CORUSCANT : LE RETRAIT
Laurie Burns
10 ap. BY
Laurie Burns est avant tout reporter et éditrice d’un magazine sur les chevaux. Pas grand-chose à voir avec l’UE Star Wars, sauf que, passionnée par l’Univers créé par Lucas, elle a profité de la politique d’ouverture de l’Adventure Journal pour nous présenter quelques-uns de ses travaux.
Coruscant : Le Retrait, est son troisième et avant-dernier texte publié à ce jour. Nous y rencontrons Taryn Clancy, capitaine du Messager et membre des Services du Courrier du Noyau en mission sur Coruscant, nouveau siège de la Nouvelle République. Les choses se compliquent quand la flotte impériale apparaît en orbite et que le bouclier planétaire est levé. Lorsque l’on est pris entre deux feux, les options sont limitées, et le capitaine Clancy doit faire un choix rapide : aider l’un des camps ou tenter de s’en sortir seule.
Cette histoire, bien qu’anecdotique, n’en reste pas moins des plus sympathiques. Replonger dans le conflit des origines de la saga nous permet de croiser avec plaisir quelques-uns des personnages des plus appréciés de l’Univers Étendu.
Titre original : Retreat from Coruscant
Taryn Clancy regarda oisivement un officier des com noter dans son datapad la réception des datacartes empilées sur le chariot à répulseurs arrêté à côté d’elle. Soudain, le bruit de fond du vieux centre de messagerie du Palais Impérial disparut sous le mugissement des alarmes.
L’officier leva les yeux, le visage pâlissant rapidement tandis qu’elle reconnaissait la tonalité de l’alarme.
— Par tous les cieux, dit-elle d’un air stupéfait. Coruscant est attaquée.
Taryn écarquilla les yeux elle aussi, mais elle réagit vite.
— Plus vite vous signerez ça, plus vite je pourrais repartir, dit-elle en approchant le chariot du comptoir de l’officier. Voilà votre courrier, ajouta-t-elle, tendant la main ostensiblement.
L’officier cligna des yeux, jeta un œil à son datapad, tapota quelques informations, et le tendit vers Taryn. Ce dernier inspecta rapidement son autorisation, entra son propre code, puis jeta la copie de l’officier sur le comptoir.
— Merci, dit-elle en se retournant, ayant déjà fait trois pas en direction de la porte.
Dans le couloir, les alarmes continuaient de mugir de manière insistante, mais tandis qu’elle se glissait à l’intérieur d’un turbo-ascenseur, Taryn fut soulagée de voir que personne ne semblait paniquer. Bien que la Nouvelle République fût passée de force militaire à gouvernement galactique, les anciens rebelles n’avaient de toute évidence pas oublié comment réagir à une attaque impériale. Elle se mordit la lèvre, sachant pertinemment que partir d’ici serait difficile. Si Coruscant était réellement attaquée, le bouclier planétaire avait probablement été levé, et elle et Del seraient coincés là pendant un moment.
Mais elle devait essayer. Après tout, qui voudrait se retrouver coincé sur les plateformes d’amarrage du palais comme un mynock empaillé pendant que l’Empire tentait de reprendre son ancienne capitale ?
Pas moi, en tout cas, pensa-t-elle, émergeant sur la plateforme baignée de lumière et balayée par le vent. Le soleil de midi était si radieux qu’elle dû plisser les yeux pour ne pas être aveuglée. Des échos en provenance d’une demi-douzaine de réacteurs de vaisseaux vrombissaient autour d’elle, et droit devant, le Messager ajoutait un rugissement guttural à ce chœur mécanique. Del avait abaissé la rampe en anticipation, et tandis qu’elle s’installait sur le siège du pilote, un rapide coup d’œil aux écrans de contrôle indiquèrent qu’ils étaient quasiment parés à décoller.
— J’ai entendu les alarmes, dit Del, déjà attaché au siège du copilote. Qu’est-ce qui se passe ?
— Il faut qu’on s’en aille, répondit Taryn sèchement. Un second coup d’œil aux écrans elle ouvrit une fréquence com avec la tour de contrôle du palais. Son cœur se serra lorsque sa demande de décoller fut sèchement refusée.
Trop tard – le bouclier planétaire avait été levé. L’Empire était là-haut, la Nouvelle République était en bas, et elle et le Messager étaient pris entre les deux.
Taryn s’enfonça dans son siège. Elle n’avait pas seulement un planning à respecter. Le Service de Courier du Noyau garantissait un service rapide dans la limite des Mondes du Noyau, et avec des caisses pleines de dispositifs de communication occupant toujours la moitié de sa soute, elle ne voulait pas prendre trop de retard. Mais les livraisons tardives n’étaient rien comparées à ce que Taryn craignait de voir arriver – une guerre totale pour la possession de Coruscant. Les potins du spatioport avaient laissé entendre que l’Empire, malgré la perte récente du Grand Amiral Thrawn, se préparait à frapper un grand coup au cœur de la Nouvelle République.
On dirait bien qu’ils avaient vu juste.
— Bon sang, dit Del, regardant vers la plateforme où un transport – apparemment contre les instructions du contrôleur – était en train de décoller. Qu’est-ce qu’on fait maintenant ?
Taryn regarda le transport disparaître dans le ciel. Si le Messager lui avait appartenu, elle aurait été tentée d’en faire de même. Mais un capitaine digne de ce nom ne prenait pas de risques avec la propriété d’une compagnie.
— On attend, dit-elle, coupant les moteurs à contrecœur. Du moins, jusqu’à ce que les renforts arrivent.
S’ils arrivent un jour, ajouta-t-elle en silence. Les impériaux avaient probablement détruit les relais de com en premier lieu, empêchant la Nouvelle République d’appeler à l’aide depuis ses différentes flottes éparpillées à travers la galaxie. Ils disposaient de défenses orbitales, bien sûr, mais – un petit éclat de lumière capta son regard, et elle se pencha en avant pour regarder à travers la verrière en transparacier du cockpit.
— Mince, dit-elle à voix basse.
Del suivit son regard et vit les flashs lumineux presque imperceptibles des turbolasers perforant le ciel.
— Là on est coincé, dit-il.
Ils observèrent en silence pendant moment avant que Taryn demande soudainement :
— Combien de temps le bouclier planétaire peut-il tenir ?
— Aucun idée, dit Del. Tout dépend de l’armement qu’ils utilisent. Probablement deux jours… peut-être même deux heures.
Elle lui adressa un regard. Sous sa moustache grise, les lèvres de son second étaient fermement closes. Pas étonnant – ça faisait trente ans qu’il faisait ce travail, et il n’était qu’à quelques jours de la retraite. Étudiant les traits sur son visage, Taryn compara mentalement les années d’expérience de son second aux siennes, et soudain elle se rappela de son statut de capitaine novice. Ce n’était que sa quatrième course aux commandes du Messager.
Et c’était à elle de les tirer de là.
Pendant une seconde, elle se rappela une ancienne peur ; celle de son père lui disant qu’elle travaillait pour un service de courrier parce qu’elle n’avait pas le courage de faire quoi que ce soit d’autre. Durant toute son enfance, Kal Clancy s’était vanté de ses propres exploits aux commandes de son cargo, puis elle avait passé son adolescence à se forger à son image. Il ne s’était pas gêné pour montrer sa déception lorsqu’elle n’avait pas comblé ses attentes.
Elle regarda de nouveau Del. Il avait commencé à livrer le courrier bien avant qu’elle ne vienne au monde, et il n’avait jamais été promu au rang de capitaine. Ça voulait dire quelque chose pour elle. Enfin, peut-être.
Arrête tes bêtises, se dit-elle. Être capitaine d’un courrier n’est pas très difficile. Ça ne veut pas dire que je suis incompétente.
Chassant de son esprit l’image de son père, elle tenta de se concentrer sur ce qu’elle avait à faire.
N’est-ce pas ?
Après plusieurs heures passées sans avoir vu le moindre vaisseau impérial tomber du ciel, les nerfs de Taryn commencèrent à se relâcher. Sept heures après que les alarmes se furent déclenchées, la nuit avait fini par tomber, et elle commençait à s’ennuyer.
— Bon, y’en a marre, déclara-t-elle après avoir qu’une nouvelle demande d’informations de sa part fut poliment éludée par la tour de contrôle. On ne peut pas partir, ils ne nous laisseront jamais décoller, et ils ne veulent rien nous dire. Alors j’y vais moi-même pour savoir ce qui se passe.
— À qui est-ce que tu vas demander ? demanda Del.
— Mon Mothma en personne, s’il le faut, répondit Taryn.
Del grogna, mais entrer dans le palais s’avérait étonnamment facile. Après quelques embêtements avec deux officiers de sécurité de la Nouvelle République, et une fois qu’ils eurent découvert qu’elle était le capitaine du vaisseau cargo amarré à la plateforme, Taryn fut escortée jusqu’à un turbo-ascenseur. L’un des gardes passa la tête à l’intérieur de l’habitacle et enfonça un bouton sur le panneau d’appel.
— Bonne chance, dit-il en lui adressant un faux salut tandis que les portes se refermaient.
Voilà qui est facile – trop facile, pensa-t-elle en se demandant ce que pouvait bien vouloir dire cette parodie de salut. Elle était encore en train d’essayer de comprendre lorsque les portes s’ouvrirent sur un corridor qui était bien loin de la section de service du palais où elle avait livré le courrier plus tôt dans la journée. Le décor était le même – très simple – mais cette section avait une atmosphère clairement militaire.
Tout comme les deux soldats armés se tenant contre le mur situé à l’opposé du turbo-ascenseur. Ils l’étudièrent du regard tandis qu’elle faisait un pas dans le couloir, puis elle en vit deux autres qui se tenaient de chaque côté de l’ascenseur. Essayant d’ignorer les quatre paires d’yeux qui la fixaient, elle se contenta de regarder le sol. À l’autre bout, une porte blindée s’ouvrit et un officier à l’air renfrogné s’avança vers elle d’un air furieux. S’arrêtant à un mètre d’elle, il lui adressa un rapide coup d’œil.
— Je suis le colonel Bremen, dit-il sur un ton sec. Et vous êtes… ?
— Taryn Clancy, capitaine du Messager.
Il acquiesça abruptement.
— Si vous portez des armes, vous allez devoir les laisser à l’extérieur, dit-il en sortant un scanner portatif à armement.
— Je n’en ai pas, dit Taryn.
Mais Bremen se servit quand même du dispositif pour la scanner.
— Très bien, dit-il, apparemment satisfait. Suivez-moi.
Un garde emboîta le pas de Taryn tandis qu’elle suivait Bremen jusqu’au couloir suivant. Elle jeta des regards curieux dans les différentes pièces qu’elle croisait, chancelant tandis qu’un visage, qu’elle pensait reconnaître d’une holovidéo, surgissait de nulle part. Était-ce réellement Mon Mothma ? Et si c’était le chef d’état de la Nouvelle République, où est-ce que ce Bremen pouvait-il bien l’emmener ?
Pas le temps de conjecturer. Elle s’arrêta près d’une porte et lui fit signe d’entrer à l’intérieur. Taryn entra dans le petit bureau et trouva un homme installé derrière un bureau. Charmant et presque âgé que Del, il semblait vaguement familier mais elle ne parvenait pas à le replacer.
Ceci, jusqu’à ce que Bremen referme la porte et la frôle en passant.
— Je vous en ai apporté un autre, général Bel Iblis. Le capitaine Clancy du vaisseau Messager, dit-il, tandis que Taryn tentait de ne pas défigurer l’homme qui était assis en face d’elle. (Elle s’était attendue à ce qu’on l’a confie à un laquais du palais, pas qu’on l’amène face à l’homme qui était responsable de la défense de Coruscant !
— Capitaine Clancy. (Bel Iblis lui adressa un hochement de tête courtois tandis que Bremen croisait les bras et prenait position contre un mur de la pièce.) J’ai cru comprendre que vous vouliez être mise au courant de la situation.
— Oui, monsieur, j’aimerais bien, dit-elle en faisant un effort conscient pour se détendre et ne pas se mettre au garde-à-vous.) Que se passe-t-il ? Et quand aurai-je l’autorisation de décoller ?
Bel Iblis l’étudia du regard en silence. Alors que Taryn commençait à craindre de s’être montré trop bravache, il répondit d’un ton grave :
— Coruscant est assiégée. Nos défenses ont été contraintes de se retirer, et nous estimons que le bouclier planétaire tombera dans la matinée.
Taryn ne pouvait s’empêcher de le regarder fixement.
— Qu’arrivera-t-il ensuite ?
— Nous n’allons pas attendre pour le savoir, dit-il. Nous retirons nos troupes ce soir.
— Vous partez ?
— Nous n’avons pas le choix, dit Bel Iblis d’un ton grave. Il est impossible de contacter nos flottes situées dans les autres secteurs, et même si ça l’était, ils ne pourraient jamais intervenir à temps.
— Mais… et pour la Nouvelle République ? demanda-t-elle, persistante.
Le gouvernement, aussi fragile fut-il, allait-il vraiment s’effondrer aussi facilement ?
— La Nouvelle République survivra, dit-il. Mais son siège devra se délocaliser. (Un élan de souffrance lui obscurcit brièvement le regard.) L’Empire cherche à nous détruire, mais nous pouvons encore sauver Coruscant. Après notre départ, la population sera suffisamment en sécurité ».
Bremen se décolla brusquement du mur et ouvrit la bouche, mais se ravisa en voyant le regard de Bel Iblis. Taryn les regarda tour à tour, prenant soudain conscience des tensions qui existaient entre les deux hommes, puis reporta son regard de nouveau sur Bel Iblis.
— Et où comptez-vous aller ?
— Bonne question, dit-il. C’est là que vous intervenez.
— Moi ? dit-elle d’un air méfiant.
— Nous avons besoin de tous les cargos disponibles pour l’évacuation, dit-il en la fixant du regard.
Taryn comprit alors.
— Le Messager n’est pas si gros, dit-elle en protestation. Pas si rapide, non plus. D’ailleurs, je travaille pour le Service de Courrier du Noyau, pas pour vous. La Nouvelle République ne peut pas s’approprier mon vaisseau comme ça !
— En fait, si, dit Bel Iblis. Et elle le fera. Mais pas pour ce que vous croyez. (Il se pencha en avant, le regard grave.) Nous devons avertir les flottes des secteurs que la Nouvelle République a évacué Coruscant et compte se regrouper dans une nouvelle base d’opérations. Le secret est absolument vital – nous devons à tout prix empêcher l’Empire d’intercepter nos transmissions et de localiser notre point de rendez-vous. C’est pour ça, dit-il en écartant les mains de manière suggestive, que nous envoyons des courriers.
Taryn demeura silencieuse. Elle se doutait qu’il n’avait pas utilisé le mot “courrier” pas hasard.
— En temps normal, nous aurions envoyé un messager à bord d’un vaisseau de renseignement non marqué, dit Bel Iblis. (Bremen voulut de nouveau parler, mais là encore, le général lui lança un regard d’avertissement.) Mais nous avons besoin de tous les moyens à disposition pour l’évacuation.
— Et si je refuse ?
— Vous pourrez rester ici, sur Coruscant, dit Bel Iblis. Ou vous pourrez embarquer à bord d’un de nos transports. Nous dédommagerons le service du courrier, bien entendu.
Quel choix, pensa Taryn aigrement. Attendre sagement que les soldats impériaux débarquent, ou prendre la fuite avec la Nouvelle République.
Elle poussa un soupir.
— Alors, quand est-ce qu’on part ?
Après mûre réflexion, Taryn devait avouer qu’utiliser le Messager comme couverture était plutôt astucieux.
Premièrement, la datacarte – ainsi que son contenu sur l’évacuation de Coruscant et la localisation du point de rendez-vous – était anonyme, et rangé dans une caisse avec des milliers d’autres datacartes ; et cette caisse était entourée de douzaines d’autres exactement identiques, empilées les unes sur les autres dans la soute du Messager.
Deuxièmement, la perspective de passer au travers d’une armada de Destroyers Stellaires était rendue à peine soutenable par la vue qu’offrait le corpulent colonel Bremen, qui avait enfilé uniforme de rechange deux tailles en-dessous de la sienne. Tirant sur son col trop serré, il se tenait dans l’entrée du cockpit avec cet air renfrogné qui ne semblait jamais quitter son visage. Taryn n’avait pas besoin de détourner le regard des écrans de contrôle des réacteurs pour savoir que les jambes de pantalon de l’uniforme qu’il portait se terminaient quelque part au-dessus de ses chevilles. Elle eut un sourire de travers avant de se rappeler que Bremen était là pour garder un œil sur elle et sur Del, et que leur situation n’avait rien de drôle.
Elle saisit fermement les contrôles.
— Attachez-vous, dit-elle à Bremen sur un ton autoritaire. On est quasiment parés au décollage. (Remarquant qu’il n’avait pas bougé, elle jeta un œil derrière elle et lui adressa un regard inquisiteur.) Quoi ?
— Je vais rester ici, dit-il.
Elle haussa les épaules.
— Faites comme bon vous chante, dit Del d’un air dédaigneux.
Lui et Bremen n’avaient pas échangé plus d’une douzaine de mots depuis que l’officier de la Nouvelle République était monté à bord, mais de toute évidence, ils ne s’entendaient pas.
— Vous devriez me laisser piloter, dit Bremen pour la énième fois. Il ne s’agit pas d’un simple vol de livraison de courrier, vous savez.
— Non, dit Taryn sur un ton catégorique, comme si le sujet n’avait pas déjà été évoqué dans le bureau de Bel Iblis. On a conclu un marché. La Nouvelle République peut avoir mon vaisseau, mais moi seul peux le piloter. (Considérant qu’ils avaient déjà été enrôlés de force, elle avait été surprise que Bel Iblis accepte ses conditions. Étant donnée la situation, elle se doutait à moitié que le général avait assigné Bremen à cette mission simplement pour s’en débarrasser. Clairement, les deux hommes ne s’entendaient pas. Elle jeta un regard à Del.) Paré ?
— Paré, répondit-il.
Elle lança les répulseurs. Sous leurs pieds, les lumières rassurantes de la Cité Impériale devinrent de simples points distants tandis que le Messager prenait de l’altitude. Bel Iblis avait dit que les espaces entre les Destroyers Stellaires stationnés en orbite étaient gardés par de plus petits vaisseaux capitaux. Par conséquence, chaque pilote devrait choisir son propre vecteur de fuite et tenter le tout pour le tout.
— Est-ce qu’on a un cap ? demanda-t-elle à Del.
— Le navordinateur y travaille, répondit-il.
Elle jeta un rapide coup d’œil à Bremen, qui se balançait dans l’encadrement du sas du cockpit, puis vérifia les relevés des capteurs. Rien d’inquiétant à proximité, mais elle devait rester sur ses gardes. Bel Iblis voulait voir le plus de vaisseaux possible dans le ciel lorsqu’il désactiverait le bouclier. Ayant prévu de décoller en une seul et même nuée, la flotte espérait au moins pouvoir créer la confusion tout en essayant de passer entre les mailles du filet que les impériaux avaient tendus.
Des éclats de lumières jaillissaient encore aux endroits où le bouclier planétaire était pilonné, la brume opalescente changeant de couleur et ondulant tandis qu’elle était harcelée par les tirs impériaux. Taryn modifia légèrement le cap, choisissant une trajectoire qui les mènerait dans une zone dégagée, puis vérifia sa montre. L’heure approchait.
Del activa les com, qui étaient déjà réglées sur la fréquence d’évasion, et tandis que Taryn fixait le bouclier du regard, elle se demanda ce qui pouvait bien attendre les gens à la surface. Est-ce que l’Empire se contenterait simplement de reprendre Coruscant et de laisser ses citoyens dans une paix relative ? Où sentirait-il le besoin de les punir pour ne pas avoir chassé la Nouvelle République en premier lieu ?
De toute manière, ce n’était plus elle que ça concernait maintenant.
— Le bouclier devrait tomber d’une seconde à l’autre, dit Bremen dans son dos, là où lui aussi était en train de regarder le bouclier s’illuminer sous l’assaut impérial.
— Dommage que cette épave n’ait pas le moindre armement décent.
Taryn esquissa une grimace en entendant l’officier insulter son vaisseau. Comme elle l’avait déjà fait remarquer, les cargos-courrier n’étaient pas des cibles privilégiées par le tout-venant, même les pirates. Généralement, ils n’avaient pas besoin de déployer la moindre artillerie. À ce moment, elle avoua qu’une puissance de feu légèrement supérieure aurait pu être utile.
Plusieurs masses de grande taille commencèrent à apparaître sur les radars, indiquant la force d’opposition qui attendait sagement droit devant. Taryn n’avait jamais vu autant de Destroyers Stellaires rassemblés en un même endroit, et elle se remit à douter d’elle-même. Elle n’avait jamais rien fait de tel auparavant, à part dans son imagination. Peut-être qu’elle devrait en effet passer les commandes à Bremen…
Mais il était déjà trop tard.
— Le bouclier est tombé, dit Bel Iblis à travers la fréquence com. Déguerpissez de là, et que la Force soit avec vous !
Le bouclier planétaire était tombé, les jeux étaient faits.
À bâbord, Taryn remarqua qu’un canon à ion anti-aérien tirait depuis la surface afin de déblayer un chemin pour les vaisseaux en fuite, mais elle s’en tint à son propre vecteur et quitta l’atmosphère avant de voir apparaître les vaisseaux impériaux.
Il apparut enfin – le chemin vers la liberté – pile entre deux Destroyers Stellaires flanqués par cinq cuirassés plus petits. Ils ressemblaient à deux chiens Dorax féroces entourés de cinq chiots teigneux. Elle déglutit, poussant les moteurs au maximum. Même à pleine vitesse, on pouvait difficile qualifier le Messager de rapide, et tout ce qu’elle pouvait espérer, c’était de pouvoir passer inaperçue dans la nuée de vaisseaux quittant la surface.
Et pendant un moment, ses prières semblèrent avoir été entendues. Fonçant droit vers un espace situé entre les deux cuirassés les plus éloignés du Destroyer Stellaire, le Messager se positionna dans le sillage d’un autre cargo, d’un transport, et d’un chasseur stellaire flambant neuf. Les cuirassés ouvrirent le feu, mais avec autant de petites cibles, les tirs furent imprécis et la plupart d’entre eux se perdirent dans l’espace.
Les indicateurs des boucliers étaient toujours au vert. Ils étaient sur le point de passer la ligne des cuirassés, et Taryn commençait à peine à croire en leurs chances de survie, lorsqu’une secousse soudaine fit trembler le vaisseau dans toute sa structure. Taryn et Del furent pressés contre leurs sangles, et Bremen fut projeté contre les écrans de senseurs.
— Dégagez ! cracha-t-elle.
Elle serra les dents tandis qu’un autre fracas projetait l’officier au sol de l’habitacle. Dans un sursaut, elle vit qu’il y avait bien plus de vaisseaux autour d’eux qu’il y en avait eu au début. Elle reconnut un chasseur TIE qui passa en trombes près d’eux, ouvrant le feu sur le transport de devant qui s’enfuyait vers l’espace profond.
— Del ? demanda-t-elle. Son second aux cheveux grisonnants n’avait pas besoin d’en savoir plus. Il cracha une volée de décharges en direction du chasseur TIE qui harcelait le transport de devant. Derrière eux, un fracas métallique sourd indiqua un nouvel impact, mais Taryn ne flancha pas. Leur cap était calculé et verrouillé ; si elle parvenait à éloigner encore un peu le Messager de la planète, ils pourraient passer en vitesse-lumière et être tirés d’affaire.
Tout à coup, l’un des transports positionné sur leur flanc explosa dans un éclat de lumière aveuglante. Esquissant une grimace, Taryn dévia légèrement sa trajectoire afin d’éviter les projections de métal et jeta un rapide coup d’œil aux écrans de contrôle des boucliers.
Elle souhaita alors ne jamais l’avoir fait. Les indicateurs étaient passés de vert à rouge, et ils clignotaient à chaque impact. Un message de diagnostic se formait sur l’écran, les capteurs montrèrent un autre de ces maudits chasseurs TIE décrivant un arc de cercle dans leur direction, et Taryn ne pensait pas que le Messager survivrait à un nouvel assaut.
— Accrochez-vous, dit-elle à Bremen, qui était toujours étalé au sol, avant d’entamer une descente en piqué. Le chasseur TIE passa en trombes au-dessus de leurs têtes, et tandis qu’elle redressait le nez de leur appareil, Taryn vit que le chasseur stellaire situé droit devant avait fait demi-tour pour leur prêter main forte.
Le canon laser du X-Wing s’illumina tandis que l’appareil fonçait dans leur direction, et sur les radars, l’un des points lumineux situé derrière eux disparut. Le X-Wing reporta son attention sur le chasseur TIE qu’il avait semé pendant que Taryn essuyait la sueur de son front et enfonçait l’accélérateur. Le cargo et le transport de tout à l’heure avaient tous les deux disparus. Soit ils avaient réussi à s’enfuir et à rejoindre un endroit sûr, soit ils avaient été détruits.
Del jura tandis que la poupe du Messager encaissait une autre série de tirs. Les indicateurs des boucliers clignotèrent en rouge puis cessèrent de s’illuminer, et un message de diagnostic s’afficha à l’écran.
— On a perdu les boucliers déflecteurs, hurla Taryn.
Ravalant sa peur, elle était sur le point d’entamer une nouvelle descente en piqué lorsque la console émit un tintement, indiquant qu’ils avaient atteint leur point d’hyperespace.
Agrippant fermement les contrôles, et sachant pertinemment que le chasseur TIE se rapprochait dangereusement d’eux, elle tira le levier en arrière, et fut soulagée de voir les étoiles se transformer en de longues lignes blanches avant de s’évanouir dans la voûte tachetée de l’hyperespace.
Fonçant à travers l’hyperespace en direction de Coriallis, Del et le colonel Bremen avait tout le temps dont ils avaient besoin pour déterminer avec exactitude l’origine de leur mésentente commune.
Bremen ne cacha pas le fait que comme ils étaient civils, il doutait de la compétence de Taryn et de Del. Il fut très clair lorsqu’il dit qu’il aurait préféré que Bel Iblis réquisitionne le Messager, se débarrasse de son équipage habituel, et se serve d’un équipage entièrement militaire pour mener à bien la mission.
Taryn tenta de ne pas en faire cas, mais Del répliqua en critiquant sans la moindre gêne la façon dont la Nouvelle République avait lâchement abandonné Coruscant, pendant que Bremen tentait tant bien que mal de conserver son aplomb. Elle trouvait ce jeu puéril, mais tant que Bremen était occupé à se chamailler avec Del, il n’était pas sur son dos. Aussi décida-t-elle de les laisser faire.
Les deux s’étaient rendus dans la soute depuis plus d’une heure, et elle se trouvait alors dans le mess, ôtant la graisse de ses mains. Ils devraient changer de cap une fois arrivé à Coriallis, d’ici quelques heures, et elle voulait essayer le système déflecteur fraîchement réparé avant de se retrouver contrainte de s’en servir dans une situation de vie ou de mort.
Elle n’en eut jamais l’occasion.
Alors qu’elle se rendait au cockpit, le Messager sembla vibrer sous ses pieds, puis se mit à trembler tandis que le métal fatigué de la coque gémissait en signe de protestation. En pleine enjambée, Taryn s’agrippa à la paroi du couloir pour reprendre son équilibre, puis se retrouva projetée dans le cockpit alors que le vaisseau semblait entrer en collision avec une force immuable. Des fracas émis par des caisses et un glapissement résonnèrent depuis la soute, tandis qu’en face d’elle, la voûte tachetée de l’hyperespace se transformait subitement en un balai de lignes stellaires, puis, dans une dernière secousse qui souleva le cœur de Taryn, en un champ d’étoiles caractéristique de l’espace réel.
Ils avaient été extirpé de force hors d’hyperespace, et Taryn n’avait même pas besoin de vérifier les radars qui en connaître la raison. Droit devant, occupant la quasi-totalité de la verrière en transparacier, se trouvait un croiseur impérial de classe Interdicteur.
Ça n’était pas non plus leur première prise. Un transport portant les marques de la Nouvelle République dérivait non loin, relié à une navette impériale. Taryn se demanda s’il s’agissait de l’un des nombreux vaisseaux qui avaient récemment quitté Coruscant.
— Qu’est-ce qui s’est passé ? demanda Bremen, dévalant d’un pas lourd le couloir tandis qu’elle se relevait. Suivant Bremen de près, Del arborait une récente entaille sur le front. Nul besoin de lui répondre car la console des com se mit aussitôt à émettre des grésillements avant qu’une voix en provenance du croiseur Récompense ne les avertisse d’un abordage imminent.
Taryn se laissa tombée sur le siège du pilote, réfléchissant à une solution à un rythme effréné. La datacarte était bien cachée, et à moins que les impériaux ne soient déterminés à lire chacune des missives contenues dans la soute, il était peu probable qu’il la trouve. La minutie de leurs fouilles dépendrait probablement des soupçons qu’ils nourrissaient à leur égard. Leurs datacartes d’identité, à elle et à Del, étaient en règle ; pour Bremen, ce serait une autre affaire, mais elle trouverait quelque chose. Devait-elle admettre qu’elle venait tout droit de Coruscant, ou… ?
— Je vais leur parler, dit Bremen, interrompant le fil de ses pensées. Vous deux, taisez-vous et laissez-moi m’en occuper.
Il tendit une main, s’attendant apparemment à ce que Taryn lui cède les barres de capitaine qu’elle portait sur le devant de sa veste. Elle se raidit.
— Non, je vais leur parler, rétorqua-t-elle avec une certaine aspérité. Vous vous êtes regardé dans un miroir récemment ?
Vêtu d’un uniforme trop petit pour lui, les impériaux ne croiraient jamais qu’il était le capitaine du Messager. Ignorant la réaction outragée de Bremen, elle dit à Del :
— Retourne au sas et tiens-toi prêt à assister la section d’abordage.
— À vos ordres, madame, dit-il sur un ton décidé en sortant du cockpit.
— Coopère pleinement avec eux, hurla-t-elle en signe d’avertissement. (Dehors, une navette en provenance du Récompense était en approche, mais ils disposaient encore de quelques minutes. Lançant un regard à Bremen, elle fronça un sourcil et dit :
— Vous disiez ?
— Avez-vous la moindre idée de la gravité de la situation ? reprit-il. Que croyez-vous qu’ils feront une fois à bord ? Qu’ils jetteront un coup d’œil à votre permis et qu’ils partiront après vous avoir souhaité une bonne journée ?
— J’espère bien, dit Taryn. Se servir de nous comme d’un vaisseau-courrier était l’idée du général Bel Iblis. Alors écoutez-moi bien, c’est moi le capitaine sur ce vaisseau, et c’est moi qui détiens les papiers d’identité adéquate pour le prouver. Vous avez une meilleure idée ? Sa résistance était ferme, mais elle marquait un point.
— Je prends ça pour un non, reprit Taryn. Vous ne parlez pas à moins qu’on vous pose une question, vous faites tout ce que les impériaux vous demandent de faire, immédiatement et avec courtoisie, et si vous portez des arme, débarrassez-vous en maintenant. C’est compris ?
Le visage de Bremen semblait aussi raide que celui d’un droïde et ses yeux scintillaient, mais il lui adressa malgré tout un hochement de tête.
— Bien, dit Taryn en libérant son souffle qu’elle avait inconsciemment retenu. Préparons-nous à accueillir nos invités.
Alors que la navette impériale se positionnait sur leur flanc, elle sortit le datapad qui contenait le permis du Messager. Elle eut juste le temps de retourner au sas et d’adopter une posture raide avant que le sas ne s’ouvre et que cinq impériaux ne débarque à leur bord.
L’homme de tête, un homme d’âge moyen portant la casquette d’un officier naval, s’arrêta à l’intérieur tandis que les quatre autres soldats, tous armés, se déployèrent dans le couloir.
— Je suis le commandant Voldt, dit-il sur un ton sec. Qui dirige ce vaisseau ?
— C’est moi. (Taryn s’avança.) Capitaine Taryn Clancy, des Services du Courrier du Noyau. Et voilà mon équipage.
Voldt la jaugea, son regard s’attardant sur les courbes de son uniforme, puis lança un regard bref à Del et Bremen. Il remarqua les chevilles dénudées de Bremen, puis reporta son regard sur Taryn.
— Les Services du Courrier ? Ceci est un vaisseau-courrier ?
— Oui, monsieur, répondit Taryn. En route pour Coriallis.
— Point d’origine ?
Elle avait déjà décidé qu’il était inutile de mentir. Le vecteur de vol sur lequel ils avaient été interceptés le désignait clairement.
— Notre dernière halte était sur Coruscant, lui dit-elle. Mais en arrivant dans le système, nous avons vu ce qui ressemblait à la totalité de la flotte impériale rassemblée autour de la planète, et avons décidé de repasser plus tard. On ne cherche pas les ennuis, vous savez ?
Il acquiesça lentement, comme s’il n’était pas entièrement convaincu par l’explication de Taryn.
— Vous avez manqué une livraison ? demanda-t-il. Vos employeurs ne promettent-ils pas une livraison rapide ?
Taryn se permit d’avoir l’air déconcertée.
— Eh bien, si, dit-elle. Mais ils n’ont pas le même discours lorsqu’il s’agit d’une zone de combat.
Voldt la fixa du regard, puis émit un grognement. D’amusement ou de dédain, elle n’en savait rien. Lorsqu’il fit un geste décontracté de la main, deux des soldats disparurent dans les couloirs du vaisseau pour procéder aux fouilles.
— Et si vous me montriez vos papiers d’identité, dit-il sur le ton de la suggestion.
— Certainement.
Taryn lui tendit la datacarte de son permis. Il transmit l’immatriculation et les informations d’enregistrement du vaisseau au Récompense en attente d’une confirmation, puis inspecta leurs pièces d’identités, levant un sourcil lorsque ce fut au tour de Bremen de fournir sa propre pièce d’identité. Bremen parut à la fois embarrassée et sincère tandis qu’il marmonnait :
— Mes excuses, monsieur. J’ai été volé au spatioport.
Voldt posa de nouveau un regard spéculatif sur son uniforme.
— On dirait que ce n’est pas la seule chose qu’ils vont ont pris, dit-il sur le ton de la remarque. Que c’est gênant pour vous.
Bremen acquiesça. Voldt le fixa du regard pendant un moment, puis reporta son regard sur les deux soldats qui revenaient de leur inspection.
— Personne d’autre à bord, mon commandant, dit l’un d’eux tandis que l’autre s’avançant en tenant deux blasters.
— À qui appartiennent ces choses ? demanda Voldt.
— Celui-là est à moi, dit Taryn en indiquant le blaster qu’elle gardait cachée sous son oreiller dans sa cabine. (Elle regarda Bremen puis Del.) À qui est celui-ci ?
— À moi, mon capitaine. (Del fit un pas en avant.) Je sais que vous n’aimez pas nous voir en apporter à bord, alors je l’ai caché sous ma couchette, ajouta-t-il, l’air penaud.
— On en reparlera, dit-elle sur un ton répressif, se demandant où Bremen avait bien pu “perdre” son arme.
Voldt lui adressa un regard insondable, puis hocha la tête à l’intention du soldat, qui recula, portant toujours les armes qu’il avait trouvé lors de son inspection. Il rendit sa datacarte à Taryn.
— Capitaine, j’aimerais voir le contenu de votre soute, si vous voulez bien.
Malgré son phrasé, il était évident qu’il ne s’agissait pas d’une demande.
Taryn ouvrit la marche, essayant d’évaluer à quel point les impériaux étaient suspicieux, et à quel point cette inspection serait exhaustive. Jusque-là, l’attitude de Voldt n’avait rien révélé de leurs intentions. D’un air détaché, elle regarda par-dessus son épaule.
— Si vous le permettez, monsieur, j’aimerais savoir pourquoi vous nous avez arrêtés ? Sommes-nous à proximité d’un poste de contrôle ?
Le commandant émit un gloussement significatif.
— On peut dire ça, répondit sèchement Voldt. (Son regard était fixé sur le balancement des cheveux noirs de Taryn.) Voyez-le comme un poste de contrôle pour les traîtres.
— Les traîtres ? répéta-t-elle avec circonspection.
— Les traîtres à l’Empire, reprit-il, levant enfin le regard alors qu’ils arrivaient à la soute. Les rebelles qui se sont enfuis de Coruscant. Nous les avons chassé et sauvé la population de leurs méthodes terroristes, mais ils ont réussi à se sauver, comme les lâches qu’ils sont, pensant pouvoir trouver un lieu sûr. (Il esquissa alors un sourire déplaisant.) Ils n’iront pas bien loin.
Taryn se demanda si les croiseurs Interdicteur impériaux étaient positionnés le long de chaque voie hyperspatiale qui partait de Coruscant. Si c’était le cas, la plupart des vaisseaux en fuite étaient indubitablement tombés dans le piège des impériaux, y compris le transport qu’elle avait remarqué plus tôt. Peut-être qu’eux aussi l’étaient.
Elle chassa cette pensée de son esprit. Non, jusque-là, on s’en sort plutôt bien. La seule chose dont il fallait s’inquiéter, c’était la datacarte, qui était dissimulée quelque part dans les caisses qui emplissaient la soute. Rassurée, elle déverrouilla la porte et intima à Voldt d’entrer.
Il s’exécuta, parcourant la pièce du regard avant d’enjamber un obstacle pour examiner les piles de caisses mises sous scellé.
— Elles sont à destination de Coriallis, dit-il sur le ton de la remarque en étudiant les sceaux posés sur les caisses les plus visibles.
— Oui, monsieur. C’est notre prochain arrêt, confirma Taryn.
— Mais où est passé le chargement que vous n’avez pas livré à Coruscant ?
Il se tourna pour lui faire face, levant un sourcil d’un air interrogateur.
Effectivement, où était-il passé ? L’estomac de Taryn se souleva tandis qu’elle réfléchissait à la question. Non seulement ils avaient livré le courrier destiné au Palais Impérial, mais ils avaient également livré le courrier standard de Coruscant. Il n’y avait rien ici susceptible de corroborer son histoire.
Des excuses faillirent sortir de la bouche de Taryn, mais avant qu’elle ait pu en laisser échapper une seule, Del s’avança.
— Je les ai déplacés, mon capitaine, dit-il avant d’indiquer trois caisses empilées de façon désordonnée dans un coin de la soute. Chacune était marquée “en partance pour Coruscant”, et Taryn retint son souffle lorsque Voldt insista pour les ouvrir toutes les trois. Choisissant d’inspecter au hasard plusieurs datacartes, il découvrit qu’elles étaient toutes destinées à des endroits situés sur Coruscant. Soulagée, Taryn jeta un regard à son second, se demandant à qui appartenait le courrier qui leur avait servi à organiser cette mascarade. De toute évidence, Del et Bremen n’avait pas passé tout leur temps dans la soute à se chamailler.
— Humm, grommela Voldt en replaçant le couvercle de la dernière caisse avant de parcourir la soute du regard comme dans l’espoir de trouver Mon Mothma en personne se cachant au beau milieu des monte-charges. Pointant deux soldats du doigt, il ordonna que l’on examine les caisses. Mais les fouilles furent sommaires puisque les soldats eurent à peine besoin de les ouvrir pour confirmer qu’elles contenaient du courrier.
Ordonnant sèchement de refermer les caisses, Voldt fit signe à Taryn à son équipage de le suivre et retourna en direction du sas principal. Appelant le Récompense via comlink, il reçut la confirmation que le permis Messager était en règle et ensuite, l’air quelque peu déçu, il dit à Taryn qu’elle et son équipage étaient libres de partir.
Essayant de ne pas montrer son soulagement, elle dû mettre davantage d’efforts à ne pas lancer à Bremen un regard qui disait « je te l’avais bien dit. » Les quatre soldats les rejoignirent, et après une poignée de main inattendue avec Voldt, qui dura bien trop longtemps au goût de Taryn, les impériaux retournèrent à leur vaisseau.
Elle relança le calcul d’un cap sur le navordinateur, puis fit faire demi-tour à son vaisseau et partit en direction des étoiles, essayant d’atteindre une distance suffisante pour passer en vitesse-lumière. Jetant un dernier regard au transport de la Nouvelle République que les impériaux avait capturé, Taryn se demanda ce qui arriverait à ses occupants.
Lorsque la console émit enfin une intonation familière, Taryn agrippa les leviers de l’hyperdrive, les tira délicatement en arrière, et décida de laisser ce problème derrière elle définitivement.
J’ai suffisamment d’ennuis qui m’attendent, pensa-t-elle, exaspérée, une semaine plus tard, en regardant l’étendue de l’espace face à eux et tout à fait consciente du fait que Bremen était en train de l’épier dans son dos, comme d’habitude.
Le reste du trajet jusqu’à Coriallis s’était déroulé sans accroc, et une fois là-bas, Bremen avait programmé un nouveau cap dans le navordinateur. Depuis lors, ils étaient entrés et sortis d’hyperespace une douzaine de fois en chemin pour intercepter l’une des flottes de combat de la Nouvelle République, quelque part dans les régions frontalières.
Du moins, Taryn pensait qu’il s’agissait des régions frontalières. Elle ne reconnaissait pas la plupart des endroits où ils s’arrêtaient, et Bremen ne voyait aucune raison d’éclairer sa lanterne – à propos de leur position, ou de quoi que ce soit d’autre d’ailleurs. Il l’informa de manière concise qu’elle reprendrait les commandes du Messager une fois qu’ils auraient intercepté la flotte et transmis le message.
Ils étaient enfin arrivés au point d’interception. Alors où était la flotte ?
— Ils risquent d’avoir un peu de retard, dit Bremen. (Taryn regarda par-dessus son épaule pour voir son froncement de sourcils caractéristique.) Le rendez-vous a été fixé ici même, ajouta-t-il en voyant l’expression sur le visage de Taryn.
— S’ils ignorent qu’on arrive, qui est-ce qu’ils sont censés rencontrer ? demanda-t-elle.
Bremen ignora la question ; de toute évidence, il s’agissait d’une autre information qu’il n’était pas habilité à révéler à de simples civils. Étant donné qu’ils étaient sortis d’hyperespace en bordure d’un système et qu’ils se déplaçaient comme des voleurs au lieu de se rapprocher de l’une des planètes, Taryn supposa que la Nouvelle République avait un avant-poste dans les parages que la flotte devait contrôler. Bremen ne voulait simplement pas trop se rapprocher pour qu’elle et Del ne puisse pas le voir de leurs propres yeux.
Elle poussa un soupir. Malgré une semaine passée à vivre confinés, ou peut-être même à cause, il était plus difficile de s’entendre avec Bremen. Elle avait finalement eu à ordonner à Del d’arrêter de lui lancer des piques – si seulement elle pouvait aussi ordonner à Bremen de se débarrasser de ses manières condescendantes. Son attitude lui rappelait beaucoup trop celle de son père.
Car il était impossible que la flotte ait été retardée, et car ils n’avaient nulle part à aller, le Messager se contenta de dériver pendant les heures qui suivirent. Taryn était assise dans le cockpit, regardant les étoiles et essayant de se rappeler des cartes d’astronavigation des régions frontalières lorsque Bremen arriva pour se laisser tomber dans le siège du copilote.
Un peu surprise, elle lui jeta un regard en coin pendant qu’il contrôlait les écrans des capteurs longue-portée. Il avait enfin cessé de l’épier, apparemment certain qu’elle ne comptait pas pirater le navordinateur pour découvrir où ils étaient. Naturellement, elle l’avait fait, seulement pour découvrir que toute trace de leurs précédents sauts en hyperespace avait été effacée.
Ce n’était donc pas vraiment une question de confiance, car ça n’avait pas vraiment d’importance.
— Vous ne nous appréciez pas beaucoup, pas vrai ? dit-elle.
Il leva lentement le regard.
— Pardon ?
— Vous et votre Nouvelle République n’êtes pas les seuls à prendre des risques ici, vous savez. Moi et Del, on est aussi sur le fil du rasoir, dit-elle. S’ils vous attrapent, ils nous attrapent. Vous croyez vraiment qu’on va chercher à empirer les choses ?
— Pas délibérément, non, dit-il sur le ton de la concession. Mais des accidents sont vite arrivés. Et si on reparlait du moment où Voldt a demandé à voir le courrier de Coruscant – vous n’aviez pas pensé à ça, hein ? Et si on n’avait rien pu lui montrer ?
— Ces histoires de cape et d’épée, c’est votre domaine, rétorqua-t-elle. (Le commentaire de Bremen avait fait mouche. Il avait raison ; et au lieu de se mettre sur la défensive, elle devrait l’admettre et en tirer une leçon.) Ça ne vous donne pas le droit de nous traiter comme des bons à rien, et de me garder dans l’ignorance. J’ai le droit de savoir.
Il croisa les bras et la jaugea du regard.
— Capitaine Clancy, je ne vous ai pas caché que je n’appréciais pas le fait de vous voir prendre part à la mission. Vous êtes des civils, et davantage une gêne qu’une aide quelconque. On ne peut pas se fier à vous lorsqu’il s’agit de prendre des décisions éclairs capables de nous tirer d’affaire.
Taryn rougit mais s’efforça de garder son aplomb tandis que Bremen continuait de parler.
— Mais vous êtes là de toute façon, alors moins en savez, mieux vous vous portez. Si vous ne savez rien, vous ne pourrez rien dire.
— Pour qui est-ce que vous me prenez ? demanda-t-elle d’un air effronté. Si j’avais voulu vous trahir, je l’aurai fait quand Voldt était à bord. Au cas où vous n’auriez pas remarqué, je ne l’ai pas fait.
— Non, c’est vrai, dit-il sur le ton de la concession. Mais mieux vaut prévenir que guérir.
Taryn essayait encore de savoir si ça valait le coup de discuter avec cette tête de mule lorsqu’elle la prise de décision lui fut épargnée par un bip en provenance de l’écran radar.
Un vaisseau, émergeant d’hyperespace à environ trente kilomètres d’ici.
Elle réagit avant Bremen, actionnant une série de boutons pour enclencher les moteurs.
— Del ! hurla-t-elle en direction du corridor, essayant de manœuvrer le lent Messager sur une courbe à trois-cent soixante degrés pour faire face au vaisseau en approche. Alors que le vaisseau apparaissait à portée de vue, Taryn reconnut un vaisseau d’attaque lourd Skipray couvert d’impacts et dépourvu de marquages indiquant son appartenance. Mais de toute évidence, ce n’était pas la flotte.
Super, se dit-elle d’un air grave tandis que le signal lumineux de la console com clignotait, indiquant que le chasseur stellaire cherchait à les contacter. Elle activa l’interrupteur com alors que Del arrivait dans le cockpit, remarquant que les moteurs n’étaient qu’à zéro point trente-cinq de sa puissance. Ils n’arriveraient pas à s’enfuir ; du moins, pas pour le moment.
Une voix féminine et fraîche jaillit des haut-parleurs de la console.
— Cargo non-identifié, avez-vous besoin d’assistance ? demanda-t-elle tandis que le Skipray s’écartait de la ligne du mire du Messager, se positionnant hors de portée de ses canons laser. Taryn tourna son vaisseau face à la menace potentielle avant de répondre :
— Ici le capitaine Clancy à bord du Messager, et merci, mais non, tout va bien, dit-elle hâtivement avant que Bremen n’ait eu le temps de dire quoi que ce soit.
Ce dernier se leva du siège de Del et se tint dans le petit espace qui les séparait, regardant le vaisseau d’attaque avec un air renfrogné.
— Capitaine Clancy, vous dites ? Exactement la personne que je cherchais, dit la voix alors que Taryn jetait un deuxième coup d’œil à ses écrans de contrôle.
Zéro point six-cinq de sa puissance ; au moins, ils pouvaient commencer à bouger. Elle commença à s’avancer furtivement lorsque le pilote du Skipray demanda :
— J’aurais voulu savoir si je pouvais parler à votre invité ?
Une requête pour le moins inattendue, et une légère inflexion sur le dernier mot qui poussèrent Taryn à lever le regard vers Bremen. À sa surprise, il était en train de serrer les dents.
— Ici Bremen, dit-il sèchement.
— Ah, mon colonel. Ici Mara Jade, dit le pilote. Je vois que vous avez fait le voyage depuis Coruscant en un seul morceau.
Elle avait l’air vaguement amusée.
— Venez-en au fait, reprit Bremen.
Taryn et Del lui adressèrent un regard stupéfait. Même en étant des plus dédaigneux envers eux, il ne s’était jamais montré aussi malpoli.
— Le fait est que votre rendez-vous avec la flotte des Régions Frontalières est annulé, dit-elle, imperturbable. Ils ont effectué un détour, et n’arriveront pas ici avant plusieurs jours. Le Haut Commandement a déjà envoyé un nouveau courrier sur leur position, alors on vous êtes tirés d’affaire.
— Je n’ai pas été informé d’un quelconque changement, dit Bremen.
— Vous venez de l’être.
— Pourquoi est-ce qu’ils vous ont envoyé, vous ? rétorqua-t-il.
— Parce que l’information concernant la position de la flotte est passée par l’un de mes contacts au sein de la coalition des contrebandiers, dit-elle. Les informations sont notre gagne-pain.
Taryn pensa alors comprendre l’animosité de Bremen. Si cette Mara Jade était bel et bien une contrebandière, l’attitude policière de Bremen ne lui laisserait pas une grande marge de tolérance.
— Avez-vous la moindre confirmation ? demanda-t-il.
— Je connais simplement la nouvelle position de la flotte, répondit-elle froidement. Si vous êtes prêt, je vous la transmets. (Un transfert de données s’afficha sur le panneau de contrôle, et une série de nombres défila le long de l’écran.) Même si vous n’en aurez pas besoin, ajouta-t-elle. Le Haut Commandement a dit que vous pouviez rentrer chez vous.
— Merci, mais nous allons peut-être nous attarder ici plus longtemps, dit Bremen, l’air clairement soupçonneux.
Le pilote du Skipray marqua une pause.
— Faites comme bon vous semble, dit finalement Mara.
Le signal lumineux des com s’éteignit tandis que le vaisseau tournait sur son axe et s’éloignait. Avant que Taryn n’ait eu l’occasion de demander à Bremen combien de temps il comptait attendre ici, un autre vaisseau émergea brusquement d’hyperespace, droit devant.
Bremen jura méchamment alors que Taryn reconnaissait la forme distincte d’un croiseur de classe Carrack.
— Allez, allez ! aboya-t-il à Taryn alors que le signal lumineux des com s’allumait de nouveau et qu’une voix sévère leur ordonnait de s’arrêter sous peine d’être détruits.
Taryn fit une embardée et enfonça l’accélérateur. Elle et Del se retrouvèrent collés à leurs sièges tandis que le Messager partait en trombes. De son côté, Bremen parvint à s’accrocher à quelque chose alors qu’ils fonçaient tous les trois à travers l’espace profond. Du coin de l’œil, Taryn vit que le Skipray avait tourné et revenait sur leur position, et un moment plus tard, les capteurs lui indiquèrent la raison.
Le croiseur avait lancé des chasseurs TIE.
— Oh, bon sang, pas encore ! marmonna-t-elle. (La chance avait été de leur côté lorsque le Messager était passé au travers du barrage impérial autour de Coruscant ; cette fois-ci, elle doutait que les choses se déroulent de la même manière.) Del, calcule-nous un cap hors d’ici, dit-elle sur un ton hargneux, essayant d’évaluer le laps de temps qui leur restait avant que les deux chasseurs TIE leurs tombent dessus.
— Pas possible – je ne sais même pas où on est ! répondit-il sur le même ton.
— Qu’est-ce que tu dis de celles-ci ? demanda Taryn en indiquant les coordonnées que Mara Jade leur avait transmises et qui étaient toujours affichées à l’écran.
— Non ! objecta Bremen. C’est peut-être un piège. Ce croiseur n’est pas tombé là par hasard. (Il vacilla tandis qu’un bruit sourd en provenance de la poupe du Messager indiquait que les chasseurs TIE les avaient rattrapés.) Elle revient maintenant pour finir le travail, ajouta-t-il sur un ton amer, lançant un regard sévère en direction du Skipray qui se dirigeait vers eux.
Des tirs de canons laser fusèrent autour d’eux tandis que le Skipray se rapprochait à toute vitesse, et Taryn se demanda si Bremen avait vu juste. Mais le vaisseau d’attaque passa en trombes par-dessus leurs têtes, et un instant plus tard, l’un des points lumineux sur l’écran radar disparut.
— Je ne traînerais pas dans le coin, si j’étais vous, dit Mara Jade, et Taryn décida qu’il était temps de prendre l’une de ces décisions éclairs que Bremen ne le croyait pas capable de prendre.
— Entre les coordonnées, ordonna-t-elle à Del, qui était déjà occupé avec le navordinateur. Bremen protesta, mais avant qu’il ait pu intervenir un autre impact secoua le vaisseau, le déviant de sa trajectoire. Le temps qu’il reprenne position derrière Taryn, l’indicateur lumineux de bouclier du Messager se mirent à clignoter dans un ton rouge inquiétant.
Agrippant fermement les contrôles, Taryn tenta d’éviter le barrage de tirs qui pleuvait sur la poupe de son vaisseau. Mais le vieux cargo n’était tout simplement pas de taille face aux chasseurs stellaires impériaux plus rapides. Si le Skipray n’avait pas été là pour harceler les TIE et détourner leur attention, le Messager aurait déjà été réduit en miettes.
Ce qui était encore une possibilité.
Une autre secousse projeta Bremen contre le dossier du siège de Taryn. S’agrippant au siège, il jeta un œil par-dessus l’épaule du capitaine Clancy pour vérifier l’écran des capteurs et hurla quelque chose. Juste au moment où elle posait les yeux sur les relevés et réalisait soudainement que les deux chasseurs TIE restants se préparaient à rejoindre l’attaque, le navordinateur émit un son qui lui était caractéristique.
Elle tira sur les leviers, et ils s’enfuirent tous dans le vide béni de l’hyperespace.
Le saut en hyperespace s’avéra n’être qu’un petit bond.
À peine une heure après avoir faussé compagnie au croiseur impérial, l’alarme de proximité se mit à résonner, indiquant que dans une minute, ils sortiraient d’hyperespace.
Bremen avait passé la plus grande partie du trajet à menacer de mettre fin au saut, mais même lui ne voulait pas risquer d’endommager le Messager avec une autre sortie imprévue.
En dépit du fait que Taryn lui avait fait remarqué que le Skipray les avait aidé à s’enfuir, il restait fermement convaincu que Mara Jade les avait vendu aux impériaux. Il ne voyait aucune autre explication pour l’arrivée surprise du croiseur.
— Un panthac ne change pas ses rayures, dit-il sombrement, mais il refusa d’expliquer son commentaire.
La console émit de nouveau un bip, et Taryn réduisit la puissance des leviers d’hyperdrive. Le ciel tacheté devint un champ de lignes étoilées, qui elles-mêmes devinrent des étoiles. Ils étaient arrivés.
Il n’y avait rien à proximité, mais les capteurs longue-portée montraient un certain nombre de vaisseaux situés non loin, à tribord. En quelques secondes, ils furent suffisamment près pour pouvoir les identifier. C’était bien la flotte de la Nouvelle République.
Lorsque le croiseur Mon Calamari voulut les contacter, Taryn laissa les com à Bremen. Le capitaine du vaisseau confirma qu’un messager de la Nouvelle République était déjà arrivé.
— Mais nous sommes quand même ravis de vous voir, ajouta le capitaine Arboga de sa voix grave. La datacarte qu’il nous apporté semble être endommagée, et nous voudrions la comparer avec la vôtre pour combler les trous.
La seule chose qui restait à faire était de déposer Bremen et sa datacarte. Grandement soulagée par cette perspective, Taryn se dirigea vers l’Espoir. Ils se trouvaient encore à plusieurs kilomètres du croiseur stellaire lorsque Bremen s’avança dans le cockpit en tenant un petit objet circulaire.
Taryn écarquilla les yeux en horreur lorsqu’elle le vit.
— D’où vient ce truc ?
— De la soute, lui répondit Bremen d’un ton grave. L’ironie, c’est qu’il était dans la caisse même où était cachée la datacarte. Les impériaux ont dû l’installer quand ils ont rempilés les caisses. (La carte dans son autre main indiquait qu’au moins une chose avait échappé à la fourberie impériale.) C’est probablement comme ça qu’ils nous ont trouvé, reprit-il avec amertume ; une concession peu enthousiaste que l’apparition du croiseur n’était finalement pas du fait de Mara Jade. Se penchant près de Taryn, il ouvrit la fréquence com.
— Capitaine, dit-il, nous avons trouvé une balise de repérage…
— Et nous avons trouvé qui l’a suivait, dit Arboga en lui coupant la parole. Jetez un coup d’œil à l’arrière.
Taryn jeta un œil aux radars et réprima un grognement. Le croiseur auquel ils avaient récemment faussé compagnie était apparu derrière eux. Enfonçant brusquement l’accélérateur, elle jura en silence lorsqu’une poussée soudaine l’enfonça dans son siège. Elle et Del avaient été si près du but. Voilà où ils en étaient maintenant, coincés au beau milieu d’une bataille entre l’Empire et la Nouvelle République.
— Il n’est pas de taille face à la flotte entière, dit Del, apparemment surpris de voir que le croiseur continuait de les suivre malgré tout.
— Mais il l’est largement face à un tas de ferrailles comme celui-là, si on ne se met pas hors-de-portée de ses canons, ajouta Bremen d’un ton ferme. (Il adressa un regard sévère à Taryn.) Vous ne pourriez pas aller plus vite ?
Elle serra les dents. C’en était trop.
— Contentez-vous de vous taire, cracha-t-elle. Si vous aviez fait votre boulot et trouvé cette satanée balise après qu’ils l’aient installé, on ne se trouverait pas au beau milieu de cette pagaille.
Bremen ouvrit la bouche, mais un bruit soudain en provenance de la poupe lui coupa l’herbe sous le pied. L’indicateur des écrans déflecteurs clignotait faiblement, et Taryn lu le message de diagnostic qui défilait le long de l’écran. Elle leva les yeux vers Del. Le visage de son second était tendu lui aussi lorsqu’il résuma l’état déplorable des boucliers. Le Messager trembla sous l’effet d’un autre impact, et le message de diagnostic vira au rouge et commença à clignoter. Del semblait gravement résigné.
Se penchant en avant, Taryn enfonça un bouton et une section du panneau de contrôle, jusque-là restée dans le noir, s’illumina brusquement.
— Le générateur de boucliers de secours, dit-elle brièvement à l’intention de Del. Je l’ai peaufiné pendant que je réparais le générateur de boucliers principal, après qu’on ait quitté Coruscant.
— Mais il nous manquait des pièces, dit-il.
— Il faut juste savoir où chercher, dit Taryn en repensant à la manière dont elle avait cannibalisé le générateur principal pour améliorer le générateur de secours. Les boucliers supplémentaires étaient une précaution qu’elle avait commencé à prendre sur les conseils de son père, et elle avait installé un générateur de secours dans chaque vaisseau qu’elle avait commandé. Ayant rarement besoin du Messager, elle ne s’était hâtée pour le rendre opérationnel. Mais l’évacuation de Coruscant lui avait fait changer d’avis.
— Il ne tiendra pas longtemps, reprit-elle tandis qu’un autre impact venait faire trembler le vaisseau. Mais peut-être assez longtemps.
Poussant la vitesse de son vaisseau au maximum, sans pour autant oublier que ce n’était pas assez, Taryn fonça vers l’immense Espoir et la relative sécurité qu’il offrait. Disposé à finir le travail qu’il avait commencé, le croiseur suivit le Messager dans sa course.
Et il n’eut aucun mal à le rattraper.
Juste au moment où le message de diagnostic défilait de nouveau en rouge et où Taryn priait pour que les boucliers tiennent encore un peu, ils y arrivèrent enfin.
Les tirs de turbolasers de l’Espoir furent rejoints par ceux de deux autres croiseurs Mon Cal, et le croiseur Carrack abandonna subitement la poursuite alors que son commandant réalisait qu’il était dangereusement à portée de tir de la flotte de la Nouvelle République. Des flammes dansèrent le long des sections noircies de son flanc tribord, et une petite explosion illumina brièvement une partie de la coque située au-dessus de l’un de ses pots d’échappement dorsaux. Apparemment convaincu que battre en retraite était la décision la plus sage dans cette situation, le commandant du croiseur Carrack ordonna à son barreur de virer de bord. Les puissants réacteurs subluminiques du vaisseau s’évanouirent dans le vide obscur de l’espace.
Mais il n’allait pas assez vite.
Le flamboiement émit par le croiseur en flammes éclaira la verrière du Messager. Par la verrière tribord, Taryn aperçut plusieurs points se déplaçant à vitesse rapide – des Ailes-X, reprenant une formation d’escorte après avoir lancé des torpilles à protons sur les zones endommagées du vaisseau impérial. La boule de feu se mit à faner à mesure que le Messager approchait le hangar d’appontage de l’Espoir.
Derrière elle, Bremen était silencieux. Remontant les répulseurs et posant délicatement le vaisseau à la surface du hangar, Taryn attendit avec impatience que l’officier lui lance une critique. Au lieu de ça, il se contenta de dire :
— Vous ne m’avez pas dit que nous avions des boucliers supplémentaires.
— Vous ne m’avez pas posé la question.
— Oui, enfin…
Il hésita si longtemps que Taryn se tourna à moitié pour le fixer du regard. Son habituel air renfrogné était là, mais son regard était direct lorsqu’il admit enfin :
— Quand le générateur principal nous a lâchés, j’ai bien cru que c’était la fin.
— Ça a failli l’être, dit-elle. Remerciez mon père – c’est lui qui m’a appris à optimiser mes chances quel que soit mes moyens. Après Coruscant, je me suis dit qu’on aurait besoin d’un bouclier en extra.
— C’est plutôt utile, dit Bremen sur le ton de la concession. (Il marqua une nouvelle pause, plus longue cette fois.) Écoutez, dit-il finalement, je sais que je me suis opposé à votre participation à cette mission, mais… dans l’ensemble, vous vous êtes pas mal débrouillés aujourd’hui.
Pas mal ? répéta Taryn dans sa tête, décontenancée, le regard fixé sur Bremen. On leur avait tiré dessus, on les avait tirés d’hyperespace, abordé, et ils avaient empêché un commandant impérial de mettre la main sur une datacarte qui contenait des informations cruciales pour la Nouvelle République. Était-ce là son idée d’un compliment ?
Bremen rougit légèrement en voyant l’expression sur le visage de Taryn, mais il reprit :
— On a toujours besoin de bons pilotes, et si jamais vous envisagez un changement de carrière, la Nouvelle République pourrait avoir besoin de vos services.
Elle ne savait pas quoi dire.
— Réfléchissez-y, dit-il. Je vous indiquerai certains de mes contacts, si jamais ça vous intéresse. Vous aussi, dit-il à Del.
— Sans façon, dit Del. Je prends ma retraite.
Taryn lui adressa un regard plein de surprise. C’était vrai ; après trente ans de bons et loyaux services passés à livrer du courrier aux mêmes vieux spatioports le long du même vieux trajet, et une fois cette course finie, sa carrière de pilote était finie.
Était-elle vraiment impatiente d’en arriver à ce moment ?
— Merci pour l’offre, dit-elle à Bremen. J’y réfléchirai. Mais pour le moment, je dois reprendre la route. Sans oublier que je dois trouver un moyen de retourner sur Coriallis.
Bremen se pencha au-dessus de l’épaule de Del.
— Voilà qui devrait faire l’affaire, dit-il en affichant une carte sur le navordinateur. (Avant de partir, il lui tendit une datacarte et réitéra son offre.) Pensez-y.
Tandis que Taryn quittait le hangar d’appontage de l’Espoir et se préparait au premier saut d’une courte série de passages en hyperespace qui la ramèneraient dans les Mondes du Noyau, elle tenta d’imaginer ce que son père dirait si elle décidait d’arrêter de livrer du courrier et de commencer une carrière de pilote au service de la Nouvelle République.
Dirait-il quelque chose de condescendant ou serait-il ravi ? Elle considéra la question pendant un moment, puis haussa les épaules. Essayant de percer la voûte étoilée qui s’étendait devant son regard, elle réalisa qu’elle avait cessé d’accorder de l’importance à ce que son père disait.
Taryn esquissa un sourire et tira les leviers en arrière. Les étoiles s’allongèrent puis se fondirent en un tunnel tacheté de bleu. Elle était de nouveau dans la course.