De nouveau seule avec l'homme aux baskets rouges.
Le soleil d'hiver, blanc et douloureux, pénètre sous les stores,
éclairant chaque recoin de la chambre.
- Tu as pleuré princesse?
Cette phrase était emprisonnée dans la bouche de
Karter depuis plusieurs minutes. Je le sens soulagé de pouvoir
enfin me parler. Alors, je glisse ma main sous l'oreiller et sens
la feuille de papier plier sous mes doigts.
- Nous avons trouvé ça sous le lit Jade et moi
tout à l'heure.
Il s'assoit près de moi et examine le papier
griffonné que je lui tends. Son expression change. Ses traits
changent. En l'espace d'une seconde, le papier se froisse entre ses
doigts sous quelque tic nerveux. Il est près d'exploser. Tout
près.
- Biaggi?
- Je crois, oui. Il se fout de savoir qui m'a
violée. Je ne crois pas qu'il ait noté une seule de tes
réponses.
- Dès que nous serons sortis d'ici, je vais
retrouver cet empaffé. Je peux te jurer qu'il va entendre parler de
moi. Tu peux me faire confiance, il va savoir qu'il a fait une
belle connerie. Peut-être la plus belle connerie de sa vie.
Les doigts de Karter tremblent sur l'obscénité du
dessin. Son visage a changé, comme si la cicatrice, au-dessus de sa
lèvre, avait enflé sous l'afflux trop brutal du sang.
Je crois que cet inspecteur Biaggi de mes deux a
intérêt à se planquer vite fait bien fait, s'il tient à garder la
moindre ressemblance avec De Niro. Si Karter le trouve, c'est à la
foire qu'il pourra partir en mission d'infiltration, et postuler
pour le rôle de Joseph Merrick.