Cincinnati, Ohio
Jeudi 6 novembre,
17 h 56
— Deacon !
Faith se laissa tomber à genoux près de lui, le sang giclait d’une blessure à la gorge. Lâchant l’arme qu’elle avait utilisée pour tirer sur Jordan, elle comprima la plaie des deux mains pour essayer d’arrêter l’afflux de sang.
— Dani ! A l’aide !
Des agents en uniforme jaillirent des trois voitures de patrouille et se précipitèrent vers eux. Dani sortit du fourgon d’un pas mal assuré. Son regard passa de Greg à Deacon et elle fut près de son frère aîné en une fraction de seconde.
— Qu’est-ce que je fais ? demanda Faith, essayant de surmonter sa panique.
— Occupe-toi de Greg. Trouve ce que tu peux pour arrêter l’hémorragie. Je me charge de Deacon. Vas-y !
Faith démarra, dérapant sur l’asphalte, vers l’endroit où Greg était allongé, pâle, le regard vague.
— Comment va D. ? bredouilla-t-il. Que s’est-il passé ?
— Dani s’occupe de lui, indiqua Faith, tentant de garder un ton confiant. Où as-tu été touché ?
— A la jambe, dit Greg. Ça fait un mal de chien.
Ça n’avait pas l’air trop grave, songea Faith. La blessure ne saignait pas comme celle de Deacon. Elle retira son sweat-shirt et pressa le tampon improvisé sur la blessure. Puis elle regarda la fillette, assise sur le trottoir, qui observait la scène de ses grands yeux noirs.
— Tu es Roza, dit-elle. Je suis Faith.
— Faith Frye, fit Roza. Il avait peur de vous.
— Bien, dit Faith avec un vigoureux hochement de tête. Il avait raison.
Roza riva son regard au sien.
— Il a tué ma mère, dit-elle.
Faith hocha la tête avec sobriété.
— Il a aussi tué la mienne.
— Alors, c’est bien que nous l’ayons tué toutes les deux, déclara la fillette d’un ton neutre. Où est Corinne ?
— A l’hôpital. Elle va bien. Elle s’inquiétait pour toi.
— Je vais bien, répondit l’enfant, toujours sans intonation.
Oh ! non, ma petite chérie, songea Faith. Tu ne vas pas bien. Aucun de nous ne va bien.
— Où as-tu eu le couteau ?
— Corinne me l’a donné dans les bois.
— Comment t’es-tu libérée ?
— Elle m’a donné le couteau, dit la voix de Dani derrière elles. J’ai coupé ses liens. Elle était censée me libérer ensuite mais, au lieu de ça, elle l’a poignardé.
Rassemblant son courage, Faith se retourna pour regarder Deacon et son cœur manqua un battement. Son visage était presque aussi pâle que ses cheveux. Mais les mains de Dani s’affairaient avec rapidité et assurance. Leurs regards se croisèrent une fraction de seconde, Dani lui adressa un hochement de tête rassurant, et son cœur reprit un rythme un peu plus régulier.
— Il va mourir ? demanda Greg.
Faith reporta son attention sur le garçon.
— Non. Il ne va pas mourir. Il ne peut pas. Dani ne le laissera pas faire. Aucun de nous ne le permettra.
Un des policiers arriva près de Greg avec une trousse de premiers secours.
— Je peux prendre le relais, madame, dit-il.
Faith acquiesça d’un signe de tête, puis s’éloigna en glissant sur les fesses pour lui laisser le champ libre. Elle n’avait plus assez d’énergie pour se relever. Une paire de bras robustes la hissa sur ses pieds. Elle se retrouva nez à nez avec un Adam Kimble très pâle et très secoué.
— Vous lui avez sauvé la vie, dit-il d’une voix rauque d’émotion. Regardez.
Faith ravala ses larmes et ils se tournèrent tous les deux vers Deacon. Ses yeux si singuliers étaient ouverts et la fixaient. S’il avait le souffle un peu court, au moins sa respiration était-elle régulière. Le pansement de fortune de Dani tenait bon et le sang ne giclait plus de sa gorge. Il leva le bras de quelques centimètres et tendit la main.
Elle marcha vers lui sur des jambes en caoutchouc, Kimble l’accompagna, la maintenant debout, jusqu’auprès de Deacon. Elle tomba à genoux une deuxième fois et lui saisit la main pour la porter à ses lèvres.
— Merci, lâcha-t-il, articulant en silence.
Elle lui sourit.
— Je t’avais dit que je ne ratais pas ma cible.
Deacon eut un demi-sourire. Une ambulance s’arrêta derrière les trois voitures de police.
— Ton taxi est là, ajouta-t-elle. Ils vont devoir te raccommoder, mais je serai là quand tu ouvriras les yeux.
* * *