Le chien
Par Emma Kazan
Au bou de la lesse, il avansse sagement. Il pran
la position de l'artiste pour décorer les trotoirs de ses oeuvres
odorentes. Puis il continue, machinalement. Ses toiles sont tinté
de rouge mais il est daltaunien, alors tout est normal. Ce matin,
ELLE pleuré en grattant le creux de ses oréilles. « Pleures-tu mes
puces ? » lui a-t-il demandé, mais, sans comprendre, ELLE a béssé
les yeux et changé de pièce. Alors, IL est arrivé. Le chien remué
la queue, même si le collié était trop serré. Un bou de liberté.
Cette liberté routiniaire et limitée. Il allait y goûté. Comme s'il
oubliait à chac fois que sa vie s'arrêtait à cinq cents maitre.
Demi-tour devant la boucherie de M. Georges. Ce gros homme au
regard ésitant : saucisses, chien, escalopes de porc, chien,
romstek, chien. Il vit la vie de son meître, sans anfant, sans
sourire. Simplement sa pâté, son canapé et ce demi-tour à la
boucheri. Une vie de chien.
Mais ce matin, le collié étrangleur l'étrangle.
Les mouvements de son maître sont nerveux. Lui ne peut pas courir,
il n'a jamais vraiment couru. Ses intestins souffrent quand
seulement deux de ses pates touchent le sol. Il tomberait sûrement.
Il se sans lourd mais marche tout de maime. C'est tout ce qu'il a.
Plus que cent maitres et ce sera le demi-tour. M. Georges les salue
de sa voix gutturale. Il a un cou de dindon mais le chien ne s'y
atarde pas, il ne sait pas ce que c'est, un dindon, il n'en a
jamais vu. Puis la voix forte besse d'un ton et finit par un «
j'comprand... ». Le maître vassille sous une tape dans le dos,
sourire gêné. Il tire la lesse. Le chien a mal mais trottine
mollement. Pas de demi-tour ojourdui. Paraîtrait que la liberté
s'agrandit. Comme les yeux du chien. À cinquante maitres, une
enseigne lumineuse. Vingt mètres. Ça sent l'étair. Et le chien
comprend. Il est déjà venu et a souffert. Il sait, alors il
s'arrête. Et hurle. Hurle à la mort. À sa propre mort. Et
s'écroule. Le chien comédien simule bien. La pate arrière
convulsive, la langue lavant le macadame. Le maître a lâché la
lesse et cherche de l'aide dans les yeux du monde. Le chien rigole,
le mètre croit y entendre un dernier souffle. Il s'en veut et ce
matin, le monde n'a pas d'yeux, même pour les chiens. Alors le
maître fuit, prétand que ce n'est pas son chien, et économise
l'argent d'une dose mortaile. L'œil vitreux, le chien observe son
maître passer devant la boucherie, la tête basse et la queue entre
les jambes. M. Georges ne l'araite pas et gratte son cou de
volaille. Alors le faux cadavre canin aux crocs crades et à la
crotte rouge se relève et trotte vers une nouvelle liberté sans
main au bou de la lesse que celle des dales grises de la ville. Et
arrivé devant l'ensaigne bleue, il se surprend à courir, la langue
dans le vent. Seulement deux pates au sol et ses intestins sont
toujours la, il respire. Il vit. C'est la révolution cannine.