Quelques heures ont passé, je me repose sur le
divan, les pieds à nouveau posés sur la table de verre.
Ma mémoire semble m'offrir de plus en plus de
souvenirs. Elle doit vouloir démarrer avec les pires. Elle a plutôt
intérêt à se calmer si elle veut que mon cœur tienne la route. Je
ne sais pas si je supporterai qu'elle continue comme ça.
Lillard me le confirme dans la seconde en sautant
du mieux qu'il le peut sur mes cuisses. Je l'aide, porte ses pattes
postérieures pour qu'il puisse se positionner à son aise. Il me
regarde, amoureux, vrombissant à chaque caresse que je lui porte.
Ses yeux sont fermés d'extase, il ne voit pas la larme qui coule
doucement sur ma joue. De toute manière, même s'il l'apercevait, il
ne saurait pas ce que c'est. Les chats ne pleurent pas. Ils
hurlent. Comme des bébés. J'ignore comment j'ai pu laisser faire
tout cela. Vraiment.
À la télévision, cinq hommes sont priés, en moins
de sept minutes s'il vous plaît, de trouver la femme de leur vie.
Les questions fusent, plus vite que l'éclair, sur leur couleur,
leur position, leur plat favori. Dix femmes exhibent leurs plus
intimes préférences devant les caméras. L'écran géant me permet de
discerner, sous tout le maquillage qu'elles supportent, de l'acné
naissante. Quelques boutons par-ci, par-là, rien de bien terrible.
Elles paraissent si jeunes, si malléables. Prêtes à procréer, le
cul jeté en arrière, croyant encore ou presque à leurs rêves de
petites filles. Qui pourrait leur expliquer que le prince charmant
n'a rien de comparable à celui des contes de fées? Qui pourrait
leur expliquer que la normalité n'est pas d'exposer sa vie à des
milliers d'yeux avides? Qui pourrait leur faire comprendre tout
cela? Oprah, tu es out.
Définitivement.
Le chat s'est endormi, dans une posture des plus
bizarres. Karter est dans la cuisine. Il n'a pas tort, il faut
prendre des forces, demain est un autre jour.