Anya passa son bras par-dessus les épaules nues et brûlantes de son époux tandis qu’il maintenait à bout de bras, au-dessus du visage de la jeune femme, un morceau de carton, trouvé au bord de la chaussée, pour la protéger du soleil.
Anya admirait Anton pour son intrépidité, sa façon d’enjamber l’angoisse, de ne tenir compte que du présent, de se préoccuper de la blessure de la jeune femme, de ce soleil sans pitié, de ce sang dont il fallait arrêter l’écoulement. Elle l’aimait pour le peu de cas qu’il faisait de sa propre personne. Elle l’aimait en son corps vieilli, en ses cheveux blanchis, à cause de leurs souvenirs obscurs et lumineux, tendres et orageux ; aussi à travers son désir de garder la jeune femme en vie jusqu’à l’arrivée de Steph.
Elle avait eu du mal à le décevoir, à lui dire que Steph avait disparu, qu’il ne fallait plus compter sur son arrivée, que la foule était trop dense, qu’elle n’avait pas pu l’atteindre ou même lui communiquer le message et qu’il s’était engouffré dans un car qui s’éloigna à grande vitesse. Elle lui raconta cela, tout bas.
C’était grave, si grave qu’Anton en oublia le bref passage du franc-tireur.