Chapitre 6
Un Parisien visitant New York reste un Parisien ; un Parisien s’installant à New York reste un Parisien ; un Parisien né à New York reste un Parisien. Un Parisien restera un Parisien jusqu’à la fin des temps.
Proverbe du quartier de New Montmartre
Cité Unifiée de NyLoPa
Les flics reprochaient aux fouineurs de ne jamais prendre de risques. Nombre d’entre eux, pourtant, furent blessés ou laissèrent leur vie dans leurs enquêtes. Être les cibles des plombeurs et de toutes sortes de criminels n’était pas l’apanage des flics.
Pas grand monde au rayon lingerie du grand magasin, quelques femmes de tous âges, quelques hommes égarés, quelques vendeuses reconnaissables à leurs badges holographiques. Une vague odeur de vase imprégnait l’air rafraîchi par des climatiseurs vétustes et bruyants.
« Tu les vois ? » chuchota Théodore.
La main posée sur la crosse de son taz dans la poche de sa veste, Ganesh se redressa et jeta un coup d’œil par-dessus les portants et les rayons. Une femme blonde qui entrait dans une cabine lui retourna un regard outré.
« Non.
— Il faut qu’on change de rayon, marmonna Théo. On a l’air de deux vicieux au milieu des petites culottes et des soutiens-gorge. Les vendeuses nous regardent d’un sale œil.
— Trop tôt à mon avis : nos poursuivants sont encore dans les parages. Je préfère être fusillé du regard par une vendeuse que recevoir une balle dans le crâne. Je ne suis pas pressé de mourir. Tu crois qu’ils vont se servir de nos biopuces pour nous pister ? »
Probabilités : 36 %.
« En principe non, mais, en principe aussi, le brouillage de la biopuce de Tom était inviolable. »
Ganesh repéra deux silhouettes sombres qui venaient de se glisser par l’entrée secondaire située à quelques mètres de l’escalator ; les deux hommes s’arrêtaient fréquemment pour observer l’espace entre chaque portant.
« Je les vois.
— Ils ont l’air de savoir où ils vont ?
— Ils paraissent chercher.
— On sait au moins qu’ils ne sont pas reliés à la fréquence de nos biopuces.
— Ils viennent par là.
— Planque-toi. »
Ganesh se baissa près de Théo, l’index crispé sur la détente de son taz. Son front frôla les culottes jetées en vrac dans un bac. Un claquement de talons domina le brouhaha du magasin et se rapprocha d’eux.
« You can’t stay there. »
Une femme s’avançait vers eux, vêtue d’un tailleur néo-rétro, coiffée d’un chignon serré qui donnait de la sévérité à son visage rond, presque lunaire.
Responsable d’étage, probabilités : 69 %.
« Manquait plus que ça », soupira Théo entre ses lèvres serrées.
Les traits de la femme changèrent brutalement, comme si elle avait arraché son masque.
« Vous êtes de Paris ?
— Ça s’entend, non ? répondit Théo à voix basse.
— Vous ne devriez pas rester là, ou je vais être obligée de prévenir la sécurité.
— Comment vous appelez-vous ?
— Le moment est mal choisi pour…
— Comment ? »
Ganesh se demanda où Théo voulait en venir. Il prit le risque de se relever une nouvelle fois et de balayer les environs du regard. Une dizaine de mètres à peine les séparaient désormais de leurs deux poursuivants.
« Aldine.
— Vous venez vous aussi de Paris, Aldine, n’est-ce pas ?
— Mes ancêtres sont originaires de Paris, mais je ne sais pas ce que ça…
— Nous ne nous sommes pas planqués dans ce rayon pour ce que vous croyez ; c’est une question de vie ou de mort, vous comprenez ? De vie ou de mort.
— Ils approchent », murmura Ganesh.
L’indécision de la femme se traduisit par un curieux mouvement de ses mains, comme si elle se les lavait sous le jet d’un robinet. Ses yeux affolés volaient dans tous les sens, comme des oiseaux en cage.
« Je ne peux pas…
— De vie ou de mort, Aldine. »
Elle finit par acquiescer d’un mouvement de tête.
« Suivez-moi, fit-elle à voix basse. Ne vous relevez surtout pas, on pourrait vous voir par-dessus les rayons. »
Elle les guida dans un dédale de rayonnages jusqu’à une porte en partie dissimulée par un rideau pourpre. Ganesh résista à la tentation de vérifier que les deux autres ne suivaient pas Aldine. La porte s’ouvrit dans un déclic. Ils passèrent dans une pièce sombre imprégnée d’une odeur de linge et de détergent.
« Ici, vous serez tranquilles », fit Aldine.
Elle referma la porte. Théo se releva et se massa les reins.
« On est où ?
— Dans la réserve. En tant que responsable du rayon lingerie, je suis la seule à avoir le code.
— Merci du fond du cœur, Aldine. »
La ville de New York comptait un grand nombre de ressortissants originaires de Paris. La dernière grande vague d’immigration datait de quelques années avant la formation des Cités Unifiées, en des temps terribles où les hordes sauvages venues de l’est déferlaient sur l’ancienne région de France, détruisant tout sur leur passage. La ville de Paris ne disposant pas encore de ses remparts, prise de panique, une partie de la population s’était ruée dans les avions et bateaux à destination de l’Amérique. On s’était battu, piétiné, entre-tué, sur les passerelles pour occuper les derniers sièges disponibles.
On estime à deux cent mille le nombre de candidats au départ ayant réussi à gagner le sol américain. Deux cent mille qui, malgré les interdictions municipales, se regroupèrent dans le même quartier, surnommé la New Montmartre, et continuèrent de s’exprimer dans leur langue maternelle. La communauté parisienne de New York formait un véritable État dans l’État, avec ses propres règles, ses restaurants clandestins, sa légendaire indiscipline et, surtout, une solidarité sans faille.
La porte s’ouvrit et livra passage à Aldine. Ses cheveux dénoués révélaient sa douceur originelle et rehaussaient sa beauté.
« Vous pouvez y aller : il n’y a plus personne dans le magasin.
— Pas trop tôt, maugréa Théo. On commençait à étouffer là-dedans.
— J’ai dû attendre que tout le monde sorte.
— Vous avez bien fait, Aldine, intervint Ganesh. Pourquoi nous avez-vous aidés ? Vous ne nous connaissez pas. »
Aldine réfléchit quelques instants, les sourcils légèrement froncés.
« Je ne sais pas. Sans doute parce que vous êtes de Paris…
— Combien de générations depuis que vos ancêtres sont arrivés à New York ? demanda Théo.
— Six.
— Vous êtes de septième génération, et ça suffit pour accorder votre confiance à deux inconnus ? Votre fibre parisienne est solidement implantée, dites-moi. »
Aldine se tourna vers Ganesh avec un sourire qui dévoilait ses dents parfaites aux reflets nacrés.
« J’ai aussi lu dans ses yeux que je pouvais vous faire confiance.
— Dans les yeux de Ganesh ? » Théo secoua la tête d’un air incrédule. « Vous êtes bien la seule à pouvoir lire quelque chose là dedans.
— Sois pas jaloux, Théo, railla Ganesh.
— C’est toi qui aurais des raisons de l’être si j’avais trente balais de moins. Allons-y, on n’est pas encore tiré d’affaire. »
Ils traversèrent l’étage désormais désert. Les rayons s’alignaient dans la pénombre comme les rangs d’une armée de spectres figés.
« Votre histoire de vie ou de mort, c’était sérieux ? demanda Aldine.
— Disons qu’il fallait éviter certaines rencontres, répondit Ganesh.
— Vous essayiez d’échapper aux flics ?
— Mieux vaut pour vous en savoir le moins possible.
— Tu sais vraiment parler aux femmes, toi, intervint Théo. Putain, c’est quoi, ça ? »
Deux ombres s’étaient extirpées de la pénombre une dizaine de mètres devant eux. Ganesh discerna un éclat métallique.
« Attention ! » glapit Théo.
Ganesh saisit Aldine par le poignet et la tira vers le rayon le plus proche. Une première détonation étouffée retentit, à peine perceptible. Le corps de la jeune femme lui échappa. Une deuxième détonation éclata. Il se jeta sur le côté tout en tirant son taz. Des balles sifflèrent autour de lui. Il pressa sans interruption la détente de son arme. Les rayons balayèrent l’espace devant lui et atteignirent tour à tour les deux hommes, qui s’affaissèrent l’un après l’autre, neutralisés. Le silence retomba, l’échange n’avait pas duré plus de trois secondes. Premier à se relever, Théodore se dirigea vers les corps secoués de spasmes de leurs poursuivants.
« Excellents réflexes, Ganesh. Nos deux anges gardiens sont HS. »
Ganesh chercha Aldine des yeux. Elle gisait trois mètres plus loin ; une auréole sombre s’agrandissait autour de sa tête. Il se rapprocha du corps de la jeune femme, agité de soubresauts, et constata que la moitié de son cou avait été emporté.
« Aldine a pris une balle dans le cou, murmura-t-il.
— Putain, lâcha Théo. Ces deux cinglés voulaient vraiment nous faire la peau. »
Il rejoignit Ganesh et se pencha à son tour sur Aldine.
« Appelons les urgences, suggéra Ganesh.
— Inutile, elle n’en a plus pour longtemps.
— On va tout de même pas la laisser crever comme ça.
— Tu sais ce qui se passera si on prévient les autorités ? Ils nous mettront au trou jusqu’à ce que l’affaire soit tirée au clair. Et même si on s’en sort, ça prendra plus d’une semaine. Une semaine. On a mieux à faire, Ganesh.
— Sans elle, c’est nous qui serions allongés avec une balle dans la peau.
— Je regrette pour elle, sincèrement, mais il faut arrêter ces putains d’Ombres, et on ne servira à rien si on reste coincés dans les bureaux de New York. Elle est en train de mourir. Aucune intervention d’aucune sorte n’y changera quoi que ce soit. »
Comme en écho aux propos de Théo, un long râle s’échappa des lèvres entrouvertes d’Aldine. Sa tête se tourna légèrement sur le côté, s’immobilisa. Ses yeux grands ouverts semblaient contempler pour l’éternité le plafond tendu d’obscurité.
« C’est fini, allons-y.
— J’ai parfois l’impression que tu n’as pas de cœur, Théo.
— J’en ai un, comme toi, et il bat fort, crois-moi, mais je ne le laisse pas prendre les décisions à ma place. Allez, on fout le camp. »
Je ne me lassais jamais de prendre le tube sous-marin entre Londres et New York, de contempler, par les hublots, des paysages fabuleux sans cesse renouvelés. La vie était intense au sein d’un océan que la plupart des spécialistes croyaient à jamais frappé de stérilité. Malgré leur incroyable inventivité en matière de destruction, les hommes n’étaient pas parvenus à éradiquer toute forme de vie sur cette minuscule planète Terre. On prétendait, par exemple, que les baleines avaient disparu et, pourtant, j’eus le rare privilège d’en apercevoir deux splendides spécimens au cours d’une traversée, deux énormes baleines à bosse qui jouèrent un long moment le long du tube avant de disparaître dans les profondeurs océanes. Fasciné par leur gigantisme et leur grâce, je songeai qu’elles étaient les messagères d’une ère nouvelle, que notre planète sortirait bientôt de son long hiver nucléaire et que nous, les hommes, pourrions bientôt nous évader de ces prisons à ciel ouvert qu’on appelle les Cités Unifiées.
Le ronronnement du moteur berçait le silence des profondeurs. Le tube était parti de New York trois heures plut tôt, ramenant la délégation parisienne à l’échangeur océanique de Tamise Central, près de Douvres. Ganesh et Théo avaient regagné l’hôtel sans difficulté par les rues et les passerelles. Alaric Bronier ne leur avait rien dit lorsqu’ils l’avaient croisé dans le hall, mais son regard furibond annonçait qu’ils n’échapperaient pas à une entrevue musclée.
Un adjoint vint les chercher alors qu’ils commençaient à s’assoupir sur leurs sièges dans le compartiment réservé à la délégation. Alaric Bronier, assis à son bureau, les accueillit d’un sourire glacial et congédia l’adjoint d’un geste de la main.
« On peut savoir où vous étiez passés, messieurs ? attaqua le maire sans préambule. Nous avons failli alerter les gémines de Paris et créer un incident diplomatique avec la municipalité de New York.
— Nous essayions seulement de glaner des renseignements pour les besoins de l’enquête, Monsieur, répondit Théo.
— En tant que membres de la délégation officielle, vous n’êtes pas censés disparaître sans prévenir, vitupéra Alaric Bronier. Bon Dieu, il faudrait que les fouineurs de Paris apprennent à se discipliner un peu. Avez-vous appris quelque chose, au moins ?
— Rien de nouveau, hélas. À mon avis, les grubs de New York sont dans la même panade que nous. »
Le maire se tourna vers Ganesh.
« Et vous, qu’en pensez-vous ?
— La même chose que Théodore, Monsieur : les New-Yorkais n’en savent pas davantage que nous sur les Ombres.
— Ils vous ont peut-être dissimulé certaines de leurs informations.
— Je ne crois pas, Monsieur, intervint Théo. Ils étaient visiblement mortifiés de révéler l’étendue de leur ignorance. »
Le regard du maire s’attarda un instant sur les poissons multicolores qui évoluaient de l’autre côté de la baie vitrée.
« Je n’en suis pas aussi certain que vous, reprit-il. La municipalité de New York nous a semblé très agressive, très offensive lors du conseil. Sûre d’elle. Comme si elle disposait de cartes secrètes dans sa manche.
— Vous pensez que ces cartes secrètes ont un lien avec les Ombres ? demanda Ganesh.
— Je vais exprimer autrement la pensée de Ganesh, si vous permettez, Monsieur, déclara Théo. Soupçonnez-vous les autorités de New York d’avoir elles-mêmes orchestré le phénomène des Ombres pour prendre le pouvoir sur les deux autres cités ?
— Difficile de se résoudre à concevoir une telle énormité, n’est-ce pas ? » Le regard du maire revint se poser sur ses deux interlocuteurs. « Difficile de croire qu’un responsable digne de ce nom provoquerait la mort de milliers d’innocents pour asseoir sa domination sur NyLoPa. Je refuse d’y croire, même si je n’élimine pas totalement cette éventualité.
— Je n’y crois pas non plus, approuva Théo. On trouvera un indice un jour ou l’autre, qui nous mettra sur la piste, laquelle nous conduira tôt ou tard dans l’antre secrète des Ombres. Un responsable digne de ce nom n’aurait jamais pris ce genre de risque.
— Sauf s’il avait à ses côtés les grubs de New York… »
Probabilités : 46 %. Élevées.
« Le risque zéro n’existe pas, dit Ganesh. Il y a toujours des impondérables, des graines de chaos qui se glissent dans les rouages les mieux huilés. Que le responsable dont vous parlez exploite la situation à son avantage, c’est possible, et même probable, mais qu’il en soit le cerveau, ça me paraît inconcevable. Le motif ne me convainc pas : on ne tue pas des milliers de gens pour prendre le pouvoir dans un conseil municipal.
— Ce ne serait pas la première fois dans la longue histoire de l’humanité qu’on immole des innocents sur l’autel du pouvoir, objecta le maire. Le pouvoir rend fou.
— Vous, Monsieur, seriez-vous prêt à ce genre d’atrocités pour assouvir votre soif de pouvoir ? »
Le maire garda un temps de silence, les yeux rivés sur la baie vitrée où dansaient des algues.
« Je me garderai de considérer votre question comme offensante, jeune homme, finit-il par répondre d’une voix étrangement neutre. Je me contenterai de vous demander de mettre les bouchées doubles à votre retour. Il me faut des résultats, vous m’entendez ? Il faut absolument que vous arrêtiez les Ombres, d’où qu’elles viennent. ABSOLUMENT. »
« Niveau de pollution 2, niveau de pollution 2, risques de contamination très faibles, risque de contamination très faibles. »
Théo retira son chapeau ; les rafales de vent jouèrent dans ses cheveux. Les nuages lourds et noirs sur Paris menaçaient de s’éventrer à tout moment. Les passants marchaient vite, courbés, pressés de se mettre à l’abri de l’averse qui s’annonçait.
« Ça fait du bien de retrouver ce bon vieux Paname ! s’exclama Théo. New York ne me plaît pas. Et je déteste le tube sous-marin. »
Il avait passé le reste de son voyage à dormir pendant que Ganesh, assis sur le siège voisin, voguait sur un flot tumultueux de pensées alimenté par les statistiques et les analyses de sa biopuce.
« Le maire a l’air de penser que la municipalité de New York a un lien avec les Ombres, Théo. Pourquoi tu lui as dit le contraire ? Pourquoi tu ne lui as pas parlé de la puce que tu as trouvée dans le repaire de la Fin des Temps ?
— Parce qu’on n’est sûr de rien et qu’il vaut mieux garder les coudées franches. Le secret, Ganesh, c’est la clef du succès.
— Ni Tom ni un autre grub ne nous a recontactés avant notre départ.
— Ils ont probablement eu un empêchement. Mais, crois-moi, ils sauront nous trouver en cas de besoin.
— Et les deux types qui nous ont coursés, par qui crois-tu qu’ils ont été envoyés ?
— Je suis trop crevé pour réfléchir, je rentre. À demain, Ganesh.
— À dans deux jours, tu veux dire : on nous a généreusement octroyé une journée de récup. »
Théo s’éloigna sur le trottoir. Les premières gouttes de pluie tombaient, éparpillées par le vent, hérissant la surface de la Seine.
« Arrête le thé et la méditation, Ganesh, et fais plutôt la fête, c’est de ton âge. »
Théo lâcha un petit rire avant de disparaître dans une rue perpendiculaire.
Emmy appela sur le vieux téléphone de Ganesh à peine deux minutes après qu’il eut regagné son appartement et retiré ses chaussures. Son visage s’afficha sur l’écran mural du salon. Toujours aussi blonde et jolie. Il valida la fonction affichage du visage sur les écrans de sa correspondante.
« Tu es rentré, Ganesh ?
— Pourquoi tu m’appelles, Emmy ? Je croyais que c’était fini entre nous ?
— Je voulais savoir, enfin, si tu allais bien. J’ai appelé les jours précédents, et comme je n’avais pas de réponse, je m’inquiétais.
— Tu craignais que je me foute en l’air ?
— Tu avais l’air si désespéré l’autre jour… »
Malgré la fatigue, Ganesh tenta d’arborer une mine enjouée.
« J’étais à New York, avec la délégation officielle de la mairie de Paris. Tu dis que tu t’inquiétais pour moi ?
— Tu me manques, Ganesh.
— Je suis devenu fouineur, Emmy.
— Je pensais… enfin, je veux revivre avec toi. »
Ganesh aurait dû déborder de joie, mais les mots d’Emmy le laissaient indifférent, comme si les sentiments étaient morts en lui.
« Tu es consciente que la vie avec un fouineur n’est pas rose tous les jours ? Que je peux être appelé sur une affaire à n’importe quelle heure du jour et de la nuit ? Que ma biopuce ne me fout jamais la paix ?
— Je sais, mais je ne supporte pas l’idée de ne plus te voir. Toi, qu’est-ce que tu en penses ? »
Ganesh tenta de gagner du temps.
« Qu’est-ce que tu dirais d’aller dîner en ville ce soir ?
— J’en serais ravie. Autre chose qu’un curry, si ça ne te fait rien.
— D’accord, je laisse tomber ma panoplie indienne et je passe te prendre chez toi dans une petite demi-heure.
— Je serai prête. Oh, Ganesh, je suis si…
— Si quoi ? »
Le visage d’Emmy se métamorphosa soudain en un masque blême et grimaçant.
« Il fait noir… j’ai du mal à…
— Emmy ? »
La respiration de la jeune femme devint sifflante.
« Je ne peux plus respirer… J’ai froid… si froid…
— Emmy ? Qu’est-ce qui se passe, merde ?
— Ganesh… »
Elle poussa un râle semblable à celui d’Aldine dans le magasin de New York. Puis, la communication s’interrompit et son visage s’effaça de l’écran, qui recouvra sa transparence habituelle.