Mount Carmel, Ohio
Lundi 3 novembre,
19 h 45
Deacon aborda les marches extérieures avec précaution et découvrit avec soulagement qu’elles étaient assez solides. Pendant qu’Adam forçait la porte d’entrée avec un pied-de-biche, il examina le vaste porche et lui trouva une certaine élégance.
— En haut ou en bas ? demanda Adam.
— En haut, répondit Deacon.
Adam s’accroupit. Deacon ouvrit la porte et ils se faufilèrent à l’intérieur, fouillant la pièce du regard.
— Bon sang, chuchota Deacon.
Les hauts plafonds et l’escalier incurvé témoignaient encore du faste passé des lieux. Le papier peint se décollait et tout le mobilier était recouvert de draps. La pièce semblait antique, triste et solitaire.
Deacon sortit une paire de protections de sa poche et les enfila sur ses chaussures. Derrière lui, il entendit Adam se livrer à la même manœuvre. Ils passèrent de pièce en pièce, sans rien trouver. La couche de poussière n’avait pas été dérangée. Visiblement, personne n’avait vécu ici depuis très longtemps.
Ils arrivèrent dans la cuisine. Les appareils électroménagers, la table et les chaises dataient des années 1920 et, comme tout le reste, semblaient ne pas avoir été touchés depuis une éternité. Mais, sur le sol, la couche de crasse avait été effacée sur un trajet précis — un chemin qui commençait à la porte d’acier donnant sur le côté est de la pelouse, et s’arrêtait devant une porte intérieure plus ancienne, taillée dans un bois solide, avec une serrure d’époque.
Deacon tira sur la poignée et fut surpris de la sentir céder facilement. Le mécanisme n’émit pas le moindre craquement tant les gonds étaient bien huilés.
— La cave, précisa-t-il en silence.
Il évalua la volée de marches qui disparaissait dans le noir. Et mince, se dit-il, en remarquant la pulsation d’une lueur rouge qui se répétait régulièrement à plusieurs secondes d’intervalle. Ils avaient déclenché une espèce d’alerte silencieuse.
Quand Deacon commença à descendre, le rayon de sa lampe révéla des traces de mains rouges sur les murs. Et sur les marches. Les empreintes fraîches étaient de la même taille que celles qu’il avait vues dans le pick-up accidenté de la compagnie d’électricité.
Arianna était passée par ici. Elle s’était appuyée au mur en grimpant l’escalier. Adam et lui continuèrent à progresser avec prudence, puis ils s’arrêtèrent au bas des marches, le temps de prendre leurs repères. Ils se tenaient dans un couloir long et étroit qui courait sur toute la largeur de la maison. Il y avait une porte à une extrémité et d’autres des deux côtés. L’odeur d’un produit d’entretien au citron imprégnait l’air. Quelqu’un avait fait le ménage.
Deacon fit signe à Adam et l’envoya vers la gauche. Lui-même partit sur la droite, ouvrit la première porte et grimaça lorsqu’une lourde odeur de javel pure le frappa comme une brique. Sa Maglite illumina les portes battantes de meubles de rangement aux étagères vides. Une table d’acier, munie de rigoles pour recueillir le sang, trônait au milieu de la pièce. On utilisait le même modèle dans les morgues. Des cordes pendaient des quatre coins.
C’était ici qu’Arianna avait été torturée. Il en était persuadé.
Où était Corinne ? Il éclaira tous les coins de la pièce, mais ne vit personne.
La porte suivante ouvrait sur une kitchenette, équipée d’un petit réfrigérateur, d’un four traditionnel et d’un micro-ondes. Une table à battants, juste assez grande pour deux, était poussée contre un des murs. Elle semblait ancienne et provenait sans doute du rez-de-chaussée. Deacon fouilla les placards, l’intérieur du four. Rien. Il rassembla son courage, puis ouvrit le congélateur, craignant ce qu’il pourrait y trouver.
Il cilla, surpris. Des pizzas surgelées étaient stockées en trois colonnes nettement empilées, chaque boîte précisément alignée sur ses voisines. Le compartiment réfrigérateur ne contenait qu’une bouteille de deux litres de Coca Light, quelques bouteilles d’eau et des flacons de ketchup. En fouillant la poubelle, il trouva un emballage écrasé ayant contenu un plat à emporter. Il le souleva avec précaution et renifla. Les déchets étaient encore frais. Pas plus de un jour ou deux.
Il sortit de la cuisine et retrouva Adam dans le couloir étroit.
— Tu as vu quelqu’un ? chuchota-t-il.
— Personne. Ni mort ni vif.
— J’ai trouvé sa salle de torture, mais elle a été vidée et aspergée de javel. Dans la cuisine, le congélateur est plein de pizzas.
— J’ai trouvé un bureau, vidé aussi. Et une cellule.
Deacon le suivit dans une autre petite pièce uniquement meublée d’un lit de camp. Quelques centimètres au-dessus de cette couche rudimentaire, une chaîne était fixée au mur. Au bout de la chaîne, des menottes. Elles avaient été déverrouillées.
Adam braqua le rayon de sa lampe sur deux cheveux pris dans le cadre métallique du lit de camp. Blonds. Comme ceux de Corinne Longstreet. Elle avait été ici et ils l’avaient manquée.
Deacon revint dans le couloir et saisit du coin de l’œil le mouvement d’une ombre. Une couverture noire était suspendue au plafond. Une fois de plus, il rassembla son courage, redoutant ce qu’il allait découvrir. Il écarta la couverture et cilla de surprise.
Un tunnel s’ouvrait dans le mur de terre. Deacon avança d’un pas avec prudence, vérifia la solidité du plafond brut, puis jeta un regard derrière lui. Adam était sur ses talons.
Ils progressèrent accroupis, car le diamètre du tunnel n’excédait pas un mètre soixante-quinze et diminuait à mesure qu’ils progressaient. Ils débouchèrent dans une cave aux dimensions exiguës. Environ un mètre cinquante sur deux mètres quarante-cinq et peut-être un mètre cinquante de haut.
Deacon balaya la cave du rayon de sa lampe, révélant une couverture proprement étalée sur le sol. D’un côté, un oreiller. De l’autre, une seconde couverture était tout aussi soigneusement pliée. Et, au milieu de ce petit espace, une boîte.
— Quelqu’un vivait ici, dit-il à voix basse.
— Jette un coup d’œil, chuchota Adam. Je retourne monter la garde dans le couloir. S’il cherche à nous surprendre, je ne tiens pas à me retrouver coincé ici.
— Ça marche.
Deacon s’accroupit aussi bas que possible, coinça le bas de son manteau sous son bras et se dandina sur le sol de terre battue jusqu’à voir ce qui se trouvait à l’intérieur de la boîte.
Elle contenait un triste assemblage d’objets : une brosse à cheveux au tiers dégarnie ; un jean très usé avec de multiples pièces et deux T-shirts, eux aussi nettement pliés ; une tasse et une assiette de métal ; une brosse à dents usée ; et un disque de plastique grand comme un moule à tarte avec un couvercle bombé. L’étiquette des T-shirts indiquait que la femme était de petite taille.
Il effleura le couvercle bombé du disque de plastique et tressaillit lorsqu’une lueur sourde illumina soudain l’intérieur de la boîte. Une veilleuse. La personne qui avait dormi dans cette petite cave avait au moins disposé d’un peu de lumière. Il éteignit la lampe, revint sur ses pas en se redressant graduellement. Puis, il repassa sous la couverture et arriva enfin dans le couloir où Adam l’attendait, pas très patiemment.
— Alors ?
— Je ne sais pas qui vivait là-dedans, mais cette personne portait une petite taille de femme, indiqua Deacon. La boîte était presque vide, mais on dirait que quelqu’un faisait ses bagages et s’est interrompu. Laissons les gars de la scientifique faire leur boulot ici. Je veux apprendre ce que Faith sait exactement à propos de sa maison.