De Monique Duchêne à Harry Rosenmerck

 

 

La Capelle-Masmolène, le 4 juillet 2009

 

 

Cher Harry,

 

Je suis dans la maison de mes parents. Je dis ça comme s’ils pouvaient surgir à tout instant. Les enfants ressentiront peut-être la même chose un jour dans cette même maison ?

Te souviens-tu de notre premier week-end ici ? Maman avait bien sûr préparé un rôti de porc pour le premier dîner de mon amoureux juif. Elle jurait qu’elle ignorait que les juifs ne mangeaient pas de cochon ou qu’elle avait oublié… J’en ris aujourd’hui mais ça nous avait presque séparés…

Il fait beau ici, comme toujours. Et l’odeur des pins me berce. Figure-toi que La Capelle et Masmolène, ces deux villages qui se détestaient à l’époque, sont désormais un seul et même village. La mairie a été construite pile entre les deux ! Les gens se haïssent toujours mais ils vivent dans un unique village. Ils sont d’accord sur une seule chose qui les lie : l’amour qu’ils portent au maire.

Le figuier que tu as planté avait l’air mort la semaine dernière, il était achevé, presque à terre. Depuis que je l’ai fait redresser avec des cordes, comme amarré à la vie, que j’ai creusé un trou autour de lui et que j’y ai versé de l’eau, des pousses vertes sont apparues et des petites figues naissent au bout de ses branches. Il y a encore des fruits morts sous son tronc qui semblent être des tas de souvenirs qui disparaissent dans le sol. Et ses feuilles anciennes qui volent au vent. Ça n’a pas été facile. Et puis rien n’est fait. Mais cet arbre me ressemble et ses racines sont plantées dans le sol de ma maison. S’il repousse, s’il donne des fruits, alors moi aussi peut-être ?

Ton arbre me donne des forces comme le regard de nos enfants.

Je rentre demain à Paris pour voir David, il sera bientôt chez toi…

 

Monique