vous ? demanda Méduse.

— La mère d’Athéna ! crièrent ses sœurs.

Le visage d’Athéna devint rouge comme une pivoine. Mais l’horreur n’allait pas s’arrêter là.

— ZZZZZ.

En faisant des bruits de bourdonnement, les triplettes sortirent des tapettes qu’elles avaient glissées sous leurs ceintures. Elles devaient avoir planifié tout ça avant même les essais, pensa Athéna. Comme c’était méchant ! En agitant les tapettes en mouvements chorégraphiés, les filles se mirent à faire un petit numéro.

— Oh, là, là, j’ai mal à la tête !

(Pas de côté, coup de tapette. Pas de côté, coup de tapette, coup de tapette)

— Comment l’arrêter ? Écrase la mouche de ta tapette !

(Pas de côté, coup de tapette. Pas de côté, coup de tapette, coup de tapette.)

Bien qu’elles eussent été trop loin pour que la coach puisse les entendre, les autres filles qui étaient en file devant la fontaine ne manquaient rien de ce qui se passait.

— Cesse de t’en prendre à Athéna, dit Artémis en s’avançant vers les triplettes.

— Ouais, dit Aphrodite en la rejoignant.

— Personne ne choisit ses parents, dit Perséphone, en se tenant à côté des deux autres pour former un mur de déesses entre elles et Athéna.

— Venez, allons rejoindre les autres, dit Aphrodite.

Artémis, Perséphone et elle partirent bras dessus, bras dessous avec Athéna pour retourner vers l’endroit où avaient lieu les essais.

— Merci, les filles, leur dit Athéna, encore un peu secouée.

— Tout le plaisir est pour nous, dit Aphrodite.

— Ouais, convint Artémis.

— C’est quand tu veux, ajouta Perséphone.

C’était gentil à elles de prendre son parti, pensa Athéna. Mais quand même, le perfide numéro l’avait ébranlée. Et c’était alors au tour de son équipe de faire l’essai final. Si elle manquait son coup, elle allait ruiner les chances de ses nouvelles amies de faire partie de la troupe des ADS.

Juste au moment où les quatre filles s’avancèrent pour présenter leur chorégraphie, Poséidon lança son trident au-dessus du terrain. Il décrivit un arc haut dans les airs, comme un javelot.

Rapidement, au signal d’Aphrodite, les quatre déesses entamèrent un ban :

« Boum, boum, mille tonnerres,

Envoyez ce trident loin dans les airs !

Woo-hoo ! »

Athéna et ses amies agitèrent leurs éventails scintillants. Puis, en chœur, elles murmurèrent :

— Métamorphose.

Au moment où elles prononcèrent ce mot, chacune d’elle se transforma, faisant sortir une paire d’ailes blanches de ses omoplates. Se tenant les mains, elles s’élevèrent dans les airs d’environ quatre mètres. Agitant doucement leurs ailes, elles formèrent un rang bien droit de leurs six éventails, chacun portant une lettre épelant le nom de leur équipe : « TITANS ».

Puis elles se laissèrent doucement retomber vers le terrain. En touchant le sol, comme par magie, leurs ailes semblèrent fondre, puis disparaître. Se métamorphoser s’était révélé étonnamment facile pour Athéna. Elle y était arrivée à son troisième essai seulement. En réalité, la troupe des ADS était beaucoup plus amusante que ce à quoi elle s’était attendue.

Lorsqu’il alla chercher son trident, tirant les dents du gazon où elles s’étaient enfoncées sur le terrain en atterrissant, Poséidon décocha un grand sourire à Athéna.

— Merci !

Il avait réussi un lancer plus loin que tous les autres jeunes dieux. Triomphant, il repartit en courant vers ses équipiers.

Entre-temps, Méduse se retourna pour voir à qui il avait souri de la sorte. Lorsqu’elle se rendit compte qu’il s’agissait d’Athéna, son visage prit une couleur violette pas du tout seyante.

— Voleuse de jeune dieu ! siffla-t-elle entre ses dents lorsqu’Athéna s’approcha.

— Je n’ai rien volé du tout, protesta Athéna avec surprise.

Méduse croyait-elle qu’elle avait inventé le ban pour Poséidon ? C’était l’idée d’Aphrodite de les appuyer, lui et toute l’équipe des Titans.

— Pfuit ! On va voir si tu vas aimer ça lorsque le vent va tourner ! dit Méduse en partant en trombe.

Ses sœurs la suivirent, fusillant Athéna du regard.

Celle-ci se retourna vers ses amies.

— Que voulait-elle dire par là ?

— Qui sait ? dit Aphrodite. Mais suis mon conseil, et essaie de l’éviter. Elle est toujours première au cours de vengeance-ologie, chaque année.

— Et elle suit le cours accéléré, fit remarquer Artémis, l’air inquiet.

— Quel gâchis, dit Perséphone.

— Ouais, convint Athéna, puis secoua la tête avec ahurissement. Méduse en pince pour Poséidon, et elle pense que lui en pince pour moi.

Aphrodite lui lança un regard exaspéré.

— Mais elle a raison, il en pince pour toi. Fais-moi confiance, j’ai un don pour sentir ces choses-là. Poséidon n’a probablement jamais rencontré de fille qui ne lui a pas immédiatement succombé. C’est pourquoi il essaie si fort avec toi : tu es un défi pour lui !

— Il aime simplement draguer ! s’objecta Athéna. Avec toutes les filles qui lui passent sous les yeux !

Artémis leva les yeux au ciel.

— Toute cette romance à la guimauve va me faire vomir. Puisque nous avons terminé, je vais aller donner leur pitance à mes chiens.

Elle se dirigea vers les gradins de pierre et détacha ses chiens.

Maintenant que la dernière équipe avait terminé les essais, la coach Nikê et les neuf muses quittèrent le terrain pour aller compiler les résultats et décider qui pourrait intégrer la troupe des déesses. Elles dirent à tout le monde que les résultats seraient affichés un peu plus tard au cours de la semaine.

— Hé ! cria quelqu’un au moment où les jeunes dieux terminèrent leur entraînement sur le terrain. Je viens juste d’apprendre que nos héros grecs et troyens du cours d’héros-ologie se battaient sans notre intervention !

— Il faut que je voie ça ! dit Athéna.

Aphrodite, elle et plusieurs autres partirent en courant vers la classe de monsieur Cyclope. Les stores avaient été baissés à la fin de la journée, et la salle était plongée dans la pénombre. Comme de raison, leurs héros en étaient venus aux poings dans l’enceinte de la ville de Troie.

Le cheval de bois d’Athéna se tenait toujours à l’intérieur de la forteresse, mais désormais, la petite trappe située sur son flanc était ouverte. Elle était si bien dissimulée qu’aucun des Troyens ne l’avait remarquée… jusqu’alors.

Poséidon jeta un coup d’œil par la trappe.

— Un compartiment secret !

— Eh bien, ça alors ! dit Aphrodite, les yeux écarquillés de surprise.

— Le cheval n’était pas vraiment un cadeau. C’était un piège, n’est-ce pas ? dit Poséidon.

— Tu l’as dit, dit Athéna. Tu vois, ce ne sont pas tous nos héros qui sont montés à bord du bateau qui est parti pendant notre cours. J’ai caché Ulysse et quelques autres à l’intérieur du cheval. Pendant que nous étions sur le terrain de sport, ils ont fomenté une attaque-surprise et ont enlevé Hélène, puis l’ont ramenée au roi Ménélas, à Sparte.

Poséidon parut outré d’avoir été défait par une fille, mais Athéna s’en fichait.

— Je suis désolée d’avoir gâché tes plans de bonheur éternel pour Pâris et Hélène, dit-elle en se retournant vers Aphrodite.

— Ça ne fait rien, dit Aphrodite en haussant les épaules. Ce n’est qu’un travail scolaire. Je trouve que ton idée était géniale !

— Sans rancune ? demanda Athéna.

— Bien sûr ! dit Aphrodite. C’est la chose la plus palpitante qui ne soit jamais arrivée dans un cours d’héros-ologie depuis la première année. Lorsque monsieur Cyclope va entendre parler de ta ruse, il va danser dans ses sandales.

— S’il arrive à les trouver, ça va de soi, plaisanta quelqu’un.

C’était un fait connu de tous, leur professeur aimait lancer ses sandales en classe, et il semblait ne jamais être capable de les retrouver.

En quittant la classe, Athéna convint que sa deuxième journée à l’AMO avait été beaucoup mieux que la première. Son piège en héros-ologie avait fonctionné, elle avait bien performé pendant les essais de la troupe des ADS et, malgré le numéro plutôt gênant de Méduse et de ses sœurs, elle avait maintenant des amies qui pouvaient venir à sa rescousse. Elle se sourit à elle-même. Il était bien possible que cette journée ait marqué un tournant de sa nouvelle vie à l’Académie du mont Olympe.